Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du 8 avril 2021 à 21h30
Respect des principes de la république — Article 44

Gérald Darmanin :

Je suis en désaccord avec la commission sur deux sujets, même si, philosophiquement, nous sommes d’accord sur le fond.

Premier point de désaccord : nous souhaitons rétablir une disposition très importante qui a été censurée – le mot est trop dur… –, ou plutôt retirée par la commission. Cette disposition prévoyait comme motif d’interruption de l’activité d’un lieu de culte l’encouragement à la haine ou à la violence ainsi que leur justification.

La commission a décidé que le ministre de l’intérieur ne pourrait pas invoquer ce motif. Je suis assez surpris ! En effet, un tel fondement nous permettrait d’intervenir dans des situations non pas de séparatisme absolu, mais de grande violence, lorsque ces propos sont prononcés dans un lieu de culte, qui plus est à un moment particulier. Nous souhaitons donc le rétablissement de ce motif.

Deuxième point de désaccord : la commission a souhaité prévoir un délai de trois mois pour la fermeture du lieu de culte. Or nous pensons très sincèrement, pour avoir consulté de nombreuses fois le Conseil d’État, qu’un tel délai sera censuré par le Conseil constitutionnel comme étant exorbitant du droit commun. Voilà pourquoi nous avions proposé un délai de deux mois.

À titre personnel, madame la rapporteure, j’aurais pu proposer un délai d’un ou deux ans ; cela ne m’aurait pas dérangé. Mais il faut savoir raison garder : la fermeture pour motif lié au terrorisme est de six mois. Un délai de deux mois nous paraît donc raisonnable. Pour tout vous dire, l’administration m’avait proposé un délai de quinze jours dans la première mouture du texte…

Je le répète, le délai de deux mois sera sans doute validé par le Conseil constitutionnel parce qu’il est proportionné.

Si nous constatons, au bout de deux mois, que le dirigeant concerné est toujours là, que ses propos se trouvent toujours sur internet et qu’il les réitère, alors la fermeture peut être renouvelée par une décision motivée de l’administration, laquelle pourra être annulée par le juge administratif pour excès de pouvoir.

Je précise, par avance, que je m’opposerai aux amendements qui sont trop en deçà de l’article 44, comme celui de Mme Benbassa ou ceux de M. Sueur, comme à ceux qui vont trop au-delà, comme celui de M. Retailleau ou celui de M. Ravier.

Nous sommes à un point d’équilibre. Nous devons, à la fois, donner des motifs très solides pour procéder au titre de l’article 44 à la fermeture de ces lieux de culte, et nous en tenir au délai de deux mois. On peut en effet toujours se faire plaisir dans ce débat, mais si l’article est censuré par le Conseil constitutionnel, alors nous ne disposerons plus de cette arme administrative.

Pardonnez-moi d’avoir été un peu long, madame la présidente. Il est dommage que cet article soit examiné à vingt-trois heures vingt-sept, car il est sans doute l’un des plus centraux du texte.

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