On y trouve, ne vous en déplaise, des personnalités comme Angela Davis, Noam Chomsky, Jean Ziegler et pas moins de trois prix Nobel de la paix.
Avec eux, nous nous inquiétons du « recul de la démocratie » dans le monde et en France, en pleine pandémie, à l’heure où les populations souffrent d’un recul global des droits humains et des libertés.
Je vous le dis solennellement : aujourd’hui, en posant un point final aux débats parlementaires autour de ce texte, nous actons un recul sans précédent de nos libertés publiques. L’État affirme son autorité et la remise en cause de celle-ci ne sera que très peu tolérée…
Des mobilisations importantes ont permis une réécriture du si problématique article 24. Mais quelle réécriture ?
Ne soyons pas dupes. Si la question de l’« usage malveillant de l’image », qui posait de sérieuses difficultés dans la démonstration de l’intentionnalité, a été résolue, la formulation finale de l’article visant une « provocation à l’identification » qui a pour objectif « manifeste » de porter atteinte à l’intégrité physique ou psychique des policiers ou des gendarmes ne pose pas moins question. Comment prouver ou non ce but manifeste quand une image est diffusée pour dénoncer un comportement de violence policière, par exemple ?
En outre, bien d’autres mesures qui seront aujourd’hui définitivement adoptées mériteraient que ce texte soit purement et simplement retiré.
En commission mixte paritaire, les arbitrages se sont révélés anecdotiques, puisque la philosophie globale de ce texte était partagée d’emblée par la majorité gouvernementale à l’Assemblée nationale et par la majorité de droite au Sénat. Toutes deux sont parvenues à leur objectif d’instaurer un « continuum de sécurité » allant des policiers nationaux aux policiers municipaux, en passant par les gardes champêtres et les agents de sécurité privée.
Quelques contraintes sont instaurées pour encadrer les entreprises de sécurité privée, en échange de quoi les agents de sécurité privée se voient accorder de nouveaux pouvoirs : ils pourront être autorisés par le préfet à effectuer des missions de surveillance de la voie publique dans le cadre de la lutte antiterroriste. Qui plus est, ils n’auront plus besoin d’habilitation pour procéder à des palpations de sécurité dans le cadre de certaines manifestations. Comment octroyer de tels pouvoirs à des entreprises qui, par définition, n’ont qu’un but marchand ?
De nouveaux pouvoirs sont également transférés aux polices locales, sous la tutelle des maires, lesquelles se substituent de plus en plus à la police nationale sans en avoir ni les moyens ni les formations requises.
Nous l’avons signalé à plusieurs reprises lors de l’examen du texte : à ce maillage fin du territoire en matière d’agents de sécurité se couple une extension démesurée de l’usage des nouvelles technologies. Certes, la commission des lois du Sénat s’est efforcée d’encadrer les dispositifs proposés, notamment en matière d’usage des drones, mais cela est largement insuffisant.
Nous entrons désormais dans une nouvelle ère en matière de surveillance des populations, ce que nous ne pouvions soupçonner voilà encore quelques années. Aujourd’hui, il s’agit uniquement de « capter des images », nous explique-t-on. Qu’en sera-t-il demain ? Si les garanties sont aussi faibles et éphémères que celles qui ont été apportées à la loi SILT de 2017, alors le pire est à craindre, et cela n’a rien d’alarmiste que de le dire. Gageons que les Sages du Conseil constitutionnel, qui seront saisis, vous feront, eux, entendre raison.
Pour l’heure, mes chers collègues, prenons la mesure de ce qu’implique notre vote aujourd’hui pour notre pays, pour la sauvegarde de nos libertés et droits fondamentaux, et opposons-nous à ces conclusions.