Intervention de Jean-Yves Roux

Réunion du 7 avril 2021 à 15h00
Sécurité globale — Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire sur une proposition de loi

Photo de Jean-Yves RouxJean-Yves Roux :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme de l’examen d’une proposition de loi controversée, sur l’élaboration de laquelle le bicamérisme a fait son œuvre ; il faut le relever.

Cette proposition de loi apporte des outils de régulation bienvenus, notamment dans des secteurs très sensibles qui pourraient prochainement fortement recruter, comme la sécurité privée ou, domaine en plein essor, les drones. C’est une étape. Il est vrai que nous aurions souhaité aller plus loin dans la régulation des sociétés privées en matière de contrôle de la sous-traitance ou de la qualité des formations proposées.

Sur les caméras aéroportées, le texte prévoit également, grâce à l’apport du Sénat, de fixer des cadres d’usages, comme de réaffirmer la prohibition de techniques telles que la captation des sons, la reconnaissance faciale, les interconnexions automatisées de données. Il nous appartiendra de suivre très régulièrement la pertinence de ces dispositions et de les réadapter en conséquence au regard des pratiques qui évoluent plus vite que le droit. Je compte ici prendre rendez-vous avec mes collègues du Sénat au moment de la discussion du budget, pour qu’ils permettent à la CNIL d’assurer pleinement la montée en régime et la diversification de ses missions. Il appartient en effet à la puissance publique de pouvoir organiser les contrôles adéquats.

Je réaffirme ici notre attachement viscéral à ce que le cadre de travail de nos forces de l’ordre et forces de sécurité prenne appui sur nos libertés fondamentales : usage proportionné et délimité strictement aux missions et aux temps de ces missions, respect des libertés individuelles et de la presse. C’est notre fil rouge. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle une majorité du groupe du RDSE continue de s’opposer à la détention possible d’armes par des forces de l’ordre hors service au sein d’établissements recevant du public.

J’en viens à une interrogation majeure relative aux dispositions liées aux expérimentations de mise en commun entre les communes de policiers municipaux.

Quelques dispositions de notre groupe ont été adoptées comme la nécessité d’un débat au sein de chaque commune expérimentant les polices intercommunales, la publication des frais de formation engendrés par cette réforme ou l’élargissement des pouvoirs de verbalisation des gardes aux espaces naturels non boisés.

Dans l’ensemble, ces expérimentations appellent quelques réflexions.

Non, la police intercommunale nouvellement créée ne saurait être une troisième force de sécurité ! Nul ne comprendrait que cette réforme soit un prétexte au désengagement de l’État.

Ce texte suscite une autre interrogation, et non la moindre : nous craignons que ces dispositions puissent ouvrir la voie à une sécurité à deux vitesses, avec, d’un côté, de super polices intercommunales et, de l’autre, rien, ce qui aurait pour conséquence des iniquités au sein même des intercommunalités de sécurité.

L’aménagement du territoire que nous défendons exige une intervention publique constante qui vient corriger des déséquilibres, inscrit la force publique dans tous les territoires, y compris ruraux, de France périphérique et d’outre-mer.

Si l’expérimentation est un outil formidable, elle touche en l’occurrence à la sécurité des biens et des personnes et elle durera cinq ans. Ce n’est pas rien ! Après cinq ans, il sera très difficile de revenir en arrière. Aussi, nous demandons une évaluation rigoureuse, y compris à l’échelon local.

Je m’interroge enfin sur la complexité et la lisibilité pour le citoyen des dispositifs prévus. Je souhaite vivement que, animés par des revendications de concurrence territoriale plutôt que par un esprit de coopération, nous n’inventions pas des outils de technocratie territoriale, qui, au total, desserviraient nos concitoyens.

De grands pouvoirs impliquent effectivement de grandes responsabilités !

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