Les amendements n° 120 rectifié, 103 rectifié, 619 rectifié ter et 640 ont pour objet commun de rétablir le régime d’autorisation pour l’instruction en famille (IEF).
En effet, la modification du régime de déclaration en régime d’autorisation a fait couler beaucoup d’encre… et de salive ! De notre point de vue, l’encadrement du recours à l’IEF remet en cause le principe de la liberté d’enseignement, qui repose sur quatre piliers depuis plus de cent quarante ans, ceux de l’école publique, de l’école privée sous contrat, de l’école privée hors contrat et de l’instruction en famille.
Comme rapporteur pour avis, je m’interroge surtout sur le lien qui a été établi entre le séparatisme et l’instruction en famille. Le ministère n’a mené aucune étude sur les enfants qui bénéficient de ce type d’enseignement, et l’étude d’impact qui est associée au projet de loi se révèle particulièrement lacunaire sur le sujet. En outre, au cours des auditions, aucun document attestant ce lien ne m’a été présenté.
Lors de l’examen de textes plus anciens, la commission a accepté un encadrement du recours à l’instruction en famille. Monsieur le ministre, j’ai la naïveté de croire que nous pouvons encore vous convaincre que telle est la bonne démarche à suivre. En effet, cet encadrement permettra d’atteindre un équilibre entre la liberté d’enseignement et le droit à l’instruction de chaque enfant.
L’article 21, dans la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, ne répond pas à ce principe de proportionnalité. Il limite considérablement la possibilité de recourir à l’instruction en famille, alors même que les outils juridiques existants pour exercer un contrôle sur ce type d’enseignement ne sont pas pleinement utilisés. Par exemple, les nouvelles mesures introduites dans la loi pour une école de la confiance n’ont fait l’objet d’aucune évaluation.
Le lien entre le séparatisme et l’instruction en famille, qui sous-tend la genèse de cet article, a été établi à partir du constat empirique de la présence dans des écoles clandestines d’enfants déclarés en instruction en famille. Comme je l’ai dit dans la discussion générale, certains faits découverts en 2019 et 2020 ont donné lieu à un amalgame malhonnête qui a été diffusé assez largement auprès de l’opinion publique.
Sur le sujet des « écoles de fait », la commission soutient toutefois le Gouvernement. Elle a notamment maintenu la possibilité de la fermeture administrative de ces lieux.
Le régime d’autorisation, qui prévoit un délai de deux mois pour que l’administration puisse traiter la demande, semble également méconnaître le fait que les enfants instruits en famille le sont pendant moins d’un an pour 40 % à 50 % d’entre eux. En outre, toutes les demandes ne se font pas au moment de la rentrée scolaire.
Enfin, nous pouvons nous interroger sur la capacité des services déconcentrés de l’éducation nationale à traiter, chaque année, quelque 50 000 à 60 000 demandes d’autorisation. Les moyens ainsi mobilisés seraient utiles pour assurer le contrôle annuel effectif de l’ensemble des enfants instruits en famille. Pour répondre à certains de mes collègues, rien ne s’oppose à ce que nous ouvrions un débat sur le sujet.
Depuis 1882 et les lois Ferry, la société a bien évidemment connu des changements profonds, à commencer par la séparation des Églises et de l’État, votée vingt-trois ans plus tard. Je conçois donc qu’il faille apporter quelques compléments au régime existant. Tel est le sens des articles 21 bis et suivants que la commission de la culture a adoptés tout en préservant le régime déclaratif.
Monsieur le ministre, je me permets de vous citer lorsque vous avez précisé qu’« il n’[était] pas question d’en finir avec l’instruction en famille », car ce ne sont pas les mots du Président de la République. Dans le discours des Mureaux, la volonté était bien « d’en finir avec l’instruction en famille » !