Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du 8 avril 2021 à 21h30
Respect des principes de la république — Article 39 bis

Gérald Darmanin :

Nous avons constaté, monsieur Sueur, qu’avec l’islam, mais pas uniquement, cette pratique se perdait de plus en plus.

Par ailleurs, le mariage religieux est parfois utilisé non seulement pour obtenir des papiers sur le sol de la République, mais aussi à des fins de polygamie. Nous pouvons convaincre quelqu’un de polygamie en raison de plusieurs mariages religieux, ce qui renvoie au débat que vous avez eu avec Mme Schiappa dans cet hémicycle il y a une semaine.

Ensuite, monsieur Sueur, comme vous l’avez vous-même souligné, le législateur a déjà prévu une peine de prison, que nous souhaitons aggraver. Cette mesure a une fonction pédagogique, comme l’a rappelé, Mme la rapporteure. Ce sera sans doute l’occasion de le rappeler aux officiers d’état civil qui agissent au nom du procureur de la République, et non au nom du ministère de l’intérieur.

Cette peine complémentaire prévue à l’article 39 bis me paraît de nature à vous intéresser, puisque la peine d’interdiction du territoire français peut être prononcée dans les conditions prévues à l’article 131-30 du code pénal, soit à titre définitif, soit pour une durée de plus de dix ans, à l’encontre de tout étranger coupable de l’infraction définie, c’est-à-dire à l’encontre de celui qui marie. Cette personne a été définie par la jurisprudence du Conseil d’État comme étant le ministre du culte, qu’il s’agisse d’un imam ou même d’un laïc.

Le fait que l’islam pratiqué en France soit majoritairement un islam sunnite – c’est-à-dire sans clergé, contrairement à d’autres religions ou à l’islam chiite – n’entre donc pas en ligne de compte.

Enfin, l’article 433-21 du même code prévoit que le juge puisse prononcer une sorte de peine complémentaire à la peine d’interdiction du territoire.

Je souligne que cette infraction va souvent de pair avec d’autres infractions : si un ministre du culte a l’habitude de marier des gens en se passant de M. le maire, c’est bien qu’il s’inscrit généralement dans une tendance non acceptable sur le territoire de la République !

Si Mme la rapporteure me permet de corriger une de ses affirmations, j’ai découvert à l’occasion des travaux préparatoires à ce texte que la loi ne prévoyait pas obligatoirement le passage devant un officier d’état civil, car elle autorise, en effet, de manière exceptionnelle, que l’on puisse procéder au mariage religieux sans procéder au préalable au mariage civil.

Je vous donne lecture de l’article 433-21 du code pénal : « Tout ministre d’un culte qui procédera, de manière habituelle – j’insiste bien sur ce point –, aux cérémonies religieuses de mariage sans que ne lui ait été justifié l’acte de mariage préalablement reçu par les officiers de l’état civil sera puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende. » Cela signifie que la République reconnaît exceptionnellement, notamment à la demande de l’Église catholique, des mariages religieux in extremis afin que la veuve puisse obtenir une pension. Nous reconnaissons donc les croyances et les aspirations de ceux qui souhaitent avant tout se marier religieusement, en raison de l’importance symbolique du sacrement au-delà de son caractère légal.

Monsieur Sueur, ce qui compte dans cet article, c’est qu’il pénalise le ministre du culte qui est responsable et qui célèbre de manière habituelle – je dis bien de manière habituelle – des mariages sans respecter les lois de la République.

Il me semble, pour ma part, qu’une telle réponse est proportionnée. C’est précisément parce qu’il s’agit de coups de canifs importants dans le pacte républicain qu’il importe d’y revenir.

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