La séance est ouverte à quatorze heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, confortant le respect des principes de la République (projet n° 369, texte de la commission n° 455 rectifié, rapport n° 454, avis n° 448 et 450).
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre IV du titre Ier, à l’article 19 ter, précédemment réservé.
TITRE Ier
GARANTIR LE RESPECT DES PRINCIPES DE LA RÉPUBLIQUE ET DES EXIGENCES MINIMALES DE LA VIE EN SOCIÉTÉ
Chapitre IV (suite)
Dispositions relatives à la lutte contre les discours de haine et les contenus illicites en ligne
(Supprimé) (Précédemment réservé)
L’amendement n° 239 rectifié, présenté par M. Bargeton, est ainsi libellé :
Rétablir l’article dans la rédaction suivante :
L’article L. 312-9 du code de l’éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À l’issue de l’école primaire et du collège, les élèves reçoivent une attestation certifiant qu’ils ont bénéficié d’une sensibilisation au bon usage des outils numériques et des réseaux sociaux ainsi qu’aux dérives et aux risques liés à ces outils. »
La parole est à M. Julien Bargeton.
Cet amendement vise à rétablir la création d’une certification internet pour les élèves en fin de cycle primaire et en fin de collège. L’objectif est de protéger, d’informer et de sensibiliser les enfants et les adolescents par une formation systématique au bon usage d’internet.
Une telle sensibilisation existe déjà et donne lieu à la délivrance d’un « permis internet ». Assurée par la gendarmerie nationale, elle ne concerne que 25 % des enfants, car elle n’est dispensée que sur demande des enseignants ou des maires volontaires. Or comme pour la sécurité routière, une telle formation emporte un enjeu générationnel de prévention à long terme.
Je propose que cette formation soit dispensée dès la classe de CM2, parce que les écoliers de cet âge, bien qu’étant déjà en contact régulier avec internet, et parfois même présents sur les réseaux sociaux – pourtant interdits aux enfants de moins de 13 ans –, sont encore réceptifs à la sensibilisation qui leur est dispensée.
Une formation existe déjà : il s’agit de la formation Pix, mais celle-ci n’est dispensée qu’au collège et ne porte que sur l’utilisation des outils informatiques et d’internet dans leur dimension technique. On y enseigne notamment comment aller sur un site internet, comment effectuer une recherche et comment créer un profil. Elle ne concerne donc ni la prévention des risques liés à l’utilisation d’internet ni la sensibilisation aux bons comportements. La certification proposée permettra donc de renforcer la formation Pix.
À l’Assemblée nationale, plusieurs amendements ont été déposés dans le même sens, dont l’un par M. Robin Reda, membre du groupe Les Républicains, et d’autres par des membres du groupe La République En Marche. L’un de ces amendements a été adopté.
Telles sont les raisons pour lesquelles je propose de rétablir l’article 19 ter. Ainsi, la formation qui existe déjà deviendrait obligatoire dès le CM2, elle serait généralisée et, au-delà de l’aspect technique, elle comporterait une sensibilisation aux risques. Compte tenu de ce qui se passe sur les réseaux sociaux, j’estime que nous avons besoin d’un tel outil pour protéger nos jeunes, notamment nos préadolescents.
Je comprends évidemment la position de notre collègue Bargeton qui souhaite rétablir cette certification. La maîtrise des compétences numériques est un objectif dès le primaire.
La bonne maîtrise d’internet et des réseaux sociaux, auxquels – vous l’avez dit, cher collègue – les enfants sont confrontés très tôt, et probablement avant l’âge légal, le développement d’un esprit critique, la sensibilisation à l’usage des outils numériques ont également toute leur place dans le cadre du renforcement des valeurs de la République. En effet, nous observons que les dérives séparatistes peuvent se construire dès le plus jeune âge via internet et les réseaux sociaux.
Monsieur Bargeton, la commission de la culture est particulièrement vigilante quant à l’éducation au numérique et à une bonne utilisation de ces outils. Elle l’a rappelé à de nombreuses reprises, en particulier lors de l’examen de la proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, dite proposition de loi Avia.
Toutefois, le droit actuel prévoit déjà une formation aux compétences numériques dès le primaire dans le cadre d’une sensibilisation à l’usage des outils numériques et des réseaux sociaux.
L’attestation prévue par l’article dont vous souhaitez le rétablissement ne constituera pas un outil nouveau. La certification Pix, que vous avez évoquée, permet déjà de s’assurer que les élèves ont développé des compétences numériques dans seize domaines. En cours de déploiement, celle-ci fait suite au brevet informatique et internet, le B2I, que passaient les élèves du primaire et du secondaire. La circulaire du 10 juillet 2020 prévoit d’ailleurs que, après quatre années d’expérimentation et de coconstruction, le dispositif Pix sera généralisé dans les collèges et lycées.
Par ailleurs, j’attire votre vigilance sur le fait que, dans la rédaction que vous proposez de rétablir, l’attestation ne permettra pas tant de certifier l’acquisition par les élèves des compétences en matière de bon usage que de vérifier le respect des programmes par les enseignants.
Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable.
Je salue cette proposition, car, comme l’a indiqué le sénateur Bargeton dans sa présentation de l’amendement, nous sommes confrontés à un enjeu de société. Le rapporteur pour avis ayant lui aussi indiqué qu’une éducation au numérique est nécessaire, ce point fait l’objet d’un accord unanime.
Plus que jamais, les élèves ont besoin d’acquérir une double compétence forte, technique et déontologique, car par-delà les clichés et les discours un peu convenus sur les générations X, Y ou Z, la culture numérique est bien souvent superficielle.
Faut-il certifier ces compétences par deux fois, à la fin du primaire et à la fin du collège ? Le rapporteur pour avis a rappelé que nous ne partons pas de zéro, puisque la mise en œuvre de la certification Pix est en cours. Si celle-ci rencontre quelques retards du fait de la situation pandémique actuelle, Pix sera obligatoire dès l’année prochaine.
J’estime que votre proposition est intéressante en ce qu’elle prolonge ce que nous avons commencé avec Pix pour la fin du collège et apporte quelque chose de nouveau pour l’école primaire. Ainsi, une sorte de « certificat d’études numériques » sanctionnera également la fin du primaire, ce qui n’est actuellement pas le cas.
Pour toutes ces raisons, j’émets un avis favorable sur cet amendement.
Je remercie le rapporteur pour avis de sa réponse, bien qu’il ne soit pas en accord avec ma proposition, ainsi que le ministre du soutien qu’il apporte à mon amendement.
Le dispositif Pix n’a pas vocation à certifier une formation à la prévention des risques que présente l’utilisation d’internet pour les préadolescents et les enfants. Tel qu’il existe actuellement, il vise surtout l’acquisition de compétences techniques telles que la création de profils, l’utilisation de codes ou la hiérarchisation des résultats de recherches sur internet.
Je propose donc d’introduire un élément nouveau de formation et de dispenser celle-ci dès le primaire, car nous savons que les enfants fréquentent les réseaux sociaux avant le collège.
Je regrette d’autant plus la position du rapporteur pour avis qu’un amendement similaire a été déposé à l’Assemblée nationale par M. Reda et signé par vingt-trois députés du groupe Les Républicains. Il était ainsi rédigé : « À l’issue de l’école primaire et du collège, les élèves reçoivent une attestation certifiant qu’ils ont bénéficié d’une sensibilisation au bon usage des outils numériques et des réseaux sociaux, aux dérives et risques liés notamment aux contenus haineux et illicites, ainsi qu’aux fonctionnement et biais technologiques de ces outils. »
La rédaction que je propose étant très proche, je regrette que vous n’ayez pas souhaité reprendre l’amendement de M. Reda.
Nous visons les mêmes objectifs, mais j’estime que pour les atteindre nous devons compléter le dispositif existant en le généralisant, en l’introduisant un peu plus tôt et en faisant en sorte qu’il aille un peu plus loin.
Quoi qu’il en soit, je remercie M. le ministre d’avoir émis un avis favorable, et j’espère que nous pourrons avancer sur ce sujet.
M. Reda m’avait demandé de déposer au Sénat un amendement identique au sien. À quelques heures près, je n’ai pas pu le faire. J’ignore si cela aurait changé le vote de mes collègues du groupe Les Républicains, mais j’estime pour ma part que cette proposition est assez judicieuse. J’ai d’ailleurs été heureusement surprise de l’avis favorable de M. le ministre, qui nous aurait permis d’enfoncer le clou concernant cette incitation.
Comme Robin Reda et une trentaine de collègues l’ont fait à l’Assemblée nationale, je voterai cet amendement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
(Précédemment examinés)
Je rappelle que les articles 19 quater, 20, 20 bis et 20 ter ont été précédemment examinés.
Chapitre V
Dispositions relatives à l’éducation et aux sports
Section 1
Dispositions relatives à l’instruction en famille
(Supprimé)
Je suis saisie de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 120 rectifié, présenté par MM. Rietmann et Gremillet, Mmes Gruny, Dumont et Goy-Chavent, M. Burgoa, Mme Micouleau et MM. Chasseing, Bouchet, Guerriau et Wattebled, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – Le code de l’éducation est ainsi modifié :
1° L’article L. 131-2 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« L’instruction obligatoire est donnée dans les établissements ou écoles publics ou privés. Elle peut également, par dérogation, être dispensée dans la famille par les parents, par l’un d’entre eux ou par toute personne de leur choix, sur autorisation délivrée dans les conditions fixées à l’article L. 131-5. » ;
b) Après le 4°, il est inséré un 5° ainsi rédigé :
« 5° Mettre à la disposition des familles assurant l’instruction obligatoire conformément au premier alinéa du présent article ainsi que de leurs circonscriptions ou établissements de rattachement, dans le respect des conditions fixées à l’article L. 131-5 :
« a) Une offre numérique minimale assurant pour chaque enfant le partage des valeurs de la République et l’exercice de la citoyenneté, tels que prévus à l’article L. 111-1 ;
« b) Une offre diversifiée et adaptée pour les parents et les accompagnants des enfants instruits en famille ;
« c) Des outils adaptés et innovants de suivi, de communication, d’échanges et de retour d’expérience avec les familles assurant l’instruction obligatoire. » ;
2° L’article L. 131-5 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– à la fin de la première phrase, les mots : «, ou bien déclarer au maire et à l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation, qu’elles lui feront donner l’instruction dans la famille » sont remplacés par les mots : « ou bien, à condition d’y avoir été autorisées par l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation, lui donner l’instruction en famille » ;
– la seconde phrase est supprimée ;
b) À la fin du deuxième alinéa, les mots : « ou de choix d’instruction » sont supprimés ;
c) Après le troisième alinéa, sont insérés douze alinéas ainsi rédigés :
« L’autorisation mentionnée au premier alinéa est accordée pour les motifs suivants, sans que puissent être invoquées d’autres raisons que l’intérêt supérieur de l’enfant :
« 1° L’état de santé de l’enfant ou son handicap ;
« 2° La pratique d’activités sportives ou artistiques intensives ;
« 3° L’itinérance de la famille en France ou l’éloignement géographique de tout établissement scolaire public ;
« 4° L’existence d’une situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif, sous réserve que les personnes qui en sont responsables justifient de la capacité de la ou des personnes chargées d’instruire l’enfant à assurer l’instruction en famille dans le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant. Dans ce cas, la demande d’autorisation comporte une présentation écrite du projet éducatif, l’engagement d’assurer cette instruction majoritairement en langue française ainsi que les pièces justifiant de la capacité à assurer l’instruction en famille.
« L’autorisation mentionnée au premier alinéa est accordée pour une durée qui ne peut excéder l’année scolaire. Elle peut être accordée pour une durée supérieure lorsqu’elle est justifiée par l’un des motifs prévus au 1°. Par dérogation, cette autorisation est accordée de plein droit, pour les années scolaires 2022-2023 et 2023-2024, aux enfants régulièrement instruits en famille avant l’entrée en vigueur de l’article 21 de la loi n° … du … confortant le respect des principes de la République et lorsque les résultats du contrôle organisé, en application du troisième alinéa de l’article L. 131-10 du présent code, au cours de l’année scolaire 2021-2022, ont été jugés suffisants. Un décret en Conseil d’État précise les modalités de délivrance de cette autorisation.
« L’autorité de l’État compétente en matière d’éducation peut convoquer l’enfant, ses responsables et, le cas échéant, la ou les personnes chargées d’instruire l’enfant à un entretien afin d’apprécier la situation de l’enfant et de sa famille et de vérifier leur capacité à assurer l’instruction en famille.
« En application de l’article L. 231-1 du code des relations entre le public et l’administration, le silence gardé pendant deux mois par l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation sur une demande formulée en application du premier alinéa du présent article vaut décision d’acceptation.
« Un recours contre une décision de refus d’autorisation demandée en application du présent article peut être formulé, par les personnes responsables d’un enfant soumis à l’obligation scolaire instruit dans la famille, auprès d’une cellule rectorale de recours administratif préalable obligatoire dont les modalités de fonctionnement sont fixées par décret.
« Le président du conseil départemental et le maire de la commune de résidence de l’enfant sont informés de la délivrance de l’autorisation. Lorsqu’un enfant recevant l’instruction dans la famille ou l’un des enfants du même foyer fait l’objet de l’information préoccupante prévue à l’article L. 226-3 du code de l’action sociale et des familles, le président du conseil départemental en informe l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation, qui peut alors suspendre ou abroger l’autorisation qui a été délivrée aux personnes responsables de l’enfant. Dans cette hypothèse, ces dernières sont mises en demeure de l’inscrire dans un établissement d’enseignement scolaire, dans les conditions et selon les modalités prévues à l’article L. 131-5-1 du présent code.
« Lorsque, après concertation avec le directeur de l’établissement d’enseignement public ou privé dans lequel est inscrit un enfant, il est établi que l’intégrité physique ou morale de cet enfant est menacée, les personnes responsables de l’enfant peuvent lui donner l’instruction dans la famille après avoir sollicité l’autorisation mentionnée au premier alinéa du présent article, dans le délai restant à courir avant que cette autorisation ne leur soit accordée ou refusée.
« L’enfant instruit dans la famille est rattaché administrativement à une circonscription d’enseignement du premier degré ou à un établissement d’enseignement scolaire public désigné par l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation. » ;
3° Après l’article L. 131-5, sont insérés des articles L. 131-5-1 et L. 131-5-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 131 -5 -1. – I. – Lorsqu’elle constate qu’un enfant reçoit l’instruction dans la famille sans l’autorisation mentionnée à l’article L. 131-5, l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation met en demeure les personnes responsables de l’enfant de l’inscrire, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la mise en demeure, dans un établissement d’enseignement scolaire public ou privé et de faire aussitôt connaître au maire, qui en informe l’autorité compétente de l’État en matière d’éducation, l’école ou l’établissement qu’elles auront choisi.
« II. – Lorsqu’elle est obtenue par fraude, l’autorisation mentionnée à l’article L. 131-5 est retirée sans délai, sans préjudice des sanctions pénales. Ce retrait est assorti d’une mise en demeure d’inscrire l’enfant dans un établissement d’enseignement scolaire public ou privé, dans les conditions et selon les modalités prévues au I du présent article.
« Art. L. 131 -5 -2. – Des cellules de prévention de l’évitement scolaire sont instituées dans chaque département, associant notamment les services départementaux de l’éducation nationale, les services du conseil départemental, la caisse d’allocations familiales, la préfecture de département et le ministère public. Elles assurent le suivi des élèves scolarisés à la suite de la mise en demeure mentionnée à l’article L. 131-10. Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret. » ;
3° ter L’article L. 131-10 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « d’établir quelles sont les raisons alléguées par les personnes responsables de l’enfant, et » sont remplacés par les mots : « de vérifier la réalité des motifs avancés par les personnes responsables de l’enfant pour obtenir l’autorisation mentionnée à l’article L. 131-5 » ;
a bis) Après la même première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Dans le cadre de cette enquête, une attestation de suivi médical est fournie par les personnes responsables de l’enfant. » ;
b) À la première phrase du troisième alinéa, les mots : « la déclaration » sont remplacés par les mots : « l’autorisation » ;
c) À la dernière phrase du quatrième alinéa, les mots : « de la déclaration annuelle qu’elles sont tenues d’effectuer » sont remplacés par les mots : « de l’autorisation qui leur est accordée » ;
d) Le cinquième alinéa est supprimé ;
3° quater Après l’article L. 131-10, il est inséré un article L. 131-10-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 131 -10 -1. – Les personnes responsables d’un enfant qui sont autorisées à donner l’instruction dans la famille et qui ont satisfait aux obligations des contrôles effectués par l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation ou par le représentant de l’État dans le département bénéficient, après deux années complètes d’instruction en famille, de la valorisation des acquis de leur expérience professionnelle, dont les modalités sont déterminées par décret conjoint des ministres chargés du travail et de l’éducation. » ;
4° Au premier alinéa de l’article L. 131-11, après la première occurrence du mot : « articles », est insérée la référence : « L. 131-5-1, » ;
5° À la première phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 311-1, les mots : « la déclaration annuelle » sont remplacés par les mots : « l’autorisation ».
II. – L’article L. 552-4 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° À la fin du premier alinéa, les mots : « soit d’un certificat de l’autorité compétente de l’État attestant que l’enfant est instruit dans sa famille, soit d’un certificat médical attestant qu’il ne peut fréquenter régulièrement aucun établissement d’enseignement en raison de son état de santé » sont remplacés par les mots : « soit de l’autorisation délivrée par l’autorité compétente de l’État en application de l’article L. 131-5 du code de l’éducation » ;
2° Après la première phrase du deuxième alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée : « En l’absence de production effective de l’une de ces pièces, aucune prestation ne peut être versée. »
II bis. – Au deuxième alinéa de l’article 18 de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, après le mot : « déclarer », sont insérés les mots : «, avant le début de l’année scolaire, » et les mots : «, dans les conditions prévues à l’article L. 131-5 dudit code, » sont supprimés.
III. – Le présent article entre en vigueur à la rentrée scolaire 2022.
La parole est à M. Olivier Rietmann.
Par cet amendement, je n’entends pas livrer un plaidoyer contre l’instruction en famille. Je n’ai d’ailleurs personnellement aucun grief contre le principe de l’instruction en famille. Il est d’ailleurs bien possible que ce cadre puisse, dans certains cas, permettre un meilleur apprentissage. C’est la raison pour laquelle il est nécessaire de l’encadrer par des autorisations larges, qui permettent de préserver la liberté d’enseignement des parents : l’état de santé de l’enfant ou son handicap, la pratique d’activités sportives ou artistiques intensives, l’itinérance de la famille ou l’éloignement géographique, mais également l’existence d’une situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif.
Le sujet, tout autre, est celui de l’enfance et du rôle structurant de l’école au cours de cette période de la vie. L’enfance n’est-elle pas la période de la découverte des autres, de la confrontation avec des camarades différents de ses frères et sœurs sur tous les plans ?
On parle de procréation médicalement assistée (PMA) sans père. Quid de l’enfant sans camarades ? Une sœur ou un frère ne remplaceront pas le meilleur ami qui fascine, parce qu’il est différent de soi. L’enfance n’est-elle pas ce moment où l’on se confronte à une autorité, à une façon de penser différente de son père ou de sa mère ? Qui de mieux qu’un instituteur ou un professeur pour remplir ce rôle ?
D’aucuns regrettent le rôle de cohésion sociale que jouait le service militaire. Mais alors, comment accepter de « zapper » l’école qui est le lieu où l’on se frotte aux autres, où l’on apprend les choses de la vie, ses règles, ses frustrations aussi ?
L’école est l’apprentissage de la vie en société. Or la société n’est pas la communauté : on se socialise davantage à l’école qu’en demeurant dans le cercle familial. L’école offre l’accès à une mixité sociale improvisée, à une diversité non choisie. Creuset de la découverte, de la différence, de l’apprentissage de la vie en société, l’école permet à l’enfant de bénéficier d’une instruction partagée et ouverte sur le monde.
Remettre l’école républicaine et son importance capitale au cœur des débats : tel est l’objet de cet amendement. Le Sénat ne peut faire l’économie de ces débats en balayant l’article 21 d’un revers de main.
Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.
L’amendement n° 103 rectifié, présenté par M. Magner, Mmes S. Robert et de La Gontrie, MM. Kanner, Antiste et Assouline, Mme Lepage, M. Lozach, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe, M. Féraud, Mme Harribey, M. Marie, Mme Meunier, MM. Sueur, Bourgi, Durain, Kerrouche, Leconte et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, MM. Gillé et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Lurel, Redon-Sarrazy, Temal, Tissot, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – Le code de l’éducation est ainsi modifié :
1° L’article L. 131-2 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« L’instruction obligatoire est donnée dans les établissements ou écoles publics ou privés. Elle peut également, par dérogation, être dispensée dans la famille par les parents, par l’un d’entre eux ou par toute personne de leur choix, sur autorisation délivrée dans les conditions fixées à l’article L. 131-5. » ;
b) Après le 4°, il est inséré un 5° ainsi rédigé :
« 5° Mettre à la disposition des familles assurant l’instruction obligatoire conformément au premier alinéa du présent article ainsi que de leurs circonscriptions ou établissements de rattachement, dans le respect des conditions fixées à l’article L. 131-5 :
« a) Une offre numérique minimale assurant pour chaque enfant le partage des valeurs de la République et l’exercice de la citoyenneté, tels que prévus à l’article L. 111-1 ;
« b) Une offre diversifiée et adaptée pour les parents et les accompagnants des enfants instruits en famille ;
« c) Des outils adaptés et innovants de suivi, de communication, d’échanges et de retour d’expérience avec les familles assurant l’instruction obligatoire. » ;
2° L’article L. 131-5 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– à la fin de la première phrase, les mots : «, ou bien déclarer au maire et à l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation, qu’elles lui feront donner l’instruction dans la famille » sont remplacés par les mots : « ou bien, à condition d’y avoir été autorisées par l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation, lui donner l’instruction en famille » ;
– la seconde phrase est supprimée ;
b) À la fin du deuxième alinéa, les mots : « ou de choix d’instruction » sont supprimés ;
c) Après le troisième alinéa, sont insérés douze alinéas ainsi rédigés :
« L’autorisation mentionnée au premier alinéa est accordée pour les motifs suivants, sans que puissent être invoquées d’autres raisons que l’intérêt supérieur de l’enfant :
« 1° L’état de santé de l’enfant ou son handicap ;
« 2° La pratique d’activités sportives ou artistiques intensives ;
« 3° L’itinérance de la famille en France ou l’éloignement géographique de tout établissement scolaire public ;
« 4° L’existence d’une situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif, sous réserve que les personnes qui en sont responsables justifient de la capacité de la ou des personnes chargées d’instruire l’enfant à assurer l’instruction en famille dans le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant. Dans ce cas, la demande d’autorisation comporte une présentation écrite du projet éducatif, l’engagement d’assurer cette instruction majoritairement en langue française ainsi que les pièces justifiant de la capacité à assurer l’instruction en famille.
« L’autorisation mentionnée au premier alinéa est accordée pour une durée qui ne peut excéder l’année scolaire. Elle peut être accordée pour une durée supérieure lorsqu’elle est justifiée par l’un des motifs prévus au 1°. Par dérogation, cette autorisation est accordée de plein droit, pour les années scolaires 2022-2023 et 2023-2024, aux enfants régulièrement instruits en famille avant l’entrée en vigueur de l’article 21 de la loi n° … du … confortant le respect des principes de la République et lorsque les résultats du contrôle organisé, en application du troisième alinéa de l’article L. 131-10 du présent code, au cours de l’année scolaire 2021-2022, ont été jugés suffisants. Un décret en Conseil d’État précise les modalités de délivrance de cette autorisation.
« L’autorité de l’État compétente en matière d’éducation peut convoquer l’enfant, ses responsables et, le cas échéant, la ou les personnes chargées d’instruire l’enfant à un entretien afin d’apprécier la situation de l’enfant et de sa famille et de vérifier leur capacité à assurer l’instruction en famille.
« En application de l’article L. 231-1 du code des relations entre le public et l’administration, le silence gardé pendant deux mois par l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation sur une demande formulée en application du premier alinéa du présent article vaut décision d’acceptation.
« Un recours contre une décision de refus d’autorisation demandée en application du présent article peut être formulé, par les personnes responsables d’un enfant soumis à l’obligation scolaire instruit dans la famille, auprès d’une cellule rectorale de recours administratif préalable obligatoire dont les modalités de fonctionnement sont fixées par décret.
« Le président du conseil départemental et le maire de la commune de résidence de l’enfant sont informés de la délivrance de l’autorisation. Lorsqu’un enfant recevant l’instruction dans la famille ou l’un des enfants du même foyer fait l’objet de l’information préoccupante prévue à l’article L. 226-3 du code de l’action sociale et des familles, le président du conseil départemental en informe l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation, qui peut alors suspendre ou abroger l’autorisation qui a été délivrée aux personnes responsables de l’enfant. Dans cette hypothèse, ces dernières sont mises en demeure de l’inscrire dans un établissement d’enseignement scolaire, dans les conditions et selon les modalités prévues à l’article L. 131-5-1 du présent code.
« Lorsque, après concertation avec le directeur de l’établissement d’enseignement public ou privé dans lequel est inscrit un enfant, il est établi que l’intégrité physique ou morale de cet enfant est menacée, les personnes responsables de l’enfant peuvent lui donner l’instruction dans la famille après avoir sollicité l’autorisation mentionnée au premier alinéa du présent article, dans le délai restant à courir avant que cette autorisation ne leur soit accordée ou refusée.
« L’enfant instruit dans la famille est rattaché administrativement à une circonscription d’enseignement du premier degré ou à un établissement d’enseignement scolaire public désigné par l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation. » ;
3° Après l’article L. 131-5, sont insérés des articles L. 131-5-1 et L. 131-5-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 131 -5 -1. – I. – Lorsqu’elle constate qu’un enfant reçoit l’instruction dans la famille sans l’autorisation mentionnée à l’article L. 131-5, l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation met en demeure les personnes responsables de l’enfant de l’inscrire, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la mise en demeure, dans un établissement d’enseignement scolaire public ou privé et de faire aussitôt connaître au maire, qui en informe l’autorité compétente de l’État en matière d’éducation, l’école ou l’établissement qu’elles auront choisi.
« II. – Lorsqu’elle est obtenue par fraude, l’autorisation mentionnée à l’article L. 131-5 est retirée sans délai, sans préjudice des sanctions pénales. Ce retrait est assorti d’une mise en demeure d’inscrire l’enfant dans un établissement d’enseignement scolaire public ou privé, dans les conditions et selon les modalités prévues au I du présent article.
« Art. L. 131 -5 -2. – Des cellules de prévention de l’évitement scolaire sont instituées dans chaque département, associant notamment les services départementaux de l’éducation nationale, les services du conseil départemental, la caisse d’allocations familiales, la préfecture de département et le ministère public. Elles assurent le suivi des élèves scolarisés à la suite de la mise en demeure mentionnée à l’article L. 131-10. Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret. » ;
3° ter L’article L. 131-10 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « d’établir quelles sont les raisons alléguées par les personnes responsables de l’enfant, et » sont remplacés par les mots : « de vérifier la réalité des motifs avancés par les personnes responsables de l’enfant pour obtenir l’autorisation mentionnée à l’article L. 131-5 » ;
a bis) Après la même première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Dans le cadre de cette enquête, une attestation de suivi médical est fournie par les personnes responsables de l’enfant. » ;
b) À la première phrase du troisième alinéa, les mots : « la déclaration » sont remplacés par les mots : « l’autorisation » ;
c) À la dernière phrase du quatrième alinéa, les mots : « de la déclaration annuelle qu’elles sont tenues d’effectuer » sont remplacés par les mots : « de l’autorisation qui leur est accordée » ;
d) Le cinquième alinéa est supprimé ;
4° Au premier alinéa de l’article L. 131-11, après la première occurrence du mot : « articles », est insérée la référence : « L. 131-5-1, » ;
5° À la première phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 311-1, les mots : « la déclaration annuelle » sont remplacés par les mots : « l’autorisation ».
II. – L’article L. 552-4 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° À la fin du premier alinéa, les mots : « soit d’un certificat de l’autorité compétente de l’État attestant que l’enfant est instruit dans sa famille, soit d’un certificat médical attestant qu’il ne peut fréquenter régulièrement aucun établissement d’enseignement en raison de son état de santé » sont remplacés par les mots : « soit de l’autorisation délivrée par l’autorité compétente de l’État en application de l’article L. 131-5 du code de l’éducation » ;
2° Après la première phrase du deuxième alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée : « En l’absence de production effective de l’une de ces pièces, aucune prestation ne peut être versée. »
II bis. – Au deuxième alinéa de l’article 18 de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, après le mot : « déclarer », sont insérés les mots : «, avant le début de l’année scolaire, » et les mots : «, dans les conditions prévues à l’article L. 131-5 dudit code, » sont supprimés.
III. – Le présent article entre en vigueur à la rentrée scolaire 2022.
La parole est à M. Jacques-Bernard Magner.
L’article 21 a été supprimé par le Sénat lors de l’examen de ce texte en commission sur avis de la commission de la culture. Le présent amendement vise à le rétablir dans une rédaction proche de celle qui est issue des travaux de l’Assemblée nationale.
Le groupe socialiste est favorable à la mise en place d’une autorisation préalable à l’instruction en famille. Ce mode de scolarisation, certes marginal, connaît néanmoins une recrudescence depuis l’abaissement de l’âge de l’instruction obligatoire à 3 ans. Alors que quelque 35 000 enfants étaient instruits en famille en 2018, ils étaient 50 000 en 2020. La pente est donc significative.
Notre argument majeur – notre collègue Rietmann l’a également développé – est que l’instruction dans la famille ne favorise ni la socialisation de l’enfant ni l’apprentissage de la citoyenneté. Au contraire, elle défavorise grandement la mixité sociale. Seule la scolarisation est garante de ces apprentissages qui, loin d’être anecdotiques, sont fondamentaux.
Les contrôles de ce mode d’instruction, actuellement soumis à simple déclaration préalable, sont tout à fait aléatoires et plus ou moins mal effectués.
Le dispositif prévoyant non pas l’interdiction de l’instruction en famille, comme l’avait initialement envisagé le Président de la République, mais son statut dérogatoire au droit commun de la scolarisation nous convient. Nous estimons que la règle doit demeurer l’instruction au sein l’école de la République, dans l’intérêt premier de l’enfant.
Nous tenons beaucoup à la présentation d’un projet pédagogique par les familles qui conserveront le droit à l’instruction à domicile, au contrôle des capacités des parents et à l’obligation de dispenser l’enseignement majoritairement en langue française. Ce renforcement des conditions devrait permettre de mieux contrôler a posteriori les familles qui conserveraient ce statut dérogatoire.
Monsieur le ministre, par parallélisme des formes, je présenterai tout à l’heure un amendement visant à soumettre l’ouverture des écoles privées hors contrat à une autorisation préalable.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 619 rectifié ter est présenté par Mme Havet, MM. Mohamed Soilihi, Richard et Patriat, Mme Duranton, MM. Yung, Bargeton, Marchand, Iacovelli, Patient, Rambaud, Lévrier, Buis et Rohfritsch et Mme Schillinger.
L’amendement n° 640 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – Le code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article L. 131-2 est ainsi rédigé :
« L’instruction obligatoire est donnée dans les établissements ou écoles publics ou privés. Elle peut également, par dérogation, être dispensée dans la famille par les parents, par l’un d’entre eux ou par toute personne de leur choix, sur autorisation délivrée dans les conditions fixées à l’article L. 131-5. » ;
2° L’article L. 131-5 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– à la fin de la première phrase, les mots : «, ou bien déclarer au maire et à l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation, qu’elles lui feront donner l’instruction dans la famille » sont remplacés par les mots : « ou bien, à condition d’y avoir été autorisées par l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation, lui donner l’instruction en famille » ;
– la seconde phrase est supprimée ;
b) À la fin du deuxième alinéa, les mots : « ou de choix d’instruction » sont supprimés ;
c) Après le troisième alinéa, sont insérés douze alinéas ainsi rédigés :
« L’autorisation mentionnée au premier alinéa est accordée pour les motifs suivants, sans que puissent être invoquées d’autres raisons que l’intérêt supérieur de l’enfant :
« 1° L’état de santé de l’enfant ou son handicap ;
« 2° La pratique d’activités sportives ou artistiques intensives ;
« 3° L’itinérance de la famille en France ou l’éloignement géographique de tout établissement scolaire public ;
« 4° L’existence d’une situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif, sous réserve que les personnes qui en sont responsables justifient de la capacité de la ou des personnes chargées d’instruire l’enfant à assurer l’instruction en famille dans le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant. Dans ce cas, la demande d’autorisation comporte une présentation écrite du projet éducatif, l’engagement d’assurer cette instruction majoritairement en langue française ainsi que les pièces justifiant de la capacité à assurer l’instruction en famille.
« L’autorisation mentionnée au premier alinéa est accordée pour une durée qui ne peut excéder l’année scolaire. Elle peut être accordée pour une durée supérieure lorsqu’elle est justifiée par l’un des motifs prévus au 1°. Un décret en Conseil d’État précise les modalités de délivrance de cette autorisation.
« L’autorité de l’État compétente en matière d’éducation peut convoquer l’enfant, ses responsables et, le cas échéant, la ou les personnes chargées d’instruire l’enfant à un entretien afin d’apprécier la situation de l’enfant et de sa famille et de vérifier leur capacité à assurer l’instruction en famille.
« En application de l’article L. 231-1 du code des relations entre le public et l’administration, le silence gardé pendant deux mois par l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation sur une demande formulée en application du premier alinéa du présent article vaut décision d’acceptation.
« Un recours contre une décision de refus d’autorisation demandée en application du présent article peut être formulé, par les personnes responsables d’un enfant soumis à l’obligation scolaire instruit dans la famille, auprès d’une cellule rectorale de recours administratif préalable obligatoire dont les modalités de fonctionnement sont fixées par décret.
« Le président du conseil départemental et le maire de la commune de résidence de l’enfant sont informés de la délivrance de l’autorisation. Lorsqu’un enfant recevant l’instruction dans la famille ou l’un des enfants du même foyer fait l’objet de l’information préoccupante prévue à l’article L. 226-3 du code de l’action sociale et des familles, le président du conseil départemental en informe l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation, qui peut alors suspendre ou abroger l’autorisation qui a été délivrée aux personnes responsables de l’enfant. Dans cette hypothèse, ces dernières sont mises en demeure de l’inscrire dans un établissement d’enseignement scolaire, dans les conditions et selon les modalités prévues à l’article L. 131-5-1 du présent code.
« Lorsque, après concertation avec le directeur de l’établissement d’enseignement public ou privé dans lequel est inscrit un enfant, il est établi que l’intégrité physique ou morale de cet enfant est menacée, les personnes responsables de l’enfant peuvent lui donner l’instruction dans la famille après avoir sollicité l’autorisation mentionnée au premier alinéa du présent article, dans le délai restant à courir avant que cette autorisation ne leur soit accordée ou refusée.
« L’enfant instruit dans la famille est rattaché administrativement à une circonscription d’enseignement du premier degré ou à un établissement d’enseignement scolaire public désigné par l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation. » ;
3° Après l’article L. 131-5, il est inséré un article L. 131-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 131 -5 -1. – I. – Lorsqu’elle constate qu’un enfant reçoit l’instruction dans la famille sans l’autorisation mentionnée à l’article L. 131-5, l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation met en demeure les personnes responsables de l’enfant de l’inscrire, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la mise en demeure, dans un établissement d’enseignement scolaire public ou privé et de faire aussitôt connaître au maire, qui en informe l’autorité compétente de l’État en matière d’éducation, l’école ou l’établissement qu’elles auront choisi.
« II. – Lorsqu’elle est obtenue par fraude, l’autorisation mentionnée à l’article L. 131-5 est retirée sans délai, sans préjudice des sanctions pénales. Ce retrait est assorti d’une mise en demeure d’inscrire l’enfant dans un établissement d’enseignement scolaire public ou privé, dans les conditions et selon les modalités prévues au I du présent article. » ;
3° ter L’article L. 131-10 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « d’établir quelles sont les raisons alléguées par les personnes responsables de l’enfant, et » sont remplacés par les mots : « de vérifier la réalité des motifs avancés par les personnes responsables de l’enfant pour obtenir l’autorisation mentionnée à l’article L. 131-5 » ;
a bis) Après la même première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Dans le cadre de cette enquête, une attestation de suivi médical est fournie par les personnes responsables de l’enfant. » ;
b) À la première phrase du troisième alinéa, les mots : « la déclaration » sont remplacés par les mots : « l’autorisation » ;
c) À la dernière phrase du quatrième alinéa, les mots : « de la déclaration annuelle qu’elles sont tenues d’effectuer » sont remplacés par les mots : « de l’autorisation qui leur est accordée » ;
d) Le cinquième alinéa est supprimé ;
4° Au premier alinéa de l’article L. 131-11, après la première occurrence du mot : « articles », est insérée la référence : « L. 131-5-1, » ;
5° À la première phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 311-1, les mots : « la déclaration annuelle » sont remplacés par les mots : « l’autorisation ».
II. – L’article L. 552-4 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° À la fin du premier alinéa, les mots : « soit d’un certificat de l’autorité compétente de l’État attestant que l’enfant est instruit dans sa famille, soit d’un certificat médical attestant qu’il ne peut fréquenter régulièrement aucun établissement d’enseignement en raison de son état de santé » sont remplacés par les mots : « soit de l’autorisation délivrée par l’autorité compétente de l’État en application de l’article L. 131-5 du code de l’éducation » ;
2° Après la première phrase du deuxième alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée : « En l’absence de production effective de l’une de ces pièces, aucune prestation ne peut être versée. »
II bis. – Au deuxième alinéa de l’article 18 de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, après le mot : « déclarer », sont insérés les mots : «, avant le début de l’année scolaire, » et les mots : «, dans les conditions prévues à l’article L. 131-5 dudit code, » sont supprimés.
III. – Le présent article entre en vigueur à la rentrée scolaire 2022.
Par dérogation, l’autorisation prévue par l’article L. 131-5 du code de l’éducation est accordée de plein droit, pour les années scolaires 2022-2023 et 2023-2024, aux enfants régulièrement instruits dans la famille au cours de l’année scolaire 2021-2022 et pour lesquels les résultats du contrôle organisé en application du troisième alinéa de l’article L. 131-10 du même code ont été jugés suffisants.
La parole est à Mme Nadège Havet, pour présenter l’amendement n° 619 rectifié ter.
Les conséquences de l’épidémie et des mesures restrictives qu’elle rend encore nécessaires rappellent le rôle incontournable de la scolarisation, notamment pour l’intégration sociale et le bien-être de nos enfants. Par les valeurs qu’elle véhicule, l’école est aussi le socle de notre République laïque.
En deux ans, le nombre d’enfants instruits en famille a augmenté de plus de 50 %. Toutes les classes d’âge sont concernées. La tendance étant structurelle, il nous paraît aujourd’hui nécessaire de mieux encadrer l’instruction en famille, dans l’intérêt supérieur de l’enfant.
Que nous apprennent les rapports des contrôles pédagogiques ? Que le droit à l’instruction n’est pas toujours garanti de façon suffisante ; que l’instruction en famille est de plus en plus détournée ; et que cet éloignement peut donner lieu à des dérives sectaires, communautaires, ou alors à la mise en danger des enfants. Parmi les signalements transmis, certains relèvent des comportements très préoccupants.
C’est aussi un enjeu de santé publique : dépistage des troubles, vérification du respect des obligations vaccinales, éducation à l’alimentation et à la sexualité.
Si, en l’état actuel du droit, il appartient au maire de faire connaître au directeur académique des services de l’éducation nationale (Dasen) certains manquements, les contrôles a posteriori ne permettent pas, dans la pratique, de mettre fin à la situation des « enfants fantômes ».
L’article 21, dans la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, prévoyait de substituer au régime actuel un régime d’autorisation préalable de l’instruction en famille limitant son recours à quatre motifs. Cette disposition, dont nous regrettons la suppression en commission, complète en quelque sorte une autre mesure qui a été votée par le Parlement : il s’agit de l’instruction obligatoire à partir de l’âge de 3 ans.
Le présent amendement a donc pour objet de rétablir l’article 21 dans la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale.
Nous avons déjà eu ce débat en commission. Je ne ferai pas de long discours, car chacun en connaît les termes.
Ce projet de loi n’a pas pour objet de faire le procès de l’instruction à domicile ou en famille. C’est même le contraire : comme beaucoup de libertés, celle-ci a besoin d’être précisée par la loi afin de disposer d’une assise plus solide.
Je ne referai l’histoire constitutionnelle ni de la liberté d’instruction en famille ni de la liberté d’enseignement. Néanmoins, comme vous le savez, lorsqu’en 1977 le juge constitutionnel a consacré la liberté d’enseignement, il s’est référé aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République en se fondant sur la loi de finances pour 1931, texte par définition postérieur à la fois à la loi de 1905 et aux lois des années 1880 sur l’école – ces dernières sont d’ailleurs les premières lois sur la laïcité, abordée à travers le prisme de l’école.
Les travaux législatifs des années 1880 montrent que l’instruction en famille n’est pas du tout partie prenante de la nouvelle logique éducative installée par les lois de la République. Au contraire, elle apparaît comme une sorte de survivance historique, notamment du préceptorat qui se pratiquait dans les familles les plus aisées. Cette histoire n’est évidemment que l’un des aspects de la question, mais elle est importante dès lors que des questions constitutionnelles, et même philosophiques, sont soulevées.
Depuis plusieurs mois, les choses ont parfois été un peu caricaturées. Nous n’avons jamais eu l’objectif d’en finir avec l’instruction en famille. Pour autant, des pays tels que l’Allemagne, la Suède ou l’Espagne, qui ne sont pas considérés comme antidémocratiques, ont interdit l’instruction en famille sans être censurés pour cela par la Cour européenne des droits de l’homme qui émet des signaux que je qualifierais de « cousins » de ceux qu’envoie notre Conseil constitutionnel.
Il reste que les questions relatives au statut de l’instruction en famille sont légitimes, et je ne doute pas que le Conseil constitutionnel produira prochainement une jurisprudence qui nous apportera le cadrage nécessaire.
Nous aurions pu adopter une position à l’allemande, à la suédoise ou à l’espagnole, si vous me permettez l’expression. Nous ne l’avons pas fait, car nous avons choisi le dialogue, non seulement avec le Conseil d’État, ce qui nous a conduits à apporter de premières évolutions au projet initial, mais aussi avec le monde des familles qui se sont beaucoup mobilisées.
Nous avons écouté et compris un certain nombre d’arguments, ce qui nous a conduits à augmenter le nombre d’exceptions initialement prévu. Ainsi, au-delà des seuls enfants qui ont besoin de l’enseignement en famille du fait de leurs problèmes de santé, d’autres catégories d’enfants pourront également en bénéficier. Cet élargissement des possibilités d’exception indique clairement que nous ne visions que l’instruction en famille dévoyée à des fins de ce que l’on nomme séparatisme.
Nous n’avons pas inventé ce séparatisme : il existe bel et bien, et il peut arriver qu’il prenne la figure de l’instruction en famille. Nous savons qu’il y a de la bonne et de la mauvaise instruction en famille, et nous serions en tort si nous ne faisions pas la distinction entre les deux. Seront en tort tous ceux qui ne font pas cette distinction en faisant semblant de ne pas voir les problèmes. Plus de la moitié des enfants qui fréquentent les structures que nous démantelons les fréquentent sous couvert de l’instruction en famille. Devrions-nous ne rien faire ?
Que pensent ceux qui tous les jours critiquent le Gouvernement en affirmant que nous n’en faisons pas assez contre le radicalisme islamiste et qui, sur ce sujet, deviennent comme aveugles aux problèmes réels qui se posent sur le terrain ? Faites des propositions, mais vous ne pouvez pas affirmer que l’instruction en famille ne pose aucun problème ! Oui, elle pose un problème : un problème de séparatisme, et pas seulement au titre du radicalisme islamiste, mais également au titre des sectes et de tout autre phénomène du même ordre.
Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, ce texte ne défend pas seulement les valeurs de la République, mais les droits de l’enfant. En réalité, c’est la même chose : lorsqu’on défend les valeurs de la République, on défend les droits de l’enfant, et vice-versa.
Il est assez facile – j’en ai malheureusement été témoin – de faire de la démagogie en faisant comme si on ne voyait pas les problèmes. Je n’ignore pas ce que votre Haute Assemblée s’apprête à voter : chacun prendra ses responsabilités dans les débats futurs sur cette question, car il est un peu facile d’être contre le séparatisme tel qu’il se manifeste dans notre société dans des discours généraux, tout en manquant du courage politique nécessaire pour aller droit au but et remédier aux phénomènes que l’on observe.
Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.
J’ai entendu ce que j’ai entendu ! Chacun prendra ses responsabilités : vous n’êtes pas obligé de vous sentir concernés par ce que je viens de dire ; vous le montrerez dans vos propos. Ce qui est très important, c’est que chacun, en conscience, examine le phénomène auquel nous assistons.
J’adhère aux propos de Mme Havet et de MM. Rietmann et Magner : oui, il se joue quelque chose d’essentiel dans l’école de la République, dans la classe, dans la cour de récréation et dans la sociabilité, parce que l’école ne transmet pas seulement des savoirs, mais aussi des valeurs.
Nous sommes très respectueux des familles qui ont choisi l’instruction en famille pour de bonnes raisons. Elles n’ont rien à craindre de la future loi, et il est dommage de dépenser de l’énergie contre un texte qui ne fera pas de tort à ceux qui n’ont aucune raison de le craindre.
En revanche, d’autres ont tout lieu de redouter ce texte : ceux qui développent des structures clandestines en utilisant l’instruction en famille ; les familles salafistes qui utilisent ce dispositif pour écarter leurs enfants, notamment leurs filles, de l’instruction publique.
L’intention du législateur ressort des propos que nous tenons. Notre intention est très claire et elle guidera l’action de l’éducation nationale une fois que ce texte sera adopté. Car l’enjeu n’est pas seulement de voter une loi, mais de disposer d’une administration organisée pour réussir le contrôle de l’instruction en famille. C’est là une faiblesse de notre système éducatif depuis un siècle et demi. Nous nous organiserons donc pour nous assurer que l’instruction en famille se passe bien.
Nous ne mettrons pas fin à l’instruction en famille. En revanche, nous allons la doter d’un cadre plus net qui permettra de renforcer la République et les droits de l’enfant.
M. Julien Bargeton applaudit.
L’amendement n° 526 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après l’article L. 131-9 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 131-… ainsi rédigé :
« Art. L. 131 -…. – Lorsqu’en cours d’année scolaire, des parents ou responsables légaux font savoir leur volonté de déscolariser leur enfant en vue d’assurer son instruction en famille, un entretien est organisé avec le directeur d’établissement et les services départementaux de l’Éducation nationale en charge des écoles. Une proposition d’inscription alternative dans une autre école dépendante du collège de secteur est proposée aux parents ou responsables légaux, sous réserve des limitations matérielles d’accueil après accord du maire. »
La parole est à Mme Céline Brulin.
Comme beaucoup d’autres ici, je considère que la liberté n’est pas et ne doit pas être contradictoire avec le droit de l’enfant à une instruction de qualité, et c’est ce qui guidera nos propres choix.
Par cet amendement, nous souhaitons débattre de l’instruction en famille que l’on pourrait qualifier de subie ou de contrainte. En effet, dans certains cas, cette possibilité apparaît comme une sorte de dernier recours pour des parents désemparés face au mal-être de leur enfant ou parce que tous les moyens ne sont pas mis en œuvre dans l’école pour l’accueillir comme il se doit. Je pense par exemple aux enfants qui ne bénéficient pas de l’aide d’un accompagnant d’élèves en situation de handicap (AESH), ce qui peut dans bien des cas conduire les familles à opter pour l’instruction en famille.
Nous proposons d’instaurer un temps d’échange entre les parents et les services académiques et municipaux en cas de demande d’instruction en famille. Celui-ci permettrait notamment de proposer aux familles l’inscription de leur enfant dans une autre école, et ce faisant, un autre choix que le recours à l’instruction en famille.
Cela permettrait à notre sens également aux équipes municipales d’avoir une meilleure visibilité sur les effectifs dans les communes, ce qui est très important dans l’élaboration des mesures de carte scolaire puisque, bien souvent – vous le savez, monsieur le ministre – une ouverture ou une fermeture de classe peuvent se jouer à un élève près.
Enfin, nous estimons que cette possibilité d’inscription dans une nouvelle école permettrait de garantir à chaque enfant que l’éducation nationale lui offre les meilleures conditions d’apprentissage possible.
L’amendement n° 527 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
À la deuxième phrase du troisième alinéa de l’article L. 131-10 du code de l’éducation, après les mots : « À cet effet, ce contrôle », sont insérés les mots : «, effectué par un inspecteur académique formé aux spécificités de l’instruction en famille, ».
La parole est à Mme Céline Brulin.
Cet amendement tend à allouer des moyens supplémentaires aux inspecteurs de l’éducation nationale, afin qu’ils puissent disposer de tous les outils disponibles pour effectuer leur mission de contrôle de l’instruction en famille.
Les familles sont actuellement soumises à un contrôle annuel permettant de vérifier que l’instruction des enfants répond bien aux attentes concernant les savoirs dits fondamentaux, en lien avec les programmes.
Nous estimons qu’une formation adaptée aux enjeux de l’instruction en famille permettrait aux inspecteurs de mieux appréhender les situations diverses qui relèvent de l’instruction en famille. Ils sauront ainsi mieux déceler les éventuels manquements ou mieux répondre aux demandes des familles, toujours dans l’objectif d’offrir à chaque enfant une instruction de la plus grande qualité possible.
Les amendements n° 120 rectifié, 103 rectifié, 619 rectifié ter et 640 ont pour objet commun de rétablir le régime d’autorisation pour l’instruction en famille (IEF).
En effet, la modification du régime de déclaration en régime d’autorisation a fait couler beaucoup d’encre… et de salive ! De notre point de vue, l’encadrement du recours à l’IEF remet en cause le principe de la liberté d’enseignement, qui repose sur quatre piliers depuis plus de cent quarante ans, ceux de l’école publique, de l’école privée sous contrat, de l’école privée hors contrat et de l’instruction en famille.
Comme rapporteur pour avis, je m’interroge surtout sur le lien qui a été établi entre le séparatisme et l’instruction en famille. Le ministère n’a mené aucune étude sur les enfants qui bénéficient de ce type d’enseignement, et l’étude d’impact qui est associée au projet de loi se révèle particulièrement lacunaire sur le sujet. En outre, au cours des auditions, aucun document attestant ce lien ne m’a été présenté.
Lors de l’examen de textes plus anciens, la commission a accepté un encadrement du recours à l’instruction en famille. Monsieur le ministre, j’ai la naïveté de croire que nous pouvons encore vous convaincre que telle est la bonne démarche à suivre. En effet, cet encadrement permettra d’atteindre un équilibre entre la liberté d’enseignement et le droit à l’instruction de chaque enfant.
L’article 21, dans la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, ne répond pas à ce principe de proportionnalité. Il limite considérablement la possibilité de recourir à l’instruction en famille, alors même que les outils juridiques existants pour exercer un contrôle sur ce type d’enseignement ne sont pas pleinement utilisés. Par exemple, les nouvelles mesures introduites dans la loi pour une école de la confiance n’ont fait l’objet d’aucune évaluation.
Le lien entre le séparatisme et l’instruction en famille, qui sous-tend la genèse de cet article, a été établi à partir du constat empirique de la présence dans des écoles clandestines d’enfants déclarés en instruction en famille. Comme je l’ai dit dans la discussion générale, certains faits découverts en 2019 et 2020 ont donné lieu à un amalgame malhonnête qui a été diffusé assez largement auprès de l’opinion publique.
Sur le sujet des « écoles de fait », la commission soutient toutefois le Gouvernement. Elle a notamment maintenu la possibilité de la fermeture administrative de ces lieux.
Le régime d’autorisation, qui prévoit un délai de deux mois pour que l’administration puisse traiter la demande, semble également méconnaître le fait que les enfants instruits en famille le sont pendant moins d’un an pour 40 % à 50 % d’entre eux. En outre, toutes les demandes ne se font pas au moment de la rentrée scolaire.
Enfin, nous pouvons nous interroger sur la capacité des services déconcentrés de l’éducation nationale à traiter, chaque année, quelque 50 000 à 60 000 demandes d’autorisation. Les moyens ainsi mobilisés seraient utiles pour assurer le contrôle annuel effectif de l’ensemble des enfants instruits en famille. Pour répondre à certains de mes collègues, rien ne s’oppose à ce que nous ouvrions un débat sur le sujet.
Depuis 1882 et les lois Ferry, la société a bien évidemment connu des changements profonds, à commencer par la séparation des Églises et de l’État, votée vingt-trois ans plus tard. Je conçois donc qu’il faille apporter quelques compléments au régime existant. Tel est le sens des articles 21 bis et suivants que la commission de la culture a adoptés tout en préservant le régime déclaratif.
Monsieur le ministre, je me permets de vous citer lorsque vous avez précisé qu’« il n’[était] pas question d’en finir avec l’instruction en famille », car ce ne sont pas les mots du Président de la République. Dans le discours des Mureaux, la volonté était bien « d’en finir avec l’instruction en famille » !
La commission de la culture est tout à fait disposée à faire la distinction entre une bonne et une mauvaise instruction en famille. Les articles 21 bis et suivants constituent là encore une avancée pour traquer les fraudeurs et ceux qui utilisent ce type d’enseignement à des fins détournées.
Pour toutes ces raisons, la commission de la culture a émis un avis défavorable sur les amendements n° 120 rectifié, 103 rectifié, 619 rectifié ter et 640 qui visent à rétablir le régime d’autorisation pour l’instruction en famille.
L’amendement n° 526 rectifié tend à mettre en place un entretien obligatoire avec le chef d’établissement lorsque, en cours d’année, une famille décide de déscolariser son enfant. Dans les faits, un dialogue s’instaure souvent avec la famille pour rechercher une autre solution, avant la déscolarisation. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
En revanche, elle a formulé un avis favorable sur l’amendement n° 527 rectifié. En effet, à défaut d’avoir des inspecteurs qui s’occupent uniquement du contrôle des enfants instruits en famille, il est important que certains d’entre eux soient sensibilisés et formés aux particularités de ce type d’enseignement.
Monsieur le rapporteur pour avis, vos arguments partent de plusieurs présupposés.
Premièrement, vous laissez entendre qu’un régime déclaratif serait plus protecteur des libertés qu’un régime d’autorisation. C’est un point de divergence entre nous et je ne changerai pas d’avis sur le sujet. Le régime d’autorisation permet – et cela détermine toute la suite du raisonnement – de développer une approche a priori de l’instruction en famille et de protéger ainsi davantage les enfants. En effet, dans une approche a posteriori, un enfant pourrait se trouver pendant plusieurs mois dans une situation qui n’est pas conforme à ses droits. Quand bien même cela ne concernerait que peu de cas – et, malheureusement, ce n’est pas la réalité –, la protection de l’enfant justifie que nous privilégiions une vision a priori du contrôle de l’instruction en famille.
Pour le reste, je ne peux qu’être d’accord avec ce que vous avez dit, en particulier sur la nécessité de personnaliser davantage l’approche, afin de garantir une meilleure protection de l’enfant.
Cependant, vous comprendrez que votre contre-proposition ne tient pas. Je considère, en effet, que le texte, tel que l’a rédigé l’Assemblée nationale, permet à la fois de mettre en place un régime d’autorisation, de prévoir des exceptions et de couvrir l’ensemble des possibilités que vous cherchez à réintroduire. D’une certaine façon, si je puis me permettre, vous rendez hommage au texte que vous avez amendé, puisque vous lui reconnaissez toute une série de qualités, en tentant de les rétablir sous une forme différente.
Je vous invite à conserver ces qualités dans leur forme initiale. Nous pourrons ainsi nous entendre, comme vous le souhaitez. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, l’instruction en famille est inscrite dans le droit français depuis la loi de Jules Ferry de 1882. Elle est contrôlée et encadrée par l’État. Il faut renforcer ce contrôle et cet encadrement, et c’est l’objet des nombreux amendements que présentera le groupe du RDSE.
Le Conseil d’État s’est prononcé en faveur de l’instruction en famille, à laquelle le Conseil constitutionnel a reconnu la valeur d’une liberté constitutionnelle.
Ce type d’enseignement ne vous posait pas de problème, monsieur le ministre, quand nous vous avions auditionné dans le cadre de la commission d’enquête sur les réponses apportées par les autorités publiques au développement de la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre. Il ne faut donc pas « couper la tête » de l’instruction en famille, mais essayer de trouver un juste milieu.
Je ne voudrais pas non plus que nous restions sur des images d’Épinal. En écoutant l’un de nos collègues, j’ai eu l’impression que l’instruction en famille consistait à maintenir les enfants chez eux vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Les outils pédagogiques ont fort heureusement évolué et prévoient désormais des temps de regroupement. Il convient donc que nous dépassions les idées reçues, et que nous parvenions, dans cet hémicycle, à trouver un juste milieu.
Certes, l’instruction en famille donne lieu à des dévoiements qu’il nous faut combattre. Nous ne devons pas pour autant condamner a priori tous ceux qui y ont recours. Comme je vous le disais dans la discussion générale, adopter l’article 21 dans la rédaction de l’Assemblée nationale reviendrait à priver de liberté une grande partie des familles qui vivent l’instruction en famille normalement. Vous ferez aussi le jeu des islamistes et vous leur laisserez gagner le combat, si vous persistez à vouloir rétablir cet article dans sa rédaction initiale, monsieur le ministre.
Il est possible de trouver un juste milieu et il faut y travailler. Tel sera le sens des amendements que nous vous présenterons après cet article. La grande majorité des membres du groupe du RDSE – et j’en fais partie – ne votera pas le rétablissement de l’article 21.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, il existe une relation ancienne entre la République et la nécessité d’une instruction nationale qui garantisse les droits des enfants. Dans son projet de Constitution, en 1793, Condorcet l’exprimait ainsi : « L’instruction élémentaire est le besoin de tous, et la société la doit également à tous ses membres. »
Ce principe a été repris dans la Constitution de 1848 que je vous cite : « L’enseignement est libre. La liberté s’exerce selon les conditions de capacité et de moralité déterminées par les lois, et sous la surveillance de l’État. Cette surveillance s’étend à tous les établissements d’éducation et sans aucune exception. »
Ferdinand Buisson, auquel nous devons le mot de « laïcité », et qui est l’un des promoteurs de la loi de 1905, le disait encore plus justement en ces termes : « Dès lors que nous ne pouvons songer à reconnaître pour un futur membre de la société la liberté de se passer d’enseignement, ni pour ses parents celle de l’en priver, nous ne songerons pas davantage à une sorte de liberté d’indifférence de la part de la commune et de l’État en ce qui concerne la distribution ou la non-distribution de cet enseignement. Il y a, nous semble-t-il, un droit et un devoir qui sont au-dessus de toutes les libertés : c’est le droit et le devoir de l’instruction qui s’imposent au nom d’une nécessité sociale. »
C’est au nom de cette nécessité sociale qu’il nous semble essentiel, aujourd’hui, que l’État puisse garantir les droits à l’instruction de tous les enfants. En effet, l’instruction nationale est constitutive de notre République. Pour toutes ces raisons, le groupe CRCE votera ces amendements.
Mme Marie-Pierre Monier applaudit.
Monsieur le ministre, je vous trouve quelque peu crispé, cet après-midi, au point d’émettre un avis défavorable sur les amendements de rétablissement, alors que vous y êtes favorable, me semble-t-il.
Voilà un peu plus d’un an – c’est sans doute la raison de votre crispation – vous indiquiez que l’instruction en famille ne posait pas de problème et qu’elle était protégée par la Constitution.
Il y a un peu plus de deux ans, nous votions ensemble la loi pour une école de la confiance, afin que vous puissiez renforcer le contrôle sur l’instruction en famille. Nous l’avons fait très sereinement, en vous donnant, à votre demande, les outils nécessaires.
Mes chers collègues, je voudrais partager avec vous une conviction intime, un constat et une inquiétude.
Ma conviction intime, c’est que la coexistence de propositions éducatives variées est le signe d’une société apaisée, plurielle, moderne et respectueuse de la diversité. C’est donc au nom de la modernité, et non pas du passé – puisque vous avez parlé du préceptorat – que je défendrai l’instruction en famille.
Monsieur le ministre, le rapporteur pour avis vous a déjà fait part du constat : au-delà des cas d’espèce recensés dans une sorte de politique au doigt mouillé, vous vous êtes montré, depuis des mois, incapable d’étayer de manière forte la corrélation qui pourrait exister entre l’instruction en famille et la menace séparatiste. Ni l’ampleur du phénomène ni celle des dérives ou des infractions constatées n’ont été explicitées pour justifier la remise en cause d’un élément constitutif d’une liberté fondamentale, la liberté d’enseignement.
C’est donc sous le coup d’une démocratie de l’émotion, parfait symbole de cet État inquiet dont je parlais lors de la discussion générale, que vous prenez des mesures disproportionnées par rapport à l’objectif que vous cherchez à atteindre.
Quant à l’inquiétude, elle porte sur le fait que le régime d’autorisation, même amendé à l’Assemblée nationale, rendra a priori suspecte la liberté de choix des parents, puisque ceux-ci devront justifier qu’ils poursuivent l’intérêt supérieur de leurs propres enfants face à une puissance publique jugée seule apte à définir cet intérêt supérieur de l’enfant.
Nous passons ainsi d’un régime de déclaration avec un contrôle a posteriori, que je ne discute pas, à un régime d’autorisation, fondé sur le contrôle sociétal a priori de l’intention et de la motivation du choix des parents.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais tenter d’être dans la nuance, entreprise difficile s’il en est, pour vous indiquer les raisons qui font que je m’abstiendrai sur ces amendements.
J’ai mené une carrière de professeur dans l’éducation nationale et je suis très attachée à l’école de la République. Cette période de ma vie a été très intéressante. L’exercice du métier de professeur m’a naturellement conduite à porter un regard à la fois bienveillant et lucide sur notre système d’enseignement.
En effet, loin de mettre en cause qui que ce soit, mon expérience m’incite à dire que tous les enfants ne peuvent pas s’épanouir à l’école. Que ce soit sur des périodes courtes ou au long cours, certains parents qui portent une attention bienveillante à leur enfant peuvent déceler chez lui une fragilité, une propension à apprendre plus rapidement que les autres par imprégnation, parce qu’il est très curieux de nature, ou bien parce qu’il est apte à appréhender les savoirs par lui-même. Tous ces cas existent, et même s’ils concernent peu d’enfants, ils justifient de maintenir la liberté de recourir à l’instruction en famille, telle qu’elle existait précédemment. Il me semble que nous ne devrions pas faire comme si ces cas n’existaient pas. C’est pourquoi il faut laisser cette liberté pleine et entière aux parents.
À cet égard, je ne saurais trop vous conseiller l’œuvre de Gerald Durrell, T rilogie de Corfou. Cette lecture lumineuse vous fera découvrir l’éducation totalement libre de celui qui deviendra un zoologiste naturaliste mondialement connu, officier de l’ordre de l’Empire britannique, et dont le frère Lawrence Durrell était un écrivain également connu. Ce magnifique ouvrage vous montrera comment un enfant peut apprendre par lui-même, s’il est déjà curieux.
Je m’abstiendrai sur ces amendements.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, choisir que ses enfants aillent à l’école publique ou à l’école privée, choisir pour ses enfants l’enseignement à distance ou pratiquer l’instruction en famille, toutes ces décisions témoignent d’une réflexion, d’une implication et d’un engagement.
L’école est obligatoire pour tous les enfants de France, mais la liberté d’instruire son enfant en dehors des bancs de l’école, selon son choix, peut répondre à des raisons diverses, qui peuvent être de santé ou de handicap. Je pense également aux enfants autistes qui ne peuvent intégrer l’école publique, faute de classes adaptées en nombre suffisant, ou bien parce qu’ils ont des besoins différents.
Nombre d’enfants ne sont pas heureux à l’école et ont besoin de travailler à leur rythme. Certains perdent confiance en eux parce que la méthode d’apprentissage n’est pas adaptée à leurs besoins. Les enfants harcelés à l’école, qui ont la boule au ventre chaque matin, peuvent avoir besoin de l’instruction en famille, au moins pour un temps, afin de reprendre confiance en eux et de retrouver goût à la vie.
L’école à la maison, ce n’est pas faire ce que l’on veut de ses enfants ; c’est faire au mieux pour ses enfants. Cela implique de connaître les attendus du socle commun, de justifier ses choix pédagogiques et organisationnels, et de montrer son attachement aux valeurs de la République. Il s’agit de s’investir pour le bien-être et la réussite de ses enfants. Les familles que j’ai pu rencontrer privilégiaient la culture et le sport, et leurs enfants n’étaient pas isolés. L’argumentation développée par certains de mes collègues ne tient donc pas.
Ne nous trompons pas de débat ! Il ne faut pas pénaliser les 0, 5 % de familles qui choisissent l’IEF, mais plutôt lutter contre les abus et le séparatisme, en renforçant l’encadrement et les mesures de suivi pour ne pas perdre l’enfant en chemin.
Je crois que nous sommes tous d’accord sur ce point. Choisissons donc de mieux encadrer, d’accompagner, de contrôler, mais pas d’interdire ! Choisissons la confiance pour tous ceux qui en sont dignes et respectent les principes de la République ! Tel est mon avis personnel, et les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires voteront selon leurs convictions.
À la suite de la suppression de l’article, la commission de la culture a malgré tout repris un certain nombre de dispositifs intégrés par le Gouvernement.
Pourquoi faut-il, à nos yeux, privilégier le contrôle a priori ? Tout d’abord, pour son application plus systématique et plus aisée, car le nombre de familles qui choisissent l’école à la maison a fortement augmenté, ce qui complique la mise en œuvre des contrôles a posteriori, notamment la procédure administrative réalisée par le maire.
Ensuite, le nouveau système proposé, en plus de sa meilleure efficacité, vaudra surtout pour l’avenir. En effet, 40 % des familles concernées inscrivent aujourd’hui leur enfant dans un parcours classique organisé par le Centre national d’enseignement à distance (CNED). Il s’agit le plus souvent d’enfants qui souffrent de handicap. Le nouveau régime d’autorisation ne modifiera pas cette possibilité.
Le texte prévoit également un régime transitoire pour les familles déjà connues du ministère pour avoir choisi l’école à la maison, et qui ne posent aucune difficulté.
Le régime modifié s’appliquera donc aux familles qui souhaiteront entrer nouvellement dans le dispositif de l’école à la maison. Il visera à empêcher certains enfants de fréquenter des écoles clandestines dirigées par des structures de radicalisation. Il est inacceptable que 5 000 enfants évoluent aujourd’hui hors des radars de l’éducation nationale !
Alors que, la semaine dernière, la majorité sénatoriale a opéré certains durcissements du texte auxquels le groupe RDPI est fermement opposé – nous y reviendrons en conclusion du débat –, vous souhaiteriez maintenant assouplir le contrôle a priori que nous proposons ? Nous déplorons cette méthode du « deux poids, deux mesures ».
Monsieur le ministre, lors de l’examen en commission, le Sénat a supprimé l’article 21 relatif à la refonte de l’instruction en famille. Cet article prévoyait de remplacer le régime actuel, soumis à simple déclaration, par une autorisation des services académiques délivrée pour une durée d’un an.
Ce renversement complet de la liberté d’instruction n’a d’autre but que de faire face à une radicalisation islamique qui utilise l’instruction en famille comme un outil pour déscolariser et isoler les enfants.
Lors des auditions, pour évaluer la pertinence de ce revirement, nous avons demandé à plusieurs reprises des chiffres ou un ordre de grandeur sur cette radicalisation dans l’instruction en famille. Or ni le ministre ni les spécialistes – nous sommes plusieurs à l’avoir remarqué – n’ont été capables d’évaluer réellement l’ampleur du phénomène.
Certains ont tout de même pointé du doigt l’augmentation du nombre d’enfants en IEF, de 36 000 enfants en 2019 à 64 000 en 2021. Il convient toutefois de relativiser ces chiffres, puisque l’abaissement de l’âge obligatoire de scolarisation de 6 ans à 3 ans explique plus de 17 000 de ces nouveaux cas.
Nous restons pourtant lucides : l’instruction en famille peut donner lieu à un certain nombre de dérives et de pratiques sectaires antirépublicaines, qui ne sont pas uniquement le fait des salafistes. Il nous faut être vigilants et rigoureux.
C’est pourquoi nous sommes favorables aux mesures qui contribuent à renforcer les contrôles de l’instruction à domicile. Nous sommes également favorables aux mesures qui visent à s’assurer que les enfants suivent un projet pédagogique sérieux et conforme à nos valeurs. Nous préférons l’encadrement plutôt que la suspicion généralisée. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera les amendements qui respectent ce principe.
Nous souhaitons maintenir la liberté donnée aux parents de faire l’école à leurs enfants chez eux, sur la base d’une simple déclaration, tout en donnant aux autorités compétentes en matière d’éducation les pouvoirs d’assurer le contrôle et la qualité du projet éducatif. Encore faut-il qu’ils en aient les moyens !
Mme Esther Benbassa applaudit.
Comme Stéphane Piednoir, j’ai entendu le Président de la République dire que la suppression de l’IEF était un moyen de lutter contre l’islamisme radical.
Cher Pierre Ouzoulias, on peut faire dire beaucoup de choses à Ferdinand Buisson. Toutefois, quand il parle de « séparatisme », il parle aussi de « foi laïque », et n’associe qu’à deux reprises à celui-ci le qualificatif « confessionnel ».
En effet, il faut avoir à l’esprit que, dès qu’il fut installé comme ministre de l’instruction publique, Jules Ferry nomma Ferdinand Buisson directeur de l’enseignement primaire, poste que celui-ci occupa pendant près de dix-sept ans. Ce dernier a donc été l’un des fondateurs de l’école républicaine.
Or, pour Ferdinand Buisson, « la seule originalité de cette école qui n’est à personne, car elle est à tous » – et qu’elle appartient également aux familles – « consiste à fonder l’éducation publique non plus sur le séparatisme confessionnel, mais sur la fraternité nationale ». L’école républicaine veut tuer la haine dans l’âme des petits Français. Elle ne remet pas en cause la foi, mais la haine : « toute foi est respectable, toute haine est mauvaise ».
Pourquoi rappeler cela ? Il faut encore se référer à Émile Littré qui aimait parler des « catholiques selon le suffrage universel », ce qui laisse entendre que l’on peut également parler des « musulmans selon le suffrage universel ».
Par conséquent, je ne suis pas certain qu’en supprimant ou en tentant d’amender le dispositif de l’instruction en famille, on ne s’éloigne pas de l’objectif initial. Je ne suis pas sûr qu’on ne parvienne pas à responsabiliser les familles, dans cette période où l’on s’inquiète de ce que les enfants semblent vivre de manière très individuelle.
La liberté d’instruction et la liberté d’enseignement représentent deux notions qui sont très importantes. Certains collègues socialistes affirment que l’instruction en famille ne développe ni la socialisation ni la citoyenneté. Les auditions ont pourtant montré qu’elle représentait un engagement très fort de la part des parents et des familles. Il serait vraiment dommage d’y mettre fin.
Pour changer le dispositif sans « punir » l’ensemble des personnes qui exercent leur mission d’instruction auprès de leurs enfants, mieux vaudrait multiplier les inspections, les contrôles et les règles. Le Gouvernement doit faire preuve d’autorité, à un moment où les Français et la République ont besoin de signaux forts.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le ministre, je salue avec beaucoup de sincérité vote détermination, votre courage et aussi votre action pour lutter contre l’embrigadement des enfants au travers de l’enseignement. Je suis d’accord avec vous : l’école est le creuset de la République, tout comme elle est aussi le creuset de la société et de l’émancipation des enfants.
Cependant, on ne peut faire fi des libertés constitutionnelles qui existent dans notre pays, et dont fait partie la liberté d’enseignement. C’est en tout cas la position que le Sénat a retenue lorsque nous avons discuté des écoles privées hors contrat.
Je pense, monsieur le ministre, qu’il n’existe effectivement pas de statistiques ni de chiffres pour démontrer le lien entre l’instruction en famille et le séparatisme. Ceux que vous nous indiquez peuvent apparaître anecdotiques et insuffisants. Vous avez toutefois raison de souligner que, comme il s’agit de pratiques clandestines, personne n’est capable de fournir de chiffres. Quoi qu’il en soit, un enfant qui est embrigadé, c’est toujours un de trop. Je salue donc votre volonté de préserver l’intérêt de tous les enfants. Toutefois, peut-on aller contre une liberté constitutionnelle ?
De plus, monsieur le ministre, dans cet hémicycle, nous ne manquons ni de courage ni de lucidité. J’ose donc dire qu’il n’est aucune loi, à ma connaissance, que certaines personnes malveillantes n’aient réussi à contourner habilement, en présentant des dossiers de demande d’autorisation qui ne pouvaient qu’emporter l’acquiescement. Les malins, les malveillants sont, à mon sens, trop malicieux pour ne pas s’affranchir d’une loi que nous pourrions proposer.
L’objectif que vous défendez, monsieur le ministre, avec force, conviction et constance, c’est de contrôler l’instruction en famille pour veiller à ce qu’il n’y ait pas d’enfant hors des radars de l’éducation nationale.
La liberté d’enseignement est constitutionnelle et certains enfants trouvent matière à épanouissement en s’instruisant hors de l’école. Monsieur le ministre, il faut continuer de former les inspecteurs comme vous l’avez fait, il faut systématiser les contrôles et être exigeant. J’apprécie votre engagement et votre détermination, et je regrette très sincèrement de ne pas pouvoir vous suivre d’un strict point de vue juridique et constitutionnel.
Je voterai contre ces amendements, et j’en profite pour émettre des réserves concernant la validation des acquis de l’enseignement en famille.
Je constate que l’indignation de la majorité sénatoriale est à géométrie variable, c’est le moins que l’on puisse dire ! Cela nous aura permis d’entendre notre collègue Max Brisson parler de diversité, cet après-midi, sur un ton très différent de celui qu’il avait adopté la semaine dernière…
Pour revenir sur le fond du sujet et pour reprendre la pensée de Benedict Anderson, la Nation c’est un imaginaire collectif. C’est quelque chose qui se construit ensemble, par des représentations qui se forgent dès le départ, dès le moment où l’on est ensemble, à l’école. Il n’est pas possible de construire la Nation sur des séparatismes, quels qu’ils soient, et c’est la raison pour laquelle votre position m’étonne.
Le séparatisme peut être non seulement religieux, comme certains l’ont mentionné, mais aussi social ou élitiste, dès lors qu’on choisit de se mettre à part de la Nation pour rester entre soi, avec son propre système de valeurs. Qu’il soit religieux ou social, le séparatisme nous met collectivement en danger. Mes chers collègues, vous ne pouvez pas ne pas comprendre ce risque, ni même faire semblant de ne pas le comprendre.
Il faut, bien entendu, voter ces amendements pour revenir au texte initial issu des travaux de l’Assemblée nationale.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Monsieur le ministre, connaissez-vous le syndrome de la punition collective ? Lorsque, chahuté par quelques élèves qu’il ne parvient pas à identifier, un professeur décide de sévir contre l’ensemble de la classe, non seulement il provoque un sentiment d’injustice chez les innocents qu’il a ainsi stigmatisés et châtiés, non seulement il suscite la moquerie de ceux qui n’ont pas été démasqués, non seulement il sème la zizanie entre les vrais et les faux coupables, mais il démontre aussi, et surtout, son manque d’autorité et de crédibilité.
Certes, la situation plus que préoccupante, dramatique même, de petites filles embrigadées, enchaînées spirituellement selon des préceptes totalement contraires aux valeurs de la République, mérite une réponse ferme.
Au pays des Lumières, de Voltaire et de Ferry, il faut évidemment lutter contre tous les obscurantismes, mais le filet jeté à juste titre sur les islamistes radicaux grâce à cet article retient aussi à tort des milliers de familles.
Avec l’article 21, vous mettez brutalement fin à des choix de vie, à un droit, à une liberté vieille de cent cinquante ans. Surtout, vous méprisez et jetez par-dessus bord une denrée sociale précieuse et devenue rare, la responsabilité parentale, car les familles qui ont décidé d’instruire elles-mêmes leurs enfants doivent assumer et assument un enseignement précis et détaillé.
Les récentes – et même l’actuelle – périodes de confinement ont pu faire prendre conscience à certains parents des difficultés liées à la mission d’enseigner. Nombreux ont été ceux qui ont été soulagés de voir leurs enfants retrouver le chemin de l’école, car il est difficile d’enseigner : c’est exigeant et chronophage.
Quelle injustice, donc, mais aussi quel contresens social que de démissionner – au sens propre du terme – ces parents qui ont fait le choix de la responsabilité pédagogique ! Je ne voterai évidemment pas pour le rétablissement de l’article 21.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le ministre, je vais plaider pour le rétablissement de l’article 21.
Il y a tout de même quelque chose que je n’arrive pas à comprendre, mes chers collègues. Lorsque cette liberté a été créée – et elle n’est pas supprimée avec l’article 21, comme certains aiment à le répéter –, notre pays avait certainement besoin de moins de garde-fous, parce que la dynamique populaire d’adhésion à l’école publique submergeait tout. Les familles voulaient mettre leurs enfants à l’école gratuite et laïque, une école qui était auparavant privée et réservée à quelques-uns, placée sous la coupe de l’Église notamment.
Mais, aujourd’hui, nous sommes dans une autre dynamique que vous faites semblant d’oublier. Vous avez voulu tout mélanger – je pense à l’affaire des drapeaux algériens dans les mairies, par exemple. Et, tout à coup, quand il s’agit du fond, c’est-à-dire de l’école, là où la séparation peut être la plus profonde, là où l’on peut inculquer à des jeunes, qui vont devenir des adultes, toutes les valeurs contraires à l’émancipation, à l’autonomie, à l’égalité, à la fraternité et à la laïcité, il n’y aurait plus besoin d’autorisation préalable. C’est incroyable !
Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.
C’est presque un moment de vérité dans cet hémicycle, qui permet de comprendre ce qui motive les uns et les autres. S’il est vraiment question de la République, alors vous ne pouvez pas fermer les yeux sur le fait que l’on parle aujourd’hui de 50 000 élèves sur plus de 10 millions. Je vous trouve très mobilisés sur ce sujet. Il est vrai que, comparé à celui du drapeau algérien lors des mariages…
Bref, la dynamique s’est inversée. L’instruction en famille n’est certes pas le seul fait des salafistes et des sectes, mais on a entendu dire que l’époque était à la revendication de l’identité en lieu et place de celle de la communauté de destin et de la République. Mes chers collègues, le phénomène s’amplifie – et j’espère que le ministère pourra nous fournir des chiffres à un moment donné – : ce sont les élus locaux qui le disent.
C’est pour casser cette dynamique qui favorise le retrait des enfants de l’école publique…
Je veux surtout répondre à notre collègue Kerrouche, qui a complètement caricaturé les familles ayant choisi l’instruction en famille.
D’abord, ce choix ne s’applique en général pas à la scolarité complète d’un enfant.
Ensuite, nous sommes tous d’accord pour dire qu’il faut essayer de traquer les enfants, et notamment les petites filles déscolarisées, mais, honnêtement, à l’inverse de ce que dit M. Assouline, même si cela représente 50 000 familles – et on en a reçu beaucoup –, ce sont des familles qui, pour la plupart, sont souvent très bien insérées dans leur commune et leur environnement…
… et qui sont en général dans des associations culturelles et sportives.
Leurs enfants ne sont pas cloîtrés ; simplement, à cause d’une phobie scolaire, de difficultés, voire de leur précocité, ceux-ci ne trouvent pas exactement ce qu’ils souhaiteraient…
Protestations sur les travées du groupe SER.
… dans l’enseignement public. C’est tout !
Nous réclamons simplement cette liberté pédagogique. Il ne faut pas caricaturer la position exprimée de ce côté de l’hémicycle en disant que, d’une certaine manière, nous sommes laxistes par rapport au séparatisme et à l’islamisme radical. Ce n’est pas possible et c’est complètement débile !
Protestations sur les travées du groupe SER. – Applaudissements et rires sur des travées du groupe Les Républicains.
L’instruction en famille est une liberté encadrée depuis 1882.
En ce qui nous concerne, nous souhaitons évidemment maintenir le régime déclaratif. C’est pourquoi nous ne voterons pas majoritairement pour le rétablissement de l’article 21.
La liberté d’instruction est une liberté importante, qui doit être véritablement garantie. Si, effectivement, des détournements ou des contournements de la réglementation en vigueur sont observés, il faut mettre en œuvre tous les contrôles nécessaires. Il faudra sans doute renforcer les contrôles, mais aussi réaliser davantage d’inspections. Surtout, il faut admettre qu’un certain nombre de situations relèvent davantage de l’école clandestine que de l’instruction en famille.
Alors, de grâce, garantissons vraiment cette liberté aux milliers de familles qui y ont recours aujourd’hui !
Je veux revenir un instant sur l’amendement n° 527 rectifié. Je ne suis pas sûr qu’il soit vraiment utile qu’un inspecteur de l’éducation nationale ne s’occupe que de l’instruction en famille. Comment cela se passe-t-il aujourd’hui ? Le Dasen délègue cette mission aux inspecteurs de l’éducation nationale, les IEN qui, eux-mêmes, délèguent aux conseillers pédagogiques la responsabilité de contrôler sur place si l’instruction en famille est bien faite ou non.
On ne peut pas dire que les conseillers pédagogiques, qui ont de longues années de pratique scolaire derrière eux, soient totalement disqualifiés pour réaliser ces contrôles. L’important est en réalité de se rendre régulièrement dans les familles pour vérifier que l’instruction y est correctement délivrée, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Les contrôles doivent être beaucoup plus nombreux, ce pour quoi je plaide.
On s’est aperçu, notamment pendant le premier confinement, que certains enfants, alors même qu’ils suivaient une scolarité classique, ont décroché. On peut dès lors penser que des enfants instruits en famille, qui n’ont pas été contrôlés pendant un an, ont davantage décroché.
Je ne souhaite pas tellement qu’un inspecteur s’occupe de l’IEF. Je préférerais qu’il y ait beaucoup plus de contrôles.
Je voterai pour les amendements tendant à rétablir l’article 21 par respect pour les principes de la République.
Il faut certes garantir la liberté – l’une des raisons pour lesquelles les enfants se rendent à l’école est d’ailleurs qu’ils y acquièrent cette liberté –, l’égalité des chances que leur apporte l’école, mais aussi la fraternité. Or je ne pense pas que l’école soit nuisible à l’apprentissage de la fraternité.
La fraternité, ce n’est pas préférer son frère à son cousin, son cousin à son voisin, ni son voisin à un étranger. Ce n’est même pas préférer son frère à ses camarades de classe. La fraternité, c’est considérer chacun comme son frère et apprendre à le découvrir par l’instruction que l’on reçoit à l’école et au travers de ce que l’on y vit. Nous avons tous dans notre entourage des personnes que nous avons côtoyées sur les bancs de l’école, et qui nous ont beaucoup apporté. Nous ne sommes pas ce que nous sommes seulement grâce à ce que nos parents ou nos enseignants nous ont appris.
Pour toutes ces raisons, je soutiens ces amendements.
La semaine dernière, j’ai beaucoup entendu parler de naïveté dans cet hémicycle. Cette naïveté ne s’exprime pas uniquement vis-à-vis du voile ou des signes religieux : il ne faudrait pas non plus se montrer naïf à l’égard de l’instruction en famille dans certaines familles et auprès de quelques-uns.
On a aussi beaucoup fait référence à Robert Badinter la semaine dernière. Pour ma part, je crois qu’un système d’autorisation, plutôt que le système de déclaration qu’on nous propose, est un bien petit sacrifice pour défendre des valeurs comme celles de la République.
Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, SER et RDPI.
Je n’ai qu’une seule question : pourquoi voudrions-nous priver des enfants du bienfait d’aller à l’école ? Aller à l’école, c’est d’abord être ensemble les uns à côté des autres, quelles que soient les opinions politiques, religieuses, philosophiques et les origines des parents. Aller à l’école, c’est apprendre ensemble et non être isolés les uns des autres.
C’est pourquoi, dans l’histoire de la France, l’école et la République ont cheminé de concert, se sont appuyées l’une sur l’autre et ont marché ensemble.
Bien sûr, il existe des cas dans lesquels il n’est pas possible pour certains enfants d’aller à l’école. C’est pourquoi le texte initial, que notre amendement vise à rétablir, prévoit des situations pour lesquelles une autorisation est nécessaire.
Je repose la question : pourquoi priver nos enfants de ce bonheur d’aller à l’école ? §Mes chers collègues, je sais bien que l’on y rencontre parfois des difficultés, mais croyez-vous que les enfants instruits dans certaines familles ou dans certaines conditions ne rencontrent aucun problème, notamment pour les raisons exposées tout à l’heure par M. le ministre ?
L’école, c’est positif : nous sommes nombreux ici, sur toutes ces travées, à en avoir bénéficié et à lui devoir beaucoup, voilà tout.
Les paroles de Victor Hugo résonnent toujours ici : « Voici donc l’idéal de la question : l’instruction publique et obligatoire. Un enseignement public partant de l’école de village et montant de degré en degré jusqu’au Collège de France. Les portes de la science toutes grandes ouvertes à toutes les intelligences. Partout où il y a un champ, partout où il y a un esprit, qu’il y ait un livre. Pas une commune sans une école. »
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
L’instruction en famille est forcément une garantie de la liberté d’enseignement. Elle est aussi une chance pour une grande majorité d’enfants, la possibilité d’apprendre avec des méthodes pédagogiques alternatives.
Les reproches faits à l’IEF ne sont étayés par aucun chiffre ni aucune statistique. Loin de moi l’idée d’idéaliser l’instruction en famille, mais la solution consiste sûrement à consacrer enfin des moyens suffisants pour la contrôler. Si l’État est défaillant en matière de contrôle, ce n’est pas aux familles d’en payer le prix !
Préservons cette liberté d’enseignement et soyons lucides, mes chers collègues : l’école n’est pas une garantie de mixité, car celle-ci peut prendre d’autres formes, de multiples formes.
Protestations sur les travées du groupe SER.
Le groupe Union Centriste ne votera bien entendu pas les amendements ayant pour objet de rétablir cet article et suivra la position du rapporteur pour avis.
Applaudissements sur les travées d u groupe UC.
Monsieur le ministre, vous avez montré beaucoup de bienveillance dans vos propos à l’égard de l’instruction en famille, mais c’est oublier d’où vient l’article 21 : il est issu, comme l’a très bien dit le rapporteur pour avis, de la volonté du Président de la République de supprimer l’instruction en famille.
La rédaction initiale de l’article, qui reflétait cette ligne directrice, a d’ailleurs été étrillée par le Conseil d’État. Cet article, qui est mal né, témoigne donc de la volonté de supprimer l’instruction en famille.
Aujourd’hui, on peut toujours aller chercher des arguments collatéraux, mais la volonté initiale était bien celle que je viens de rappeler. Avec l’article 21, mes chers collègues, on a une petite idée de la malfaçon du projet de loi, de tout ce que nous lui reprochons au fond.
En réalité, ce texte est mal ciblé, ce que le Conseil d’État a lui-même reconnu. Il est également trop accommodant lorsqu’il faut au contraire être ferme. Nous avons fait des propositions et déposé des amendements, que le Sénat a votés, pour agir avec plus de fermeté, que ce soit sur les signes ostentatoires, le délit de séparatisme ou bien d’autres choses. Le projet de loi était trop faible sur ces enjeux.
Par ailleurs, il est liberticide : il porte atteinte aux libertés sans qu’aucune justification ait été donnée ni dans l’exposé des motifs, en tout cas pas dans l’étude d’impact, ni lors des différentes auditions auxquelles a procédé la commission.
En d’autres termes, le texte institue un régime d’exception. Or, mes chers collègues, monsieur le ministre, un régime d’exception est tout sauf un régime de liberté.
Nous sommes attachés à la liberté de l’instruction que nous considérons comme fondamentale. D’ailleurs, instruction obligatoire ne veut pas dire scolarisation obligatoire. Depuis l’article 4 de la loi du 28 mars 1882, aucune République ni aucun gouvernement n’avait porté atteinte à cette liberté extrêmement importante. Même Clemenceau, à cette tribune – je l’ai cité l’autre jour –, avait déclaré, s’agissant de la doctrine de l’absorption totale, du monopole de l’État, qu’il était contre. Il était favorable à la liberté !
Malheureusement, dans notre histoire récente, dans l’histoire de nos Républiques, et de la Ve République en particulier, jamais aucun gouvernement n’aura autant porté atteinte aux libertés : la liberté d’instruction ici, la liberté d’expression avec la loi Avia, …
C’est bien de combattre l’illibéralisme à l’extérieur de nos frontières, …
M. Bruno Retailleau. … mais c’est mieux de respecter les libertés en France !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
À l’origine de cet article, il y a tout de même un constat inquiétant, celui de l’augmentation très importante du nombre d’enfants concernés par cette fameuse IEF.
Pour ma part, je suis élue de la Nièvre. Dans mon département, de très vastes zones géographiques ne comportent plus d’écoles de la République, d’écoles « physiques ». Nous proposons bien sûr des solutions de scolarisation aux enfants, mais elles aboutissent à ce que certains gamins de 3 ans soient obligés de prendre un bus scolaire le matin et d’effectuer des trajets parfois très longs. Elles nécessitent de négocier avec le conseil régional, compétent pour l’organisation des transports scolaires, tout cela pour des arrêts de bus qui se situent parfois très loin.
Bref, cette situation, en plus d’être pénalisante pour l’attractivité de nos territoires, m’amène à faire ce constat, monsieur le ministre : si vous voulez éventuellement limiter le recours à l’instruction en famille, laissez ouvertes les classes et les écoles dans nos villages !
Bravo ! et applaudissements sur les travées d u groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.
Le législateur a souvent pour rôle de trouver l’équilibre, le point de rencontre entre les libertés et les droits.
En l’espèce, il y a d’un côté une liberté, la liberté éducative, celle des parents, et, de l’autre, des droits, ceux qui sont reconnus aux enfants par la convention internationale des droits de l’enfant.
Si j’en crois le résumé que l’Unicef – organisation que personne ne peut soupçonner de mener une bataille idéologique contre les intérêts des familles – fait de cette convention, « l’enfant a le droit d’aller à l’école et le droit d’avoir des loisirs ». Le droit à une socialisation, le droit à rencontrer d’autres idées que les siennes et que celles de sa famille, le droit à se former une opinion pour devenir un citoyen, le droit à développer son esprit critique sont des droits de l’enfant.
Avec ces amendements visant le rétablissement de l’article 21, nous proposons simplement de garantir l’effectivité d’une convention que nous avons signée, la convention internationale des droits de l’enfant, en particulier le droit d’aller à l’école.
Je veux avancer un autre argument qui, à ma connaissance, n’a pas encore été évoqué cet après-midi : l’école est le lieu où l’on détecte et décèle les maltraitances faites aux enfants. Un enfant qui ne va pas à l’école et vit enfermé dans sa sphère familiale, uniquement pour respecter les convictions idéologiques et dogmatiques de ses parents, ne peut recevoir l’aide de quiconque : personne ne peut constater ni diagnostiquer qu’il est la victime de violences.
Or les familles perverses, de la même façon que les hommes violents éloignent les femmes victimes de leur famille et les coupent de toute sociabilité, déscolarisent leurs enfants pour pouvoir exercer sur eux…
Exclamations indignées sur les travées des groupes Les Républicains et UC.
Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, mes chers collègues. Je n’ai jamais dit que toutes les familles qui ont recours à l’instruction en famille sont perverses, mais que les familles perverses déscolarisent leurs enfants : ce n’est pas la même chose ! Je crois que vous êtes capable de comprendre la différence.
Nouvelles protestations.
C’est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas priver un enfant du droit à être soumis aux contrôles qu’exerce une collectivité humaine, la collectivité éducative, pour le protéger des maltraitances qu’il est susceptible de subir chez lui.
En outre, nous avons prévu des dérogations pour les enfants malheureux à l’école – il y en a, hélas ! –, pour ceux dont les parents veulent faire le tour du monde en bateau et apprendre à leurs enfants à la fois à lire et à découvrir le monde, comme pour ceux qui sont malades.
L’article 21 est…
Mme Laurence Rossignol. … l’article qui garantit les droits de l’enfant.
Applaudissements sur des travées du groupe SER.
Comme beaucoup de mes collègues monsieur le ministre, je partage les intentions qui vous ont conduit à mettre en place ce régime d’autorisation pour l’instruction en famille. Nous reconnaissons aussi que ce modèle éducatif peut donner lieu à des dérives, qui peuvent d’ailleurs être séparatistes ou d’une tout autre nature.
Nous reconnaissons tous également que l’instruction en famille est à la fois une liberté et une solution, parfois même une meilleure solution que l’école dans certaines situations qui peuvent la justifier.
Nous sommes nombreux ici à être ou à avoir été maires ou adjoints en charge des affaires scolaires, et à avoir été confrontés à cette instruction en famille, à des situations très particulières – on vous l’accorde – que l’école de la République n’a pas su régler, ou parfois moins bien que les familles.
Nous vivons dans une société de liberté. Or cette liberté s’exerce dans un cadre qui doit respecter les principes de la République, cadre que nous devons contribuer à fixer aujourd’hui. Pour le faire respecter, des contrôles existent, mais ils interviennent souvent tardivement. Encore une fois, nous avons tous été confrontés, dans nos fonctions d’élus locaux, à des contrôles survenant alors que l’année scolaire s’était déjà presque entièrement écoulée.
Le besoin peut-être le plus pressant aujourd’hui est de renforcer ces moyens de contrôle, de faire en sorte qu’ils soient plus rapides. Il faut également davantage de réactivité face à un signalement, une réactivité que nous n’observons pas toujours sur le terrain. Enfin, les personnes qui contrôlent ont besoin de moyens pour agir après avoir réalisé leurs vérifications.
Il me semble que l’équilibre proposé par le rapporteur pour avis consiste à revenir à une situation où la liberté prime, puisqu’il fait dépendre l’instruction en famille d’un simple système de déclaration, tout en renforçant les moyens de contrôle pour ne pas contredire les intentions qui sont les vôtres et qui s’appuient sur des faits réels.
Enfin, je partage les arguments de mon collègue Olivier Paccaud sur la punition collective qui, de mémoire, a été interdite par M. Fillon lorsqu’il était ministre de l’éducation nationale : il y a toujours une forme d’injustice à généraliser un problème pour le résoudre.
Je voudrais juste saluer les familles aujourd’hui, car l’instruction en famille est devenue la règle pour quelques jours…
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.
Je souscris bien sûr totalement aux propos que je viens d’entendre, surtout en ce qui concerne l’éducation de nos enfants. Oui au respect des lois de la République, oui au respect de sa devise : liberté, égalité, fraternité !
Il existe néanmoins des exceptions, monsieur le ministre. Je veux vous faire part, mes chers collègues, des spécificités et des exceptions de nos territoires ultramarins.
Ces territoires, la Polynésie surtout, présentent deux particularités.
D’abord, beaucoup de familles arrivent en bateau : vous savez bien que beaucoup de marins naviguent avec des enfants à bord de leur bateau. Ils atteignent nos côtes après plus d’un an de voyage, temps pendant lequel les parents se sont bien sûr occupés à instruire leurs enfants – nous en avons rencontré certains. Pourquoi voulez-vous, monsieur le ministre, les contraindre à respecter un régime d’autorisation, alors qu’une simple déclaration suffit ? Je ne fais qu’exposer les situations concrètes que nous rencontrons chez nous.
Ensuite, la Polynésie française regroupe 118 îles : il n’y a donc pas de lycée partout ! Quand un gamin entre au collège, il doit quitter son atoll pendant trois mois, voire six mois de l’année pour certains d’entre eux. Résultat des courses : quand on se sépare de ses parents, les problèmes sociétaux s’agglutinent. C’est pourquoi certains parents décident tout simplement d’instruire leurs enfants en famille, certes par choix, mais aussi parce que c’est plus pratique chez nous.
Il va donc de soi que je soutiens l’instruction en famille sur simple déclaration.
Applaudissements sur des travées du groupe UC.
Nous n’aurons jamais autant parlé de liberté que depuis la reprise de cette séance. Comme nous examinons ce texte depuis une semaine déjà, on peut se dire très simplement les choses : si certains veulent nous entraîner dans un petit jeu, comme ils s’y sont essayés la semaine dernière, qui consiste à dire qu’il y a, d’un côté, les défenseurs de la liberté et, de l’autre, les ennemis de la liberté, ils n’y arriveront pas !
À écouter les différentes interventions au sujet de l’instruction en famille, on a l’impression qu’une liberté serait en jeu, celle de l’instruction. Mais de quelle liberté parlons-nous ? Et d’une liberté pour qui ?
Il existe en effet beaucoup de parents qui se disent que leurs enfants ne sont pas heureux à l’école, qui constatent qu’ils sont parfois victimes de harcèlement, que les méthodes proposées ne sont peut-être pas les bonnes pour leur développement. Pour autant, il y a des milliers de parents qui n’ont pas d’autre solution que de mettre leurs enfants à l’école, parce qu’ils doivent aller travailler, qu’ils n’ont pas la possibilité de s’arrêter, de prendre trois mois, six mois, une année, deux ans, pour faire l’école à leurs enfants.
Finalement, il y a un séparatisme dont on ne parle pas beaucoup depuis la semaine dernière, un séparatisme pourtant réel dans notre pays entre ceux qui ont les moyens et ceux qui n’en ont pas, entre ceux qui subissent et ceux qui décident ! §Sur ce sujet de l’instruction, le constat est évident.
Oui, certains utilisent l’instruction en famille à des fins tout autres, notamment pour empêcher l’éducation des jeunes filles et des petits garçons et les formater.
Oui, il existe probablement de très beaux exemples – on en a tous – de familles idéales qui, alors qu’elles se sont privées de tout loisir pendant un ou deux ans, ont choisi de tout arrêter pour faire un tour du monde à vélo, en caravane, en camping-car, en bateau ou en je ne sais quoi d’autre, afin de faire découvrir à leurs enfants la beauté de ce monde et continuer de leur apprendre à lire et à écrire, mais il y a aussi la réalité de ces milliers de femmes et d’hommes qui, au quotidien, n’ont pas le choix !
La liberté n’est pas que pour quelques-uns : elle doit être pour tous ! L’école publique, présente dans tous nos territoires, garantit justement à tous les enfants de la République…
Mme Cécile Cukierman. … la liberté de se construire en tant que citoyens.
Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SER.
On parle effectivement beaucoup de liberté, ce qui est normal quand on sait que celle-ci est consacrée, notamment aux articles II et IV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, pour ce qui est de la liberté d’enseigner et de la liberté de choix des parents.
Pourquoi vouloir punir tout le monde, alors qu’il suffirait de réprimer certains usages qui sont mauvais ?
Pourquoi vouloir frapper tout le monde, alors que vous disposez des moyens de contrôler davantage et mieux certaines dérives ?
Tout au long de l’examen de ce texte, j’ai été très surprise du nombre de familles, d’associations et de personnes qui ont fait appel à nous, sur toutes les travées de cette assemblée, pour défendre la liberté d’instruction et ce choix des familles. Il ne s’agit en effet pas du choix de quelques-uns qui auraient les moyens, mais souvent aussi de choix qui s’imposent aux parents, soit parce que l’enfant connaît des difficultés, soit parce qu’il se trouve dans une zone isolée, soit parce qu’il vit dans un territoire d’outre-mer ou un territoire éloigné qui présente certaines spécificités.
Cette liberté doit être préservée, d’autant plus que vous ne parviendrez jamais à régler les difficultés auxquelles nous sommes confrontés à cause du totalitarisme islamique en supprimant l’instruction en famille. On sait très bien que c’est à travers d’autres dispositions, que nous avons d’ailleurs votées au Sénat, ainsi que d’autres mesures que nous nous apprêtons à voter, que nous parviendrons à lutter contre un dogmatisme qui cherche à s’imposer à nos principes.
Il faut bien sûr préserver cette liberté et permettre à la France de garder cette spécificité qui permet de concilier l’école publique, l’école sous contrat et l’instruction en famille. Il ne faut pas priver les Français d’une nouvelle liberté : je crois qu’ils ont été suffisamment privés de leurs libertés ces dernières années.
Aujourd’hui, préservons ce droit et cette liberté pour les familles !
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.
Cet article fait débat et ce n’est pas surprenant ; à l’Assemblée nationale, il a du reste été débattu pendant plus de cinq heures !
Monsieur le ministre, ce projet de loi ne porte ni sur l’école ni sur l’instruction. C’est un texte sur le séparatisme et – vous l’avez précisé dans votre propos liminaire – l’objectif du nouveau dispositif que vous proposez est de lutter contre la dérive séparatiste. C’est bien dans cette optique que nous l’avons examiné, avec beaucoup d’attention, au sein de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
Où en sommes-nous ? Le Gouvernement proposait un cadre d’autorisation très restrictif, reposant sur trois critères. Les jugeant insuffisants, nos collègues députés en ont introduit un quatrième, faisant référence à la situation propre et à l’intérêt supérieur de l’enfant.
On a évoqué à plusieurs reprises le cas des familles partant accomplir un tour du monde, mais l’instruction à domicile peut avoir d’autres justifications, notamment pédagogiques. À cet égard, le but de ce quatrième critère était louable : donner un peu de souplesse au dispositif. Il faut bien le reconnaître, le cadre proposé par le Gouvernement était très restrictif.
Cela étant, je le reconnais tout à fait : si nous votons le dispositif retenu par l’Assemblée nationale, une famille animée d’intentions malveillantes pourra très bien s’engouffrer dans les brèches du système pour le contourner. Je suis élu du Val-de-Marne et, face aux dérives que l’on peut constater actuellement, je ne suis pas naïf !
C’est pourquoi nous avons cherché à élaborer un système garantissant la liberté – c’est un enjeu fondamental et il n’est pas anodin de toucher à un dispositif vieux de presque cent quarante ans – tout en renforçant les moyens d’identification – c’est une des clés de la lutte contre les familles qui dévoient le système – et de contrôle, pour rendre ce dernier plus rapide et plus efficace.
Il y a donc, d’une part, le dispositif conçu par l’Assemblée nationale et, de l’autre, notre dispositif : l’un est-il plus efficace que l’autre ? Si l’on se concentre sur l’objectif principal – lutter contre les familles qui contournent le système –, j’ai tendance à penser que notre cadre est plus efficace et j’ajoute qu’il maintient le principe de liberté !
M. Olivier Rietmann. Mes chers collègues, pour reprendre le terme de Laure Darcos, je me suis demandé un instant si je ne devenais pas un peu débile !
Rires sur des travées du groupe Les Républicains.
À quel moment, en défendant mon amendement, ai-je donc proposé d’interdire l’instruction en famille ? J’ai cherché attentivement et je suis certain de ne rien avoir suggéré de tel, bien au contraire ! J’ai commencé mon argumentation en disant que l’instruction en famille avait toute sa justification. Elle doit rester possible ; dans certains cas, elle est même nécessaire.
Après avoir comparé les débats de la semaine dernière à ceux de cette semaine, je me suis également rassuré : je ne suis pas devenu complètement gaga !
Sourires.
La semaine dernière, certains disaient et répétaient : « L’école de la République doit être au cœur des débats : c’est au cœur de l’école de la République que l’on trouvera les réponses. » Aujourd’hui, les mêmes cherchent à m’expliquer ce qu’est l’école de la République, moi qui suis l’un de ses enfants ! Je n’aime pas parler de ma vie privée, mais je peux vous assurer que l’école de la République m’a sauvé d’une situation familiale que je qualifierai de spéciale.
Comment les arguments peuvent-ils basculer ainsi, d’une semaine à l’autre, dans un débat si important ?
Avant de voter, chacun doit se poser la question : oseriez-vous dire que l’école de la République n’a joué qu’un rôle mineur dans votre développement, dans votre construction ? Auriez-vous pu vous en passer, vous et vos enfants ?
Dans mon esprit, il n’est nullement question de remplacer l’enseignement en famille. En revanche – c’est ma conviction –, il faut remettre l’école de la République au cœur des débats et de l’instruction. Marianne ne s’incline pas devant la volonté d’un petit nombre !
Mesdames, messieurs les sénateurs, je serai bref : je me suis déjà exprimé au début de la discussion générale et j’ai de nouveau pris la parole aujourd’hui. Toutefois, je ne peux pas laisser sans réponse les propos que je viens d’entendre.
Tout d’abord, comme je l’ai indiqué dans mon intervention liminaire, il y a quatre façons d’instruire les enfants en France – l’école publique, l’école privée sous contrat, l’école privée hors contrat et l’instruction en famille.
Contrairement à ce que j’ai entendu à de multiples reprises, nous n’avons jamais dit que nous voulions supprimer l’instruction en famille.
Monsieur le sénateur Paccaud, vous avez parlé de punition collective : moi je vous parlerai de copie hors sujet !
Rires sur les travées des groupes SER et CRCE.
J’ai constaté de nombreux hors-sujet au cours de ces débats ! J’ai le sentiment que l’on cherche à faire peur pour nous empêcher de mener une œuvre salubre, de nous attaquer à un véritable problème, qui constitue un angle mort de la République.
Monsieur le sénateur Brisson, vous m’invitez à être débonnaire à l’égard de la République. C’est un luxe que l’on ne peut pas se permettre quand on exerce ma fonction. Je ne suis pas du tout crispé : je suis simplement cohérent et, à l’instar de M. Rietmann, je vous invite tous à la cohérence.
J’entends parfois certains dire : « La laïcité, “mais”… » et parfois je vous sens à mes côtés – notamment vous, monsieur Brisson ! – quand je lutte contre cette tentation. Aujourd’hui, j’entends certains dire : « La République, “mais”… », ou « L’école de la République, “mais”… » M. le sénateur Rietmann a tout à fait raison de le souligner : quand on parle de l’instruction en famille, on parle en creux de l’école de la République. C’était d’ailleurs évident dans certaines interventions.
Oui, ce texte traite de l’école de la République : il est important qu’elle continue à rassembler le maximum d’enfants dans notre pays, même s’il y a évidemment différents moyens de le faire. Nous n’avons jamais – jamais ! – prétendu que l’instruction en famille devait disparaître.
Je ne reviendrai pas sur la question de la liberté.
Monsieur Retailleau, sur ces sujets, vous vous montrez toujours très sévère, même si l’on pourrait comparer l’action des différents gouvernements en examinant les libertés que les uns et les autres ont plus ou moins respectées dans différents champs. Quoi qu’il en soit, veillons à ne pas opposer la liberté aux libertés.
Certains l’ont dit éloquemment : on observe parfois des contradictions entre l’État de droit et ce que l’on peut appeler la société de droit.
L’État de droit suppose une cohérence du droit. Il suppose que la République soit soutenue par cette colonne vertébrale que constitue le commun. L’État de droit, ce n’est pas une multiplicité de droits, que chacun peut brandir à sa guise. À la fin, il ne resterait que la liberté du plus fort, une mobilisation habile permettant d’affirmer sa force économique ou juridique.
Si l’on veut maintenir la République bien droite, il faut se garder de ce perpétuel combat des droits. J’entends beaucoup de personnes se poser sans raison en victimes ou brandir leurs droits individuels face au commun.
Qu’il s’agisse de l’école de la République ou d’autres formes scolaires, l’école, c’est le commun, et nous avons besoin du commun. Si, lors de chaque débat, chacun prend position pour défendre les droits de tel ou tel secteur contre le Droit ou contre l’État de droit, alors c’est la République qui progressivement s’affaiblit.
À cet égard, la position que je défends n’est pas facile. Certains, qui ont pu m’attaquer sur tel ou tel sujet, me soutiennent ; d’autres, qui ont pu me soutenir, m’attaquent, y compris la sénatrice Gatel, qui a donné son nom à une loi importante, que j’ai soutenue fortement en son temps, précisément parce que j’obéissais à cette logique.
Aujourd’hui, indépendamment des partis politiques auxquels on appartient, on doit assumer sa responsabilité et, en l’occurrence, elle n’est pas mince.
J’y insiste, il ne s’agit pas de supprimer l’instruction en famille.
Ceux qui, en votant contre le rétablissement de l’article 21, poseront en défenseurs de toutes les formes d’instruction en famille, donc des familles qui la font bien, versent dans le meilleur des cas dans le hors-sujet et, dans le pire des cas, dans la démagogie !
Ce n’est pas ce que nous visons ! Ce n’est pas vrai et je le répète une nouvelle fois aujourd’hui : ce n’est pas ce que nous faisons ! Arrêtons de faire semblant de croire que nous visons à côté de la cible. Je n’ai cessé de dire que ce n’était pas le cas. §D’ailleurs, plusieurs orateurs l’ont rappelé.
En revanche, qu’en est-il du phénomène que nous visons bel et bien ? J’entends très bien la nécessité, rappelée à l’instant par M. Lafon, de protéger au mieux les libertés des familles dans le dispositif que nous retiendrons en définitive. Je l’affirme de nouveau : le régime d’autorisation est un régime de protection des libertés et des droits de l’enfant.
Madame Rossignol, merci de ce que vous avez dit à ce sujet : constater a posteriori que les droits d’un enfant ont été violés pendant des mois, c’est, d’une certaine manière, être complice de la situation. À l’inverse, en prévenant cette violation de droits, on sauvera davantage d’enfants. Quand bien même il y en aurait peu, ce peu-là m’importe beaucoup, et malheureusement il n’y en a pas peu.
J’entends aussi les diverses objections relatives au dénombrement. C’est tout à fait vrai qu’il existe un problème à cet égard, même si nous savons qu’environ 65 000 enfants sont instruits en famille. Nous savons aussi que ce chiffre a explosé depuis dix ans.
Nous savons qu’il explose tout particulièrement – comme par hasard ! – dans les territoires comme le vôtre, madame Darcos, où le séparatisme fait rage.
Le séparatisme du plateau de Saclay n’est peut-être pas celui d’Évry, mais séparatisme il y a. On le constate sous d’autres angles ; et comme par hasard – je le répète –, c’est dans les endroits où l’instruction en famille se développe au maximum. On fait semblant de ne pas le voir afin de satisfaire d’autres groupes, qui font semblant d’être atteints par ce projet de loi alors qu’ils ne le seront pas ; et l’on se livre, à cet égard, à une sorte de calcul politique. Est-ce bien digne de la République ?
Monsieur Brisson, vous êtes soudain moins débonnaire ! En effet, on pointe comme une contradiction…
Je pointe la contradiction dans vos propos ! Vous disiez le contraire l’année dernière !
La laïcité sans « mais », c’est la République sans « mais » ; c’est la République intégrale, la liberté intégrale et l’école intégrale.
Nous en avons besoin, dans le respect des libertés. Non, nous ne mettrons pas fin à l’instruction en famille. En revanche, nous protégerons les droits de l’enfant autant que nous le pourrons et, ce faisant, nous protégerons la République !
Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et SER.
Ce sujet aura été largement débattu, mais nous nous y attendions, car c’est un volet important de ce projet de loi.
Sur les travées du groupe socialiste et, plus largement, de la gauche, nous avons déjà eu l’occasion de gérer les affaires de l’éducation nationale et nous n’avons jamais proposé de revenir sur l’éducation en famille. Ainsi, en 2013, la loi pour la refondation de l’école de la République a laissé les choses en l’état.
Toutefois, depuis lors, la situation a évolué – de nombreux orateurs l’ont rappelé – et si, à l’issue de ce débat, l’on ne votait pas le rétablissement de l’article 21, c’est l’école qui y perdrait. Un tel vote signifierait que l’on donne la victoire à ceux qui, aujourd’hui, sont minoritaires.
Certes, l’instruction en famille est jugée nécessaire pour un certain nombre de familles, mais elle est prévue par dérogation. Or l’école mérite désormais que l’on instaure un système d’autorisation. Nous dirons de même au sujet des établissements scolaires hors contrat !
Applaudissements sur des travées du groupe SER.
M. Philippe Bas. Monsieur le ministre, malgré votre force de conviction, je ne partage pas votre point de vue. À mon sens, votre texte porte une atteinte grave à la liberté de l’enseignement
Exclamations sur les travées du groupe SER
Je ferai l’analogie avec la loi anti-casseurs. Il y a cinquante ans, le Conseil constitutionnel a censuré ce texte – c’était sa première grande décision protectrice des libertés – au nom de la liberté d’association. On passait alors d’un régime déclaratif, ce qui est le cas pour l’enseignement en famille, à un régime qui s’apparentait – qui s’apparentait seulement ! – à un régime d’autorisation.
Aujourd’hui, il ne s’agit pas de créer l’enseignement en famille, comme vous l’avez laissé entendre : il existe déjà. Nous défendons la liberté de l’enseignement et, par cohérence, nous admettons cette faculté, que votre projet de loi remet bel et bien en cause.
Je vois bien qu’il y a des enjeux collatéraux qu’il faut absolument traiter. Je ne voudrais pas que des enfants de la République aillent à l’école coranique sous couvert d’être scolarisés à domicile ; mais c’est à vous de proposer les moyens d’éviter cette dérive sans pour autant remettre en cause une liberté fondamentale !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Je mets aux voix l’amendement n° 120 rectifié.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission de la culture.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 101 :
Le Sénat n’a pas adopté.
Mes chers collègues, je suis également saisie d’une demande de scrutin public sur l’amendement n° 103 rectifié. Puis-je considérer que le vote est identique sur cet amendement ?
Assentiment.
En conséquence, l’amendement n° 103 rectifié n’est pas adopté.
De même, puis-je considérer que le vote est identique sur les amendements identiques n° 619 rectifié ter et 640 ?
Assentiment.
Les amendements n° 619 rectifié ter et 640 ne sont pas adoptés.
Je mets aux voix l’amendement n° 526 rectifié.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement est adopté.
Mme le président. En conséquence, l’article 21 est rétabli dans cette rédaction.
Murmures.
L’amendement n° 501, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Après l’article 21
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 444-2 du code de l’éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les organismes privés d’enseignement à distance doivent avoir leur siège social sur le territoire national. »
La parole est à M. Stéphane Ravier.
Notre droit doit toujours permettre la liberté d’enseignement. Je me réjouis donc que nous ayons rejeté, en ne votant pas le rétablissement de l’article 21 dans sa rédaction issue de l’Assemblée nationale, l’interdiction de l’instruction en famille, voulue par le Gouvernement et soutenue par la gauche.
En France, l’instruction en famille, à distance, aussi appelée école à la maison, est déjà encadrée par le code de l’éducation. Tous les ans, l’inspection académique vérifie le respect du droit de l’enfant à l’instruction et évalue l’acquisition progressive du socle commun de connaissances.
Tous les deux ans, les familles – en tout cas celles qui ne sont pas dans les zones de non-France – sont contrôlées par la mairie, qui se penche sur les raisons les poussant à choisir ce mode d’instruction. Ainsi, les contrôles existent et ils peuvent empêcher les dérives islamistes ; mais la réalité, c’est que, dans 98 % des cas, la conclusion est que l’instruction en famille est satisfaisante.
Monsieur le ministre, malgré vos affirmations, ce texte se trompe de cible ! D’ailleurs, à ma connaissance, aucun terroriste ni même prêcheur radical n’est le produit de l’école à la maison.
Au total, 60 000 enfants bénéficient aujourd’hui de ce mode d’instruction. Parmi eux, 20 000 suivent les cours réglementés du Centre national d’enseignement à distance (CNED).
Si l’on choisit l’instruction en famille, ce n’est pas pour se séparer, c’est avant tout pour sauver son enfant de la déliquescence de l’école publique, détruite par l’idéologie et le nivellement par le bas ; viennent ensuite d’autres raisons comme le handicap, la pratique d’une activité sportive ou artistique de haut niveau, l’éloignement géographique d’un établissement, mais aussi le harcèlement et la phobie scolaires.
Il convenait donc de laisser aux parents de tous ces enfants le libre choix de l’instruction en famille. Les chercheurs, professionnels de la santé, historiens et pédagogues sont tous du même avis.
Il faut dépasser les amalgames et les préjugés du Gouvernement : l’instruction en famille est d’un niveau exigeant, très exigeant, mais l’éducation nationale n’admet pas que l’on vienne contester son monopole dans la production industrielle d’échec scolaire.
Conforter le respect des droits fondamentaux des enfants, de la diversité et de la pleine liberté éducative, c’est aussi protéger notre État de droit !
Néanmoins, pour des questions évidentes de souveraineté et de contrôle, nous proposons, avec cet amendement, de rendre obligatoire la localisation en France des sièges sociaux des organismes privés d’enseignement à distance.
Mes chers collègues, cette disposition contraignante a pour objectif d’empêcher les influences étrangères dans l’instruction des enfants et d’éviter que l’enseignement à distance ne suscite la méfiance face à de potentiels excès. C’est pourquoi je vous invite à voter cet amendement de vigilance pour une meilleure liberté d’enseignement !
Mes chers collègues, en préambule, je tiens à apporter une précision au sujet de l’article 21. Nous ne l’avons évidemment pas rétabli en totalité : le précédent vote a simplement validé l’amendement n° 527 rectifié ayant pour objet la formation des inspecteurs chargés d’effectuer les contrôles au sein des familles, mais la suppression de l’article 21, votée en commission, est bien confirmée.
Quant au dispositif proposé par M. Ravier, il est inopérant : le fait d’avoir son siège social en France n’empêche pas de diffuser des contenus produits à l’étranger. En outre, ces dispositions seraient tout simplement contraires au droit de l’Union européenne concernant la liberté d’établissement. La commission a donc émis un avis défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures trente-cinq.
Le code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Après le 4° de l’article L. 131-2, il est inséré un 5° ainsi rédigé :
« 5° Mettre à la disposition des familles assurant l’instruction obligatoire conformément au premier alinéa du présent article ainsi que de leurs circonscriptions ou établissements de rattachement, dans le respect des conditions fixées à l’article L. 131-5 :
« a) Une offre numérique minimale assurant pour chaque enfant le partage des valeurs de la République et l’exercice de la citoyenneté, tels que prévus à l’article L. 111-1 ;
« b) Une offre diversifiée et adaptée pour les parents et les accompagnants des enfants instruits en famille ;
« c) Des outils adaptés et innovants de suivi, de communication, d’échanges et de retour d’expérience avec les familles assurant l’instruction obligatoire. » ;
2° Après le troisième alinéa de l’article L. 131-5, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Tout enfant instruit dans la famille est rattaché administrativement à une circonscription d’enseignement du premier degré ou à un établissement d’enseignement scolaire public désigné par l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation. » ;
3° Après l’article L. 131-11, il est inséré un article L. 131-11-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 131 -11 -1. – Les personnes en charge d’un enfant instruit en famille qui ont satisfait aux obligations des contrôles effectués par l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation prévus à l’article L. 131-10 après deux années complètes d’instruction en famille, bénéficient de la valorisation des acquis de leur expérience professionnelle, dont les modalités sont déterminées par décret conjoint des ministres chargés du travail et de l’éducation. »
L’amendement n° 641, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le ministre, peut-être pour le retirer ?
Il s’agit d’un amendement de suppression, cohérent avec ce que j’ai dit précédemment à M. le rapporteur pour avis : je souhaite le maintien de l’ancien article 21 et de son régime d’autorisation, même si je salue le fait que vous cherchiez à en reprendre les points que vous considérez comme positifs.
Dans sa version initiale, l’article 21 traitait les points abordés dans l’article 21 bis A. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé cet amendement de suppression.
Monsieur le ministre, vous nous soumettez une série d’amendements visant à supprimer dans différents articles du texte des dispositions pourtant issues de l’article 21 tel qu’il résultait des travaux de l’Assemblée nationale. Cet amendement en fait partie.
Ainsi, l’article 21 bis A prévoit l’accès des familles instruisant en famille au service public du numérique éducatif et à la validation des acquis de l’expérience professionnelle. Je m’interroge : alors que nous avons maintenu la suppression de l’article 21, article que vous souhaitez conserver, et que l’article 21 bis A, que j’ai proposé et qui a été adopté en commission, reprend une partie de ses dispositions, où est la cohérence ? Je ne comprends pas la logique de votre raisonnement. En supprimant l’article 21 bis A, on supprimerait en effet une nouvelle fois les dispositions que vous souhaitiez valider à l’article 21 ! J’aimerais vous entendre à ce sujet.
En tout état de cause, pour ces raisons, l’avis de la commission est défavorable.
Monsieur le ministre, c’est parce que cet amendement est devenu incohérent que je vous demandais à l’instant si vous comptiez le retirer.
Je ne considère aucunement qu’il soit devenu incohérent, malgré la puissance de conviction du rapporteur pour avis.
J’ai voulu signifier que l’article 21 avait une cohérence d’ensemble et que je ne souhaitais pas qu’il soit réintroduit en pièces détachées, encore moins s’il en manque ! Je maintiens donc mon amendement de suppression.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, par ma culture républicaine, j’ai vocation, par principe, à faire confiance à tous les fonctionnaires. Ainsi, lorsque le directeur général de l’enseignement scolaire (Dgesco) nous explique, lors de son audition au Sénat, que l’enseignement en famille est passé de 0, 1 % à 0, 5 % et que la moitié – la moitié ! – de cette hausse s’explique par des raisons religieuses, je lui fais confiance. C’est peut-être de la naïveté, mais c’est ma naïveté républicaine et je vis bien ainsi.
Je trouve insensé, mes chers collègues, que vous ayez été inflexibles, irréductibles, incorruptibles, pour défendre la République dans son expression vestimentaire et textile et qu’aujourd’hui, alors que l’on est au cœur du dispositif de la Nation et que des familles, volontairement, sur des critères religieux, refusent l’instruction nationale parce qu’elle est nationale, vous ne vouliez pas le voir. Je ne comprends pas votre attitude.
Nous continuerons ici à défendre l’école buissonnière, c’est-à-dire l’école de Ferdinand Buisson, dont vous me permettrez de reprendre les mots pour conclure : « Tout Français est libre d’enseigner, mais tout Français est tenu de prouver, devant les mêmes juges et de la même manière, qu’il est capable d’enseigner ; tout Français est libre d’enseigner, mais il n’est pas libre de réclamer pour son enseignement le privilège d’être clandestin, d’échapper à tous les regards, de produire tels résultats que bon lui semble, et de se refuser à les laisser constater dans les formes que fixe la loi elle-même ; tout Français est libre d’enseigner, mais à la condition de ne pas s’être volontairement placé dans une condition qui le frappe d’incapacité légale. »
Mon cher Pierre Ouzoulias, le ministre lui-même vient de nous dire qu’il n’était pas capable d’appréhender le nombre d’enfants qui bénéficient de l’instruction en famille et qui sont concernés par le séparatisme. Il me semble donc que le Dgesco a, ce jour-là, laissé gambader son imagination. Pour ma part, je vais croire le ministre.
Madame la présidente, c’est par cohérence avec le discours des Mureaux que M. le ministre a déposé six ou sept amendements visant à supprimer les mesures de contrôle que nous avons prévues, car nous ne sommes pas opposés au contrôle de l’instruction en famille ; nous prolongeons d’ailleurs ici ce que nous avons fait durant l’examen de la loi pour une école de la confiance.
Le ministre, quant à lui, est bien dans une logique de suppression de l’instruction en famille, laquelle était, je le redis, au cœur du discours du Président de la République aux Mureaux.
Monsieur le ministre, entre le discours des Mureaux et aujourd’hui, le Conseil d’État vous a fait reculer, puis l’Assemblée nationale, avec le soutien d’une partie de la majorité présidentielle. Aujourd’hui, le Sénat continue de défendre l’instruction en famille, que vous avez fustigée, avec un certain dédain, et à porter le combat mené par des parents qui s’étonnent d’être ainsi montrés du doigt, d’être l’objet de suspicion, d’être même parfois humiliés.
C’est ce combat qui vous a encore fait reculer, et non votre intuition première, en contradiction totale avec ce que vous disiez il y a un an. Vous étiez dans la logique du discours des Mureaux du Président de la République, qui, lui, a bien parlé de mettre fin à l’instruction à domicile. Vous reculez, mais n’essayez pas de transformer ce recul en victoire, nous vous en empêcherons !
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour explication de vote.
Monsieur le ministre, vous avez parlé de courage ; or la semaine dernière, le Sénat a eu, à mon sens, le courage dont vous n’avez pas fait preuve dans ce texte, à savoir celui de pointer là où il y avait du séparatisme.
Aujourd’hui, le courage, c’est d’aller chercher les enfants qui sont entre les mains d’islamistes qui les isolent de la société, d’aller les chercher, eux, sans pénaliser les autres. Voilà, monsieur le ministre, ce qu’il faut faire dans ce projet de loi.
Le Sénat a bien eu le courage que le Gouvernement, lui, n’a pas eu.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne suis pas certaine que les discours caricaturaux servent notre assemblée. On le sait, l’article 21 n’interdisait nullement l’instruction en famille.
Si nous connaissons un peu de flottement, c’est parce que vous renforcez, dans les articles 21 bis A et suivants, le régime déclaratif en reprenant des obligations prévues dans le régime d’autorisation, mais sans le dire, d’une façon que je pourrais même qualifier d’hypocrite.
Vous allez durcir le régime de déclaration en vous approchant du régime d’autorisation et cela va se voir. Nous allons d’ailleurs vous y aider par un amendement visant à compléter ce régime en permettant, par certaines dispositions, de retrouver la même configuration. Dès lors, pourquoi n’allez-vous pas jusqu’au bout de la démarche ?
Vous dites que l’on sent que le ministre n’est pas à l’aise sur ce sujet, or c’est vous qui ne l’êtes pas ! Dans certains cas, comme la semaine dernière, vous durcissez les dispositions – nous allons également le constater avec les dispositions sur les universités et sur d’autres sujets – ; dans d’autres, vous êtes beaucoup plus indulgents, voire tolérants.
Il y a là, à mon sens, une contradiction qu’il va falloir lever. Cela ne vous permet pas, en tout état de cause, d’affirmer que l’article 21 visait à supprimer l’instruction en famille. Gardons-nous de caricaturer les différents articles de ce projet de loi.
Je suis en profond désaccord avec ce qui vient d’être dit : il n’y a pas de caricature et la position de ceux qui indiquent aujourd’hui qu’ils partagent l’objectif du ministre, qu’ils sont conscients du danger, mais que le moyen utilisé ne leur semble pas être le bon, est parfaitement claire.
On peut échanger des arguties tout l’après-midi, mais la question est simple, mes chers collègues : le choix du mode d’enseignement est-il, oui ou non, une liberté constitutionnelle ? Cette liberté constitutionnelle s’impose, que l’on eût préféré que tous les enfants aillent à l’école publique ou pas.
Dès lors qu’il y a une liberté constitutionnelle, ainsi que cela a été dit et redit par le Conseil d’État, on ne peut pas glisser vers un régime d’autorisation, même si cela pourrait nous faire plaisir. En outre, cela ne résoudrait pas le problème.
Encore une fois, je vous mets au défi, les uns et les autres, de trouver un seul malveillant qui fautera dans son dossier de demande d’autorisation. C’est dans le contrôle et dans son renforcement qu’est la seule réponse.
Mme Françoise Gatel. Lorsque nous avons travaillé sur l’école privée hors contrat, nous avons maintenu le principe de déclaration, mais nous avons renforcé l’exigence. Imposer plus d’exigence, ce n’est ni être hypocrite ni être caricatural, ne nous faisons pas de procès d’intention. Il y a seulement ici deux regards différents sur des libertés constitutionnelles.
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Je ne peux pas non plus accepter que l’on nous qualifie d’hypocrites en raison du traitement de ce texte, et particulièrement de l’article 21.
Une solution assez simple aurait consisté à supprimer purement et simplement l’article 21 et à passer à la suite. Cela aurait été, sans doute, une attitude caricaturale. Or nous n’avons pas rejeté en bloc cette question. Nous nous en sommes emparés et nous avons accepté de mettre sur la table la modernisation de ce dispositif. Ce n’était pas acquis d’avance, mais nous avons eu le courage de le faire, monsieur le ministre, parce que nous sommes convaincus qu’il faut conserver la liberté de recourir à l’instruction en famille.
En revanche, nous avons fait de la dentelle afin d’aller chercher les enfants hors radar, par exemple en renforçant les contrôles, pour savoir si les familles qui la pratiquent la détournent à d’autres fins. Nous avons souhaité les trouver autrement qu’en leur faisant remplir un document administratif d’autorisation que les rectorats auraient à traiter.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 192 rectifié ter, présenté par MM. Brisson, Retailleau et Longuet, Mme Deroche, MM. Mouiller et Bazin, Mme Canayer, MM. Pellevat, Favreau, Regnard et Burgoa, Mme Micouleau, M. B. Fournier, Mme Imbert, MM. Mandelli, Bascher, Cuypers, D. Laurent et Bouchet, Mmes Drexler et Chauvin, MM. de Legge, Charon et Savin, Mme Belrhiti, MM. Boré, Le Rudulier, Laménie, Genet, Chevrollier et Savary, Mme Boulay-Espéronnier, M. Klinger, Mmes L. Darcos et Gruny, M. Sido, Mmes Di Folco et de Cidrac, M. Saury, Mme Lopez, M. Bonhomme, Mmes Dumont et Bonfanti-Dossat, MM. Lefèvre, Husson, Bouloux, Somon et Gremillet et Mme Estrosi Sassone, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
…° L’article L. 131-5 est ainsi modifié :
a) La seconde phrase du premier alinéa est supprimée ;
b) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Dans le cas du choix de l’instruction en famille, une déclaration est exigée dans les huit jours à chaque rentrée d’année scolaire, à chaque changement de résidence, de responsables, de lieu ou de mode d’instruction. » ;
La parole est à M. Max Brisson.
Cet amendement illustre bien ce que nous venons de dire et nous permet de répondre à ceux qui nous accusent d’être dans la caricature. Nous refusons le contrôle a priori parce qu’il entraîne de la suspicion ; or le régime d’autorisation est un régime de contrôle a priori, nous le refusons. Ce n’est pas là une position caricaturale, elle me semble au contraire fondée. Nous sommes cohérents avec nous-mêmes.
Nous acceptons toutefois un contrôle. Par exemple, cet amendement vise à imposer que la déclaration d’instruction à domicile à la rentrée se fasse dans un délai de huit jours. Un délai était prévu en cas de changement de régime pour un enfant déscolarisé en cours d’année ou en cas de changement de résidence, mais rien n’était indiqué concernant la déclaration, sinon que celle-ci se faisait à la rentrée.
Nous imposons un délai, nous travaillons donc le texte en faveur d’un contrôle objectif, en nous en donnant les moyens, mais après avoir fermement fait valoir notre volonté de préserver la liberté et après avoir marqué que nous rejetions profondément tout contrôle a priori, et la suspicion que celui-ci fait peser sur les familles.
Ce délai de huit jours est d’autant plus important que nous proposons, parallèlement, une sanction en cas de non-déclaration. Il nous semble en effet qu’il ne peut pas y avoir de sanction attachée à un délai si celui-ci ne figure pas dans le texte.
Le Sénat travaille donc de manière très fine, selon un principe simple : nous refusons le contrôle a priori, nous sommes pour un contrôle a posteriori, parce que, pour nous, on ne peut demander l’autorisation d’exercer une liberté. Une liberté s’exerce dans le cadre de la loi et sous le contrôle des autorités.
Comme l’a dit notre collègue Max Brisson, cet amendement tend à clarifier les obligations de déclaration des familles. Le code de l’éducation prévoyait un délai de huit jours en cas de changement, c’est-à-dire de déménagement, de modification des modalités d’instruction, mais un flou subsistait concernant les enfants instruits en famille plusieurs années de suite. Cela concerne un cas sur deux, un enfant sur deux ayant recours à ce mode d’instruction pour moins d’un an.
Le code prévoyait donc seulement une déclaration annuelle. Désormais, avec cet amendement, la déclaration aura lieu à date fixe en cas de renouvellement de l’instruction en famille, au plus tard huit jours après la rentrée.
La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.
On peut voir dans cette série d’articles une validation de la première version de l’article 21. C’est donc bien le signal qu’il y a quelque chose à régler.
Lors du débat qui a précédé, vous nous avez dit que nous tapions à côté, que ce que nous faisions n’avait rien à voir avec le réel, mais, d’une certaine façon, vous dites à présent le contraire, et c’est tant mieux. Vous indiquez bien que l’article 21 contenait des éléments justes.
Le débat ne porte donc que sur l’alternative entre autorisation et déclaration. Il n’est pas exact de dire, comme plusieurs d’entre vous l’ont fait, qu’un régime d’autorisation est contradictoire avec la liberté alors qu’un régime de déclaration serait le signe que celle-ci est respectée.
La différence est plutôt de l’ordre de celle qui existe entre un sujet minime et un sujet maxime. C’est le cas s’agissant, par exemple, du droit de propriété, dont personne ici ne prétendrait qu’il n’est pas important : il figurait dans la Déclaration des droits de l’homme bien avant que la liberté d’enseignement n’y soit consacrée. Si vous construisez quelque chose de minime, vous ferez une déclaration, mais, pour quelque chose de maxime, vous demanderez une autorisation.
L’instruction d’un enfant n’est-elle pas de la plus haute importance ? N’est-il pas important de s’assurer a priori que ses droits ne vont pas être bafoués, plutôt que de le constater a posteriori ? Tel est le débat.
Nous ne serons pas en désaccord sur toutes les modalités que vous proposez, puisqu’il s’agit d’une sorte d’hommage, provisoirement posthume – je ne dirais pas du vice à la vertu –, à l’article 21. Je suis d’accord avec l’hommage ainsi rendu – ainsi soit-il ! –, mais je souhaite qu’il le soit conformément à la logique complète de l’article 21, c’est-à-dire dans le cadre d’un régime d’autorisation qui défend les droits de l’enfant.
Nous en sommes peut-être au point nodal du texte, qui va nous permettre de mettre fin au faux débat sur la suppression ou non de l’instruction en famille. En tout cas, j’émets un avis défavorable sur cet amendement, non parce qu’il n’y a pas de sujet, mais parce que ce sujet est mieux traité dans le cadre de l’autorisation.
Enfin, pour aller plus loin, si l’on vous suivait complètement, ce qui est proposé ici conduirait à n’imposer cette exigence qu’aux familles qui pratiquent l’instruction en famille, alors que, en l’état actuel du droit, celle-ci s’impose à l’ensemble des familles.
Monsieur le ministre, je partage complètement votre analyse. Mes chers collègues, vous êtes en train de réécrire tout le dispositif afin de créer un régime d’autorisation a posteriori.
Un point, essentiel à mes yeux, différencie les deux régimes : le régime d’autorisation demandé par le Gouvernement permet à l’administration de l’éducation nationale d’avoir un premier contact avec la famille, ce qui est tout de même préférable au dépôt d’un courrier dans une boîte aux lettres.
En bon républicain, il me semble que permettre, durant l’instruction du dossier, l’établissement d’une relation entre la famille et l’éducation nationale, laquelle représente et défend les droits de l’enfant à l’instruction, n’est pas anticonstitutionnel et n’entrave pas la liberté d’enseignement.
Reconnaissez-le, la différence entre nos deux systèmes tient seulement à la possibilité offerte à l’administration de discuter avec la famille de son projet pédagogique, ce qui me semble essentiel.
Ce débat aurait effectivement dû être tranché par la suppression de l’article 21, mais il persiste, puisque l’on réintroduit à peu près tout le contenu de cet article.
Nous avions eu un peu les mêmes échanges au sujet des établissements privés hors contrat : on refuse d’aller vers un régime d’autorisation, on nous dit qu’il faut de la liberté, puis on rend le régime de déclaration considérablement plus complexe par voie d’amendements. En définitive, il prévoit tant de dérogations pour des situations particulières qu’il ne s’applique plus au cas général. Je trouve cette méthode assez étonnante.
Nous pourrons, certes, voter certains de ces amendements, car ils répondent à la nécessité de faire évoluer le dispositif non pas d’autorisation, mais de contrôle postérieur à la décision de pratiquer l’instruction à domicile. À mon sens toutefois, ils ne permettront pas de satisfaire l’intention première, qui était de protéger effectivement les enfants instruits à domicile.
Vous avez votre cohérence, souffrez tout de même que nous ayons la nôtre ! Nous souhaitons en rester à un régime de déclaration, quand vous voulez passer à un régime d’autorisation. Le vote a tranché, chacun est dans sa logique, avec sa cohérence, et la défendra certainement jusque tard dans la nuit. Pour notre part, quitte à nous répéter, nous refusons le régime d’autorisation !
Par ailleurs, nous sommes également dans une logique de contrôle, parce que nous sommes responsables. Contrairement à ce que vient de dire M. le ministre, le projet de loi prévoit une sanction particulière en cas de non-déclaration d’instruction à domicile, qui ne concerne donc pas l’ensemble des élèves.
Dans ce cadre, il nous semble qu’il est de bonne politique de fixer un délai précis, afin qu’il n’y ait aucune ambiguïté sur le fait que, faute de déclaration au-delà dudit délai, les sanctions prévues dans le texte s’appliqueront.
Nous débattons d’une série d’articles portant sur le même sujet.
Je l’ai déjà indiqué, et c’était très présent durant les travaux de la commission : nous ne faisons pas preuve de naïveté concernant les dérives que vous avez identifiées et que vous dénoncez. Nous partageons votre inquiétude quant au dévoiement de l’instruction en famille par quelques familles, qui l’ont utilisée à des fins qui ne sont pas celles que nous souhaitons.
Nous avons donc ajouté un certain nombre de verrous afin de mieux identifier ces familles et de mieux les contrôler, sans pour autant remettre en cause le bien-fondé de l’instruction à domicile pour certaines familles, pour qui elle est nécessaire, à un certain moment, pour l’éducation et l’instruction de l’enfant. C’est sur ce point, me semble-t-il, que nous avons une différence avec certains de nos collègues dans cet hémicycle.
Nous sommes donc bien dans le même état d’esprit que vous : nous entendons rendre le dispositif de l’instruction en famille plus efficace en augmentant les possibilités d’identifier les familles malveillantes, comme dit Françoise Gatel, et en renforçant les contrôles.
In fine, notre système, auquel nous aboutirons, je l’espère, à l’issue de ce débat, sera plus efficace pour atteindre votre objectif initial, qui est de lutter contre l’intégrisme. Toutefois, il ne remettra pas en cause non pas notre liberté, mais celle des familles, qui est pour nous importante, de choisir entre les quatre modes d’instruction.
Nous divergeons sans doute fondamentalement sur un point : à partir du moment où une autorisation est requise, il ne s’agit plus d’une liberté. Le mot « liberté » ne va pas avec le mot « autorisation ».
Il est donc important pour nous de garantir cette liberté, tout en veillant à atteindre l’objectif qui est aussi le vôtre : lutter contre les familles qui l’utilisent de façon malveillante.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 477 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Guérini, Mme Pantel et MM. Roux, Bilhac, Corbisez et Requier, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :
« La déclaration mentionnée au premier alinéa est accordée pour les motifs suivants, sans que puissent être invoquées d’autres raisons que l’intérêt supérieur de l’enfant :
« 1° L’état de santé de l’enfant ou son handicap ;
« 2° La pratique d’activités sportives ou artistiques intensives ;
« 3° L’itinérance de la famille en France ou l’éloignement géographique de tout établissement scolaire public ;
« 4° L’existence d’une situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif, sous réserve que les personnes qui en sont responsables justifient de la capacité de la ou des personnes chargées d’instruire l’enfant à assurer l’instruction en famille dans le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant. » ;
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
L’école doit être l’un de nos principaux champs de bataille, comme l’a révélé la commission d’enquête du Sénat sur la radicalisation islamiste.
Personne ne peut le nier, l’école joue un rôle majeur dans la construction de notre nation : elle transmet non seulement des savoirs, mais aussi des valeurs et des principes. Elle modèle les esprits de notre plus jeune génération ; en retour, on lui doit une protection sans faille.
Il est regrettable que notre école publique et nos établissements d’enseignement supérieur aient été mis de côté dans ce texte. Vous avez souhaité pointer l’enseignement à domicile sans traiter le fond du problème, les petits fantômes de la République.
Certes, l’instruction à domicile est en forte augmentation, mais elle ne représente que 0, 5 % des élèves français, soit 62 000 enfants. Vous me répondrez qu’aucun enfant de la République ne doit être sacrifié, monsieur le ministre. Toutefois, lorsque notre dispositif de contrôle, de suivi et d’identification présente autant de trous dans la raquette, il convient de s’atteler à les colmater, et non de déclarer forfait.
Lors des débats au Sénat sur la loi pour une école de la confiance, en mai 2019, j’avais défendu de nombreux amendements visant à renforcer l’opérationnalité de l’encadrement de l’instruction en famille, notamment avec la généralisation de l’identifiant national élève (INE). En dépit d’un cadre plus apaisé qu’aujourd’hui, ils ont été balayés d’un revers de la main. Il n’y avait à l’époque pas de sujet, pas de discussion possible…
Je saisis donc cette nouvelle occasion pour vous présenter des amendements pragmatiques, fruits des nombreuses auditions que j’ai menées auprès d’élus, d’inspecteurs académiques et de familles ayant fait ce choix, pour respecter l’équilibre fragile introduit par la loi de Jules Ferry de 1882.
Vous nous demandiez tout à l’heure de vous proposer des solutions, monsieur le ministre, c’est ce que je fais. Ce premier amendement vise à instituer un régime de déclaration sous motif pour l’instruction en famille. Ce régime intermédiaire éviterait de restreindre excessivement cette liberté, contrairement au régime d’autorisation supprimé par la commission.
Cette alternative permettrait également d’inviter ces familles à formaliser leur démarche pédagogique en la motivant en mairie, comme c’est le cas aujourd’hui lorsqu’une association souhaite organiser une manifestation.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à soutenir cet amendement mesuré et proportionné.
La position de la commission sur cet amendement me permettra de répondre à ceux qui nous suspectent de vouloir subrepticement rétablir l’article 21 issu des travaux de l’Assemblée nationale.
Cet amendement vise à restreindre les possibilités de recourir à l’instruction en famille en prévoyant quatre critères limitatifs.
Le dispositif proposé semble toutefois peu opérant dans le cadre du maintien d’un système de déclaration. Ses modalités concrètes de mise en œuvre suscitent des interrogations.
Je note par ailleurs une incohérence rédactionnelle, si je puis me permettre, ma chère collègue : une déclaration ne pouvant être « accordée », on voit que le mot « autorisation » affleure derrière cet amendement.
Sourires.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 253 rectifié bis, présenté par Mme Billon, M. Lafon, Mme Morin-Desailly, MM. J.M. Arnaud, Duffourg et Hingray, Mme Perrot, MM. Chauvet et Levi, Mme Tetuanui, M. Kern, Mme Férat, MM. Laugier, Le Nay et de Belenet, Mme Saint-Pé et M. Longeot, est ainsi libellé :
Alinéas 9 et 10
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Annick Billon.
L’article 21 bis A prévoit une validation des acquis de l’expérience professionnelle (VAE) pour les personnes dispensant une instruction en famille durant au moins deux années complètes.
Nos différents travaux sur ce texte ont fait apparaître de nombreux trous dans la raquette, notamment en ce qui concerne les contrôles effectués par l’autorité de l’État compétente pour l’instruction en famille. Comment le dispositif pourrait-il être mis en place de manière satisfaisante alors que nous observons déjà des difficultés dans les contrôles ? Quelle sera la grille d’évaluation et de validation applicable aux personnes éligibles à ce dispositif ? Les validations seront-elles automatiques au bout de deux années d’instruction en famille ? Les parents éligibles devront-ils présenter un projet pédagogique précis et complet ?
Cette mesure paraît en décalage avec l’esprit général du texte.
D’un côté, vous souhaitez favoriser le plus possible une instruction au sein des établissements scolaires ; de l’autre, vous voulez rendre quasiment automatique la validation des acquis pour les parents assurant cette instruction en famille. Je ne comprends pas vraiment la logique.
Les garde-fous proposés pour encadrer le dispositif de validation des acquis de l’expérience professionnelle paraissent minces. C’est pourquoi je vous propose de supprimer les alinéas 9 et 10 de cet article.
La validation des acquis de l’expérience professionnelle est une procédure courante dans de nombreux secteurs.
Instituée par la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, elle constitue, à côté des formations initiale et continue, une troisième voie d’accès à la certification professionnelle, et donc un outil d’insertion professionnelle.
En 2019, 55 000 candidats environ ont déposé un dossier de recevabilité en vue d’obtenir par la VAE un diplôme ou un titre délivré par l’État. Depuis 2002, toute personne peut obtenir la totalité d’une certification grâce à la reconnaissance de son expérience, que cette dernière ait été acquise dans le cadre d’activités salariées, non salariées ou bénévoles. La VAE est présente dans de très nombreux ministères : le travail, la défense, l’agriculture, l’enseignement supérieur, l’éducation nationale, la culture, la jeunesse, la santé et les affaires sociales, ou encore l’écologie.
Dans le présent article en particulier, les conditions de validation des compétences sont encadrées, au moins deux années complètes d’instruction en famille étant requises. Or, comme cela a été rappelé à de nombreuses reprises, environ une famille sur deux n’y a recours que pendant une année.
Par ailleurs, la VAE n’est pas automatique. Il faut déposer un dossier. Actuellement, le taux de certification des dossiers présentés, tous ministères confondus, est d’un peu plus de 60 %.
La VAE ne donnera pas non plus le droit d’être enseignant, bien évidemment, car il ne s’agit pas d’un concours d’entrée dans la fonction publique. Les conditions pour enseigner, y compris dans les établissements privés hors contrat, sont encadrées par des conditions de diplômes strictes.
Enfin, selon le sondage réalisé par le collectif de familles en IEF Félicia (Fédération pour la liberté du choix de l’instruction et des apprentissages), ce sont les femmes qui, à 91, 7 %, assurent l’instruction en famille.
La mise en place de la VAE permettrait donc de reconnaître les compétences acquises par les mères dans l’instruction de leurs enfants et de faciliter leur insertion professionnelle. Je suis persuadé que vous serez sensible à cet argument, ma chère collègue.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Je partage les arguments de Mme la sénatrice Billon. Avis favorable.
Nous voterons cet amendement.
Non seulement vous ne voulez plus contrôler l’instruction en famille au moyen d’une autorisation préalable, mais vous lui donnez une prime en accordant une VAE à celui ou celle qui la réalisera pendant au moins deux ans.
Ce faisant, vous incitez les familles qui voulaient limiter l’expérience à une année à la prolonger pour obtenir une VAE, et donc à écarter encore plus longtemps leur enfant de l’école.
Cela me semble quelque peu clientéliste !
Je suis souvent d’accord avec Annick Billon, mais pas cette fois !
Voilà un an, et peut-être de nouveau cette semaine, beaucoup de parents se sont rendu compte de la difficulté de faire l’école à la maison.
Ce travail, qui demande beaucoup d’investissement et mobilise beaucoup d’énergie, entre parfaitement dans le cadre de la valorisation des acquis de l’expérience.
Alors que ce texte adresse depuis plusieurs mois un message particulièrement humiliant et suspicieux à toutes les familles qui font le choix de l’instruction à domicile, l’alinéa 10 est le seul qui prévoit de valoriser quelque peu leur travail.
Si nous voulons être cohérents avec notre volonté de maintenir la liberté de choix des parents et l’instruction à domicile, nous devons, me semble-t-il, accepter que cet investissement puisse être reconnu, dans le cadre d’une certification extrêmement balisée.
Cela n’a bien sûr rien à voir avec l’entrée dans l’enseignement, qu’il soit privé sous contrat ou public, qui se fait au moyen de concours parfaitement délimités.
Je voterai l’amendement de notre collègue Annick Billon. Dans le contexte actuel, la validation des acquis de l’expérience me semble relever de la fantaisie, et j’avoue que je ne la comprends pas.
Aujourd’hui, nous parlons de la liberté constitutionnelle qui permet à des familles d’instruire leurs enfants. La plupart le font bien, et cela ne me semble pas poser de problèmes juridiques.
Le rapporteur pour avis l’a rappelé : rien n’interdit à un parent qui aurait pratiqué l’enseignement en famille, avec des méthodes particulières, adaptées aux enfants, de demander la validation de ses acquis. Il arrive que certains élus demandent des VAE. Mais pourquoi l’inscrire dans le texte ?
L ’ amendement est adopté.
L ’ article 21 bis A est adopté.
L’amendement n° 209 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Cabanel et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Corbisez, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Après l’article 21 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le septième alinéa de l’article L. 131-10 du code de l’éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de constat, lors du contrôle pédagogique par l’autorité compétente de l’État dans le département, de la non-acquisition du socle commun de connaissances, de compétences et de culture par un enfant âgé de plus de quatorze ans, il est mis en place, dans les quinze jours suivant la notification de cette insuffisance aux parents, une injonction d’inscription dans un établissement public ou privé. »
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Comme je l’ai rappelé en présentant l’amendement n° 477 rectifié, le véritable problème est non pas l’instruction en famille, mais bien le contrôle et le suivi de cette dernière.
De trop nombreuses familles m’ont confié qu’elles n’étaient pas contrôlées annuellement, que cela dépendait grandement de la relation de confiance ou de proximité qu’elles avaient instaurée avec leurs représentants locaux ou les inspecteurs académiques de leur département.
Les maires ne sont pas préparés à la conduite de ces enquêtes à domicile. Aucune grille d’évaluation ne leur est fournie. Tel sera d’ailleurs l’objet de l’amendement n° 207 rectifié.
De nombreux élus ne s’estiment pas en mesure de pénétrer au domicile de leurs administrés pour juger si l’environnement est propice à une instruction en famille ou non. Il faut avouer que la démarche est pour le moins délicate.
De plus, à ce jour, aucune transmission d’informations n’est prévue entre les élus locaux et les inspecteurs académiques à la suite des contrôles ainsi effectués. De nombreux acteurs souhaitent des progrès en la matière.
Nous devons concentrer tous nos efforts sur ce sujet précis du contrôle, pour qu’il n’y ait plus aucun enfant fantôme sur notre territoire.
Pour reprendre les termes de certains inspecteurs académiques de mon département, les contrôles sont un moyen pour eux de prendre la température afin de constater ou non les carences éducatives et, le cas échéant, de les déclarer. Il faut donc s’assurer que le thermomètre fonctionne correctement et que, suite au diagnostic, le traitement suive.
Des inspecteurs académiques m’ont confié que le constat d’un manquement dans les acquis attendus d’un enfant ne donnait pas forcément lieu à une action pour y remédier. Des mesures doivent pourtant systématiquement être prises lorsqu’un signalement est effectué.
L’objet de cet amendement est donc de clarifier un dispositif qui devrait être évident, à savoir la mise en place d’une injonction d’inscription dans un établissement public ou privé en cas de défaut évident dans les acquis attendus d’un enfant instruit en famille.
Cet amendement vise à rescolariser immédiatement les enfants de 14 ans ou plus dès lors qu’un premier contrôle en famille aura conclu à des insuffisances, sans même attendre les résultats d’un deuxième contrôle.
Rien ne justifie cette sorte de traitement de défaveur réservé aux enfants de 14 ans et plus.
L’avis est donc défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 212 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Cabanel et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Corbisez, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Après l’article 21 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le huitième alinéa de l’article L. 131-10 du code de l’éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cadre de ce contrôle, le fonctionnaire compétent doit signaler automatiquement au Procureur de la République tout refus de l’enquête et tout incident lié à l’enquête. »
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Nos élus locaux et nos inspecteurs académiques sont parfois confrontés au refus de certains parents de se soumettre aux enquêtes sur l’instruction en famille, pourtant obligatoires. Or ces contrôles sont indispensables. Ils permettent de vérifier, entre autres, que les enfants sont instruits dans de bonnes conditions, qu’ils ne font pas l’objet de sévices psychologiques ou physiques et qu’ils reçoivent une instruction adaptée, dans un environnement propice.
L’objet de cet amendement est donc de rendre systématique un dispositif déjà existant : le signalement au procureur de la République de tout refus par un parent de se soumettre à une enquête ou de tout incident lié à ce contrôle.
En mettant à profit cet outil, on apporterait une solution au problème que vous aviez soulevé lors de votre audition par la commission d’enquête sur la radicalisation islamiste, monsieur le ministre.
Vous aviez alors déploré des chiffres qui nous interpellent : en 2019, 72 % de ces enfants avaient été convoqués, mais 63 % d’entre eux seulement avaient été effectivement contrôlés. Il semblerait donc que 37 % passent à travers les mailles du filet et que près de 10 % d’entre eux se soustraient à ces enquêtes.
Vous évoquez un manque de moyens humains et financiers, mais les agents effectuant ces contrôles pointent plus largement un problème d’opérationnalité des procédures. Rendre automatique le signalement au procureur de la République serait un bon début.
Je comprends la démarche de notre collègue Nathalie Delattre, mais cet amendement me semble doublement satisfait par le droit existant.
En premier lieu, la circulaire de 2011 sur le déroulement de l’instruction en famille prévoit déjà la saisine du procureur de la République en cas de refus de contrôle.
En second lieu, l’article 40 du code de procédure pénale dispose que « toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs ». Un refus de contrôle constituant un délit, cet article pourrait s’appliquer.
En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Non, je le retire, madame la présidente, mais il faudrait donner des consignes plus fermes, car il y a vraiment des failles, sur lesquelles je tenais à insister.
L’amendement n° 212 rectifié est retiré.
L’amendement n° 1 rectifié bis, présenté par MM. Brisson, Mouiller et Courtial, Mme V. Boyer, MM. Savin, Genet, B. Fournier, Favreau, Chevrollier, Belin, Bouchet et Laménie, Mmes Chauvin et Dumas, MM. de Legge, Saury et Le Gleut, Mmes Imbert, Malet et Drexler, M. Bonne, Mmes Puissat et Canayer, MM. Cuypers et Cardoux, Mme Lassarade, M. Lefèvre, Mmes M. Mercier, Gosselin, Lavarde et Belrhiti, MM. Burgoa, Mandelli, Regnard, Gremillet, Charon et C. Vial, Mmes Micouleau, Pluchet, Berthet et Ventalon et MM. Rapin, Panunzi, Cadec et Pellevat, est ainsi libellé :
Après l’article 21 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l’article L. 914-3 du code de l’éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Ou s’il a cinq ans d’activité d’enseignement, de soutien scolaire, d’instruction en famille, d’accompagnement paramédical des élèves, ou de production de manuels scolaires ou de supports pédagogiques, ou bien s’il possède un doctorat ou une distinction honorifique attestant de mérites exceptionnels. »
La parole est à M. Max Brisson.
Monsieur le ministre, vous avez vous-même invité les parents d’élèves qui pratiquent l’enseignement en famille et qui ne pourraient pas continuer à instruire ainsi leur enfant à rejoindre ou à créer des établissements privés hors contrat. Vous avez dit qu’il s’agissait d’une perspective accessible et réaliste.
Or, le code de l’éducation interdit aux parents de fonder leur propre école hors contrat, sauf à ce qu’ils aient surveillé, enseigné ou exercé des fonctions de direction dans un établissement d’enseignement durant cinq ans.
Cet amendement vise donc à élargir le champ, pour l’instant très restrictif, des personnes pouvant prétendre fonder une école hors contrat, et à répondre ainsi à vos attentes, monsieur le ministre.
Il existe une forte différence de connaissance du fonctionnement d’un établissement scolaire, notamment de sa gestion, du travail en équipe et du respect de la réglementation entre une personne qui a exercé durant cinq ans des fonctions de direction, d’enseignement, ou même de surveillance dans un établissement scolaire, et une personne dont l’expérience se limite à du soutien scolaire, de l’instruction en famille ou encore de la production de manuels scolaires et de supports pédagogiques.
La commission de la culture a auditionné Souâd Ayada, présidente du Conseil supérieur des programmes, il y a quinze jours. Elle a rappelé très clairement que les manuels scolaires se distinguaient des programmes scolaires : ils sont élaborés, au nom de la liberté éditoriale, par des éditeurs qui répondent à leurs propres impératifs, et non à ceux de l’école.
De même, avoir instruit un ou deux enfants dans le cadre familial me semble très différent de la gestion d’une école.
Les conditions à remplir pour pouvoir ouvrir une école ont fait l’objet d’une profonde redéfinition dans la loi Gatel, qui a permis de trouver un équilibre entre liberté d’enseignement et protection de l’enfant.
Nous ne souhaitons pas élargir les conditions d’expérience professionnelle permettant l’ouverture d’un établissement privé. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Cet amendement me semble très significatif et intéressant pour nos débats, monsieur le sénateur.
Vous essayez de me prendre au mot. J’ai dit qu’il y avait des solutions pour ceux qui voulaient faire différemment, et vous me proposez d’ouvrir plus largement cette voie. Je pense que, cette fois, Mme Gatel va provisoirement quitter la majorité d’idées que vous formez ponctuellement…
Au début de ce quinquennat, en 2017, il était plus facile d’ouvrir une école qu’un bar, ce qui était absolument anormal. Grâce à la loi Gatel, il est désormais plus difficile d’ouvrir une école. C’est un grand progrès et, comme vous le savez, nous vous proposerons ultérieurement de compléter les dispositions de la loi Gatel pour faciliter la fermeture d’une école.
L’esprit de mes propositions n’a jamais été de faciliter l’ouverture des écoles privées hors contrat. Vous me répliquerez peut-être que je suis contre la liberté d’enseignement, puisque je propose de prévoir plus de conditions pour en ouvrir, mais il me semble au contraire que ceux qui sont dignes d’ouvrir une telle école, ceux qui en ont les compétences et la capacité – ces écoles sont parfois de qualité – se sentiront confortés par cette exigence.
Le débat est finalement la même pour l’instruction en famille. Renforcer nos exigences à l’égard de ce mode d’enseignement, ce n’est pas le nier, c’est au contraire le conforter dans ce qu’il peut avoir de plus digne.
Il est possible de faire l’instruction en famille ou d’ouvrir une école hors contrat, mais pas n’importe comment, pas à n’importe quel prix.
C’est la raison pour laquelle je suis évidemment défavorable à votre amendement, monsieur Brisson.
Je suis surprise par cet amendement. Une école privée hors contrat qui a pignon sur rue attirera toujours plus qu’une école qui n’existe pas !
Finalement, à travers cet amendement, vous voulez ouvrir très largement, quasiment à tout un chacun – comment définir clairement une expérience de cinq ans de « soutien scolaire » ? – la possibilité d’ouvrir une école hors contrat et d’échapper aux règles de droit commun.
J’essayais déjà de compter le nombre de fonctionnaires supplémentaires qu’il faudrait prévoir dans le prochain budget pour effectuer efficacement tous les contrôles qui ont été ajoutés s’agissant de l’instruction en famille…
Ici, nous faisons la distinction entre l’école publique, l’école privée sous contrat et l’école privée hors contrat, mais pour les parents, une école est une école. Le type d’école que vous proposez peut attirer un certain nombre de familles.
Nous ne voterons pas cet amendement, qui est contraire aux positions que vous défendez depuis le début du débat, monsieur Brisson.
Mme Françoise Gatel. Monsieur le ministre, je vois que vous ajoutez à votre fonction ministérielle l’aide à la décision pour les sénateurs ! Je vous remercie de votre bienveillance, mais je pense pouvoir me débrouiller toute seule dans cette affaire.
Rires sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le ministre rit également.
J’ai bien entendu les différents avis sur les amendements de notre collègue Nathalie Delattre.
Encore une fois, monsieur le ministre, je rappelle avec sincérité et sans flagornerie votre détermination à mieux contrôler les écoles privées hors contrat et l’instruction en famille, avec des inspecteurs formés aux différentes méthodes pédagogiques.
À cet égard, il me semblerait utile et intéressant que la commission de la culture et de l’éducation puisse disposer chaque année d’un état des lieux du nombre de contrôles effectués, du nombre de contrôles insatisfaisants qui ont donné lieu à un deuxième contrôle, du nombre de deuxièmes contrôles insatisfaisants et des décisions qui ont été prises en conséquence.
Je pense que vous ne le contesterez pas, monsieur le ministre : nous partageons tous ici le souci de préserver les enfants et de faire en sorte que chacun d’entre eux puisse bénéficier d’un enseignement, fondé certes sur des méthodes différentes, mais qui lui permette de s’émanciper et de faire lui-même ses choix.
Le rapporteur pour avis ne m’a rien demandé, mais je vais tout de même retirer cet amendement !
Je remercie M. le ministre de sa réponse circonstanciée, qui permet d’apaiser un peu le débat.
Le rapporteur pour avis s’est appuyé sur Souâd Ayada et Françoise Gatel. Avec deux références aussi solides sur les questions d’enseignement, je vais continuer de mûrir ma réflexion !
M. le président de la commission, M. le rapporteur pour avis et M. le ministre rient.
Je pense qu’il faudra un jour élargir les possibilités de recrutement des directeurs des écoles hors contrat. Ce moment ne semble pas encore venu et, fort de ces deux grandes références, je retire donc mon amendement.
Enfin, monsieur le ministre, en toute sympathie, je ne suis pas sûr que la comparaison avec les bars ou les cafés soit très heureuse en ce moment ! Je rappelle qu’ils sont fermés…
Le code de l’éducation est ainsi modifié :
1° À la première phrase de l’article L. 131-5, après le mot : « maire », sont insérés les mots : « au président du conseil départemental et à l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation » ;
2° Après l’article L. 131-10, il est inséré un article L. 131-10-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 131 -10 -1. – Le représentant de l’État en matière d’éducation transmet au président du conseil départemental l’identité des enfants faisant l’objet d’une déclaration d’instruction en famille. Lorsqu’un enfant recevant l’instruction dans la famille ou l’un des enfants du même foyer fait l’objet de l’information préoccupante prévue à l’article L. 226-3 du code de l’action sociale et des familles, le président du conseil départemental en informe l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation, qui peut alors suspendre l’instruction de l’enfant en famille. Les personnes responsables de l’enfant sont mises en demeure de l’inscrire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la mise en demeure, dans un établissement d’enseignement scolaire public ou privé et de faire aussitôt connaître au maire, qui en informe l’autorité compétente de l’État en matière d’éducation, l’école ou l’établissement qu’elles auront choisi. »
L’amendement n° 642, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le ministre.
Cet amendement de suppression se situe dans la ligne de nos précédentes propositions. Encore une fois, je ne souhaite pas voir revenir l’article 21 en pièces détachées.
Cet amendement s’inscrit dans le droit fil des amendements de suppression du Gouvernement.
La commission étant défavorable au rétablissement de l’article 21 dans sa rédaction issue de l’Assemblée nationale, elle l’est également à cet amendement n° 642.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 624, présenté par M. Piednoir, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Stéphane Piednoir.
Cet amendement, que je présente en mon nom, vise à maintenir le système actuel de double déclaration des parents auprès du maire de leur commune et des services de l’éducation nationale, afin de ne pas complexifier les démarches administratives pour les familles souhaitant instruire leur enfant en famille.
Nous ne souhaitons donc pas instaurer de nouvelles déclarations auprès du conseil départemental. Il reviendra aux services déconcentrés de l’éducation nationale de transmettre la liste des enfants instruits en famille au président du conseil départemental.
Nous avions oublié d’effectuer ce toilettage lors de la suppression de l’article 21.
L’amendement n° 191 rectifié ter, présenté par MM. Brisson et Longuet, Mme Deroche, MM. Mouiller et Bazin, Mme Canayer, MM. Pellevat, Favreau, Regnard et Burgoa, Mme Micouleau, M. B. Fournier, Mme Imbert, MM. Mandelli, Bascher, Cuypers, D. Laurent et Bouchet, Mmes Drexler et Chauvin, MM. de Legge, Charon et Savin, Mme Belrhiti, MM. Boré, Le Rudulier, Saury, Laménie, Genet, Chevrollier et Savary, Mmes Boulay-Espéronnier et Lopez, M. Klinger, Mmes L. Darcos et Gruny, M. Sido, Mmes Di Folco et de Cidrac, M. Bonhomme, Mmes Dumont et Bonfanti-Dossat, MM. Lefèvre, Husson, Bouloux, Somon et Gremillet et Mme Estrosi Sassone, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
au président du conseil départemental
La parole est à M. Max Brisson.
Cette triple déclaration m’avait surpris, d’autant que le représentant de l’État responsable de l’éducation doit transmettre au président du conseil départemental la liste des enfants instruits à domicile.
L’amendement de Stéphane Piednoir étant plus complet, je retire celui-ci.
L’amendement n° 191 rectifié ter est retiré.
Quel est l’avis de la commission de la culture sur l’amendement n° 624 ?
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 620, présenté par M. Piednoir, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase
Remplacer les mots :
Le représentant
par les mots :
L’autorité compétente
La parole est à M. Stéphane Piednoir.
L ’ amendement est adopté.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 194 rectifié ter, présenté par MM. Brisson, Retailleau et Longuet, Mme Deroche, MM. Mouiller, Pellevat, Favreau, Regnard et Burgoa, Mme Micouleau, M. B. Fournier, Mme Imbert, MM. Mandelli, Bascher, Cuypers, D. Laurent et Bouchet, Mmes Drexler et Chauvin, MM. de Legge, Charon et Savin, Mme Belrhiti, MM. Boré, Le Rudulier, Saury, Laménie, Genet, Chevrollier et Savary, Mmes Boulay-Espéronnier et Lopez, M. Klinger, Mmes L. Darcos et Gruny, MM. Bazin et Sido, Mmes Di Folco et de Cidrac, M. Bonhomme, Mmes Canayer, Dumont et Bonfanti-Dossat, MM. Lefèvre, Bouloux, Somon et Gremillet et Mme Estrosi Sassone, est ainsi libellé :
Alinéa 4, deuxième phrase
Après les mots :
et des familles
insérer les mots :
et que la famille entre dans le champ d’action du dispositif prévu à l’article L. 226-4 du même code
La parole est à M. Max Brisson.
Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi prévoit qu’un enfant faisant l’objet d’une information préoccupante, prévue à l’article L. 226-3 du code de l’action sociale et des familles, peut être soustrait à l’instruction en famille.
Il paraît pourtant difficile de retirer ce droit avant que le représentant de l’État en matière d’éducation n’ait été informé des conclusions de l’évaluation de la situation menée par l’équipe pluridisciplinaire, telle que mentionnée à l’article L. 226-3 du code de l’action sociale et des familles.
Cet amendement tend à éviter que des signalements abusifs mettent fin à l’instruction en famille sans motif réel avéré. Seules les familles entrant dans le champ du dispositif prévu à l’article L. 226-4 du code de l’action sociale et des familles doivent être inquiétées.
L’amendement n° 625, présenté par M. Piednoir, est ainsi libellé :
Alinéa 4, deuxième phrase
Après les mots :
conseil départemental
insérer les mots :
, après évaluation,
La parole est à M. Stéphane Piednoir.
Je suis d’accord avec notre collègue Max Brisson sur la nécessité de mieux encadrer les conditions d’information du recteur par le président du conseil départemental lorsqu’un enfant fait l’objet d’une information préoccupante. Nous devons trouver un équilibre entre, d’une part, la protection de l’enfant et, d’autre part, un refus d’instruction en famille sans réel motif.
La procédure de l’information préoccupante est un outil essentiel dans la protection de l’enfance en danger en raison de sa facilité de mise en œuvre. Toutefois, elle peut être détournée de sa vocation première, notamment en cas de dénonciations calomnieuses.
De même, de bonne foi, des personnes du voisinage, qui ne connaissent pas l’instruction en famille, pourraient s’inquiéter du droit à l’instruction de l’enfant concerné.
Or la rédaction actuelle de l’article 21 bis B peut être interprétée comme rendant automatique, dès transmission d’une information préoccupante, l’information de l’éducation nationale, ce qui peut entraîner la fin de l’instruction en famille – ce n’est bien évidemment pas ce que nous souhaitons.
Il me semble que la transmission de l’information au recteur dans les seules conditions prévues à l’article L. 226-4 du code de l’action sociale et des familles est trop tardive.
Cet article prévoit d’aviser le procureur de la République aux fins de saisine du juge des enfants lorsqu’un mineur est en danger et qu’il a déjà fait l’objet d’une ou plusieurs actions d’accompagnement social n’ayant pas permis de remédier à la situation – accueil en journée dans des services habilités de l’aide sociale à l’enfance, voire placement provisoire au titre de l’aide sociale à l’enfance. En pareil cas, nous sommes rendus loin dans l’évaluation de la situation préoccupante de l’enfant.
Le procureur est également avisé lorsque ces mesures d’accompagnement ne peuvent être mises en place en raison du refus de la famille d’accepter l’intervention du service de l’aide sociale à l’enfance ou de l’impossibilité dans laquelle elle se trouve de collaborer avec ce service ou encore lorsque ce danger est grave et immédiat, notamment dans les situations de maltraitance.
C’est la raison pour laquelle mon amendement vise à permettre une intervention un peu plus tôt, tout en évitant une transmission automatique. Le dispositif proposé se fonde sur l’expertise des services du département en matière de protection de la jeunesse. L’évaluation que j’évoque est une procédure encadrée à l’article L 226-3 du code de l’action sociale et des familles et par sa déclinaison réglementaire. Il s’agit d’apprécier le danger et de proposer des solutions, notamment en tenant compte de l’avis du mineur.
Le dispositif proposé dans cet amendement me semble donc plus équilibré et proportionné que le seul article L. 226-4 du code de l’action sociale et des familles.
La commission demande le retrait de l’amendement n° 194 rectifié ter de Max Brisson ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Elle émet un avis favorable sur l’amendement n° 625 de Stéphane Piednoir, dont les délais plus rapides sont le gage d’une plus grande efficacité.
Pour rester cohérent avec mes positions précédentes, qui sont aussi parfois les vôtres, il me semble important de permettre à l’éducation nationale d’agir rapidement et efficacement pour mettre fin à des situations de risque pour l’enfant.
Par ailleurs, l’éventuelle décision de l’éducation nationale est parfaitement attaquable en justice. Des garanties sont donc offertes. Il faut respecter la présomption en faveur des droits de l’enfant, quelle que soit la situation.
Pour ces raisons, je suis défavorable à ces deux amendements.
Alors qu’on nous a beaucoup dit que l’intérêt premier était celui de l’enfant, je ne comprends pas les tergiversations sur le retrait rapide d’un enfant d’une situation avérée de danger. Faut-il encore ajouter de la bureaucratie ?
Je maintiens mon amendement.
Après avoir beaucoup réfléchi à la question et auditionné de nombreuses familles, j’ai constaté que l’information préoccupante était une procédure largement instrumentalisée. La volonté d’agir rapidement, que je peux comprendre, ne doit pas conduire à des injustices.
Il me semble que mon amendement protège davantage les familles que celui de Stéphane Piednoir. Il s’agit simplement de laisser la procédure aller jusqu’au bout et non de se limiter à une simple évaluation, à disposition des responsables de l’éducation nationale. Je préfère que l’on s’inscrive dans la logique des procédures menées par les agents des conseils départementaux, lesquelles peuvent aboutir à la saisine du procureur de la République. C’est ainsi, me semble-t-il, que l’on peut apprécier si la situation est grave ou non.
L’information préoccupante, très facile à produire, est souvent instrumentalisée, dans l’instruction à domicile comme dans bien d’autres cas. Les professionnels de la petite enfance des conseils départementaux vous le confirmeront.
Je fais confiance aux agents des conseils départementaux et à l’aide sociale à l’enfance pour mener la procédure jusqu’au bout et prendre les dispositions qui s’imposent si la situation est dangereuse, sans a priori et en ne se fondant pas uniquement sur des informations préoccupantes, souvent douteuses.
La loi du 23 mars 2007 réformant la protection de l’enfance a prévu des mesures d’urgence : l’enfant en danger peut être soustrait immédiatement à sa famille.
Le régime de droit commun, lorsqu’une information préoccupante est transmise, prévoit de saisir la cellule de recueil des informations préoccupantes. Cette cellule multidisciplinaire, placée auprès du président du conseil départemental, a pour rôle d’évaluer la situation. Prendre des dispositions sur lesquelles elle n’aurait pas délibéré, hors situation d’urgence, ne me paraît pas une bonne idée.
C’est la raison pour laquelle je soutiens l’amendement de notre collègue Max Brisson.
Comme je l’ai souligné à l’instant, il n’est pas acceptable de nous en tenir à la rédaction actuelle de l’article : certaines informations préoccupantes ne sont pas fondées. Le voisinage peut, par exemple, méconnaître le droit à l’instruction en famille et s’inquiéter de cette situation.
En rester là ne serait pas satisfaisant. Pour autant, viser l’article L. 226-4 du code de l’action sociale et des familles reviendrait à considérer que le droit à l’instruction en famille ne peut être retiré qu’à partir du moment où l’enfant est dans une situation avérée de danger et où l’autorité parentale est elle-même sur le point d’être retirée.
Je propose une formule intermédiaire, s’appuyant sur les critères de l’article L. 226-3 du même code : après évaluation de la situation par les services du conseil départemental, si des craintes semblent se confirmer, il faudra alors procéder à l’information du conseil départemental et du rectorat. Il n’y aura pas de retrait automatique du droit à l’instruction en famille. C’est là un entre-deux, qui repose sur un faisceau d’indices, mais qui n’aboutit pas au retrait ou au placement par l’aide sociale à l’enfance.
Mon amendement me semble plus proportionné. Il correspond mieux à la situation que Max Brisson et moi-même décrivons. Il ne faut pas s’en tenir au simple signalement d’une information préoccupante.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement est adopté.
L ’ article 21 bis B est adopté.
L’article L. 131-10 du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Au début, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Lors de la déclaration d’instruction en famille, les personnes qui sont responsables de l’enfant présentent les modalités d’organisation et d’enseignement de l’instruction en famille permettant de garantir le droit de l’enfant à l’instruction, dans le respect de la liberté pédagogique telle que définie à l’article L. 131-1-1.
« Ils s’engagent à assurer cette instruction majoritairement en langue française. Ils disposent d’une bonne maîtrise de la langue française, selon des critères définis par décret. » ;
2° À la première phrase de l’avant-dernier alinéa, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « sixième » et le mot : « septième » est remplacé par le mot : « onzième ».
L’amendement n° 643, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Comme je l’ai dit précédemment, je ne veux pas voir l’article 21 réintroduit en pièces détachées. Je le dis avec détachement…
Sourires.
La commission est défavorable à cet amendement, comme aux précédents amendements de suppression.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 478, présenté par Mme N. Delattre, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après le mot :
présentent
insérer les mots :
chaque année et par écrit
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Cet amendement s’inscrit dans la lignée de ceux que j’ai précédemment défendus et qui visent à mettre en place un régime déclaratoire sous motif pour l’instruction en famille.
Sans être sous la menace permanente d’un refus de l’administration, les parents ou tuteurs seraient néanmoins invités chaque année, lors de la déclaration en mairie, à formaliser leur démarche par écrit. Cette déclaration motivée pourrait contenir les modalités d’organisation et d’enseignement de cette instruction dispensée à domicile.
Ces premiers éléments constitutifs du dossier de chaque enfant concerné pourraient également être transmis aux services académiques chargés de conduire un contrôle a posteriori, ce qui permettrait à ces derniers de mieux appréhender le projet pédagogique défendu par chaque famille.
De nombreux parents ont le sentiment que ces contrôles sont menés à charge et qu’ils sont trop aléatoires. Je suis intimement persuadée que l’adoption de cet amendement permettrait de rétablir un climat plus apaisé, plus constructif, dans l’intérêt supérieur de l’enfant.
Je tiens tout d’abord à saluer le travail de Nathalie Delattre en tant que présidente de la commission d’enquête sur la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre, dont Jacqueline Eustache-Brinio était la rapporteure.
Le code de l’éducation prévoit une déclaration annuelle et par écrit pour les enfants qui poursuivent d’une année sur l’autre leur instruction en famille. Or, à chaque déclaration, il sera demandé de présenter les modalités d’organisation et d’enseignement de l’enfant. Nous avons d’ailleurs adopté, voilà quelques instants, un amendement visant à ce que cette déclaration intervienne au maximum huit jours après la rentrée.
Cet amendement étant satisfait, je vous demande de bien vouloir le retirer ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
L’amendement n° 478 est retiré.
L’amendement n° 401 rectifié bis, présenté par Mme Billon, MM. Lafon et Canevet, Mme Morin-Desailly, MM. J.M. Arnaud, Duffourg et Hingray, Mme Perrot, MM. Moga, Delcros et Chauvet, Mme Tetuanui, MM. Kern, Laugier, Le Nay et de Belenet, Mme Saint-Pé et M. Longeot, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
le droit de l’enfant à l’instruction, dans le respect de la liberté pédagogique telle que définie à l’article L. 131-1-1
par les mots :
le droit de l’enfant à l’instruction tel que défini à l’article L. 131-1-1, dans le respect de la liberté pédagogique
La parole est à Mme Annick Billon.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 185 rectifié ter, présenté par MM. Decool, Capus, Chasseing, Lagourgue, Guerriau, A. Marc et Menonville, Mmes Mélot et Paoli-Gagin, MM. Verzelen, Wattebled, Bacci, Bonhomme, Bonnus, Chevrollier et Courtial, Mmes N. Delattre, Dumont et Drexler, MM. Grand et Gremillet, Mmes Guidez et Herzog, MM. Laménie, Lefèvre, Levi, Longeot et Moga et Mmes Noël et Saint-Pé, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase
Après le mot :
instruction
insérer les mots :
dans le respect des principes de la République et
La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
L’alinéa 4 précise que les familles pratiquant l’instruction en famille s’engagent à dispenser les enseignements majoritairement en langue française.
Il paraît important d’affirmer le respect des valeurs de la République au cœur de cet engagement. En effet, l’instruction doit permettre à chaque enfant de devenir un citoyen libre et éclairé ; c’est un droit fondamental de l’enfant. Qu’elle soit pratiquée à l’école ou en famille, l’instruction doit être, en tout état de cause, dispensée dans le respect des principes de la République.
Dans le socle commun de connaissances, de compétences et de culture qui doit être transmis à tout enfant, y compris ceux qui sont instruits en famille, figure la compétence relative à « la formation de la personne et du citoyen », à savoir « l’apprentissage de la vie en société, de l’action collective et de la citoyenneté, par une formation morale et civique respectueuse des choix personnels et des responsabilités individuelles ».
Cet amendement tend à demander aux personnes responsables de l’enfant d’instruire l’enfant dans le respect des principes de la République, de la même façon qu’elles s’engagent à le faire majoritairement en français.
Je remercie M. Decool d’avoir modifié son amendement afin d’évoquer les principes de la République plutôt que les valeurs de la République – certains d’entre nous y sont très attachés.
La commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 195 rectifié ter, présenté par MM. Brisson et Longuet, Mme Deroche, MM. Mouiller et Bazin, Mme Canayer, MM. Pellevat, Favreau, Regnard et Burgoa, Mme Micouleau, M. B. Fournier, Mme Imbert, MM. Mandelli, Bascher, Cuypers, D. Laurent et Bouchet, Mmes Drexler et Chauvin, MM. de Legge, Charon et Savin, Mme Belrhiti, MM. Boré, Le Rudulier, Laménie, Genet, Chevrollier et Savary, Mme Boulay-Espéronnier, M. Klinger, Mmes L. Darcos et Gruny, M. Sido, Mmes Di Folco et de Cidrac, M. Bonhomme, Mmes Dumont et Bonfanti-Dossat, MM. Lefèvre, Husson, Rapin, Somon et Gremillet et Mme Estrosi Sassone, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
sans exclure l’apprentissage de langues étrangères et régionales dans le cadre d’un projet éducatif bilingue ou plurilingue
La parole est à M. Max Brisson.
Je pense avoir moins de succès que M. Decool, mais je défendrai cet amendement afin d’être cohérent avec moi-même sur la question des langues régionales.
S’il est indispensable que les enseignements dispensés dans le cadre de l’instruction en famille soient majoritairement en français, il est également souhaitable qu’ils puissent se faire en langues étrangères ou régionales, comme cela peut être proposé dans les écoles publiques ou privées dans le cadre d’un enseignement bilingue ou plurilingue.
Tel qu’il est actuellement rédigé, le projet de loi donne trop l’impression que ce qui est possible à l’école publique ne l’est pas dans le cadre de l’instruction en famille. La maîtrise de la langue française est un impératif ; le bilinguisme ou le plurilinguisme le sont également.
Nous connaissons tous le combat de Max Brisson pour les langues régionales et sa cohérence, pas seulement avec lui-même, mais avec d’autres aussi. Je salue son engagement.
Sa préoccupation est légitime : permettre l’enseignement des langues régionales, y compris dans le cadre de l’instruction en famille, c’est aussi un enjeu de transmission du patrimoine linguistique. Notre commission y est très attachée et, de manière générale, le Parlement se mobilise régulièrement en faveur des langues régionales.
Toutefois, il me semble que cet amendement est satisfait. Le socle commun de connaissances, de compétences et de culture intègre les langues comme premier domaine de compétences, notamment les langues étrangères et, le cas échéant, des langues régionales. Le vade-mecum de l’instruction en famille de novembre 2020 mentionne explicitement les langues régionales : « Objectif 2 : comprendre et s’exprimer en utilisant une langue étrangère et, le cas échéant, une langue régionale ».
La rédaction proposée permet donc l’apprentissage des langues régionales et étrangères, à condition que l’instruction se fasse en majorité en français. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous le confirmer de manière explicite ? Si tel est bien le cas, la commission demandera le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
L’amendement n° 195 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° 74 rectifié, présenté par Mmes Demas et Estrosi Sassone, M. H. Leroy, Mme Borchio Fontimp, M. Tabarot, Mmes Belrhiti et Bellurot, M. Bascher, Mmes Ventalon, Muller-Bronn, Chauvin, Gosselin et Micouleau, M. Genet, Mmes Dumont et Drexler, MM. Charon et Vogel, Mme Schalck, M. Saury, Mme Joseph, MM. de Nicolaÿ et Favreau, Mme Bourrat, MM. Grand et Houpert, Mme Gruny et MM. Boré, Bonhomme, Husson, Laménie et Rapin, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le ministère de l’éducation nationale communique aux services recevant les déclarations d’instruction en famille des indicateurs permettant d’apprécier la qualité de ces modalités d’organisation et d’enseignement. » ;
La parole est à Mme Patricia Demas.
Actuellement, le maire a la responsabilité de vérifier les conditions de vie et d’apprentissage des enfants et d’établir les raisons ayant motivé le choix de ce mode d’instruction.
Le contrôle de la mairie doit aussi permettre de déterminer s’il est bien donné aux enfants une instruction compatible avec leur état de santé.
La réalisation de cette enquête préalable demeure complexe pour les maires – nous l’avons vu – par manque d’indicateurs, de grilles d’évaluation, de formations ou encore de moyens.
Cet amendement tend donc à prévoir le principe d’un soutien méthodologique aux maires dans l’accomplissement de l’obligation qui leur incombe de réaliser l’enquête municipale préalable à l’instruction à domicile.
Il y a une confusion entre le rôle du maire et celui des services de l’éducation nationale : il revient à ces derniers d’examiner les modalités d’enseignement et d’organisation de l’instruction en famille.
L’enquête préliminaire de la mairie vise uniquement à établir les raisons alléguées par les personnes responsables et à déterminer si l’instruction donnée aux enfants est compatible avec leur état de santé et les conditions de vie de la famille.
En revanche, je suis d’accord avec vous, cher collègue, sur le fait que certains maires ne sont pas toujours au courant de leur rôle exact en matière de contrôle de l’instruction en famille. Cela étant, la diffusion de cette information ne relève pas du domaine de la loi : une circulaire pourrait suffire.
Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement qui vise à la diffusion d’indicateurs relatifs à l’examen des modalités d’enseignement et d’organisation déclarées pour l’instruction en famille.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ article 21 bis C est adopté.
L’amendement n° 214 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Cabanel et Gold, Mme M. Carrère, MM. Corbisez, Guérini et Guiol, Mme Pantel et MM. Requier, Roux et Bilhac, est ainsi libellé :
Après l’article 21 bis C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du troisième alinéa de l’article L. 131-10, après le mot : « suivant », sont insérés les mots : « le début de l’année scolaire ou ».
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Le Gouvernement souhaite renforcer le contrôle de l’instruction en famille afin de déceler, dans ce cadre, des cas éventuels d’enfants menacés par le séparatisme ou par toutes sortes de dérives idéologiques ou religieuses.
Parce que le droit pour chaque enfant à une instruction est un droit fondamental garanti par le code de l’éducation, les pouvoirs publics ont une double responsabilité : il leur revient, d’une part, de s’assurer que tous les enfants ne sont pas soustraits à l’instruction ; d’autre part, de vérifier que l’enseignement qui leur est dispensé est bien conforme aux valeurs de la République.
Il est déterminant de s’emparer des modalités de contrôle de ce mode d’instruction, en contrepartie du maintien du régime déclaratoire. Tel est l’objectif de cet amendement.
Il s’agit ici de modifier les délais afin de tenir compte des ressources dont dispose l’éducation nationale pour effectuer son contrôle et permettre aux familles de s’y préparer.
L’article L. 131-10 du code de l’éducation prévoit que les services de l’éducation nationale font un premier contrôle à partir du troisième mois suivant la déclaration d’instruction. Je propose qu’il soit plutôt effectué à partir du troisième mois suivant le début de l’année scolaire.
Pour les familles qui feraient leur déclaration en fin d’année scolaire, la rédaction actuelle pourrait conduire à des contrôles en fin d’été, avant même qu’elles aient concrètement préparé leur cadre d’instruction à domicile.
En outre, les services de l’État pourraient effectuer leur contrôle plus tard dans l’année et ainsi étaler la mobilisation de leurs ressources.
L’article L. 131-10 du code de l’éducation prévoit effectivement que le contrôle a lieu dans les trois mois suivant la déclaration d’instruction en famille.
L’adoption, voilà quelques instants, de l’amendement n° 192 rectifié ter de Max Brisson a rendu obligatoire la déclaration d’instruction en famille au plus tard huit jours après la rentrée. Le délai des trois mois s’écoulera donc bien à partir de la rentrée scolaire ou à partir du début du recours à l’instruction en famille.
L’amendement est donc satisfait, raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir le retirer ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
L’amendement n° 214 rectifié est retiré.
L’amendement n° 213 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Corbisez, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier, Roux et Bilhac, est ainsi libellé :
Après l’article 21 bis C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au quatrième alinéa de l’article L. 131-10 du code de l’éducation, les mots : « en principe » sont supprimés.
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
L’amendement n° 213 rectifié est retiré.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 218 rectifié bis, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Cabanel et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Corbisez, Gold, Guérini et Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Après l’article 21 bis C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 131-7 du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Au début, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Chaque année, à la rentrée scolaire, l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation diffuse au représentant de l’État dans le département le guide interministériel concernant le suivi de l’instruction en famille. » ;
2° Les mots : « L’autorité de l’État compétente en matière d’éducation invite les personnes responsables de l’enfant », sont remplacés par les mots : « Le maire invite les personnes responsables de chaque enfant d’âge scolaire ».
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Cet amendement vise à clarifier la répartition des rôles dans le cadre de l’instruction en famille.
Le rôle du maire est de s’assurer que chaque enfant de la commune suit une instruction, notamment par la tenue d’un registre communal recensant l’ensemble de ses jeunes citoyens, âgés de 3 à 16 ans.
Les parents ont l’obligation de donner une instruction à leur enfant en âge scolaire. L’objectif est de permettre à l’enfant d’atteindre la maîtrise du socle commun de connaissances, de compétences et de culture à la fin de la scolarité obligatoire. Si les parents ne remplissent pas cette obligation, ils s’exposent à des sanctions pénales.
Enfin, à chaque rentrée scolaire, l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation devra diffuser aux représentants de l’État dans le département le guide interministériel de 2017 concernant le suivi de l’instruction en famille. Ce guide clarifie le rôle des acteurs locaux dans le cadre de l’instruction en famille. Il serait donc souhaitable qu’il puisse être diffusé dans chaque département, à chaque rentrée.
L’amendement n° 247 rectifié ter, présenté par Mme Mélot, MM. Malhuret, Menonville, Lagourgue, Médevielle, Chasseing et Decool, Mme Paoli-Gagin et MM. Wattebled, A. Marc et Capus, est ainsi libellé :
Après l’article 21 bis C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’article L. 131-7 du code de l’éducation, les mots : « de l’enfant » sont remplacés par les mots : « de chaque enfant arrivant en âge scolaire ».
La parole est à Mme Colette Mélot.
Madame Delattre, il revient non pas aux maires d’informer les parents sur leurs obligations au regard du droit à l’instruction de leur enfant, mais à l’État.
En revanche, il me semble intéressant d’assurer régulièrement une diffusion du guide interministériel décrivant le rôle de chacun en matière de contrôle de l’instruction en famille. Une telle disposition relève cependant non pas de la loi, mais d’une simple circulaire. Aussi, la commission a émis un avis défavorable sur votre amendement n° 218 rectifié bis.
Tel qu’il est rédigé, l’amendement n° 247 rectifié ter réduit la portée de l’article L. 131-7 du code de l’éducation : les services de l’éducation nationale ne seraient invités à rappeler les obligations en matière d’instruction qu’aux seuls parents d’enfants d’âge scolaire, c’est-à-dire d’enfants de 3 ans. Or cette obligation vaut tout le long de l’instruction. La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’article L. 131-10 du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dès la déclaration d’instruction en famille et jusqu’à la réalisation du premier contrôle mentionné au quatrième alinéa, l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation peut convoquer les responsables de l’enfant et, le cas échéant, la ou les personnes chargées d’instruire l’enfant, à un entretien afin d’apprécier la situation de l’enfant et de sa famille et vérifier le respect du droit de l’enfant à l’instruction. » ;
2° À la première phrase de l’avant-dernier alinéa, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « sixième » et le mot : « septième » est remplacé par le mot : « onzième ».
L’amendement n° 644, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le ministre.
Mon argument est le même que sur les amendements précédents.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 196 rectifié quater, présenté par MM. Brisson, Retailleau et Longuet, Mme Deroche, MM. Mouiller, Pellevat, Favreau, Regnard et Burgoa, Mme Micouleau, M. B. Fournier, Mme Imbert, MM. Mandelli, Bascher, Cuypers, D. Laurent et Bouchet, Mmes Drexler et Chauvin, MM. de Legge, Charon et Savin, Mme Belrhiti, MM. Boré, Le Rudulier, Laménie, Genet, Chevrollier et Savary, Mme Boulay-Espéronnier, M. Klinger, Mmes L. Darcos et Gruny, MM. Sido et Bazin, Mme Di Folco, M. Bonhomme, Mmes Canayer, Dumont et Bonfanti-Dossat, MM. Lefèvre, Husson, Somon et Gremillet et Mme Estrosi Sassone, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après les mots :
en famille et
insérer les mots :
en l’absence de contrôle pédagogique antérieur satisfaisant, tel que mentionné au quatrième alinéa, et d’enquête de la mairie antérieure, telle que mentionnée au premier alinéa,
La parole est à M. Max Brisson.
Cet amendement vise à éviter la convocation des responsables de l’enfant ou de la personne chargée de l’instruire à un entretien, dès lors qu’un contrôle pédagogique a été réalisé au cours de l’année scolaire précédente et qu’il s’est révélé satisfaisant.
Il s’agit d’éviter ce qui pourrait apparaître comme de l’acharnement, avec deux contrôles très rapprochés. Si le contrôle s’est bien déroulé lors de l’année scolaire écoulée, il n’y a aucune raison de proposer un nouvel entretien à la rentrée suivante.
Je comprends fort bien cet amendement. Selon ses auteurs, un contrôle satisfaisant pourrait suffire à établir une relation de confiance entre les services et la famille pratiquant l’instruction en famille.
Il me semble toutefois important de laisser cette faculté au recteur pour toutes les familles, y compris celles dont le contrôle s’est révélé satisfaisant l’année précédente. En effet, la situation peut évoluer d’une année sur l’autre, du fait d’un divorce, d’un décès, d’un changement de profession.
À cet égard, permettez-moi de vous citer un extrait d’un des rares travaux sur l’instruction en famille. Il s’agit d’une étude de Géraldine Farges et Élise Tenret – que nous avons auditionnées – publiée dans la revue Sociologie, en 2020, intitulée « Évaluer l’instruction en dehors de l’école. Une enquête sur la fabrication du jugement des inspecteurs dans les contrôles de l’instruction dans la famille. »
Ces deux chercheuses ont accompagné des inspecteurs de l’éducation nationale lors de leurs contrôles d’un enfant instruit en famille. Voici les propos d’un inspecteur : « Dans une des familles que j’ai visitées cette année, il y avait quatre enfants, la maman était enceinte du cinquième, elle allait accoucher peut-être un mois après que je sois allée dans la famille. Je me suis vraiment posé la question, vu que c’était elle qui faisait classe. Sur les quatre, il y en avait trois qu’elle prenait en charge, l’autre était trop jeune. Je lui ai posé la question : “Comment allez-vous faire ?” S’occuper d’un bébé plus de quatre autres à qui il faut faire la classe, c’est quelque chose de compliqué. Elle m’a dit que le père allait s’arrêter trois mois. »
Même si le contrôle précédent s’était révélé satisfaisant, il s’agit clairement d’une situation qui réclame un contrôle préalable. Les modalités d’organisation de l’instruction en famille risquent de changer drastiquement à la suite de l’arrivée d’un nouvel enfant : disponibilité des parents, fatigue, perturbation des cours par les pleurs du bébé, par exemple. Il ne me semble pas déraisonnable, dans ces conditions, de permettre au recteur de s’entretenir avec les parents. Bien évidemment, il ne s’agit que d’une possibilité : rien n’est automatique ni obligatoire.
Pour ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement.
Je remercie M. le rapporteur pour avis d’avoir évoqué un cas aussi détaillé et précis, mais c’est un cas d’espèce et nous ne faisons pas la loi en fonction de cas d’espèce, fussent-ils aussi émouvants que celui qui vient d’être évoqué.
Je pense que le contrôle doit être valorisé. S’il se passe bien, le travail des parents doit être reconnu. L’entretien est une nouveauté introduite pour répondre à la volonté d’accroître les contrôles. Loi après loi, les contrôles se multiplient. Ce texte en ajoute encore. Je suis contre un tel acharnement. C’est la raison pour laquelle je maintiens mon amendement.
Je trouve que le cas évoqué est très intéressant. Il montre qu’une simple relation entre la personne désireuse de faire l’enseignement en famille et l’administration de l’éducation nationale permettrait aussitôt de comprendre que la personne qui demande cette autorisation est dans l’incapacité de mener à bien cet enseignement.
Je vous remercie, monsieur le rapporteur pour avis, d’avoir évoqué ce cas, qui conforte ce que nous disons : un entretien préalable est absolument indispensable pour éviter ce genre de situations !
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 233 rectifié, présenté par MM. Brisson, Allizard, Anglars, Babary, Bacci, Bas et Bascher, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, M. E. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonne et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, MM. Boré et Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, MM. Bouloux et J.M. Boyer, Mme V. Boyer, MM. Burgoa, Calvet, Cambon et Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Chaize et Charon, Mme Chauvin, MM. Chevrollier, Courtial, Cuypers, Dallier, Darnaud, de Legge, de Nicolaÿ et del Picchia, Mmes Demas, Deroche, Deromedi, Deseyne, Drexler, Dumas et Dumont, M. Duplomb, Mme Estrosi Sassone, MM. Favreau, B. Fournier et Frassa, Mme Garnier, M. Genet, Mmes F. Gerbaud, Gosselin, Goy-Chavent et Gruny, MM. Guené, Gueret et Hugonet, Mmes Imbert et Joseph, MM. Karoutchi et Klinger, Mme Lassarade, MM. D. Laurent, Le Gleut, Le Rudulier, Lefèvre et H. Leroy, Mmes Lherbier, Lopez et Malet, M. Meurant, Mme Micouleau, MM. Milon et Mouiller, Mmes Muller-Bronn et Noël, MM. Paccaud, Paul, Pellevat et Pemezec, Mme Pluchet, M. Pointereau, Mme Puissat, MM. Regnard et Retailleau, Mme Richer, MM. Rojouan, Saury, Savary et Savin, Mme Schalck, MM. Sido et Tabarot, Mmes Thomas et Ventalon, M. Vogel, Mme Bourrat, M. Daubresse, Mme Primas et MM. Segouin et Bonhomme, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La convocation indique les raisons qui motivent cette demande d’entretien.
La parole est à M. Max Brisson.
Je pense avoir un peu plus de succès avec cet amendement !
En application de l’article 21 bis D adopté par la commission, le recteur peut convoquer les parents de l’enfant pour « apprécier la situation de l’enfant et de sa famille et vérifier le respect du droit de l’enfant à l’instruction », entre le moment où la déclaration d’instruction est déposée et le premier contrôle pédagogique.
Cette procédure n’a pas vocation à être systématique, M. le rapporteur pour avis vient de nous le rappeler, et peut aussi bien se justifier par une volonté d’accompagnement des parents dans l’organisation de leur enseignement que par des doutes sur la nature de leur motivation ou sur la situation de l’enfant. Aussi serait-il utile que la famille sache pour quelles raisons le recteur souhaite les entendre.
Par conséquent, le présent amendement tend à prévoir que la demande d’entretien du recteur devra être motivée.
Il s’agit d’un amendement de bon sens. L’entretien que nous venons d’évoquer est un instant de dialogue entre le recteur et les parents. Dans ces conditions, il est important que les parents connaissent, pour préparer cet entretien, les motivations et les points que le recteur souhaite évoquer avec eux.
Max Brisson a bien anticipé l’avis de la commission sur cet amendement : il est favorable.
Dans l’esprit comme dans la lettre, le projet de loi précise suffisamment les raisons de cet entretien. Il convient donc de laisser une pleine marge de liberté à l’autorité académique dans ce cadre.
Ce type de dispositions aurait pour conséquence de multiplier les difficultés, les chicanes et les retards, alors même que l’objectif, que je croyais partagé, est de permettre un meilleur contrôle de l’autorité académique.
Quand vous vous opposez à certains aspects de l’article 21, vous dites préférer le développement des contrôles à l’adoption d’une loi. Ici, j’observe que vous souhaitez complexifier les contrôles, ce qui n’est pas la meilleure façon d’aller dans le sens que vous souhaitez vous-même. J’ai pourtant pris l’engagement, conformément à ce que vous souhaitez, que nous nous dotions, pour ces contrôles, de moyens humains et de bonnes méthodes organisationnelles.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
L ’ amendement est adopté.
L ’ article 21 bis D est adopté.
L’amendement n° 222 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Cabanel et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Corbisez, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Après l’article 21 bis D
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l’article L. 131-10 du code de l’éducation est ainsi rédigé :
« Les enfants identifiés comme n’étant ni inscrits à l’école, ni déclarés en instruction en famille font l’objet d’une enquête immédiate de l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation afin de vérifier ou guider le choix d’instruction en accord avec les dispositions du présent code pour les enfants identifiés. »
La parole est à Mme Véronique Guillotin.
Chaque année, les parents ayant fait le choix de l’instruction en famille ont jusqu’au mois de septembre pour effectuer leur déclaration, les premiers contrôles de l’inspection académique étant effectués en général entre les mois de novembre et de février.
À l’issue de ces premiers contrôles, les services de l’éducation nationale peuvent constater que des enfants ne sont ni inscrits à l’école publique ou privée ni déclarés en instruction à domicile. Nous ne pouvons accepter que des enfants disparaissent aussi facilement de nos écrans radars. C’est notre rôle de garantir à chaque enfant une instruction digne de ce nom.
Cet amendement vise donc à déclencher une enquête immédiate de l’autorité compétente pour vérifier ou guider le choix d’instruction des enfants identifiés comme n’étant ni inscrits à l’école ni déclarés en instruction en famille.
Cet amendement tend à reprendre l’une des propositions de la commission d’enquête présidée par Nathalie Delattre sur la radicalisation islamiste.
Selon moi, il est satisfait par ce texte, qui prévoit une rescolarisation immédiate des enfants découverts ni scolarisés ni déclarés instruits en famille, qu’on appelle communément les « enfants hors radars ». L’accompagnement des familles et des enfants concernés se fera au travers des cellules de protection du droit à l’instruction, introduites dans le texte à l’issue des travaux de la commission.
Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
L’article L. 131-10 du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cadre de ce contrôle, les parents présentent une attestation de suivi médical établie dans le respect du secret médical » ;
2° À la première phrase de l’avant-dernier alinéa, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « sixième » et le mot : « septième » est remplacé par le mot : « onzième ».
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 220 rectifié est présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Fialaire et Guérini, Mme Pantel et MM. Requier et Roux.
L’amendement n° 645 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour présenter l’amendement n° 220 rectifié.
Cet article prévoit la présentation par les personnes responsables de l’enfant d’une attestation de suivi médical à l’occasion du contrôle pédagogique annuel. Je comprends bien la démarche de notre rapporteur, qui souhaite que tous les enfants scolarisés bénéficient d’un accès régulier à un professionnel de santé.
Toutefois, tel est déjà le cas. En effet, de la naissance jusqu’à l’âge de 16 ans, vingt examens médicaux obligatoires sont prévus. Il n’est pas souhaitable que la présentation de ce certificat soit liée à l’enquête menée au sein des familles ayant fait le choix d’un enseignement à domicile. Ce contrôle vise, je le rappelle, à s’assurer de l’acquisition progressive par l’enfant de chacun des domaines du socle commun de connaissances, de compétences et de culture défini dans le code de l’éducation.
Les dispositions prévues par cet article ne participeraient donc qu’à la confusion des genres. Pour que ce contrôle soit pertinent, l’objet de sa mission doit être clair. Cette attestation de santé ne représentera en rien une garantie du bon développement de l’enfant, notamment de son développement psychique. Ce tampon d’un médecin généraliste non spécialisé en la matière ne ferait malheureusement que masquer un possible mal-être.
Je vous propose donc, mes chers collègues, de supprimer cet article.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Madame la présidente, je suis convaincu par les arguments de Mme la sénatrice Nathalie Delattre, ainsi que par la rédaction de son amendement. Je retire donc le mien au profit du sien.
M. le président de la commission de la culture et M. le rapporteur pour avis sourient.
L’amendement n° 645 est retiré.
Quel est l’avis de la commission de la culture sur l’amendement n° 220 rectifié ?
Je ne commenterai pas la rédaction de ces amendements !
Malgré le manque de moyens de la médecine scolaire, les enfants scolarisés bénéficient, vous le savez, d’un accès régulier à un professionnel de santé. Des visites et des dépistages médicaux obligatoires dans le cadre scolaire sont également prévus à 3 ans, à 6 ans et à 12 ans.
L’article 21 bis E vise à s’assurer que les enfants instruits en famille bénéficient également d’un suivi médical régulier. L’attestation prévue n’est pas, bien évidemment, une description de l’état de santé de l’enfant. Il s’agit simplement d’une attestation de suivi médical, dans le respect du secret médical.
J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement n° 220 rectifié.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 104 rectifié, présenté par M. Magner, Mmes S. Robert et de La Gontrie, MM. Kanner, Antiste et Assouline, Mme Lepage, M. Lozach, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe, M. Féraud, Mme Harribey, M. Marie, Mme Meunier, MM. Sueur, Bourgi, Durain, Kerrouche, Leconte et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, MM. Gillé et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Lurel, Mérillou, Temal, Tissot, Redon-Sarrazy, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer six alinéas ainsi rédigés :
…° Au début, sont ajoutés cinq alinéas ainsi rédigés :
« L’instruction peut être donnée en famille pour les motifs suivants, sans que puissent être invoquées d’autres raisons que l’intérêt supérieur de l’enfant :
« 1° L’état de santé de l’enfant ou son handicap ;
« 2° La pratique d’activités sportives ou artistiques intensives ;
« 3° L’itinérance de la famille en France ou l’éloignement géographique de tout établissement scolaire public ;
« 4° L’existence d’une situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif, sous réserve que les personnes qui en sont responsables justifient de la capacité de la ou des personnes chargées d’instruire l’enfant à assurer l’instruction en famille dans le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant. Dans ce cas, la déclaration est accompagnée d’une présentation écrite du projet éducatif, de l’engagement d’assurer cette instruction majoritairement en langue française ainsi que des pièces justifiant de la capacité à assurer l’instruction en famille.
La parole est à M. Jacques-Bernard Magner.
Lors de l’examen en commission, M. le rapporteur pour avis a fait adopter la suppression du régime d’autorisation préalable à la dispense de l’instruction en famille prévue par l’article 21 du projet de loi. Néanmoins, il a souhaité renforcer le régime déclaratif actuel, en reprenant des obligations prévues dans le cadre du régime d’autorisation.
Dans ces conditions, je ne comprends toujours pas pourquoi il n’est pas allé jusqu’au bout de sa démarche en maintenant un nouveau régime d’autorisation.
Monsieur le rapporteur pour avis, cet amendement du groupe socialiste a donc pour objet de parachever le travail que vous avez entrepris lors de l’examen en commission, en complétant le régime déclaratif applicable à l’instruction en famille, en reprenant des dispositions prévues dans l’article 21 initial.
Nous souhaitons encadrer davantage le régime déclaratif de l’instruction en famille, en prévoyant in extenso dans la loi les quatre types de situations autorisant le recours à ce mode d’instruction. Il s’agira de situations de maladie ou de handicap, des cursus artistiques ou sportifs, des éloignements dus aux situations d’itinérance de la famille et de la situation propre à un enfant.
Dans ce dernier cas seulement, compte tenu du flou entourant cette situation légalement prévue, mais peu encadrée, il faut bien le dire, la famille devra présenter un projet pédagogique et justifier de sa capacité à assurer l’enseignement, majoritairement en langue française.
Selon nous, il s’agit d’une distinction de bon sens entre les trois premiers cas, dans lesquels l’instruction en famille s’est révélée nécessaire, et le dernier cas, dans lequel elle pourrait être soumise à l’arbitraire.
Je vous remercie, monsieur Magner, de votre sollicitude et de votre proposition de nous apporter votre concours afin de compléter le travail de la commission, auquel vous avez déjà largement participé en votant, ou non, les amendements que j’avais proposés.
Je m’interroge sur la formulation de votre amendement : « l’instruction peut être donnée […] – c’est une possibilité –, sans que puissent être invoquées d’autres raisons que l’intérêt… » Cela ressemble au retour d’une autorisation, monsieur Magner, sous une forme déguisée.
Cet amendement vise très clairement à restreindre la possibilité de l’instruction en famille, en instaurant quatre critères limitatifs ressemblant furieusement aux quatre critères qui figuraient dans le texte issu de l’Assemblée nationale.
À titre personnel, j’émets donc, comme la commission, un avis défavorable sur cet amendement.
Je tiens à saluer la cohérence du groupe socialiste. Je constate tout de même que cet amendement est un simple copier-coller, au mot près, de l’article voté par l’Assemblée nationale.
Nous avons posé un acte, l’instauration d’un véritable régime de déclaration et non pas d’un régime de déclaration sous contrôle. Cher Jacques-Bernard Magner, acceptez, sans les caricaturer, nos cohérences et logiques respectives. C’est parce que nous ne nous caricaturons pas que nous rejetterons cet amendement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ article 21 bis E est adopté.
L’amendement n° 221 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Cabanel et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Corbisez, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Après l’article 21 bis E
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le quatrième alinéa de l’article L. 131-10 du code de l’éducation est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans ce cadre, elles ne sont pas systématiquement informées du jour de contrôle. »
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Comme je ne cesse de vous le dire, les contrôles sont essentiels. Les familles sont prévenues en amont de la date de ces enquêtes, et le triste constat dressé par la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), c’est que certaines ont tendance à préparer en amont leurs enfants aux questions qui leur sont posées, aux fins que les inspecteurs ne détectent aucun signe de dérive.
De fait, pour empêcher cela, il est nécessaire que les autorités compétentes de l’État chargé de ces contrôles puissent les effectuer de manière inopinée, aux fins de remédier aux défaillances précédemment évoquées.
Cet amendement est doublement satisfait. D’une part, le vade-mecum de l’instruction en famille prévoit expressément la possibilité de contrôles inopinés. D’autre part, ce type de contrôles est également prévu à l’article R. 131-15 du code de l’éducation.
Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Non, je le retire, madame la présidente, puisqu’il est satisfait.
Je tiens toutefois à souligner que le ressort que vous évoquez n’est jamais utilisé. L’administration doit certainement recevoir des consignes d’en haut de prévenir les familles avant tout contrôle.
Telle est la situation observée dans chaque inspection académique. Il faudrait donc donner des ordres afin que des contrôles inopinés soient effectués. Je compte sur vous, monsieur le ministre, pour débloquer la situation.
L’amendement n° 221 rectifié est retiré.
L’amendement n° 211 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Cabanel et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Gold, Guiol et Guérini, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Après l’article 21 bis E
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du septième alinéa de l’article L. 131-10 du code de l’éducation, après le mot : « insuffisants, », sont insérés les mots : « ou en cas de mauvaise foi avérée ou de fuite, ».
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Les parents ayant refusé de se soumettre à un premier contrôle, parfois pour des raisons légitimes, ont la possibilité de bénéficier d’une session de rattrapage. Comme vous l’avez dit précédemment, monsieur le rapporteur pour avis, un second contrôle est organisé par la Dasen, avant une signalisation de l’inspecteur académique auprès du procureur de la République.
Tous nos enfants doivent faire l’objet d’un suivi pédagogique rapproché. L’instruction est l’un des piliers de notre République et tout enfant doit avoir la chance d’en bénéficier sans entrave.
Aussi, lorsqu’une famille se soustrait une seconde fois au contrôle de la Dasen, par mauvaise foi avérée ou dans une tentative de fuite, cela doit donner lieu à une injonction d’inscription dans un établissement et à des sanctions pénales.
Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à l’amendement n° 212 rectifié que nous avons examiné tout à l’heure.
Le code prévoit des sanctions particulièrement lourdes en cas de refus d’un contrôle ou d’obstacles au bon déroulement de celui-ci. Par ailleurs, la commission a adopté un article tout à fait explicite interdisant le recours à l’instruction en famille en cas de fraude. En outre, nous avons voté l’obligation de procéder à la déclaration d’instruction en famille dans un délai de huit jours.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable. J’ajoute que la mauvaise foi serait difficile à établir, dans la mesure où elle est globalement bien partagée !
Sourires.
Après l’article L. 131-11 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 131-11-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 131 -11 -2. – Sont incapables d’être responsable de l’instruction en famille d’un enfant les personnes qui ont été définitivement condamnées par le juge pénal pour crime ou délit à caractère terroriste, ou si elles sont inscrites au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes. »
L’amendement n° 621, présenté par M. Piednoir, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
pour une condamnation définitive
La parole est à M. Stéphane Piednoir.
Cet amendement, que je présente en mon nom, vise à préciser que seules les condamnations définitives peuvent entraîner l’interdiction de prendre en charge l’instruction en famille d’un enfant.
Il s’agit d’une précision tout à fait utile. La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.
L ’ amendement est adopté.
L ’ article 21 bis F est adopté.
Après l’article L. 131-5 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 131-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 131 -5 -1. – I. En cas de défaut de déclaration dans le délai prévu à l’article L. 131-5, sans préjudice de l’application des sanctions pénales, l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation peut mettre en demeure les personnes responsables de l’enfant de l’inscrire, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la mise en demeure, dans un établissement d’enseignement scolaire public ou privé et de faire aussitôt connaître au maire, qui en informe l’autorité compétente de l’État en matière d’éducation, l’école ou l’établissement qu’elles auront choisi. Les personnes responsables ainsi mises en demeure sont tenues de scolariser l’enfant dans un établissement d’enseignement scolaire public ou privé au moins jusqu’à la fin de l’année scolaire au cours de laquelle la mise en demeure leur a été notifiée.
« II. – En cas de fraude lors de la déclaration de l’instruction en famille, sans préjudice de l’application des sanctions pénales, l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation met en demeure les personnes responsables de l’enfant de l’inscrire, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la mise en demeure, dans un établissement d’enseignement scolaire public ou privé et de faire aussitôt connaître au maire, qui en informe l’autorité compétente de l’État en matière d’éducation, l’école ou l’établissement qu’elles auront choisi. Les personnes responsables ainsi mises en demeure sont tenues de scolariser l’enfant dans un établissement d’enseignement scolaire public ou privé au moins jusqu’à la fin de l’année scolaire au cours de laquelle la mise en demeure leur a été notifiée. »
L’amendement n° 646, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le ministre.
Cet amendement vise à tirer les conséquences de la suppression, contrairement au souhait du Gouvernement, de l’article 21 dans sa rédaction issue de la première lecture à l’Assemblée nationale.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 193 rectifié ter, présenté par MM. Brisson et Longuet, Mme Deroche, MM. Mouiller, Pellevat, Favreau, Regnard et Burgoa, Mme Micouleau, M. B. Fournier, Mme Imbert, MM. Mandelli, Bascher, Cuypers, D. Laurent et Bouchet, Mmes Drexler et Chauvin, MM. de Legge, Charon et Savin, Mme Belrhiti, MM. Boré, Le Rudulier, Laménie, Genet, Chevrollier et Savary, Mme Boulay-Espéronnier, M. Klinger, Mmes L. Darcos et Gruny, M. Sido, Mme de Cidrac, M. Bonhomme, Mmes Canayer, Dumont et Bonfanti-Dossat, MM. Lefèvre, Husson, Rapin, Bouloux, Somon et Gremillet et Mme Estrosi Sassone, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
1° Remplacer les mots :
de l’inscrire, dans un délai de quinze jours
par les mots :
de procéder à la déclaration dans un délai de huit jours
2° Après les mots :
mise en demeure
insérer les mots :
En cas de non-respect de cette mise en demeure dans le délai imparti, elles sont tenues de l’inscrire sous quinze jours
La parole est à M. Max Brisson.
Tel qu’il est actuellement rédigé, le projet de loi instaure une obligation d’inscription dans un établissement scolaire public ou privé, dans un délai de quinze jours, dès lors qu’un défaut de déclaration est constaté.
Cet amendement vise à instaurer une présomption de bonne foi, en accordant aux personnes responsables un délai de huit jours suivant la mise en demeure pour procéder à la déclaration. Si ce délai n’était pas respecté, ces personnes seraient tenues de procéder sous quinze jours à l’inscription de l’enfant dans un établissement d’enseignement scolaire, public ou privé.
Tout oubli doit ouvrir droit à un délai de mise en conformité, car le droit à l’erreur existe. Des parents et leurs enfants peuvent être momentanément hors de France. Bien sûr, si la mise en demeure n’est pas suivie d’une mise en conformité avec la loi, la scolarisation s’imposera.
Il s’agit, par cet amendement, de faire un distinguo entre l’oubli de bonne foi et la tentative de fraude. Le délai de huit jours qui serait laissé aux parents pour se mettre en conformité avec le droit est volontairement extrêmement court.
C’est un dispositif satisfaisant pour remettre sur le droit chemin des familles qui auraient oublié de bonne foi une déclaration. La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.
Monsieur le sénateur, cet amendement tend à prévoir, lorsqu’un défaut de déclaration est constaté par les services de l’éducation nationale, de mettre en demeure, dans un premier temps, les personnes responsables d’effectuer la déclaration d’instruction dans la famille, dans un délai de huit jours. Dans un second temps, et seulement en cas de non-respect de cette mise en demeure, il vise à mettre en demeure les personnes responsables d’inscrire leur enfant dans un établissement d’enseignement scolaire public ou privé.
Ces dispositions ne vont pas dans le sens du droit à l’éducation de l’enfant. En effet, le délai supplémentaire octroyé aux personnes responsables de l’enfant risque de les inciter à ne pas procéder à la déclaration d’instruction et à attendre d’être repérées et mises en demeure par les services de l’éducation nationale avant de se résoudre à l’effectuer.
Tel n’est pas notre objectif. Nous souhaitons au contraire limiter les situations dans lesquelles l’enfant est « hors radars ». Pour cette raison, je suis défavorable à cet amendement.
L ’ amendement est adopté.
L ’ article 21 bis G est adopté.
Après l’article L. 131-5 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 135-5-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 131 -5 -2. – Des cellules de protection du droit à l’instruction sont instituées dans chaque département, associant notamment les services départementaux de l’éducation nationale, les services du conseil départemental, la direction départementale des finances publiques, la caisse d’allocations familiales, la préfecture de département et le ministère public. Elles assurent le suivi des enfants en âge d’obligation scolaire et veillent à la mise en œuvre de l’obligation d’instruction, soit dans les établissements publics ou privés, soit par l’instruction en famille. Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret. »
L’amendement n° 648, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le ministre.
Cet amendement est le dernier de la série dite des « pièces détachées » !
La commission a émis un avis défavorable sur le dernier amendement de cette série d’amendements du Gouvernement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 476 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Cabanel et Bilhac, Mmes M. Carrère et Pantel et MM. Roux, Gold, Requier et Guiol, est ainsi libellé :
Alinéa 2, après la deuxième phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Pour les besoins du suivi, les services sont autorisés à croiser leurs données afin de s’assurer de l’instruction effective de l’enfant.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
Comme nous l’avons dit précédemment, nous disposons de plusieurs bases de données qui ne demandent qu’à être croisées pour améliorer le suivi des enfants en âge scolaire. Aujourd’hui, notre dispositif est loin d’être optimal, monsieur le ministre. Il serait difficile d’affirmer le contraire.
Comment, dans ces conditions, faire respecter l’obligation d’instruction, comment s’assurer qu’il n’y a plus d’enfants « hors radars » ? En 2019, le Défenseur des enfants a déploré le fait que plus de 100 000 enfants vivent dans des bidonvilles, des squats ou des hôtels sociaux et ne sont pas scolarisés. Quant au ministère de l’éducation, il évoquait tout au plus 20 000 enfants potentiellement concernés par une telle situation. La fourchette est large !
Cet amendement vise à permettre, par exemple, le croisement du fichier des caisses d’allocations familiales avec celui des déclarations d’instruction en famille, afin de mieux contrôler l’effectivité de l’instruction des enfants, en les répertoriant plus rigoureusement.
Les services associés dans les cellules de protection du droit à l’instruction doivent être clairement autorisés à partager ou à croiser leurs fichiers.
Les cellules de protection du droit à l’instruction ont été peu évoquées. Instituées dans chaque département, elles associeront différents services, notamment les services départementaux de l’éducation nationale, les services du conseil départemental, la direction départementale des finances publiques, la caisse d’allocations familiales et la préfecture.
Ces différents services assurent le suivi des enfants et ces cellules veillent à la mise en œuvre de l’obligation d’instruction, soit dans des établissements publics ou privés, soit dans le cadre de l’instruction en famille.
Ces cellules sont les outils sur lesquels il faudra s’appuyer pour détecter les enfants « hors radars » et faire des propositions d’instruction. Elles ont bien évidemment pour vocation de croiser les informations dont elles disposent.
Ni le projet de loi ni cet amendement ne précisent s’il s’agit d’un traitement automatisé des données. Tel qu’il est rédigé, cet amendement est satisfait et j’en demande le retrait. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.
Je voudrais savoir précisément si les fichiers des enfants bénéficiant d’une instruction en famille sont croisés avec ceux de la CAF ? Je n’en suis pas sûre ! Or tel est justement l’objet de cet amendement. La cellule que vous avez évoquée, monsieur le rapporteur pour avis, disposera-t-elle d’outils pour travailler ?
Cet amendement pourra être précisé ou mieux rédigé en commission mixte paritaire, mais, pour l’heure, je ne le retire pas. Je veux être sûre que cette cellule disposera des outils nécessaires. À mon avis, tel n’est pas le cas aujourd’hui.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ article 21 bis H est adopté.
L’amendement n° 627, présenté par M. Piednoir, est ainsi libellé :
Après l’article 21 bis H
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au troisième alinéa de l’article L. 131-6 du code de l’éducation, après les mots : « prestations familiales », sont insérés les mots : «, par les administrations de l’État compétentes en matière fiscale ».
La parole est à M. Stéphane Piednoir.
L’article L. 131-6 du code de l’éducation permet au maire de mettre en place un traitement automatisé des données à caractère personnel avec les fichiers de la CAF et ceux de l’éducation nationale. La mission d’information « flash » de nos collègues députées Anne Brugnera et George Paul-Langevin a montré les limites de ce dispositif, les informations transmises par la CAF étant parfois anciennes. En outre, toutes les familles d’un enfant âgé de 3 ans à 16 ans ne bénéficient pas de prestations de la CAF.
Aussi, cet amendement, que je présente en mon nom, vise à étendre la possibilité de croiser ces fichiers avec les informations en possession de l’administration fiscale.
L ’ amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 21 bis H.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 246 rectifié ter, présenté par Mme Mélot, MM. Malhuret, Menonville, Lagourgue, Médevielle, Chasseing et Decool, Mme Paoli-Gagin et MM. Wattebled, A. Marc et Capus, est ainsi libellé :
Après l’article 21 bis H
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au début de l’article L. 131-8 du code de l’éducation, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les responsables d’un enfant émettent le souhait de le désinscrire de l’établissement scolaire, le responsable d’établissement transmet l’information à l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation et au maire. L’autorité de l’État compétente en matière d’éducation vérifie que les responsables de l’enfant respectent bien l’article L. 131-2 pour signaler le mode d’instruction choisi pour la poursuite de l’instruction de l’enfant. »
La parole est à Mme Colette Mélot.
Par cet amendement, il s’agit d’éviter à un enfant de sortir des radars de l’éducation nationale.
Ainsi, lorsqu’une famille viendra désinscrire son enfant d’un établissement scolaire, le chef d’établissement, aujourd’hui démuni avec l’unique certificat de radiation, fera désormais remonter immédiatement l’information au service des directions des services départementaux de l’éducation nationale (DSDEN), ce qui permettra un suivi de l’enfant.
À défaut, si aucune déclaration d’instruction en famille ou inscription dans un autre établissement n’est reçue dans un délai de huit jours, une enquête sur l’enfant sera diligentée, conformément à l’alinéa 5 de l’article L. 131-10 du code de l’éducation.
L’amendement n° 502, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Après l’article 21 bis H
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au début de l’article L. 131-8 du code de l’éducation, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la ou les personnes responsables d’un enfant le désinscrivent d’un établissement d’enseignement, la directrice ou le directeur de l’établissement transmet l’information à l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation ainsi qu’au maire. L’autorité de l’État compétente vérifie que la ou les responsables de l’enfant respectent bien l’article L. 131-2. »
La parole est à M. Stéphane Ravier.
Le présent amendement vise à permettre un suivi efficace par le maire et par l’État des déscolarisations d’enfants pour prévenir tout parcours hors système éducatif.
Plutôt que d’entraver la liberté d’instruction en famille, il convient d’assurer un suivi des enfants hors système par tous les moyens possibles. De nombreux enfants sont victimes de dérives communautaristes et échappent aux radars. La déclaration du chef d’établissement permet de ne perdre aucun élève initialement scolarisé dans le cadre prévu par la loi.
En effet, l’article L. 131-2 du code de l’éducation rappelle que « l’instruction obligatoire peut être donnée soit dans les établissements ou écoles publics ou privés, soit dans les familles par les parents, ou l’un d’entre eux, ou toute personne de leur choix. »
Cet amendement vise à intégrer, aux côtés de l’État, le maire et les chefs d’établissement, trop souvent oubliés et démunis dans la lutte contre la déscolarisation. Il tend à garantir, sans empiéter sur les dispositions actuelles, la liberté d’enseignement, notamment l’instruction en famille.
Dans le but de contrôler plus strictement les parents islamistes qui tenteraient de faire passer leurs enfants sous les radars de l’État, et au nom des droits de l’enfant, je vous invite, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
Ces amendements étant très proches, je demanderai à M. Ravier de bien vouloir retirer le sien au profit de l’amendement n° 246 rectifié ter, qui permet de compléter le dispositif.
Il s’agit des relations entre les établissements scolaires et les services déconcentrés. Il me semble que cette transmission d’informations existe déjà, en tout cas je l’espère.
Avant de donner l’avis de la commission, je souhaiterais que M. le ministre nous confirme que cette transmission d’informations se déroule comme nous pouvons l’imaginer en cas de déscolarisation.
Ces amendements ont pour objet de prévoir que le directeur d’école ou le chef d’établissement informe le maire et le directeur académique des services de l’éducation nationale (Dasen) lorsque des parents désinscrivent un enfant. Cette obligation d’information est bel et bien déjà inscrite dans la loi.
Les articles L. 131-16 et R. 131-3 du code de l’éducation prévoient : « Chaque année, à la rentrée scolaire, le maire dresse la liste de tous les enfants résidant dans sa commune et qui sont soumis à l’obligation scolaire. »
« La liste scolaire est mise à jour le premier de chaque mois. Pour en faciliter l’établissement et la mise à jour, les directeurs des écoles ou les chefs des établissements scolaires, publics ou privés, doivent déclarer au maire et au directeur académique des services de l’éducation nationale […], dans les huit jours qui suivent la rentrée des classes, les enfants fréquentant leur établissement. »
Ces amendements sont donc satisfaits par la législation actuelle en la matière. Pour cette raison, je demande à leurs auteurs de bien vouloir les retirer.
Compte tenu des explications de M. le ministre, on peut considérer que ces amendements sont satisfaits. J’en demande donc le retrait.
Merci, monsieur le ministre, de nous indiquer que ce dispositif est prévu par la loi. Il semblerait néanmoins que, sur le terrain, dans les écoles, cette mesure soit sans effet : les directeurs se contentent du certificat de radiation.
S’ils font bien remonter cette information, alors pourquoi constate-t-on chaque année, dans certaines écoles, des différences entre les effectifs attendus et les effectifs réels, sans que l’on sache véritablement où les enfants sont passés ?
Si la loi prévoit bel et bien cette transmission d’informations, il faudrait l’assortir d’un véritable suivi permettant de savoir réellement où les enfants radiés sont allés, s’ils sont inscrits dans une autre école ou s’ils bénéficient d’une instruction en famille. Il faut pouvoir suivre le parcours de l’enfant.
Je maintiens donc mon amendement, madame la présidente, afin d’attirer l’attention sur ce point et de contribuer à ce que la situation évolue favorablement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 380 rectifié, présenté par Mme de La Provôté, M. Lafon, Mme Billon, M. de Belenet, Mme Jacquemet, M. Mizzon, Mmes Guidez et Férat, MM. Levi, P. Martin, Delahaye et Laugier, Mme Loisier, M. Henno, Mme Saint-Pé, M. Chauvet, Mme Perrot, MM. Delcros et Moga, Mme Herzog, M. Kern, Mme Doineau, MM. Longeot, Détraigne et Duffourg, Mme Morin-Desailly et MM. J.M. Arnaud, Folliot et Canevet, est ainsi libellé :
Après l’article 21 bis H
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du quatrième alinéa de l’article L. 311-1 du code de l’éducation, les mots : « elles peuvent demander que » sont supprimés.
La parole est à Mme Sonia de La Provôté.
Cet amendement vise à rendre obligatoire la participation de tous les élèves de CP et de CE1 aux évaluations nationales qui se déroulent chaque année.
Jusqu’à présent, les élèves bénéficiant de l’instruction en famille avaient la possibilité de participer à ces évaluations, sans y être contraints.
L’amendement n° 381 rectifié, présenté par Mme de La Provôté, M. Lafon, Mmes Billon et Jacquemet, MM. de Belenet, Mizzon et Détraigne, Mme Loisier, MM. Henno, Levi, Chauvet, Longeot, Delcros et Moga, Mmes Perrot et Herzog, M. Kern, Mme Doineau et MM. P. Martin, Duffourg, J.M. Arnaud, Canevet et Folliot, est ainsi libellé :
Après l’article 21 bis H
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les douze mois qui suivent la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur l’opportunité d’étendre le dispositif des évaluations nationales des élèves de CP et CE1 des établissements publics et privés sous contrat à l’ensemble des élèves, y compris ceux des élèves bénéficiant de l’instruction en famille.
La parole est à Mme Sonia de La Provôté.
Il s’agit d’évaluer l’opportunité d’étendre ce point d’étape que sont les évaluations nationales à l’ensemble des enfants.
Si la liberté pédagogique est indispensable, y compris pour les parents, il est indispensable d’évaluer le niveau des enfants instruits en famille par rapport à ceux qui, appartenant à la même cohorte éducative, sont quant à eux scolarisés.
Parmi les nombreux objectifs de l’école, on compte tout de même l’acquisition de savoirs essentiels, en français et en mathématiques notamment, dont M. le ministre, d’ailleurs, est un défenseur. Il est important que les enfants scolarisés à domicile ne subissent pas de décalage dans ces matières fondamentales par rapport aux enfants de leur âge.
Ces évaluations ont un intérêt pour les formateurs, que l’instruction ait lieu à domicile ou à l’école. La connaissance du niveau de chaque enfant permet d’ajuster les enseignements et de renforcer les acquis afin d’éviter par la suite, lorsque le parcours scolaire classique est repris, tout décalage préjudiciable et difficilement rattrapable.
En d’autres termes, il s’agit de permettre à ces enfants qui sont instruits autrement qu’à l’école de ne pas accumuler des difficultés dans des matières qui sont considérées comme essentielles à l’éducation, quelle que soit la façon dont ils sont pris en charge.
J’adhère totalement à l’objectif de Mme de La Provôté, qui souhaite que des rendez-vous réguliers aient lieu avec les enfants instruits en famille sous forme d’évaluations et de contrôles de connaissances.
Je formulerai néanmoins deux objections concernant l’amendement n° 380 rectifié tel qu’il est rédigé.
D’une part, c’est le rôle des inspecteurs de l’éducation nationale, dans le cadre des contrôles pédagogiques annuels qui sont réalisés dans chaque famille, que de s’assurer du niveau acquis par les enfants. La mesure proposée imposerait aux familles qui ont choisi l’instruction en famille de suivre le rythme des programmes de CP et de CE1. Or – nous en avons souvent parlé –, l’une des motivations de l’instruction en famille est justement l’adaptation au rythme des enfants. Ce dont il est question ici, c’est d’évaluations en CP et en CE1, soit très tôt, tout de même, dans la progression d’un élève.
Les parents qui instruisent leurs enfants en famille ont toujours la possibilité de leur faire participer à ces évaluations ; vous proposez quant à vous une obligation. Le passage, là encore, d’une possibilité à une obligation nous pose problème.
D’autre part, l’extension proposée ne s’applique pas à tout le monde : les enfants scolarisés dans les écoles hors contrat ne seraient pas soumis à cette obligation d’évaluation en CP et en CE1.
Pour ces différentes raisons, la commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 380 rectifié.
Pour ce qui est de l’amendement n° 381 rectifié, je suis obligé de faire preuve de la rigueur que l’on impose à tous les rapporteurs concernant les demandes de rapport et d’émettre également un avis défavorable.
On se pose beaucoup de questions sur le contrôle du niveau des enfants scolarisés à la maison. Rendre obligatoire leur participation à ces évaluations est tout de même l’un des meilleurs moyens de savoir si, in fine, ces enfants ont le niveau ou ne l’ont pas.
J’entends bien les arguments de M. le rapporteur pour avis, mais, à ce compte, on se prive d’un moyen évident d’évaluer le niveau des enfants. S’ils sont instruits à la maison, c’est tout de même aussi pour acquérir un certain niveau. Ne pas le reconnaître, c’est un aveu de faiblesse : on baisse les bras, ma foi, quant au niveau de ces enfants – je trouve cela dommage !
Toutes les précautions qui sont prises, au fil des articles et des amendements, au sujet de l’instruction en famille montrent que, en définitive, vous ne faites pas beaucoup confiance à ces familles. Au départ, il était question d’une simple déclaration, puis d’une autorisation facile à obtenir. Avec tous ces amendements, on finit par encadrer très sévèrement ce qui se passe dans les familles, jusqu’à leur demander de faire passer à leurs enfants les évaluations de CP et de CE1.
Si les résultats de ces évaluations sont mauvais, que fera-t-on ? La suite logique serait d’obliger les enfants concernés à revenir à l’école, ces résultats signifiant que l’enseignement qui leur a été donné n’était pas adapté.
On est en train de faire la démonstration, là encore, qu’un régime d’autorisation, comme celui de l’article 21 tel que nous proposions de le rétablir, aurait certainement été plus clair et mieux encadré que ce régime dont on laisse penser qu’il est un régime de liberté, mais qui est en réalité assorti de moult dispositions parfois complexes à mettre en œuvre – vous l’avez dit vous-même.
Nous voterons l’amendement n° 380 rectifié, qui nous paraît bien exprimer le hiatus inhérent à ce débat.
J’entends bien ce qui m’a été opposé, mais, à moins que je n’aie pas bien compris comment fonctionnent l’école publique et l’école privée, l’argument du rythme des enfants est valable quel que soit le mode de scolarisation. Ledit rythme n’est donc pas un sujet.
Si ces évaluations mettent en évidence une difficulté particulière, je trouve cela plutôt positif pour celui qui assure l’enseignement de l’enfant à domicile, qui peut ainsi recevoir des conseils et adapter ses enseignements, comme c’est le cas, du reste, à l’école : on adapte l’enseignement, on accompagne plus particulièrement l’enfant en fonction de ses besoins. L’information ainsi donnée, justement, me semble très légitime eu égard aux principes éducatifs qui sont ceux de l’école de la République.
La question du rythme des enfants me paraît, de ce point de vue, superfétatoire. Il faut que l’on puisse savoir où en sont les enfants et comment l’enseignement doit être adapté, y compris si ce sont les parents qui le dispensent. Il faut que ceux-ci sachent comment ils doivent adapter le projet pédagogique qu’ils ont prévu de mettre en œuvre de telle sorte que l’enfant n’ait pas de déficit ou de carence en matière d’éducation s’agissant des acquis essentiels pour la suite de sa vie.
J’ai réellement des difficultés avec ces deux amendements de Sonia de La Provôté.
Je commencerai par dire à Jacques-Bernard Magner que la question se poserait de la même manière avec un régime d’autorisation. Je ne vois pas le rapport entre la question du régime d’autorisation et celle des évaluations.
En revanche, en CP, si les parents ont fait le choix d’un rythme particulier, ce qui compte, à terme, c’est l’acquisition du socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Les parents choisissent parfois de sortir du système scolaire – de l’école publique ou de l’école privée sous contrat –, où les acquisitions doivent être faites à telle date, à tel rythme. La motivation première des parents qui choisissent l’école privée hors contrat ou l’instruction en famille est souvent de choisir un autre rythme.
Les évaluations à l’instant t que l’on trouve dans le système finalement très bonapartiste de l’école publique et de l’école privée sous contrat – Napoléon voulait pouvoir dire, tirant sa montre de sa poche, que l’on apprenait la même chose à la même heure dans tous les lycées – sont conçues en fonction des programmes et des rythmes de progression inhérents à ces modalités d’instruction.
Ce système vaut pour l’école privée et pour l’école privée sous contrat, mais certainement pas pour l’instruction à domicile. Si nous adoptions ces amendements, nous priverions complètement de sens, pour le coup, l’instruction à domicile.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
(Non modifié)
Après l’article L. 131-6 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 131-6-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 131 -6 -1. – Afin notamment de renforcer le suivi de l’obligation d’instruction par le maire et l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation et de s’assurer ainsi qu’aucun enfant n’est privé de son droit à l’instruction, chaque enfant soumis à l’obligation d’instruction prévue à l’article L. 131-1 se voit attribuer un identifiant national. »
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, aujourd’hui, l’identification, le contrôle, le suivi et la connaissance des enfants instruits à domicile sont clairement insuffisants. Retirés de l’école sans être déclarés comme étant instruits à domicile, absents des registres ou mal instruits, ces enfants se retrouvent parfois dans des situations à risque. C’est un fait : de trop nombreux enfants échappent encore au contrôle des services de l’État et des services sociaux.
C’est pourquoi j’avais déposé, en 2019, une proposition de loi visant à renforcer l’identification, le contrôle et le suivi de l’instruction à domicile. L’article 3 de ce texte visait à améliorer le suivi et l’identification à l’échelon national des enfants non scolarisés en leur attribuant à tous un numéro d’identification national élève, le fameux « INE », dès l’âge de l’instruction obligatoire.
À l’époque, cette proposition de loi, déposée également sous forme d’amendement au projet de loi pour une école de la confiance, n’avait pas suscité l’engouement que nous constatons aujourd’hui ; elle était néanmoins annonciatrice des débats que nous avons en ce moment même. Il nous aura fallu attendre deux ans et l’examen de ce projet de loi pour que ce sujet soit enfin mis au cœur des débats. Nous avons perdu du temps dans la mise en place de ce dispositif ; c’est regrettable.
C’est malgré tout avec satisfaction que j’ai pris connaissance de l’adoption de cette mesure lors des débats à l’Assemblée nationale. Ce dispositif devrait remplir rapidement son office d’outil académique harmonisé de suivi de tous les élèves à l’échelon national, y compris de ceux qui sont scolarisés à domicile.
Cette mesure est simple à mettre en place ; il suffit maintenant de vouloir la mettre en application, et je ne doute pas de votre détermination en la matière, monsieur le ministre.
L’amendement n° 106 rectifié, présenté par M. Magner, Mmes S. Robert et de La Gontrie, MM. Kanner, Antiste et Assouline, Mme Lepage, M. Lozach, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe, M. Féraud, Mme Harribey, M. Marie, Mme Meunier, MM. Sueur, Bourgi, Durain, Kerrouche, Leconte et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, MM. Gillé et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Lurel, Mérillou, Redon-Sarrazy, Temal, Tissot, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer le mot :
notamment
La parole est à Mme Sylvie Robert.
L’article 21 bis a été introduit lors des débats à l’Assemblée nationale ; il vient compléter le code de l’éducation d’un nouvel article prévoyant que chaque enfant soumis à l’obligation d’instruction se voit doté d’un identifiant national. Cet identifiant concernera donc tous les enfants à partir de trois ans, âge du début de l’instruction obligatoire. Cet article octroie ainsi une base légale à l’actuel INE, créé par arrêté en 2012.
Néanmoins, la rédaction du début de l’article nous pose problème. Un identifiant sera attribué à chaque enfant afin « notamment de renforcer le suivi de l’obligation d’instruction par le maire et l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation et de s’assurer ainsi qu’aucun enfant n’est privé de son droit à l’instruction ». Autrement dit, rien n’indique que cet identifiant ne sera pas utilisé à d’autres fins que celles qui consistent, premièrement, à vérifier qu’aucun enfant n’est privé de son droit à l’instruction et, deuxièmement, à renforcer le suivi des enfants concernés par les autorités publiques compétentes. Le « notamment » permet d’envisager d’autres utilisations, et rien dans cet article ou ailleurs ne limite ou n’encadre ces potentielles autres utilisations de l’identifiant national.
Il nous semble dangereux de laisser ouverte la possibilité d’utiliser cet identifiant pour d’autres finalités non précisées par le législateur et potentiellement constitutives d’une atteinte à la protection des données personnelles.
Nous demandons par conséquent la suppression de cet adverbe.
L’identifiant national élève, l’INE, tel qu’il existe actuellement a pour objet de faciliter la gestion du système éducatif et de permettre un suivi statistique des élèves. La suppression du terme « notamment », objet d’un débat législatif assez récurrent, limiterait l’utilisation de l’INE au seul suivi de l’obligation scolaire.
Or nous voulons conférer à l’INE un deuxième objectif que la suppression de l’adverbe « notamment » ne permettrait plus de viser : l’INE ne pourrait plus être utilisé pour les raisons statistiques ou de gestion qui motivent son usage actuel.
Madame Robert, vous évoquez la protection des données ; elle est garantie par la CNIL, …
… la Commission nationale de l’informatique et des libertés – je sais que vous y serez sensible. Toute modification réglementaire de l’utilisation de l’INE sera soumise au contrôle de la CNIL – et je sais que vous serez particulièrement vigilante sur ce point.
Avis défavorable.
J’irai dans le même sens que M. le rapporteur pour avis. C’est l’occasion pour moi de signaler que, voilà maintenant un an et demi, nous avons créé une commission de déontologie pour les données de l’éducation nationale, ce qui ne nous empêche pas, bien sûr, de soumettre ensuite tout ce que nous devons soumettre à la CNIL.
L’enjeu de l’usage et de la protection des données dans l’éducation est – je vous l’accorde bien volontiers – un sujet très sérieux et très important. Nous partageons aisément, donc, la préoccupation qui est la vôtre.
Je considère toutefois que, en la matière, nous offrons toutes les garanties nécessaires, concernant non seulement le suivi de l’obligation d’instruction, mais aussi celui de la scolarité de l’enfant ou de l’adolescent. Il ne faut pas restreindre les possibilités d’usage de l’INE dans l’intérêt de l’enfant – c’est ce qui justifie l’avis défavorable émis par le Gouvernement sur cet amendement.
En même temps, vous avez raison : il faut construire un bouclier – je considère que c’est chose faite. Cela vaut pour ce sujet comme pour d’autres. C’est pourquoi je profite de cette intervention pour signaler l’existence de ce comité d’éthique qui fut d’abord présidé par Claudie Haigneré, première femme française astronaute, et qui l’est actuellement par Mme Nathalie Sonnac.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 216 rectifié bis est présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Cabanel et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Gold, Guérini et Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux.
L’amendement n° 375 rectifié bis est présenté par Mme Billon, M. Lafon, Mme Morin-Desailly, MM. J.M. Arnaud, Duffourg et Hingray, Mme Doineau, MM. Moga, Détraigne, Delcros, Chauvet et Levi, Mme Tetuanui, M. Kern, Mme Férat, MM. Laugier, Le Nay et de Belenet, Mme Saint-Pé et M. Longeot.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cet identifiant national est inscrit au répertoire national d’identification des personnes physiques, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour présenter l’amendement n° 216 rectifié bis.
La mise en place par nos collègues députés d’un identifiant national pour tous les enfants soumis à l’obligation d’instruction, y compris ceux qui sont instruits en famille, est une très louable avancée. L’INE permettra à l’évidence de mieux recenser et par conséquent de mieux contrôler les enfants qui seraient inconnus des services de l’éducation nationale, dits « hors radar ». Notons qu’il s’agissait là également d’une préconisation de la commission d’enquête sur la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre.
Par ailleurs, le projet de loi prévoit plusieurs dispositifs pour renforcer les contrôles de l’instruction des enfants. Je relève en particulier la pertinence des cellules de protection du droit à l’instruction qui, réunissant plusieurs services et pouvoirs publics, permettront un meilleur partage des informations.
Dans cet esprit, nous proposons, par cet amendement, de faire inscrire au répertoire national d’identification des personnes physiques (RNIPP) l’identifiant national élève prévu à l’article 21 bis du projet de loi. Le croisement des fichiers est un bon levier pour le repérage des enfants désengagés du système scolaire.
La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l’amendement n° 375 rectifié bis.
Cet amendement vise à renforcer la nécessaire identification des enfants déscolarisés et dont les pouvoirs publics ne parviennent pas à garantir le droit constitutionnel d’égal accès à l’instruction.
Les enfants déscolarisés sont difficilement identifiables et ne peuvent aisément se voir attribuer un INE. Repérer puis suivre ces enfants qui ne bénéficient pas de la moindre forme d’instruction est pourtant fondamental : la création des cellules de protection du droit à l’instruction, prévue à l’article 21 bis H grâce au vote en commission d’un amendement du rapporteur pour avis Stéphane Piednoir, constitue d’ailleurs l’un des apports majeurs du Sénat à ce projet de loi.
Le présent amendement tend à autoriser le croisement du répertoire des INE avec le répertoire national d’identification des personnes physiques afin de faciliter l’identification des enfants déscolarisés.
En effet, sachant que ce dernier répertoire recense l’ensemble des enfants de plus de trois ans présents sur le territoire national au moyen de leur numéro d’inscription au répertoire (NIR), le croisement du RNIPP et des INE permettrait d’identifier automatiquement les enfants déscolarisés en repérant les enfants de plus de trois ans sans INE.
L’inscription de l’identifiant national élève, l’INE, au répertoire national d’identification des personnes physiques, le RNIPP, me semble particulièrement efficace pour repérer les enfants hors radar, c’est-à-dire ceux qui ne sont ni scolarisés, quel que soit l’établissement, ni déclarés en instruction en famille. Leur nombre est estimé à 100 000 dans notre pays, selon un chiffre en circulation.
La CNIL s’est toutefois montrée assez réservée sur cette proposition.
C’est son rôle, en effet. J’émets donc moi aussi quelques réserves.
À titre personnel, néanmoins, je suis favorable à cette mesure, qui irait dans le sens d’une meilleure détection des enfants hors radar. La commission s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
Pourquoi une telle mesure, qui est parfois considérée comme relevant du bon sens, soulève-t-elle pourtant une inquiétude dans ce pays ?
Le NIR, autrement dit le « numéro de sécu », celui qui sert le plus largement, pourrait servir de numéro fiscal ou de numéro pour l’éducation nationale. Mais, dans notre pays, compte tenu de notre histoire, on évite les croisements de fichiers systématiques et on évite d’attribuer à chacun, de la naissance à la mort, un numéro qui le suit dans l’intégralité de sa vie et de ses choix.
Mettons qu’un tel outil soit créé ; le jour où il tombera entre les mains d’un régime totalitaire, nous serons bien forcés de constater que nous aurons tout simplement constitué le grand fichier national de ses rêves. Si un tel interdit est posé, si une démocratie fait en sorte de ne pas croiser les fichiers ou, le cas échéant, de contrôler les croisements autorisés, ainsi en matière fiscale, c’est parce que – je vous l’assure, mes chers collègues – l’enfer est pavé de bonnes intentions.
Ce numéro global, général, universel, pose des difficultés qui ont trait aux libertés publiques – pardon de le rappeler ici. Et la CNIL n’a fait que rappeler cette position-là.
Si notre pays, voilà plus de quarante ans, a créé la Commission nationale de l’informatique et des libertés, c’est précisément sur cette question du numéro universel. À chaque fois que cette idée revient dans les débats parlementaires, comptez sur des personnes comme moi pour rappeler la nécessité de ne jamais y faire droit.
Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Catherine Morin-Desailly applaudit également.
Si je suis intervenue précédemment à propos du « notamment », c’est que la question de la précision des finalités est absolument essentielle. Mais se pose aussi, en l’espèce, une question de principe, et je sais gré au président de notre commission d’avoir saisi la CNIL sur le sujet de l’INE.
La CNIL a répondu, de façon circonstanciée, sur ces dispositions et en particulier sur cette question du NIR, auquel sont liées un certain nombre de données personnelles très délicates. On sait très bien aussi que le décret « cadre NIR » ne permet pas l’utilisation du NIR aux fins de réaliser le suivi de l’obligation d’instruction. La CNIL a tout de même dit clairement – notre rapporteur vient de le préciser – qu’en vertu de la doctrine de cantonnement qui est la sienne chaque sphère d’activité doit être dotée d’un identifiant sectoriel.
J’entends parler de croisements de fichiers, avec les fichiers fiscaux par exemple. À cet égard, je rejoins mon collègue Loïc Hervé : il faut que nous soyons extrêmement vigilants. La CNIL donne des avis, bien sûr, mais ils ne sont pas contraignants. On finit par se dire : après tout, s’agissant d’un certain nombre de dispositions, ce n’est pas grave de croiser les fichiers.
Cet amendement – c’est ainsi que je l’entends – est la démonstration qu’on peut trouver légitime de passer outre à un avis « réservé » de la CNIL. Il faut que nous soyons vraiment très prudents, et ce que disait notre collègue Loïc Hervé – on en mesure la portée, lorsqu’on siège à la CNIL, sur un certain nombre de dossiers – doit nous faire réfléchir.
Faisons donc réellement attention, mes chers collègues, aux croisements de fichiers, notamment en matière de données d’éducation, car ce sont des données personnelles extrêmement délicates.
Applaudissements sur des travées du groupe SER. – M. Loïc Hervé applaudit également.
Je veux absolument aller dans le sens de Loïc Hervé et de Sylvie Robert. Dans cet hémicycle, à plusieurs reprises, nous sommes parvenus à un consensus fort, refusant que notre République française ne devienne une vassale ou une colonie des Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft).
Comment procèdent les Gafam ? Ces groupes collectent la totalité de nos données pour les placer dans un fichier géant ; ainsi chaque individu a-t-il un numéro qui permet aux Gafam de savoir exactement ce qu’il fait et de connaître la totalité de ses activités. C’est cela, leur projet totalitaire ; c’est cela dont nous ne voulons pas !
Et nous irions aujourd’hui donner à l’État les moyens mêmes que nous refusons aux Gafam ? Non – un peu de logique ! Ce qui est en jeu, c’est notre démocratie, c’est notre République. Gardons-nous de jouer avec les chiffres alors que l’État souhaite contrôler la totalité de l’activité par le numérique.
M. Pierre Laurent et Mme Émilienne Poumirol applaudissent.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 216 rectifié bis et 375 rectifié bis.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L’amendement n° 475 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Cabanel et Bilhac, Mme M. Carrère, M. Guérini, Mme Pantel et MM. Roux, Requier, Gold et Guiol, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
« Dans le même objectif, le recensement effectué par le maire conformément à l’article L. 131-6 est communiqué à l’autorité compétente de l’État en matière d’éducation qui, par croisement avec les fichiers de l’identifiant national, s’assure qu’il n’existe pas d’enfant sans solution éducative.
« Si un enfant sans solution est repéré, l’autorité met en demeure les personnes responsables de lui trouver une solution éducative, dans les quinze jours suivant la notification du manquement, et de faire aussitôt connaître au maire, qui en informe l’autorité compétente de l’État en matière d’éducation, la solution qu’elles auront choisie. »
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
Nous avons des outils à disposition qui ne demandent qu’à être exploités. Je pense, par exemple, au recensement effectué par le maire sur sa commune. Chaque année, nos élus locaux dressent la liste de tous les enfants résidant dans leur commune et soumis à l’obligation scolaire. Je pense aussi à l’identifiant national élève, le numéro INE. Ce projet de loi permet enfin sa généralisation à tous les enfants, qu’ils soient en instruction à domicile ou en établissement privé hors contrat. Pourquoi ne pas mettre à profit ces outils pour identifier les enfants en âge scolaire qui échappent au suivi de l’État ?
Je pense notamment aux enfants inscrits dans un établissement privé hors contrat qui ferme parce qu’il ne satisfait pas aux obligations d’ordre public ou de droit à l’instruction. Qu’advient-il des élèves ? Les familles font bien entendu l’objet d’une injonction de rescolarisation, mais aucun suivi n’est réellement en place.
Lors de l’audition menée par Mme Delattre auprès d’inspecteurs de son département, ces derniers ont regretté de n’avoir parfois aucune idée de ce que deviennent certains enfants. Or l’instruction est un droit qui fait partie de notre pacte républicain.
Cet amendement vise donc à garantir le principe consistant à ne laisser aucun enfant sans solution scolaire. Ce dispositif prévoit pour cela, d’une part, le croisement des fichiers découlant du recensement effectué par le maire et de l’identifiant national et, d’autre part, la recherche rapide d’une solution éducative.
Le maire peut faire un traitement automatisé des données issues de son recensement, ainsi que de celles qui sont transmises par l’éducation nationale, dont l’INE. Cet amendement est satisfait. J’en demande donc le retrait. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
L’amendement n° 475 rectifié est retiré.
L’amendement n° 208 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Cabanel et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le présent article entre en vigueur à la rentrée scolaire 2021.
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Cet amendement vise à permettre l’entrée en vigueur, dès la rentrée 2021, de l’identifiant national attribué aux enfants instruits en famille.
Pour rappel, le numéro INE a été mis en place il y a plus de quinze ans, 26 millions d’identifiants ont déjà été créés et son système d’information est d’ores et déjà opérationnel. Le chantier INE pour tous est donc largement entamé. Nous corrigeons ici les angles morts qui demeurent, soit les enfants des premier et second degrés de l’enseignement privé hors contrat, ainsi que les enfants instruits à domicile. Il s’agit donc d’une minorité d’élèves : on parle de 125 000 nouveaux numéros à créer.
Comme cela a été rappelé durant les auditions de la commission d’enquête sur les réponses apportées par les autorités publiques au développement de la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre, en juin dernier, un comité de pilotage a déjà été mis en place pour faire en sorte que le fameux logiciel Onde s’implante dans les établissements hors contrat. Il est donc techniquement possible d’aller très vite.
Par conséquent, nous proposons que chaque enfant soit dotée d’un numéro INE pour la rentrée de septembre 2021.
L’entrée en vigueur de l’INE se fera au moment de la promulgation de la loi. Cet amendement est donc satisfait. M. le ministre peut-il nous le confirmer ? En tout état de cause, la commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, elle y sera défavorable.
Je confirme les propos de M. le rapporteur pour avis, cet amendement est satisfait. Même avis que la commission.
J’ai du mal à comprendre. L’entrée en vigueur de la mesure sera effective à la rentrée de 2021 alors que la loi fixe pour date 2022…
L’entrée en vigueur de l’INE se fera au moment de la promulgation de cette loi. La référence à 2022 était inscrite dans l’article 21, qui a été supprimé.
Raison de plus pour maintenir mon amendement, j’aurais ainsi l’assurance que l’entrée en vigueur de la mesure se fera bien en 2021. Je ne souhaite pas que cette date soit hypothétique et je plaide pour qu’elle figure noir sur blanc dans le texte !
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ article 21 bis est adopté.
L’amendement n° 373 rectifié, présenté par MM. Bilhac, Artano et Cabanel, Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Après l’article 21 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 111-1 du code de l’éducation est ainsi rédigée : « La Nation fixe comme mission première à l’école de faire partager aux élèves un socle commun de connaissances, de compétences et de culture, incluant les principes et les valeurs de la République que sont la liberté, l’égalité et la fraternité. »
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Cet amendement a été déposé par mon collègue Christian Bilhac. L’article L. 111-1 du code de l’éducation rappelle, dans une rédaction dense, le rôle fondamental de l’éducation et le droit intangible à l’instruction pour tous les enfants.
Le deuxième alinéa de cet article dispose : « Outre la transmission des connaissances, la Nation fixe comme mission première à l’école de faire partager aux élèves les valeurs de la République. » Cet amendement vise à préciser davantage cette phrase.
Tout d’abord, il s’agit de reprendre l’intitulé exact du décret du 31 mars 2015 qui mentionne « un socle commun de connaissances, de compétences et de culture ». Nous préférons cette dernière phrase à l’expression « transmission des connaissances », qui est limitative.
Ensuite, toujours au sein de cet article L. 111-1, nous voulons décliner précisément les valeurs de la République pour rappeler expressément que nos enfants devront s’approprier dès l’école les notions de liberté, d’égalité et de fraternité.
J’ajouterai que ce socle ainsi clarifié devra, par ailleurs, être partagé par l’ensemble de la communauté éducative au sein de l’école publique et admis par les établissements privés sous contrat, ainsi que par les responsables de l’instruction en famille.
L’article L. 111-1 du code de l’éducation présente les principales missions de l’école. La rédaction de cet amendement vise à en ajouter un certain nombre, assez essentielles, me semble-t-il. La commission a donc souhaité s’en remettre à la sagesse du Sénat.
Avis défavorable, non pas que je sois en désaccord avec l’esprit de la proposition, mais l’adoption d’un tel amendement surchargerait inutilement la rédaction du code de l’éducation.
Je rejoins l’avis de M. le ministre. Pourquoi introduire une injonction supplémentaire dans le socle de connaissances et de compétences ? L’apprentissage des valeurs de la République ne suffit-il pas ? La présidente du Conseil supérieur des programmes nous a dit la semaine dernière que la transmission des connaissances ancrées dans les disciplines au cœur des programmes valait bien mieux que la multiplication des injonctions aux professeurs depuis le Parlement ! Ces derniers ont avant tout pour mission de suivre les programmes. Or les valeurs de la République sont au cœur de nombreuses disciplines et elles y sont bien ancrées, avec leur force historique. Tout cela est bien mieux qu’une injonction supplémentaire. C’est la raison pour laquelle je ne voterai pas cet amendement.
Je m’étonne que l’on veuille rappeler à des professeurs qu’ils doivent enseigner les valeurs de la République alors qu’ils les enseignent déjà !
Les valeurs de la République sont dans les programmes. Pourquoi ne pas ajouter la mention de l’enseignement d’une langue étrangère, des sciences, de la paix et de l’humanisme, plutôt qu’une telle injonction nationaliste ? Est-ce à dire que les enseignants feraient fi des valeurs de la République ?
Il faut le dire et le répéter : nous ne formerons pas les jeunes gens uniquement en leur enseignant les valeurs de la République, d’autant que la plupart d’entre eux les connaissent très bien !
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 207 rectifié, présenté par Mme N. Delattre et MM. Artano, Cabanel, Bilhac, Guérini et Guiol, est ainsi libellé :
Après l’article 21 bis
Après le troisième alinéa de l’article L. 131-6 du code de l’éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cadre de l’instruction en famille, le maire peut convoquer l’enfant, ses responsables et, le cas échéant, la ou les personnes chargées d’instruire l’enfant à un entretien afin d’apprécier la situation scolaire de l’enfant et vérifier la capacité de la famille à assurer l’instruction. À cette fin, il dispose d’une grille d’évaluation définie par un décret. »
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Comme je l’ai souligné lors de la présentation de l’amendement n° 213 rectifié, lorsque les maires effectuent des contrôles au sein du domicile des familles ayant fait le choix de l’instruction en famille, ils ne disposent pas des outils nécessaires pour les mener dans de bonnes conditions.
Comment pouvez-vous demander à un élu local de mener des contrôles sans que celui-ci puisse se baser sur des critères définis, objectifs et partagés par tous, et sans qu’une grille d’évaluation lui soit fournie pour une enquête utile et documentée ?
Les maires se sentent désemparés face à cette situation. Bon nombre d’entre eux ne sont pas à l’aise à l’idée d’effectuer ces contrôles. Ils ne s’estiment pas les plus à même pour le faire. À cela s’ajoute le sentiment d’intrusion que peuvent provoquer ces enquêtes au cœur du domicile familial. Il est impératif de leur donner les moyens de les mener dans les meilleures conditions. Nous nous devons de les accompagner.
Dès lors, nous pourrions mettre en place une grille d’évaluation pour les maires lorsqu’ils doivent conduire cette enquête sur l’instruction en famille. Il s’agit de leur donner un cadre et d’établir des critères d’évaluation précis. Cela leur permettrait, à l’issue de l’enquête, de déterminer si les enfants suivent ou non l’enseignement à domicile dans un environnement propice et dans de bonnes conditions.
L’appréciation de la situation scolaire d’un enfant, ainsi que de la capacité de la famille à assurer l’instruction, relève de la compétence non pas du maire, mais de l’éducation nationale.
En outre, il n’est pas souhaitable que l’enfant puisse être convoqué pour un entretien. Nous n’avons rien prévu de tel dans le texte, a fortiori sur convocation du maire.
Pour ces deux raisons, la commission a émis un avis défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 374 rectifié, présenté par MM. Bilhac, Artano et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Guérini et Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Après l’article 21 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le huitième alinéa de l’article L. 131-10 du code de l’éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le versement de l’allocation de rentrée scolaire relevant de l’article L. 543-1 du code de la sécurité sociale est conditionné à la présentation d’un certificat de scolarité dans des conditions fixées par décret. »
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
Parmi ses grands objectifs, le projet de loi vise à mieux protéger les enfants des menaces de séparatisme.
Le code de l’éducation prévoit déjà un dispositif de contrôle pour vérifier la situation scolaire des enfants. Ces contrôles associent les collectivités locales et les services de l’éducation nationale, et peuvent aller jusqu’à des mises en demeure de scolariser un enfant.
Tous ces pouvoirs publics font du mieux qu’ils peuvent, mais nous devons aller plus loin aujourd’hui compte tenu de la forte progression des déclarations d’instruction en famille et de l’émergence, depuis quelques années, des écoles « de fait ».
À bien des égards, le projet de loi enrichit les possibilités d’identifier les enfants que l’on suppose hors radars et potentiellement sous emprise idéologique. Je pense, en particulier, à la mise en place de cellules de protection du droit à l’instruction, qui est une bonne mesure.
En parallèle, cet amendement déposé par Christian Bilhac vise à responsabiliser les familles en conditionnant le versement de l’allocation de rentrée scolaire à la présentation d’un certificat de scolarité.
Outre la pression que pourrait exercer cette mesure sur les familles, il est souhaitable de s’assurer qu’une aide sociale est bien utilisée conformément à sa destination initiale.
Pour le versement de l’allocation de rentrée scolaire, la fréquentation d’un établissement scolaire est réputée remplie, sauf preuve contraire. C’est une exception par rapport aux autres allocations familiales pour lesquelles un justificatif doit être transmis avant le versement. Je précise que les familles en IEF ne perçoivent pas l’allocation de rentrée scolaire.
La commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le rapporteur pour avis a raison, mais ses arguments m’amènent à une conclusion différente.
L’obligation pour les familles de justifier l’inscription de leurs enfants dans un établissement scolaire de façon à bénéficier de l’allocation de rentrée scolaire est d’ores et déjà clairement prévue par la loi. Le code de la sécurité sociale conditionne en effet le versement de cette allocation, et plus largement des prestations familiales, à la présentation des justificatifs d’inscription de l’enfant dans un établissement scolaire ou d’instruction dans la famille pour certaines prestations.
La loi fait donc obligation aux caisses d’allocations familiales de s’assurer que les exigences prévues en termes d’instruction des enfants sont respectées pour verser aux familles l’allocation de rentrée scolaire et les autres prestations familiales. Il leur appartient également de suspendre le versement des prestations en cas de non-présentation de ces documents jusqu’à ce qu’ils soient transmis.
L’objet de cet amendement est donc satisfait par le droit en vigueur – on peut s’interroger davantage sur la mise en œuvre de ces dispositifs. Je vous invite donc à le retirer. À défaut, j’y serai défavorable.
L ’ amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 21 bis.
L’amendement n° 205 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Cabanel, Gold et Bilhac, Mme M. Carrère, M. Guérini, Mme Pantel, M. Roux, Mme Guillotin et MM. Guiol et Requier, est ainsi libellé :
Après l’article 21 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Lorsque le maire, par délibération, a mis en place dans sa commune un conseil municipal des enfants, il en informe les responsables des enfants instruits à domicile et garantit les conditions de leur participation audit conseil.
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
L’éducation à la citoyenneté est l’un des fondements de notre démocratie. Bien souvent, nous avons tendance à croire que l’on devient réellement citoyen lorsqu’on atteint la majorité et que l’on est en âge de voter. Or ce n’est vrai qu’en partie. La citoyenneté, ce sont des valeurs, des droits et des devoirs qui se transmettent dès le plus jeune âge.
En ce sens, les conseils municipaux des enfants sont un excellent moyen de faire découvrir nos institutions et nos principes républicains tels que la laïcité. Le parlement des enfants regroupe 577 classes de CM2, toutes invitées à participer à une leçon d’éducation civique grandeur nature. Nous comptons également près de 1 300 conseils d’enfants animés par 25 000 enfants âgés de 7 ans à 8 ans.
J’ai pu constater dans mon département l’enthousiasme de ces enfants, qui font partie de laboratoires d’idées censés représenter l’ensemble des jeunes de leur classe d’âge et du territoire concerné.
Il est difficile cependant à ces structures d’être véritablement représentatives lorsque vous en excluez les enfants en instruction en famille. Nous ne pouvons pas accepter une telle distinction entre les enfants de la République. Les enfants en IEF sont des enfants comme les autres.
C’est la raison pour laquelle je vous propose de rectifier cette erreur en permettant aux enfants en IEF de participer, comme leurs camarades en école, à l’exercice de leur citoyenneté au sein des conseils municipaux ou des parlements des enfants.
Je suis quelque peu étonné de l’argumentation de Mme Delattre. Chaque commune est libre d’organiser comme elle le souhaite le conseil municipal des enfants, qu’il s’agisse de l’âge des enfants pouvant y participer ou des modalités de désignation.
Dès lors que la décision est prise, tous les élus le savent, l’information se fait souvent par des vecteurs de communication propres à la municipalité, en général via le journal municipal. Il n’y a pas de distinguo entre les familles dont les enfants sont scolarisés, quelle que soit l’école, et les familles qui pratiquent l’IEF. En quoi les enfants instruits en famille seraient-ils exclus d’un éventuel conseil municipal ? Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Tout à fait, car il repose sur un constat. J’ai procédé à de nombreuses auditions sur ce thème. Il en ressort que les enfants en IEF sont très majoritairement oubliés, d’où l’idée de les inclure grâce à cet amendement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
(Supprimé)
Section 2
Dispositions relatives aux établissements d’enseignement privés
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 107 rectifié est présenté par M. Magner, Mmes S. Robert et de La Gontrie, MM. Kanner, Antiste et Assouline, Mme Lepage, M. Lozach, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe, M. Féraud, Mme Harribey, M. Marie, Mme Meunier, MM. Sueur, Bourgi, Durain, Kerrouche, Leconte et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, MM. Gillé et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Lurel, Mérillou, Redon-Sarrazy, Temal, Tissot, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 529 rectifié est présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l’article 22
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l’éducation est ainsi modifié :
1° L’article L. 441-1 est ainsi modifié :
a) Le I est ainsi modifié :
- après le mot : « peut », sont insérés les mots : « demander une autorisation pour » ;
- les mots : « à condition d’en déclarer son intention » sont supprimés ;
- le mot : « déclaration » est remplacé par les mots : « demande d’autorisation, accompagnée du projet d’établissement, » ;
b) Le II est ainsi modifié ;
- au premier alinéa, les mots : « peuvent former opposition à l’ouverture de l’établissement » sont remplacés par les mots : « accordent l’autorisation d’ouverture de l’établissement, dans un délai de trois mois, après avoir entendu la personne qui demande l’autorisation et après avoir vérifié que » ;
- les deuxième à sixième alinéas sont ainsi rédigés :
« 1° La demande est compatible avec le respect de l’ordre public et la protection de l’enfance et de la jeunesse ;
« 2° La personne qui demande l’autorisation d’ouvrir l’établissement remplit les conditions prévues au I du présent article ;
« 3° La personne qui dirigera l’établissement remplit les conditions prévues à l’article L. 914-3 ;
« 4° Le projet de l’établissement fait apparaître le caractère d’un établissement scolaire ou, le cas échéant, technique. » ;
c) Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – Toute décision de refus d’ouverture d’un établissement d’enseignement scolaire privé est motivée et notifiée à la personne qui a formulé la demande d’ouverture, dans un délai de sept jours. » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 441-2, le mot : « déclaration » est remplacé par le mot : « demande » ;
3° Au premier alinéa de l’article L. 441-3, les mots : « La déclaration prévue à l’article L. 441-1 » sont remplacés par les mots : « Une déclaration auprès de l’autorité compétente de l’État en matière d’éducation, du maire, du représentant de l’État dans le département et du procureur de la République ».
La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour présenter l’amendement n° 107 rectifié.
Cet amendement a pour objet de soumettre l’ouverture des établissements d’enseignement privés hors contrat, actuellement soumis à simple déclaration, à un régime d’autorisation d’ailleurs en vigueur en Alsace-Moselle depuis 1873.
Je rappelle que ce souhait d’établir un régime d’autorisation préalable répond à une préoccupation ancienne et constante de notre groupe. Nous avions essayé de l’instaurer en 2017 lors de l’examen du projet de loi défendu à l’époque par le ministre Patrick Kanner, projet de loi qui a malheureusement été censuré pour un problème de forme par le Conseil constitutionnel. Nous en avons ensuite débattu lors de la discussion de la loi du 13 avril 2018 visant à simplifier et mieux encadrer le régime d’ouverture et de contrôle des établissements privés hors contrat. Mais cette loi ne porte que sur le contrôle a posteriori de leur création.
Il existe environ 1 600 établissements scolaires hors contrat sur les 9 700 écoles privées. Leur nombre croît chaque année, ce qui est extrêmement inquiétant, quand on sait que les services de l’État reçoivent des signalements de plus en plus nombreux pour insuffisance ou absence d’instruction, ou pour non-adéquation de celle-ci avec les principes de la République, mais aussi pour utilisation de locaux non adaptés à l’enseignement, voire insalubres.
Surtout, de très nombreux phénomènes de radicalisation et de sectarisme, ainsi que des problèmes pédagogiques, sont dénoncés au sein de ces écoles. Le régime d’autorisation que nous proposons permettrait un contrôle a priori renforcé aussi bien administratif et financier que pédagogique. Il permettrait également un véritable dialogue en amont entre l’administration et les porteurs de projets, ce qui éviterait d’éventuels problèmes et des situations dangereuses ou des contentieux ultérieurs de nature à nuire à l’intérêt ou à la santé des enfants scolarisés dans ces établissements.
Ce dispositif constituerait, en outre, le corollaire du régime d’autorisation pour dispenser l’instruction en famille, qui pourrait être bientôt requis si l’article 21 du projet de loi était rétabli – sait-on jamais – au cours de la navette parlementaire.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour présenter l’amendement n° 529 rectifié.
Cet amendement est identique à celui qui vient d’être défendu. Je ne répéterai donc pas l’ensemble des arguments qui ont déjà été avancés. J’indique simplement qu’il est en parfaite cohérence avec notre position sur la relation entre la Nation, la République et l’instruction.
Je vous rappelle encore une fois le texte de la Constitution du 4 novembre 1848 : « La liberté d’enseignement s’exerce selon les conditions de capacité et de moralité déterminées par les lois. » C’est tout à fait fondamental !
Tocqueville, qui siégeait à l’Assemblée constituante a montré, le 12 septembre 1848, sa totale opposition à cet article. Je le cite, car cela illustre bien nos débats : « Pour le socialisme, l’État doit être le maître, le précepteur, le pédagogue de chaque homme. » On voit bien ce soir la ligne de démarcation qui nous sépare.
Avec Tocqueville, vous vous rattachez à une démocratie libérale, qui considère que la famille a des droits sur l’enfant supérieurs à ceux de la Nation. Avec la République, nous défendons le contraire. Nous considérons que la Nation, parce qu’elle a un objectif d’instruction nationale, doit défendre les droits de l’enfant et les placer au-dessus de ceux de la famille.
Depuis 1848, finalement, les camps n’ont pas beaucoup changé : vous êtes à droite, nous restons à gauche, nous défendons la République, vous défendez la démocratie libérale.
Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER.
La loi Gatel a permis de trouver un équilibre entre liberté d’ouvrir un établissement privé hors contrat et nécessité de le contrôler afin de s’assurer du respect pour tout enfant de son droit à l’instruction, c’est l’objectif que nous visons tous.
Un régime de déclaration a ainsi été mis en place, avec un délai d’opposition de trois mois pour le maire, le préfet ou le recteur. Nous avons d’ailleurs longuement discuté de ce délai de trois mois à l’occasion de l’examen de la proposition de loi Gatel, qui a été adoptée il y a presque trois ans et fait consensus.
En outre, les modalités de contrôle des écoles hors contrat ont été renforcées. Ainsi, tous les établissements hors contrat font l’objet d’un contrôle lors de leur première année d’existence. Le projet de loi que nous examinons vise également à renforcer les obligations pesant sur les établissements hors contrat.
Pour toutes ces raisons, il est proposé de conserver le statut actuel de déclaration pour l’ouverture d’un établissement privé, même si je reconnais à M. Magner une certaine constance dans sa volonté d’imposer une autorisation aussi bien pour l’IEF que pour les établissements hors contrat.
La commission est donc défavorable aux amendements identiques n° 107 rectifié et 529 rectifié. Par ailleurs, je remercie Pierre Ouzoulias d’avoir cité Tocqueville, mais je lui fais remarquer que les droits de la Nation sur les enfants ont été poussés très loin dans certains régimes qui ne constituent pas une référence flatteuse…
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Je vais essayer de résumer brièvement la position philosophique sous-jacente de nos débats, qui est une position d’équilibre entre Tocqueville et Jules Ferry, même si Tocqueville n’est pas un auteur majeur en matière d’éducation.
Sourires.
Ce qui est intéressant dans ce débat, c’est que l’on retombe sur la distinction entre déclaration et autorisation. Je vous répondrai donc finalement la même chose qu’au début de la séance. Il ne faut d’abord pas mettre trop d’enjeux dans cette différence.
J’ai cité le droit de propriété comme exemple d’un droit dont l’exercice peut faire l’objet à la fois d’une déclaration ou d’une autorisation. Par ailleurs, la déclaration peut s’accompagner d’exigences qui, elles-mêmes, peuvent être nombreuses. C’est évidemment ce qui a été fait dans le cadre de la loi Gatel.
Il existe une architecture de la liberté d’enseignement, donc en l’occurrence du système de création des écoles, précise et fine. À mon sens, elle a été modifiée intelligemment à l’occasion de la loi Gatel. Nul besoin aujourd’hui de passer de la déclaration à l’autorisation pour en faire davantage. D’ailleurs cette loi, en régime de déclaration, a déjà fait ses preuves au sens où elle a permis au ministère de l’éducation nationale d’empêcher davantage d’ouvertures d’écoles. Ce qui est intéressant pour les temps à venir, c’est de déterminer dans quelle mesure le régime de déclaration pourra continuer à être utilisé efficacement.
Nous sommes davantage confrontés à des enjeux de mise en œuvre pour l’avenir qu’à une nécessité d’opérer des changements juridiques. Le régime actuel me paraît bon. Sur ce point, il ne me semble pas devoir évoluer, même si nous voulons le modifier sur la question de la fermeture. Nous devons surtout bien appliquer la loi Gatel. Avis défavorable.
M. Max Brisson. J’ai retiré un amendement un peu plus tôt en faisant référence à Françoise Gatel. Sur ce sujet, je m’en tiens à un principe très simple : tout Gatel et rien que Gatel !
Exclamations amusées sur les travées du groupe UC.
Nous étions parvenus à un point d’équilibre après des échanges complexes et difficiles. Il importe maintenant de faire vivre cet équilibre. Il me semble absurde de vouloir le remettre en cause aussi rapidement.
Je reconnais au groupe socialiste, et à Jacques-Bernard Magner en particulier, une constance dans la défense de ses principes. Il acceptera que nous fassions preuve de la même constance et que nous nous cramponnions à l’excellente loi Gatel.
Quant à Pierre Ouzoulias, je l’ai connu plus inspiré. §Il enjambe un peu l’histoire : entre Tocqueville et aujourd’hui, il y a eu quand même les totalitarismes. De Berlin à Moscou en passant par Pékin, tous ces régimes ont supprimé le droit fondamental des parents à l’éducation de leurs enfants. Dieu merci, nous vivons dans une société où l’on reconnaît aux parents des droits sur l’éducation de leurs enfants. Je l’ai souligné dans la discussion générale, par rapport à l’intérêt supérieur de l’enfant, ils ont des droits premiers et des droits ultimes parce que ce sont les parents !
Sur ces sujets, on gagnerait à être plus clair.
Monsieur le ministre, vous nous avez dit que la loi dite Gatel vous avait permis d’empêcher l’ouverture de certains établissements privés hors contrat. J’aimerais savoir comment !
On nous avait en effet expliqué, lors du débat de 2018, que l’on préférait, non pas créer une autorisation d’ouverture, mais laisser les établissements s’ouvrir et ensuite les contrôler. Vous ne pouvez donc pas nous dire aujourd’hui que, grâce à cette loi, vous avez empêché l’ouverture d’établissements scolaires privés hors contrat ; ou alors, il y a quelque chose que je ne comprends pas…
Par ailleurs, vous avez proposé, au nom du Gouvernement, cet article 21 qui prévoit, pour les parents qui pratiquent l’instruction à domicile, un dispositif d’autorisation préalable. Il est tout de même plus préoccupant, à mon avis, de voir certains établissements privés hors contrat se développer dans notre pays d’une manière, comme je l’ai dit, assez obscure et difficile à suivre ; même si l’on parvient à contrôler du mieux possible avec tous les moyens existants, on sait comment cela se passe… Il y a les établissements que l’on contrôle et ceux que l’on ne contrôle jamais.
Avec de nombreux collègues de mon groupe, je pense que l’instruction à domicile est moins problématique que l’enseignement dans des établissements scolaires privés hors contrat.
Ce qui nous importe d’abord, c’est l’école, et l’enseignement à domicile vient ensuite, éventuellement. C’est la raison pour laquelle, jusqu’à présent, les projets de loi que nous avons soutenus n’ont jamais abordé ce sujet. Nous en parlons puisque le débat a été « mis sur le tapis », mais pour nous, encore une fois, c’est l’école qui est prioritaire.
Nous sommes donc favorables à l’autorisation préalable. Logiquement, et dans un souci de parallélisme des formes, nous sommes aussi favorables à l’autorisation préalable concernant l’ouverture d’établissements scolaires privés hors contrat. Sinon, on n’y comprend plus rien ! Des parents d’élèves qui pratiquent l’instruction à domicile nous ont même dit : « Puisqu’il en est ainsi, nous ouvrirons des établissements privés hors contrat qui, eux, ne sont pas contrôlés. »
Monsieur le ministre, quand nous défendons le rôle de l’instruction nationale, nous défendons son rôle émancipateur.
Nous estimons que c’est la fonction de l’État que de s’assurer que l’instruction nationale, même dispensée en famille, reste émancipatrice. C’est là un point déterminant et critique. Et je ne pense pas que souhaiter une éducation émancipatrice revienne à favoriser un quelconque régime totalitaire !
Mon cher collègue, vous avez parlé de Dieu. La référence de Tocqueville est bien celle-là, en effet ! Il souhaite que la famille conserve un droit de regard sur l’instruction dispensée aux enfants au nom de la religion. Selon lui, par rapport à la République, la religion doit être traitée comme une institution politique. Ce qu’il refuse dans l’instruction nationale, c’est que l’enfant puisse être sorti du cadre conservateur de la religion. Voilà pourquoi nous restons, quant à nous, républicains !
Cher Jacques-Bernard Magner, je crois que tout est visible, lisible, très clair et cohérent : il y a deux grilles de lecture.
Si l’on considère, comme je l’ai dit précédemment, que l’on ne doit pas soumettre l’exercice d’une liberté constitutionnelle à une autorisation, mais qu’il convient de contrôler une déclaration, alors on prévoit les dispositions relatives à l’instruction en famille et aux écoles privées hors contrat que nous avons proposées – rappelez-vous nos débats.
Quant à vous, mon cher collègue, vous faites preuve de cohérence. C’est en effet la troisième fois depuis 2016 que nous débattons du principe d’autorisation pour l’ouverture d’une école privée hors contrat. Vous y revenez dans un souci de respect des formes : puisque vous avez voulu un système d’autorisation pour l’instruction en famille, vous dites qu’il faut également, par voie de conséquence, une autorisation préalable pour l’ouverture des écoles privées hors contrat.
Chacun a donc sa logique ; encore une fois, c’est clair et très lisible.
Vous ne pouvez pas dire qu’il n’y a pas de contrôle exercé sur les écoles privées hors contrat. M. le ministre peut fournir des éléments précis concernant le nombre d’écoles qui ont fait l’objet de déclarations, celles qui ont été contrôlées et celles qui ont été fermées.
Aujourd’hui, un effort considérable est fait, et il doit être soutenu, pour former les inspecteurs de l’éducation nationale aux différentes méthodes pédagogiques permettant de contrôler la qualité de l’enseignement. Mais du fait de l’existence de malveillants et de déviants, il faut sans doute renforcer le dispositif ; je crois que M. le ministre proposera tout à l’heure un amendement à cette fin.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 107 rectifié et 529 rectifié.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L’amendement n° 530 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 22
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L.914-1 du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « les possibilités de » sont remplacés par le mot : « la » ;
2° Le cinquième alinéa est supprimé.
La parole est à Mme Céline Brulin.
Les écoles privées sous contrat sont soumises au respect des programmes de l’éducation nationale et font l’objet d’inspections régulières par l’inspection académique. En conséquence, il nous semble que l’État est tenu de prendre à sa charge le coût de la formation. Nous considérons également que cette formation devrait être dispensée par l’éducation nationale, puisqu’elle s’adresse à des agents qui ont pour mission d’enseigner les programmes de l’éducation nationale.
De la même manière, nous pensons que l’argent public ne doit pas servir à financer tout ou partie d’une formation délivrée par un organisme confessionnel, ou dont le contenu serait confessionnel, car cela entrerait en contradiction avec la loi concernant la séparation des Églises et de l’État.
J’ai sous les yeux l’intitulé d’une formation au module spécifique sur le projet éducatif de l’enseignement catholique, dispensée par l’Institut normand de sciences religieuses (INSR). Cette formation s’adresse aux professeurs stagiaires du primaire et du secondaire, toutes disciplines confondues, qui ont réussi leur concours et sont en année de titularisation.
L’objectif général de cette formation est le suivant : donner des bases culturelles et théologiques permettant de mieux comprendre la foi chrétienne et d’éclairer le projet éducatif de l’enseignement catholique. Je vous ferai grâce de l’ensemble du contenu de ce module, mais voici tout de même un petit florilège : « Introduction à la lecture de la Bible » ; « En quoi Jésus-Christ, homme et dieu, mort et ressuscité, peut-il être inspirant pour le métier d’enseignant ? » ;…
… « Pourquoi l’Église et pourquoi les sacrements ? » ; « Le credo et le mystère de la Trinité : qu’est-ce que cela m’apprend sur ce que sont mes élèves ? »…
Les conventions étant signées par les rectorats, il serait tout à fait opportun que la rectrice de Normandie, que j’ai évidemment interpellée, ainsi que vous-même, monsieur le ministre, jetiez un œil sur ce type de formation.
J’attire votre attention sur ce que j’ai dit au début : cette formation s’adresse à des enseignants en voie de titularisation…
Si ces derniers s’y soustraient, pour des raisons que l’on peut comprendre, cela peut avoir des conséquences pour leur carrière. Ce n’est évidemment pas admissible.
L’adoption de cet amendement aurait pour effet de supprimer les instituts de formation des futurs enseignants des écoles privées sous contrat.
Pour rappel, ces établissements sont certes associés au service public de l’éducation nationale, mais ils ont le droit de conserver leur caractère propre, principe qui n’a jamais été remis en cause au cours de quelque audition que ce soit. Ce droit leur a été expressément reconnu par le Conseil constitutionnel. Je ne vois donc pas vraiment quel est l’enjeu ni quel est l’objet de l’amendement.
L’avis est défavorable.
On voit bien qu’il y a une tentation chez certains de rouvrir l’ensemble du dossier des rapports entre l’école privée et l’école publique.
Depuis près de trente ans, un équilibre a été trouvé : celui d’ordre juridique et constitutionnel, adopté en 1977, et celui des années 1980, établi grâce aux ministres Jean-Pierre Chevènement et Jack Lang, qui ont su tirer les enseignements de ce que l’on a parfois appelé « la guerre scolaire ».
Nous serions tous très inspirés de ne pas modifier cet équilibre qui est quantitatif, auquel je veille, mais qui est aussi un équilibre des principes. Parmi ceux-ci figure, comme vient de le rappeler M. le rapporteur pour avis, la reconnaissance du caractère propre de l’enseignement privé sous contrat.
Je ne rappellerai pas la logique d’ensemble de tout ce dispositif. C’est elle qui a notamment permis, dans la droite ligne des inquiétudes précédemment exprimées par M. Ouzoulias, que tout un monde – celui de l’enseignement privé, notamment catholique, mais pas seulement – accepte des obligations relatives au respect de certains engagements à l’égard de la République. De grandes convergences ont ainsi pu être trouvées.
Cet équilibre est bénéfique à tous et il nous invite à nous respecter les uns les autres.
Il permet aussi à toutes les religions – et l’on peut penser à l’islam, dont il a souvent été question au cours de nos débats –, lorsque leurs établissements d’enseignement passent sous contrat, d’être intégrées dans un système d’obligations prévoyant, à la fois, le respect de leur caractère propre et celui d’un certain nombre de règles. Il faut être vigilant sur ce point.
Le projet de loi qui vous est présenté ne modifie absolument pas ces points. La tentation existe de revenir sur ces sujets ; cela a aussi été le cas à l’Assemblée nationale, je vous rassure – d’ailleurs, vous le savez. Tel n’est pas notre objectif.
L’exemple que vous avez donné, madame la sénatrice, concerne un enseignement facultatif. M. le rapporteur pour avis l’a dit, il est dispensé aux futurs professeurs de l’enseignement privé un enseignement de base, qui est bien entendu le même sur le plan pédagogique et éducatif – et c’est normal – que celui dont bénéficient les enseignants du public. Par ailleurs, des formations initiales ou continues sont destinées aux enseignants de ces établissements privés à caractère propre.
Si des enseignements relatifs à la religion et contraires à la République étaient dispensés, et ce quelle que soit la religion, alors la question évoquée pourrait se poser. Mais qu’il existe au sein de l’enseignement religieux des dogmes et des éléments propres à une religion, cela ne constitue pas un problème en soi, et ce principe a été consacré par le Conseil constitutionnel.
Il convient de respecter cet équilibre. Il est surtout très important aujourd’hui de s’assurer que l’ensemble des établissements sous contrat, de même que les établissements hors contrat, respectent les obligations qui existent.
Autrement dit, pour résumer mon propos, la liberté d’enseignement en France n’est pas la liberté de tout faire n’importe comment. Elle est régulée. Nous y veillons au travers de quatre canaux : l’école de la République, à titre principal ; l’école privée sous contrat ; l’école privée hors contrat ; l’instruction en famille.
Ces quatre modes d’enseignement comprennent des droits et des obligations. J’ai résumé ceux qui sont relatifs aux écoles sous contrat, lesquelles ne sont pas concernées par ce projet de loi. Nous devons trouver dans chacun de ces quatre domaines un système équilibré de droits et devoirs. C’est aussi ce que nous tentons de faire pour l’instruction en famille.
Avec ce projet de loi, nous ajoutons à cet édifice législatif une pierre qui renforce les équilibres établis précédemment, à la suite de nombreux autres travaux et des vicissitudes traversées par notre pays.
Monsieur le ministre, il y a bien évidemment en France un enseignement catholique sous contrat qui ne pose absolument aucun problème.
Mais, au sein de cet enseignement catholique sous contrat, exercent des professeurs ou des apprentis professeurs qui ne sont pas catholiques et qui sont même athées. Ils ont parfaitement le droit d’enseigner dans ce type d’établissements, car il n’y a pas de discriminations à cet égard : on n’y sélectionne pas les professeurs en fonction de leur religion ; cela serait d’ailleurs complètement contraire à nos principes républicains.
Les syndicats de l’enseignement catholique nous font remonter l’information selon laquelle certains professeurs athées ont l’obligation de suivre des modules de formation religieuse qui sont contraires à leur conscience. Nous demandons simplement que soit respectée la liberté de conscience de ces personnels, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Ces syndicats sont revenus vers nous pour que nous sollicitions un engagement fort de la part du ministre, visant à permettre à ces personnels de continuer à enseigner en toute conscience et en vivant leur athéisme de façon tout à fait naturelle. Ils ne doivent donc pas être obligés de suivre de tels modules, dont certains donnent accès à la titularisation. Cela pose un réel problème. Il y a en effet matière à un conflit de conscience lorsque l’on risque de ne pas être titularisé si l’on ne suit pas tel enseignement.
Nous touchons là au cœur de notre projet républicain, qui se doit de défendre la liberté de croire et de ne pas croire.
Sans rouvrir l’ensemble du dossier, je tiens à préciser que j’ai vérifié l’information auprès de la rectrice de Normandie : l’enseignement que vous avez mentionné est facultatif. Dans le cas contraire, les problèmes que vous avez évoqués se poseraient en effet.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
I. – Le code de l’éducation est ainsi modifié :
1° À la fin de l’article L. 241-5, les mots : « et de la fermeture de l’établissement » sont supprimés ;
1° bis Le dernier alinéa du II de l’article L. 241-7 est supprimé ;
2° Après l’article L. 441-3, il est inséré un article L. 441-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 441 -3 -1. – Lorsqu’il constate que des enfants sont accueillis aux fins de leur dispenser des enseignements scolaires sans qu’ait été faite la déclaration prévue à l’article L. 441-1, le représentant de l’État dans le département prononce, après avis de l’autorité compétente de l’État en matière d’éducation, l’interruption de cet accueil et la fermeture des locaux utilisés. En l’absence d’un responsable de l’accueil clairement identifié, l’information préalable réalisée en application de l’article L. 122-1 du code des relations entre le public et l’administration peut être faite auprès de toute personne participant à l’encadrement de cet accueil ou par voie d’affichage.
« Le représentant de l’État dans le département prononce, après avis de l’autorité compétente de l’État en matière d’éducation, l’interruption de l’accueil et la fermeture des locaux utilisés si des enfants sont accueillis avant l’expiration du délai prévu au dernier alinéa de l’article L. 441-1 du présent code ou en dépit d’une opposition formulée par les autorités compétentes.
« Lorsque sont prononcées les mesures prévues aux deux premiers alinéas du présent article, l’autorité compétente de l’État en matière d’éducation met en demeure les parents des enfants accueillis dans ces locaux d’inscrire leur enfant dans un établissement d’enseignement scolaire dans les quinze jours suivant la notification de la mise en demeure. L’enfant ne peut pas être instruit en famille jusqu’à la fin de l’année scolaire au cours de laquelle la mise en demeure a été notifiée, ainsi que l’année suivante. » ;
3° L’article L. 441-4 est ainsi modifié :
a) La première phrase du premier alinéa est ainsi rédigée : « Le fait d’ouvrir un établissement d’enseignement scolaire privé en dépit d’une opposition formulée par les autorités compétentes ou sans remplir les conditions et formalités prescrites au présent chapitre est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende. » ;
b) Le deuxième alinéa est supprimé ;
c) Au dernier alinéa, les mots : « prévue au premier alinéa » sont supprimés ;
4° L’article L. 442-2 est ainsi modifié :
a) Au I, après le mot : « obligatoire, », sont insérés les mots : « qui implique l’acquisition progressive du socle commun défini à l’article L. 122-1-1, » ;
b) Le premier alinéa du II est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« II. – Les établissements mentionnés au I communiquent chaque année à l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation les noms des personnels ainsi que les pièces attestant de leur identité, de leur âge, de leur nationalité et, pour les enseignants, de leurs titres, dans des conditions fixées par décret.
« À la demande des autorités de l’État mentionnées au même I, l’établissement d’enseignement privé fournit, dans un délai et selon des modalités précisés par décret, les documents budgétaires, comptables et financiers qui précisent l’origine, le montant et la nature des ressources de l’établissement. » ;
c) Au début du deuxième alinéa du même II, est ajoutée la mention : « III. – » ;
d) Les deux derniers alinéas dudit II sont supprimés ;
e) Le III est remplacé par des IV à VII ainsi rédigés :
« IV. – L’une des autorités de l’État mentionnées au I peut adresser au directeur ou au représentant légal d’un établissement une mise en demeure de mettre fin dans un délai qu’elle détermine et en l’informant des sanctions dont il serait l’objet en cas contraire :
« 1° Aux risques pour l’ordre public, la santé et la sécurité physique ou morale des mineurs que présentent les conditions de fonctionnement de l’établissement ;
« 2° Aux insuffisances de l’enseignement, lorsque celui-ci n’est pas conforme à l’objet de l’instruction obligatoire, tel que celui-ci est défini par l’article L. 131-1-1, et ne permet pas aux élèves concernés l’acquisition progressive du socle commun défini à l’article L. 122-1-1 ;
« 3° Aux manquements aux obligations en matière de contrôle de l’obligation scolaire et d’assiduité des élèves ;
« 4° Aux manquements aux articles L. 911-5 et L. 914-3 à L. 914-6 ou à la vacance de la fonction de directeur ;
« 5° Aux manquements aux obligations procédant de l’article L. 441-3 et du II du présent article.
« S’il n’a pas été remédié à ces manquements après l’expiration du délai fixé, le représentant de l’État dans le département peut prononcer, par arrêté motivé, la fermeture temporaire ou définitive de l’établissement ou des classes concernées. Il agit après avis de l’autorité compétente de l’État en matière d’éducation, pour les motifs tirés du 1° du présent article, et sur sa proposition, pour les motifs tirés des 2° à 5°. Il en informe le maire de la commune sur le territoire de laquelle est implanté l’établissement.
« V. – En cas de refus de se soumettre au contrôle des autorités compétentes ou d’obstacle au bon déroulement de celui-ci, le représentant de l’État dans le département peut prononcer, après avis de l’autorité compétente de l’État en matière d’éducation, la fermeture temporaire ou définitive de l’établissement sans mise en demeure préalable. Il en informe le maire de la commune sur le territoire de laquelle est implanté l’établissement.
« VI. – Lorsqu’est prononcée la fermeture de l’établissement en application des IV et V, l’autorité compétente de l’État en matière d’éducation met en demeure les parents des élèves scolarisés dans l’établissement d’inscrire leur enfant dans un autre établissement d’enseignement scolaire dans les quinze jours suivant la notification de la mise en demeure. ;
« VII
5° À la fin de la première phrase du premier alinéa de l’article L. 914-5, les mots : « d’une amende de 15 000 € et de la fermeture de l’établissement » sont remplacés par les mots : « d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende ».
II. – La peine de fermeture de l’établissement prévue aux articles L. 241-5, L. 241-7, L. 441-4 et L. 914-5 du code de l’éducation, dans leur rédaction en vigueur à la date de publication de la présente loi, demeure applicable aux infractions commises avant cette date.
L’amendement n° 355 n’est pas soutenu.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 6 rectifié ter, présenté par MM. Brisson, Mouiller et Courtial, Mme V. Boyer, MM. Savin, Genet, B. Fournier, Favreau, Chevrollier, Belin, Bouchet et Laménie, Mmes Chauvin, Dumas et L. Darcos, MM. de Legge, Babary, Saury et Le Gleut, Mmes Malet, Drexler, Puissat et Canayer, MM. Cuypers et Cardoux, Mme Lassarade, M. Lefèvre, Mmes M. Mercier, Gosselin, Lavarde et Belrhiti, MM. Burgoa, Mandelli, Regnard, Gremillet, Charon et C. Vial, Mmes Micouleau et Ventalon, M. Panunzi, Mme Schalck et MM. Cadec et Pellevat, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 5, première phrase, et 6
Après le mot :
fermeture
insérer le mot :
temporaire
II. – Alinéa 27, première phrase
Supprimer les mots :
ou définitive
La parole est à M. Max Brisson.
L’amendement n° 6 rectifié ter étant un amendement de repli par rapport à l’amendement n° 5 rectifié bis, je ne pensais pas les présenter dans cet ordre, mais je vais tout de même le faire.
L’amendement n° 6 rectifié ter vise à ce que la fermeture d’un établissement scolaire privé décidée par l’autorité administrative, et donc en l’absence de décision de justice, soit uniquement temporaire.
Certes, il est essentiel de permettre la fermeture rapide d’un établissement privé du premier ou du second degré ou de l’enseignement technique qui ne répondrait pas à l’obligation de déclaration.
Toutefois, il est également essentiel que la restriction d’une liberté fondamentale, la liberté d’enseignement, fasse l’objet d’un examen par la justice, et non uniquement par les préfets des départements après avis de l’autorité compétente de l’État en matière d’éducation.
L’amendement n° 5 rectifié bis, présenté par MM. Brisson, Mouiller et Courtial, Mme V. Boyer, MM. Savin, Genet, B. Fournier, Favreau, Chevrollier, Belin, Bouchet et Laménie, Mmes Chauvin, Dumas et L. Darcos, MM. de Legge, Babary, Saury et Le Gleut, Mmes Malet et Drexler, M. Bonne, Mmes Puissat et Canayer, MM. Cuypers et Cardoux, Mme Lassarade, M. Lefèvre, Mmes M. Mercier, Gosselin, Lavarde et Belrhiti, MM. Burgoa, Mandelli, Regnard, Gremillet et Charon, Mmes Micouleau et Ventalon, M. Panunzi, Mme Schalck et MM. Cadec et Pellevat, est ainsi libellé :
Alinéas 26 à 28
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Max Brisson.
Cet amendement va plus loin que le précédent et je ne suis pas certain d’être suivi par le rapporteur pour avis, pas plus que par la majorité de mes collègues. Je vais cependant assumer pleinement mes convictions.
Nous avons dit et répété que la liberté d’enseignement était une liberté fondamentale. Or je suis de ceux qui pensent que le contrôle d’une telle liberté doit être placé non pas entre les mains de l’autorité administrative, mais entre celles d’un juge.
J’ajoute, pour que les choses soient bien claires, que l’État a aujourd’hui tous les moyens, lorsqu’un établissement pose problème, de rescolariser les enfants concernés. La fermeture dont il s’agit est donc avant tout de nature administrative, dans la mesure où les élèves dudit établissement sont scolarisés ailleurs.
Ces amendements posent une question de principe : en cas de découverte d’une école de fait, clandestine, la fermeture des locaux doit-elle être permanente, ou seulement temporaire ? La dernière solution permettrait aux responsables de régulariser leur situation, puis éventuellement d’ouvrir de nouveau leur établissement.
Nous en avons beaucoup débattu au sein de la commission, et en dehors.
Les alinéas 5 et 6, visés à l’amendement n° 6 rectifié ter, concernent l’ouverture d’une école qui n’aurait pas respecté le cadre juridique de déclaration mis en place par la loi Gatel.
À mon sens, ces alinéas ne sont pas une entrave à la liberté d’enseignement, mais un moyen de lutter contre la fraude manifeste et le non-respect volontaire des lois de la République.
Nous ne parlons pas là du cas d’une école qui aurait ouvert quelques jours trop tôt avant le terme du délai de trois mois entre la déclaration et la possibilité d’ouvrir. Il s’agit du cas d’une ouverture sans aucune démarche, et donc sans aucune possibilité de vérification par le maire, le préfet ou le recteur de l’identité et de la compétence du chef d’établissement, de la protection de l’enfance et de la jeunesse, ou du fait que le projet éducatif correspond bien à ce que l’on peut attendre d’un établissement scolaire.
La fermeture administrative est un outil important pour lutter contre les écoles de fait, en permettant une fermeture rapide. Aujourd’hui, les seules possibilités de fermer ces écoles sont liées à des infractions pour non-respect des normes relatives aux établissements recevant du public – quelquefois pour des raisons d’hygiène – ou, dans le contexte actuel, pour non-respect des consignes sanitaires.
Je demande donc le retrait de l’amendement n° 6 rectifié ter ; à défaut, l’avis sera défavorable.
L’amendement 5 rectifié bis concerne la fermeture administrative d’une école régulièrement ouverte, mais qui ne se conformerait pas aux lois de la République. L’avis est également défavorable.
Cette fermeture ne pourra pas être arbitraire : il y aura une obligation de motivation, comme pour toute mesure de police administrative. En outre, le directeur de l’établissement pourra saisir le juge administratif d’un référé liberté, procédure très rapide et réactive.
Certes, la liberté d’enseignement est une liberté fondamentale, mais le droit de l’enfant à l’instruction est également garanti par la Constitution. Il s’agit donc d’un équilibre entre deux droits et libertés protégés par la Constitution.
La fermeture administrative est possible pour ce qui concerne l’exercice d’autres libertés fondamentales, comme la liberté d’entreprendre, avec la fermeture administrative d’un établissement commercial par exemple.
Par ailleurs, cette fermeture administrative est très largement encadrée.
L’alinéa 26, que vise à supprimer cet amendement, prévoit une fermeture administrative après une mise en demeure. Ce n’est donc pas une fermeture automatique ou inopinée, puisqu’un avertissement est donné très en amont.
L’alinéa 27, quant à lui, autorise une fermeture administrative en cas de refus d’un chef d’établissement de permettre la réalisation d’un contrôle, ou en cas d’obstacle à son bon déroulement. Là encore, la possibilité de fermeture administrative répond à une problématique précise : le refus de respecter les lois de la République.
Je demande également le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Je serai bref, car je suis en accord avec tout ce qu’a dit le rapporteur pour avis.
Cette réponse me donne l’occasion de souligner un point de mon discours d’introduction. La mesure prévue à l’article 22, quelque peu occultée par les débats relatifs à l’article 21, n’est pas moins importante à mes yeux.
Elle a les vertus que vient de rappeler M. le rapporteur pour avis, notamment celle de donner de l’efficacité à l’État pour les fermetures d’écoles hors contrat. À la lumière de l’application de la loi Gatel, de ses forces et de ses limites, ce complément nous semble nécessaire, car il nous permettra, j’en suis convaincu, d’être efficaces.
Je veux rappeler ce que j’ai déjà dit plusieurs fois. Quand je me trouve dans la situation très concrète de devoir fermer des établissements dont les connivences avec le salafisme sont tout à fait évidentes, je suis confronté, avec mes équipes, à toute une série de chicanes judiciaires qui n’ont rien à voir avec la protection des libertés, mais tout à voir avec une certaine utilisation du droit visant à retarder son application.
Pour être bien clair, je vous citerai un exemple type. Nous avons poursuivi un établissement de ce type sis à Grenoble, et qui a défrayé la chronique, devant le juge judiciaire. Celui-ci nous a donné raison en première instance, et non pas en une minute, comme vous pouvez l’imaginer. Néanmoins, l’appel interjeté contre cette décision rendue en notre faveur a eu un effet suspensif. En conséquence, l’école a perduré plusieurs mois, les enfants qui la fréquentaient continuant à subir toute une série de dysfonctionnements.
Voilà un moyen pour les tenants de ces établissements de narguer l’État. Je pourrais citer d’autres exemples, dans d’autres villes de France.
Il s’agit de réaffirmer l’autorité de l’État, l’autorité de la République, tout en prévoyant, bien sûr, des garanties en matière de libertés. Ce serait faire injure au juge administratif que de dire qu’il ne protège pas les libertés, alors qu’il porte une extrême attention à nos actions dans ce domaine comme en d’autres.
La protection des libertés existe bel et bien, mais pas au détriment de l’efficacité, laquelle est indispensable sur de tels sujets. Des parlementaires de tous bords ont souhaité qu’une telle disposition soit prévue, afin que nos mots ne soient pas vains, mais conduisent à des décisions réelles.
Pour ces raisons, l’avis est défavorable sur les deux amendements.
Je suis attentif et sensible à ces arguments, mais un point me pose problème dans ce qu’a dit M. le rapporteur pour avis.
Il a parlé d’écoles clandestines, tandis que je vous parle d’établissements privés hors contrat, lesquels sont bien visés par le projet de loi.
Pour lutter contre les écoles clandestines, il y a déjà le code de l’éducation, parfaitement enrichi par la loi Gatel, qui a d’ores et déjà prévu les moyens adéquats.
Mais, jusqu’à nouvel ordre, un établissement privé hors contrat n’est pas une école clandestine. S’il y a des dérives, encore une fois, vous avez les moyens de rescolariser les enfants…
Qu’il faille lutter contre des écoles souterraines, clandestines, je n’en disconviens pas. Mais ne les appelez pas établissements privés hors contrat !
Je maintiens donc mes amendements, même si je dois être seul à les voter.
En deux mots, nous ne confondons pas écoles hors contrat et structures clandestines. Vous avez raison, monsieur le sénateur, il y a là deux phénomènes, qui sont d’ailleurs traités de façon distincte. Mais tout ce que j’ai dit précédemment vaut pour des écoles hors contrat qui existent bel et bien sur le plan juridique.
Par ailleurs, il est vrai que nous démantelons les structures clandestines avec plus de facilité, puisque nous ne sommes pas confrontés aux mêmes obstacles juridiques qu’avec les établissements hors contrat. Nous avons procédé à plusieurs démantèlements, en collaboration avec le ministère de l’intérieur, ces derniers mois : je le redis, plus de la moitié de ces élèves étaient inscrits comme relevant de l’instruction en famille. On boucle le propos !
Nous cherchons à établir un dispositif d’ensemble solide juridiquement et efficace factuellement.
Cher Max Brisson, je suis au regret de vous annoncer que je ne voterai pas vos amendements.
Au vu de faits avérés, que le ministre a rappelés, je pense que la fermeture administrative est absolument nécessaire. Aujourd’hui en effet, ceux que l’on peut qualifier de malveillants ou de malins deviennent extrêmement habiles juridiquement, développant certains arguments et faisant appel, ce qui suspend la décision de fermeture.
En même temps, il y a un véritable travail à faire – vous l’avez déjà engagé, monsieur le ministre – pour que les avis d’insuffisance, formulés par les inspecteurs et justifiant la fermeture administrative, soient juridiquement très solides.
On l’a vu avec la fameuse école Al-Badr, à Toulouse, des avocats extrêmement pertinents ont su contester des avis pédagogiques émis par les inspecteurs. Ceux-ci ne sont actuellement pas formés pour étayer juridiquement et de manière incontestable leurs décisions. Je connais vos préoccupations, cher Max Brisson, mais nous avons besoin de cet outil.
On n’éviterait certes pas tous les cas problématiques, madame Gatel, car il y a des gens très malins – vous l’avez dit – qui savent monter un dossier…
Mais tout au moins parviendrait-on à prévenir un certain nombre de situations dans lesquelles des enfants sont les victimes de personnes malveillantes et mal intentionnées, qui créent une école privée hors contrat à de mauvaises fins. La procédure d’autorisation préalable permettrait de détecter des individus non fiables pour tenir des établissements scolaires, même hors contrat et non subventionnés. On gagnerait du temps.
La fermeture, qu’elle soit administrative ou prononcée par le juge pénal, signifie que l’on a d’ores et déjà perdu quelques mois. Mieux vaudrait travailler en amont.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-et-une heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Laurence Rossignol.