Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, messieurs les rapporteurs, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je suis heureuse de prendre la parole devant vous à l’occasion de l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi pour une sécurité globale préservant les libertés. M. le président Buffet indiquait voilà quelques mois, à raison, je le crois, qu’il s’agissait du texte le plus important en termes de sécurité depuis la Loppsi de 2011.
Ce texte contient de très belles avancées. Je ne reviendrai pas sur chacune des dispositions. Je résumerai en quelques mots l’esprit de la présente proposition de loi, dont le ministre de l’intérieur a pu débattre ici avec vous.
Il s’agit d’un texte de confiance.
Confiance d’abord dans nos maires et nos polices municipales : nous voulons faire confiance aux élus de terrain ; nous voulons donner la possibilité, avec l’article 1er, à ceux qui le souhaitent de faire expérimenter des compétences nouvelles à leurs agents, dans le strict respect de leurs compétences et de celles de l’État.
Nous avons pu entendre ici ou là dans les débats que cet article marquerait une forme de désengagement de l’État ou qu’il aboutirait à confier des missions régaliennes à des agents de police municipale n’étant pas en capacité de les exercer. Je tiens à le redire ici solennellement, l’ambition du Gouvernement, qui rejoint celle des rapporteurs à l’Assemblée nationale et au Sénat, est bien une ambition de multiplication territoriale de la sécurité et en aucun cas de régression. L’enjeu pour nous est bien de donner des moyens nouveaux aux forces municipales et de permettre à ceux qui le veulent de pouvoir mieux répondre aux troubles du quotidien.
J’ai été élue locale, comme vous, et je sais combien il peut être frustrant de ne pas pouvoir agir sur les nuisances de tous les jours qui empoisonnent la vie de nos administrés. Ce texte nous permet de dire aux élus qui le souhaitent : « Allez-y ! »
Partir du principe que nos agents de police municipale ne sauraient pas faire témoigne, à mon sens, d’une conception curieuse de cette troisième force à l’heure où elle s’affirme plus que jamais comme un partenaire essentiel des forces de sécurité intérieure. J’en profite pour rendre hommage à tous les policiers municipaux, qui sont particulièrement engagés dans cette période si difficile.
Je tiens à vous rassurer : avec cette loi, nous ne créons pas une sécurité à double vitesse entre les communes dotées d’une police municipale et les autres. Au contraire, en confortant et valorisant les polices municipales, le texte renforce l’intérêt pour les communes de s’en doter. Il n’est nul besoin ici de rappeler l’article 4, qui ne permet rien moins que de créer à Paris la plus importante police municipale de France.
Pour pallier les difficultés des communes à se doter d’une police municipale, l’article 5 renforce les possibilités de mutualisation à l’échelon intercommunal comme cela n’avait jamais été fait auparavant : SIVU, Sivom, EPCI à fiscalité propre, contrat de mise à disposition.
Par ailleurs, l’article 20 bis A va permettre la mutualisation des dispositifs de vidéoprotection dans le cadre d’un centre de supervision urbain réunissant l’ensemble des parties prenantes.
Bref, tout est fait pour doter les maires de capacités à véritablement mettre en œuvre une sécurité du quotidien.
Cette confiance se traduit aussi dans l’article 20, qui ajoute les agents de police municipale parmi les agents des forces de l’ordre destinataires des images de vidéoprotection. Cela me semble fondamental.
Je pense aussi aux articles 22 et 22 bis, sur les drones et les caméras embarquées, auxquels les policiers municipaux vont désormais pouvoir avoir recours pour les compétences que le législateur leur attribue, dans cette seule limite – nous en avons débattu en évoquant les libertés récemment –, et évidemment à chaque fois en coordination avec les forces de sécurité intérieure.
Confiance ensuite dans notre secteur privé de sécurité : la grande réforme de refonte sans précédent du cadre de la sécurité privée que nous menons ne trahit aucune défiance de notre part. Au contraire, elle vise à accompagner ce secteur, qui est en pleine expansion, et à lui donner les moyens d’être pleinement reconnu comme un partenaire de confiance. Cette confiance a évidemment pour contrepartie la responsabilisation des acteurs de ce domaine. Charge à eux désormais d’assurer cette montée en compétences et en moyens, notamment en vue des grands rendez-vous qui sont devant nous, comme la Coupe du monde de rugby en 2023 et les jeux Olympiques de 2024.
Confiance aussi dans la force du lien qui unit la police et les citoyens : cette confiance s’exprime dans la mise en place, grâce à l’article 27 ter – c’est une mesure que nous appelons de nos vœux dans le cadre du Beauvau de la sécurité –, d’une réserve opérationnelle de la police nationale alignée sur celle, ô combien efficace, de la gendarmerie nationale. Elle pourra répondre, avec des missions rénovées, à la demande très forte d’engagement des Français et à la volonté que nous avons avec le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, de valoriser la police nationale et de continuer à la faire bénéficier de la compétence de réservistes toujours plus nombreux, aux profils plus variés et aux engagements plus divers. Elle permettra de maintenir dans les cinq années après leur départ la qualification d’officier de police judiciaire pour les retraités ayant bénéficié de cette qualité pendant leur carrière. Cette évolution, soutenue par le sénateur Henri Leroy, que je salue, constitue une avancée forte et appréciée.
Il s’agit également d’un texte de protection de nos forces.
Les moyens vidéo, notamment les drones – j’y insiste –, démultiplient les capacités d’action des forces en les exposant moins aux dangers de voie publique ou en leur permettant de porter secours dans des conditions d’exercice parfois terriblement complexes et dangereuses. Le Sénat a encadré leur usage de nombreuses garanties, dont il nous appartiendra désormais d’assurer la déclinaison la plus opérationnelle possible et, bien entendu, la plus respectueuse des libertés.
Je constate par ailleurs avec satisfaction que les parlementaires des deux chambres partagent pleinement la volonté du Gouvernement de protéger spécifiquement les policiers et les gendarmes. Ainsi, les articles 23, sur les crédits de réduction de peine, 23 ter, sur l’extension du délit d’embuscade, 24, qui prévoit un délit de provocation à l’identification, mais également 27 bis, qui étend la protection fonctionnelle à l’audition libre pour les membres des forces de sécurité intérieure, sont autant de dispositions qui viennent témoigner de l’attention particulière de la République envers ceux qui la protègent.
Il s’agit enfin d’un texte de fermeté.
Fermeté vis-à-vis de ceux qui brisent des vies par leur comportement irresponsable sur la route, en assouplissant les possibilités de contrôle de l’alcoolémie ou de la consommation de stupéfiants.
Fermeté vis-à-vis de ceux qui ne respectent pas les règles dans les transports : nous avons introduit une disposition qui permettra de renforcer substantiellement les moyens d’action des opérateurs du secteur pour lutter contre la fraude, tandis que les possibilités en matière de recours vidéo sont par ailleurs renforcées dans la loi.
Fermeté aussi pour mieux encadrer les produits dangereux, comme les mortiers : cela a été débattu.
Fermeté, parce que je crois qu’il ne faut pas avoir peur de ce mot. Je sais que vous êtes toutes et tous ici favorables à ce que l’État de droit républicain soit respecté.
Au final, avec le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, nous souhaitons véritablement saluer la hauteur de vues des débats et la très grande qualité du travail de MM. les rapporteurs lors des auditions, de l’examen en commission des lois, puis en séance.
Certes, le Gouvernement regrette que les règles strictes de l’article 45 aient fait obstacle à ce que d’autres dispositions, pourtant très attendues des forces, puissent être inscrites dans la proposition de loi. Je pense à celles qui permettent de mieux lutter contre les rodéos urbains ou contre les refus d’obtempérer, qui blessent un policier ou un gendarme chaque jour, et de durcir le cadre d’acquisition des armes ou de précurseurs d’explosifs. Cependant, nous n’allons pas bouder notre plaisir. Pour nous, l’heure est surtout à saluer l’esprit de consensus qui a animé les membres de la commission mixte paritaire et qui permet aujourd’hui de présenter ensemble un texte de compromis.
C’est avec le même esprit de consensus et de sagesse républicaine que je vous invite à examiner et à voter le texte qui vous est soumis et auquel le Gouvernement n’apportera, comme c’est l’usage, que de simples amendements de coordination et d’application en outre-mer.