Intervention de Jean-Michel Blanquer

Réunion du 6 avril 2021 à 14h30
Respect des principes de la république — Article 21

Jean-Michel Blanquer :

J’ai constaté de nombreux hors-sujet au cours de ces débats ! J’ai le sentiment que l’on cherche à faire peur pour nous empêcher de mener une œuvre salubre, de nous attaquer à un véritable problème, qui constitue un angle mort de la République.

Monsieur le sénateur Brisson, vous m’invitez à être débonnaire à l’égard de la République. C’est un luxe que l’on ne peut pas se permettre quand on exerce ma fonction. Je ne suis pas du tout crispé : je suis simplement cohérent et, à l’instar de M. Rietmann, je vous invite tous à la cohérence.

J’entends parfois certains dire : « La laïcité, “mais”… » et parfois je vous sens à mes côtés – notamment vous, monsieur Brisson ! – quand je lutte contre cette tentation. Aujourd’hui, j’entends certains dire : « La République, “mais”… », ou « L’école de la République, “mais”… » M. le sénateur Rietmann a tout à fait raison de le souligner : quand on parle de l’instruction en famille, on parle en creux de l’école de la République. C’était d’ailleurs évident dans certaines interventions.

Oui, ce texte traite de l’école de la République : il est important qu’elle continue à rassembler le maximum d’enfants dans notre pays, même s’il y a évidemment différents moyens de le faire. Nous n’avons jamais – jamais ! – prétendu que l’instruction en famille devait disparaître.

Je ne reviendrai pas sur la question de la liberté.

Monsieur Retailleau, sur ces sujets, vous vous montrez toujours très sévère, même si l’on pourrait comparer l’action des différents gouvernements en examinant les libertés que les uns et les autres ont plus ou moins respectées dans différents champs. Quoi qu’il en soit, veillons à ne pas opposer la liberté aux libertés.

Certains l’ont dit éloquemment : on observe parfois des contradictions entre l’État de droit et ce que l’on peut appeler la société de droit.

L’État de droit suppose une cohérence du droit. Il suppose que la République soit soutenue par cette colonne vertébrale que constitue le commun. L’État de droit, ce n’est pas une multiplicité de droits, que chacun peut brandir à sa guise. À la fin, il ne resterait que la liberté du plus fort, une mobilisation habile permettant d’affirmer sa force économique ou juridique.

Si l’on veut maintenir la République bien droite, il faut se garder de ce perpétuel combat des droits. J’entends beaucoup de personnes se poser sans raison en victimes ou brandir leurs droits individuels face au commun.

Qu’il s’agisse de l’école de la République ou d’autres formes scolaires, l’école, c’est le commun, et nous avons besoin du commun. Si, lors de chaque débat, chacun prend position pour défendre les droits de tel ou tel secteur contre le Droit ou contre l’État de droit, alors c’est la République qui progressivement s’affaiblit.

À cet égard, la position que je défends n’est pas facile. Certains, qui ont pu m’attaquer sur tel ou tel sujet, me soutiennent ; d’autres, qui ont pu me soutenir, m’attaquent, y compris la sénatrice Gatel, qui a donné son nom à une loi importante, que j’ai soutenue fortement en son temps, précisément parce que j’obéissais à cette logique.

Aujourd’hui, indépendamment des partis politiques auxquels on appartient, on doit assumer sa responsabilité et, en l’occurrence, elle n’est pas mince.

J’y insiste, il ne s’agit pas de supprimer l’instruction en famille.

Ceux qui, en votant contre le rétablissement de l’article 21, poseront en défenseurs de toutes les formes d’instruction en famille, donc des familles qui la font bien, versent dans le meilleur des cas dans le hors-sujet et, dans le pire des cas, dans la démagogie !

Ce n’est pas ce que nous visons ! Ce n’est pas vrai et je le répète une nouvelle fois aujourd’hui : ce n’est pas ce que nous faisons ! Arrêtons de faire semblant de croire que nous visons à côté de la cible. Je n’ai cessé de dire que ce n’était pas le cas. §D’ailleurs, plusieurs orateurs l’ont rappelé.

En revanche, qu’en est-il du phénomène que nous visons bel et bien ? J’entends très bien la nécessité, rappelée à l’instant par M. Lafon, de protéger au mieux les libertés des familles dans le dispositif que nous retiendrons en définitive. Je l’affirme de nouveau : le régime d’autorisation est un régime de protection des libertés et des droits de l’enfant.

Madame Rossignol, merci de ce que vous avez dit à ce sujet : constater a posteriori que les droits d’un enfant ont été violés pendant des mois, c’est, d’une certaine manière, être complice de la situation. À l’inverse, en prévenant cette violation de droits, on sauvera davantage d’enfants. Quand bien même il y en aurait peu, ce peu-là m’importe beaucoup, et malheureusement il n’y en a pas peu.

J’entends aussi les diverses objections relatives au dénombrement. C’est tout à fait vrai qu’il existe un problème à cet égard, même si nous savons qu’environ 65 000 enfants sont instruits en famille. Nous savons aussi que ce chiffre a explosé depuis dix ans.

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