Intervention de Adrien Gouteyron

Réunion du 30 septembre 2010 à 15h00
Conventions fiscales avec la suisse la belgique et le luxembourg — Adoption définitive d'un projet de loi en procédure accélérée et adoption définitive de deux projets de loi

Photo de Adrien GouteyronAdrien Gouteyron, rapporteur de la commission des finances :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat qui s’ouvre a un double objet.

Il a bien entendu, d’une part, un objet législatif, c’est-à-dire la ratification d’avenants aux conventions fiscales liant la France à trois pays : la Suisse, la Belgique et le Luxembourg.

Mais il a aussi, d’autre part, un objet plus large, à savoir ouvrir un débat sur la politique française de lutte contre les juridictions non coopératives et les « paradis fiscaux ». En effet, comme vous vous en souvenez, madame la ministre, l’examen du projet de loi de régulation bancaire et financière, qui nous a occupés un long moment, ne nous a pas permis, le 14 septembre dernier, de tenir ce débat pourtant important au sein de notre commission.

Aujourd'hui, mes chers collègues, comment se caractérise la politique de lutte contre les juridictions non coopératives ?

Sur la question des États ou territoires non coopératifs, je sais bien que notre action, pour être la plus efficace possible, doit être menée au niveau international. Ce n’est pas en ayant raison tout seuls que nous ferons forcément avancer les dossiers.

À cet égard, la crise a peut-être eu un mérite, celui d’avoir ouvert les yeux des principaux dirigeants du monde quant aux risques que pouvaient faire courir les juridictions opaques et non coopératives, les « paradis bancaires et juridiques », au système financier dans son ensemble ainsi qu’aux finances des États.

Madame la ministre, vous l’avez rappelé, le G20 a agi et la France, sous l’impulsion du Président de la République et sous la vôtre, n’y est pas pour rien. Nous le verrons bientôt en étudiant le cas de la Suisse, la publication d’une liste de juridictions non coopératives et la menace de sanctions ont eu un effet d’entraînement réel pour un certain nombre de pays.

Peut-être pourrez-vous d’ailleurs nous détailler les effets de ce qui a déjà été entrepris et les efforts qui pourraient être poursuivis au niveau du G20.

Mais la France a aussi eu le courage d’agir de son côté, dans le cadre de la loi du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009. Son article 22 a ainsi entériné la création d’une liste française d’États ou territoires non coopératifs. Celle-ci a été publiée dans un arrêté en date du 12 février 2010, avec des conséquences concrètes, en particulier des prélèvements à la source sur les flux financiers à destination de ces juridictions.

Pour lancer notre débat, j’aurai simplement, madame la ministre, quelques questions à vous poser.

Tout d’abord, êtes-vous en mesure de nous dire si cette publication officielle a eu des conséquences tangibles en termes de lutte contre l’évasion fiscale ou le blanchiment ? Avez-vous constaté un effet incitatif pour provoquer ou accélérer la négociation de conventions avec les États ou territoires concernés ?

Ensuite, pouvez-vous nous donner des informations sur la composition de cette liste ? Nous nous souvenons des débats qu’avait entraînés l’exclusion d’office, au moins pour la première année, des États membres de l’Union européenne. Pour l’avenir, ces États respectent-ils tous les conditions pour ne pas figurer sur cette liste ? Dans le cas contraire, je n’ose y penser, le Gouvernement envisage-t-il la possibilité d’y inscrire un État membre ?

Enfin, y a-t-il des États ou territoires avec lesquels nous avons conclu une convention, mais pour lesquels l’application de ce texte n’est pas satisfaisante ? Rédiger des textes, c’est bien ; les appliquer, c’est encore mieux ! Dans l’affirmative, est-il envisagé d’inscrire ces juridictions sur notre « liste noire » ?

J’en arrive à présent aux conventions particulières signées avec la Suisse, la Belgique et le Luxembourg, et aux avenants y afférents.

Dans la « vague » de conventions fiscales dont nous sommes invités à autoriser la ratification, ces trois textes occupent, nul ne l’ignore, une place toute particulière, et ce à un triple titre.

En premier lieu, la Suisse, la Belgique et le Luxembourg sont des partenaires importants de la France, notamment sur le plan économique. N’oublions pas non plus les liens humains d’une grande intensité que nous avons avec ces pays voisins.

Ainsi, la communauté française en Suisse compte 200 000 membres et la communauté suisse en France, quelque 130 000 personnes. C’est considérable.

En deuxième lieu, il faut bien le dire, aux yeux de nombreux Français, des pays comme la Suisse ou le Luxembourg, voire la Belgique, mais à un degré moindre sans doute, ont une image particulièrement associée au secret bancaire et aux comportements pouvant en résulter.

En troisième lieu, au-delà du symbole, le poids des secteurs financiers luxembourgeois et, plus encore, suisse – la Suisse est au septième rang mondial en la matière – fait de ces avenants un maillon essentiel de la politique de lutte contre l’évasion fiscale.

À l’évidence, les conventions en vigueur liant, parfois de longue date, la France à ces trois pays n’étaient plus adaptées aux normes de notre époque.

Par exemple, pour répondre aux exigences de la partie suisse, l’échange d’informations fiscales figurant dans la convention franco-helvétique est strictement limité aux seules fins de bonne application de ladite convention.

Dans les trois cas que nous étudions, l’opposabilité du secret bancaire de ces pays interdit, en pratique, à la France de mener à bien une lutte contre la fraude et l’évasion fiscales. En effet, les possibilités offertes d’échange de renseignements ne permettent pas à l’administration d’obtenir des informations de nature à conduire des opérations de contrôle fiscal et à s’assurer du bien-fondé des bases d’imposition.

Grâce à l’action du G20, les négociations dans ce domaine ont pu être relancées.

Comme pour d’autres conventions, il me faut souligner à cet instant le rôle déterminant du G20. Celui-ci a décidé, lors du sommet de Londres, au mois d’avril 2009, de publier une liste de juridictions non coopératives, puis, au cours du sommet de Pittsburgh, en septembre de la même année, de mettre en place des procédures d’évaluation par les pairs et un mécanisme de sanctions d’ici à deux ans.

Une telle détermination a fortement modifié l’attitude de nos partenaires. Ceux-ci ont en effet été incités à renégocier leurs conventions afin de les adapter aux standards de l’OCDE. La France s’est alors engagée dans des négociations avec eux et elle est parvenue à des accords, sur la base des textes que nous examinons aujourd’hui.

Les principales dispositions de ces trois avenants concernent l’échange d’informations. Ils vont permettre un progrès très important en la matière.

Il s’agit, à chaque fois, d’aligner les échanges d’informations entre la France et la Suisse, la Belgique et le Luxembourg sur les standards de l’OCDE.

Ainsi, s’agissant de la Suisse, sur laquelle j’insiste un peu, l’avenant prévoit : « Les autorités compétentes des États contractants échangent les renseignements vraisemblablement pertinents pour appliquer les dispositions de la présente Convention » – la suite est essentielle – « ou pour l’administration ou l’application de la législation interne relative aux impôts de toute nature […] dans la mesure où l’imposition qu’elle prévoit n’est pas contraire à la convention. » De ce fait, l’échange d’information ne sera plus limité, comme auparavant, à la seule application de la convention.

Il est, par ailleurs, précisé dans ce même texte que les renseignements échangés pourront être utilisés à des fins non fiscales, notamment sociales.

De plus, il est clairement indiqué dans les trois avenants que les pays signataires ne peuvent refuser de communiquer des renseignements en invoquant uniquement leur secret bancaire.

L’avenant franco-suisse est le plus précis s’agissant des modalités de l’échange de renseignements. À cet égard, il est à relever que la « pêche aux renseignements », selon l’expression consacrée, est prohibée…

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion