Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, sans surprise, notre groupe votera contre ce texte.
On peut souscrire à l’idée d’une coordination des forces de sécurité nationales, municipales et privées en vue de grands événements, comme la Coupe du monde de rugby ou les jeux Olympiques. Mais, pour nous, ce texte semble à contretemps, enchâssé entre le Livre blanc de la sécurité intérieure, le Beauvau de la sécurité et la future loi d’orientation.
Débattre d’un nouveau cadre légal d’usage des drones et des caméras embarquées ou de captation des images par les forces de sécurité aurait à nos yeux mérité une expertise plus approfondie et un débat public préalable.
Au final, la proposition de loi, qui visait initialement à la mise en adéquation des polices municipales et de la sécurité privée à partir du concept de continuumde sécurité, se traduit par un texte avec des mesures disparates qui affectent la lisibilité et la sécurité juridique des principales dispositions.
Je souhaite évoquer quatre difficultés.
Premièrement, concernant les polices municipales, nous nous opposons au champ trop étendu de l’expérimentation, qui pourrait, contrairement à ce que vous indiquiez, madame la ministre, dénaturer les caractéristiques propres de la police municipale, celle-ci étant avant tout une police de proximité et du quotidien. À titre expérimental, les agents de police municipale vont être conduits à procéder à des actes d’enquête en contradiction avec les limites constitutionnelles encadrant leurs prérogatives.
Deuxièmement, nous regrettons l’assouplissement des règles relatives au secteur de la sécurité privée, notamment sur la sous-traitance, au risque d’aboutir à des prestations à la baisse et de précariser le personnel.
Outre les habilitations données au Gouvernement visant l’organisation du Cnaps et la formation pour l’accès à la profession, plusieurs dispositions posent des difficultés de nature constitutionnelle. Je pense au rétablissement à cinq ans de la durée nécessaire de détention d’un titre de séjour pour qu’un ressortissant étranger puisse exercer dans le secteur, au fait de confier des missions de surveillance sur la voie publique contre les actes terroristes aux agents de sécurité privée ou encore à la suppression de l’habilitation spécifique de l’agrément pour réaliser des palpations de sécurité.
Troisièmement, les dispositions relatives à la vidéoprotection et à la captation d’images nous posent aussi problème. Les garanties introduites par le Sénat sont conservées – les rapporteurs l’ont souligné –, mais elles restent insuffisantes et n’auraient jamais dû relever d’une proposition de loi.
Nous restons opposés à la quasi-totalité des mesures inscrites dans le titre III. Elles sont manifestement contraires à la Constitution, en particulier au principe de protection de la vie privée.
Nous récusons l’évolution de la doctrine d’emploi des caméras-piétons, qui vont devenir des accessoires du maintien de l’ordre public alors qu’elles avaient plutôt pour objet initial de sécuriser les agents ou d’apaiser les relations entre la police et la population.
Nous ne comprenons pas le rétablissement par la commission mixte paritaire des mesures élargissant les possibilités de déport d’images et de vidéosurveillance, notamment dans les halls d’immeuble. De même, la possibilité pour la RATP et la SNCF d’avoir accès aux images de vidéoprotection dénote quelque part un glissement d’une mission de surveillance à une mission régalienne.
De manière globale, les dispositifs relatifs à la création ex nihilo et l’encadrement des régimes légaux intéressant l’usage des drones et des caméras embarquées soulèvent des interrogations pour nous.
Quatrièmement, les dispositions relatives aux forces de sécurité intérieure nous interpellent.
La commission mixte paritaire s’est accordée sur une réécriture technique de l’article 24 qui laisse entière la menace contre la liberté de la presse et renforce les sanctions contre les diffuseurs d’images. Son articulation avec l’article 18 du projet de loi confortant le respect des principes de la République, que nous sommes en train d’examiner, entretient le doute sur son application effective.
Même difficulté avec l’article 23, qui supprime les crédits de réduction de peine et l’automaticité des remises de peine.
Enfin, nous restons opposés à l’autorisation de port d’arme pour les policiers et gendarmes hors service dans les établissements recevant du public.
En conclusion, je tiens à dire que le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire nous inquiète dans ce qu’il contient et, surtout, dans ce qu’il ne contient pas : la réforme de l’IGPN, la remise à plat du Schéma national du maintien de l’ordre, l’interdiction de l’usage des LBD ou le renforcement des moyens consacrés à la lutte contre les contrôles d’identité abusifs et discriminatoires. À nos yeux, ce texte ne favorisera en rien le rétablissement de la confiance des citoyens dans les forces de sécurité.
Madame la ministre, vous avez mentionné le nouvel intitulé : « proposition de loi pour une sécurité globale préservant les libertés. » Nous ne considérons pas que ce texte préserve vraiment les libertés. Bien au contraire, il est porteur de dérives. C’est la raison pour laquelle non seulement nous voterons contre, mais, en plus, nous saisirons le Conseil constitutionnel.
Je regrette que les apports que nous avons essayé d’introduire dans le texte n’aient pas été retenus. Cela nous aurait peut-être conduits à une autre conclusion.