Intervention de Christine Lagarde

Réunion du 30 septembre 2010 à 15h00
Conventions fiscales avec la suisse la belgique et le luxembourg — Adoption définitive d'un projet de loi en procédure accélérée et adoption définitive de deux projets de loi

Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez souhaité débattre en séance publique des avenants aux conventions fiscales avec la Suisse, signé le 31 août 2009, avec la Belgique, signé le 7 juillet 2009, et avec le Luxembourg, signé le 3 juin 2009.

C’est évidemment l’occasion de faire le point sur la situation de la France en matière de lutte contre les paradis fiscaux : elle est déterminée à tenir ses engagements, mobilisée pour les faire respecter par un certain nombre de pays.

Je souhaite vous exposer très brièvement notre action en trois points, en rappelant, d’abord, la politique que nous avons menée sur le plan international depuis maintenant trois ans pour accélérer ce processus, ensuite, comment nous avons transcrit ces engagements internationaux dans notre corpus législatif intérieur et, enfin, en vous apportant un éclairage spécifique sur le cas particulier de la Suisse.

En premier lieu, depuis la fin de l’année 2008, la France a sans cesse porté ce combat contre les paradis fiscaux conjointement avec un certain nombre d’autres États membres de l’OCDE ; nous étions alors 17, représentés en l’espèce par mon collègue Éric Woerth, aux côtés de Peer Steinbrück, mon homologue allemand. Ces 17 États membres de l’OCDE, réunis à Paris, avaient décidé de faire de la question de la transparence fiscale un des combats essentiels du G20.

Ce point a été évoqué pour la première fois à l’occasion de la réunion du G20 à Washington. Les premiers résultats effectifs ont commencé à voir le jour grâce en particulier à la pugnacité, à la détermination, à la résilience du Président de la République, qui n’a pas souhaité quitter la séance de la réunion du G20 tant que nous n’étions pas parvenus à un accord spécifique concernant les différentes listes établies par l’OCDE.

Vous vous souviendrez probablement que, à l’époque, l’OCDE avait publié trois listes : une liste noire comprenant quatre États, une liste grise sur laquelle figuraient trente-huit États ou territoires et, enfin, une dernière liste incluant tous les autres États, c'est-à-dire ceux qui non seulement avaient pris l’engagement de respecter les standards internationaux de transparence fiscale et les avaient mis en œuvre, mais respectaient également le principe selon lequel ils échangeraient avec au moins douze autres États membres des informations sur la situation fiscale des ressortissants de l'État requérant.

Ces travaux et cette pression internationale ont porté leurs fruits, puisque, à ce jour, les listes ont considérablement changé : la liste noire a disparu et la liste grise, qui comprend les pays ayant pris des engagements, mais n’ayant pas véritablement signé douze conventions, ne comporte plus que treize juridictions.

Ainsi, monsieur le président de la commission des finances, en près d’un an et demi, pas moins de cinq cents accords d’échange d’informations ou avenants à des conventions visant à éviter la double imposition ont été signés.

Grâce à ces signatures, un peu plus de transparence règne dorénavant. Le secret bancaire qui était souvent opposé par un certain nombre de ces juridictions n’est plus opposable et une véritable coopération peut s’instaurer entre l'État requérant et l'État à l’égard duquel les informations sont demandées.

Certains pays, le Brésil, le Chili, le Luxembourg et la Suisse, ont levé leur réserve sur la convention type de l’OCDE, qu’ils reconnaissent dorénavant.

De nombreux pays ont modifié leur législation nationale, à l’instar du Liechtenstein, de l’Autriche ou de Hongkong et Singapour.

Résultat, plus d’accords ont été signés en l’espace de deux ans qu’au cours de la décennie précédente. Ce fameux secret bancaire, que l’on pensait impénétrable, a été abandonné par un certain nombre d’États.

Telles sont les actions qui ont été menées sur le plan international. La France a vraiment joué son rôle et l’action du Président de la République a été déterminante pour faire avancer ces thèses de lutte contre l’obscurité fiscale, au détriment parfois de relations tranquilles avec d’autres participants.

En deuxième lieu, concernant l’ordre juridique français, le Gouvernement a pris soin de traduire ses engagements internationaux. Dès le lendemain du G20, le Gouvernement a engagé une politique de négociation d’accords bilatéraux tous azimuts avec les États de la liste de l’OCDE. Nous avons proposé à tous les États ou territoires qui figuraient sur les listes grise et noire de signer un accord permettant l’échange de renseignements.

Dans les cas où nous étions déjà liés par une convention fiscale, nous avons choisi de proposer de conclure des avenants.

Nous avons proposé dès le 27 février au Luxembourg et dès le 20 mars 2009 à la Belgique d’engager une renégociation de la convention liant nos États afin de la mettre en conformité avec les standards internationaux.

Ayant levé leurs réserves sur l’application des dispositions relatives à l’échange de renseignements figurant au modèle de convention de l’OCDE, ces deux États ont répondu favorablement à notre proposition en mars 2009.

Les discussions menées avec la Belgique et le Luxembourg ont ainsi permis d’aboutir à la conclusion d’avenants parfaitement conformes aux derniers standards du modèle de l’OCDE.

Dans les autres cas, nous avons proposé de ne signer qu’un accord d’échange de renseignements sans contrepartie, puisqu’il ne s’agit que de respecter un engagement pris devant la communauté internationale.

C’est ainsi que, depuis le mois de mars 2009, la France a signé six avenants et vingt et un accords d’échanges de renseignements. En outre, plus d’une demi-douzaine d’autres avenants ou accords ont d’ores et déjà été paraphés au niveau administratif.

Nous serons donc bientôt en mesure d’échanger des renseignements fiscaux sans restriction avec les juridictions présentées jusqu’à présent comme les moins coopératives du continent européen – la Suisse, le Luxembourg, la Belgique, qui font l’objet de notre discussion d’aujourd’hui, et le Liechtenstein en particulier – et avec les plus importants centres financiers asiatiques – Hongkong et Singapour – ou ceux que nous appelons les paradis fiscaux – les îles Caïmans, les îles Vierges britanniques, Jersey, Guernesey ou les Bahamas.

Ces résultats placent véritablement la France en tête du palmarès des pays qui combattent en faveur de la transparence.

À la suite de la proposition du Gouvernement, vous avez inscrit dans la loi française une définition des juridictions non coopératives, assortie de critères précis et de sanctions fiscales pour les États concernés.

Un arrêté du 12 février a ainsi fixé, pour 2010, une liste de dix-huit États ou territoires non coopératifs au regard de la législation française.

Les sanctions prévues dans la loi de finances pour 2010 sont extrêmement lourdes : majoration à 50 % des retenues à la source sur les flux à destination des États de la liste, taxation des flux entrants – ce qui est une réelle nouveauté dans notre droit fiscal –, refus de déduire les charges payées dans ces territoires, durcissement des conditions de justification des prix de transfert.

Nous avons donc utilisé la panoplie complète des outils fiscaux pour décourager véritablement tout mouvement commercial et tout échange financier avec ces pays. À ces taux de taxation, il devient rédhibitoire d’engager des relations commerciales.

Au-delà de la ratification de ces avenants visant à éviter la double imposition et de la signature de ces accords d’échange de renseignements, notre préoccupation, désormais, consiste à nous assurer que ces textes seront respectés.

C’est dans ces conditions que le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales – qui regroupe les trente membres de l’OCDE et plus de soixante autres États ou territoires – a mis en place un mécanisme d’évaluation par les pairs. La France a été chargée de présider ce groupe d’évaluation ; François d’Aubert, délégué général à la lutte contre les paradis fiscaux, a été désigné à cet effet.

Les travaux du Forum ont progressé très vite, puisque les premières évaluations ont été lancées dès le mois de mars 2010. Elles portent à la fois sur le cadre légal – lois internes et accords internationaux –, pour vérifier que le dispositif législatif de chacun des États a été modifié, et sur l’application des textes, afin de s’assurer qu’ils sont effectivement appliqués.

Je souhaite qu’un premier bilan soit tiré lors du sommet du G20 qui se tiendra en France au mois de novembre 2011. Cela sous-tend une accélération du calendrier initialement prévu.

En troisième lieu, j’évoquerai plus spécifiquement le cas de la Suisse.

La convention actuellement en vigueur, comporte des dispositions permettant l’échange de renseignements, mais dans des conditions extrêmement restrictives, qui ne permettent notamment pas la levée du secret bancaire.

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