Monsieur le ministre, je vous trouve quelque peu crispé, cet après-midi, au point d’émettre un avis défavorable sur les amendements de rétablissement, alors que vous y êtes favorable, me semble-t-il.
Voilà un peu plus d’un an – c’est sans doute la raison de votre crispation – vous indiquiez que l’instruction en famille ne posait pas de problème et qu’elle était protégée par la Constitution.
Il y a un peu plus de deux ans, nous votions ensemble la loi pour une école de la confiance, afin que vous puissiez renforcer le contrôle sur l’instruction en famille. Nous l’avons fait très sereinement, en vous donnant, à votre demande, les outils nécessaires.
Mes chers collègues, je voudrais partager avec vous une conviction intime, un constat et une inquiétude.
Ma conviction intime, c’est que la coexistence de propositions éducatives variées est le signe d’une société apaisée, plurielle, moderne et respectueuse de la diversité. C’est donc au nom de la modernité, et non pas du passé – puisque vous avez parlé du préceptorat – que je défendrai l’instruction en famille.
Monsieur le ministre, le rapporteur pour avis vous a déjà fait part du constat : au-delà des cas d’espèce recensés dans une sorte de politique au doigt mouillé, vous vous êtes montré, depuis des mois, incapable d’étayer de manière forte la corrélation qui pourrait exister entre l’instruction en famille et la menace séparatiste. Ni l’ampleur du phénomène ni celle des dérives ou des infractions constatées n’ont été explicitées pour justifier la remise en cause d’un élément constitutif d’une liberté fondamentale, la liberté d’enseignement.
C’est donc sous le coup d’une démocratie de l’émotion, parfait symbole de cet État inquiet dont je parlais lors de la discussion générale, que vous prenez des mesures disproportionnées par rapport à l’objectif que vous cherchez à atteindre.
Quant à l’inquiétude, elle porte sur le fait que le régime d’autorisation, même amendé à l’Assemblée nationale, rendra a priori suspecte la liberté de choix des parents, puisque ceux-ci devront justifier qu’ils poursuivent l’intérêt supérieur de leurs propres enfants face à une puissance publique jugée seule apte à définir cet intérêt supérieur de l’enfant.
Nous passons ainsi d’un régime de déclaration avec un contrôle a posteriori, que je ne discute pas, à un régime d’autorisation, fondé sur le contrôle sociétal a priori de l’intention et de la motivation du choix des parents.