Intervention de Thierry Foucaud

Réunion du 30 septembre 2010 à 15h00
Conventions fiscales avec la suisse la belgique et le luxembourg — Adoption définitive d'un projet de loi en procédure accélérée et adoption définitive de deux projets de loi

Photo de Thierry FoucaudThierry Foucaud :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, quand on pense à la Suisse, une image vient à l’esprit, emblématique, celle d’un paradis pour gens fortunés.

Ce paradis, protecteur d’un secret bancaire élevé au rang d’élément constitutionnel par les Suisses eux-mêmes, offre à ses résidents choisis un statut fiscal tout à fait particulier, favorisant notamment une très faible imposition de patrimoines importants grâce au dispositif du « forfait fiscal ».

Bien sûr, c’est cela qu’il faut combattre.

La modification de la convention fiscale franco-suisse procède naturellement du mouvement observé depuis le dernier G20, mouvement qui consiste à faire en sorte que les pays considérés jusqu’ici comme des paradis fiscaux, en particulier ceux qui pratiquent le secret bancaire, passent quelques accords avec des pays respectant les normes de l’OCDE en matière de transparence financière, afin d’éviter la mise à l’index que constitue l’inscription sur la « liste noire » des pays non coopératifs.

La convention a fait l’objet d’une longue négociation et porte sur plusieurs points assez différents. Je dois dire, après M. le rapporteur, que le cas des frontaliers pose problème, puisqu’il s’agit de 100 000 personnes. Bon an mal an, 2 000 de nos compatriotes s’installent chaque année en Suisse, souvent au seul motif qu’ils se sont mariés avec un Suisse ou une Suissesse.

En réalité, un tiers des immigrants qui s’établissent en Suisse le font pour exercer une activité professionnelle ; quatre sur dix par regroupement familial, et un sur sept pour y suivre des études ou une formation professionnelle.

Comment ne pas rappeler ici, monsieur le rapporteur, que des milliers de travailleurs frontaliers demeurant dans le Doubs, les départements alsaciens, l’Ain ou encore la Haute-Savoie, font « tourner » les entreprises suisses, alors que c’est souvent notre système éducatif qui les a formés ? Ces travailleurs frontaliers sont très majoritairement de jeunes hommes travaillant, comme c’est souvent le cas des immigrés, dans l’industrie.

Ce problème des frontaliers est abordé de manière discutable, puisque les intéressés se retrouvent confrontés à une nouvelle imposition : celle des pensions de retraite complémentaire d’origine suisse qui peuvent leur être versées au bénéfice de cotisations volontaires, non prises en compte dans l’assiette de l’impôt sur le revenu suisse.

Il convient de rappeler que cet impôt comporte aujourd’hui quatre parts : la première est destinée à la Confédération, la seconde au canton, la troisième à la commune de résidence et, la dernière, à l’Église d’affiliation. Peut-être cette dernière part explique-t-elle que quelques Suisses viennent goûter à nos impôts, plus laïques...

Toujours est-il que l’imposition des capitaux versés par les caisses de retraite suisses est à l’ordre du jour et qu’il me semble nécessaire de prévoir, dans la pratique, une prise en compte équilibrée de ce qui constituera, pour certains frontaliers, le moment venu, un revenu à caractère exceptionnel perçu en fin d’activité professionnelle.

Notons aussi que la convention fiscale entre la France et la Suisse – de manière, ma foi, assez surprenante – prévoit un allégement de la taxation des revenus de capitaux perçus en France par des organismes de placement suisses. On prétend lutter contre les paradis fiscaux, et voilà que l’on procède à un nivellement par le bas de la taxation d’une catégorie de revenus bien particulière !

Les dividendes perçus par des Suisses sur des activités en France seront désormais traités de la même manière que ceux d’un résident français, c’est-à-dire avec un taux d’imposition égal à zéro...

Certes, les stipulations de la convention relatives à la poursuite des évadés fiscaux s’étant manifestement soustraits à leurs obligations envers le Trésor public français sont mises en exergue. Je ne parlerai pas des artistes, de certains grands chefs d’entreprise, de sportifs experts de la petite balle jaune ou des voitures de course…

D’après l’étude d’impact du projet de loi, l’affaire porterait sur 56 millions d’euros de créances fiscales. Si l’on rapporte cette somme aux 3 000 Français dont les noms figurent sur la fameuse liste soustraite aux archives de la banque HSBC à Genève, ce sont des redressements moyens de 18 000 euros dont il sera question : autant dire une goutte d’eau dans l’océan de la fraude fiscale, ou quelques minutes d’émission du fameux jet d’eau de Genève dans le flot continuel des transactions financières de ses banques !

En somme, que contient donc cette convention ? Une taxation de revenus de remplacement, en l’occurrence, des retraites complémentaires versées en une fois en capital ; des dispositions d’allégement de la fiscalité de l’épargne dont il est dit dans l’étude d’impact qu’ « elles sont en tout état de cause de nature à favoriser les investissements des fonds de pension suisses en France » ; et une chasse à la fraude fiscale, somme toute très limitée, quoique fondée sur une mise en cause du secret bancaire suisse.

À ce sujet, nous pouvons nous délecter de ce que pensent les Suisses eux-mêmes, en tout cas leur gouvernement et leurs banquiers : « Du point de vue suisse, et en tenant compte des changements drastiques intervenus récemment sur la scène internationale, et ceux à venir pour les États évalués comme non coopératifs en matière d’assistance administrative, les solutions retenues dans le projet d’avenant peuvent être considérées dans l’ensemble comme favorables. »

On précise plus loin que « le niveau de l’entraide administrative convenu permettra en particulier d’éviter par ailleurs des contre-mesures qui seraient très dommageables pour la place économique suisse prise dans son ensemble. »

Traduit en français de tous les jours, cela signifie simplement que la Suisse coopérera, certes, avec l’administration française, mais dans des limites admises, sans profondément mettre en question ce qui fait que la Confédération est à la fois le quatre-vingt-douzième pays du monde par sa population, et le septième par l’importance de sa place financière.

Bref, compte tenu de l’équilibre de la convention ainsi modifiée, nous n’avons d’autre choix que de ne pas voter le texte de ce projet de loi, qui ne va pas assez loin dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.

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