On voit bien qu’il y a une tentation chez certains de rouvrir l’ensemble du dossier des rapports entre l’école privée et l’école publique.
Depuis près de trente ans, un équilibre a été trouvé : celui d’ordre juridique et constitutionnel, adopté en 1977, et celui des années 1980, établi grâce aux ministres Jean-Pierre Chevènement et Jack Lang, qui ont su tirer les enseignements de ce que l’on a parfois appelé « la guerre scolaire ».
Nous serions tous très inspirés de ne pas modifier cet équilibre qui est quantitatif, auquel je veille, mais qui est aussi un équilibre des principes. Parmi ceux-ci figure, comme vient de le rappeler M. le rapporteur pour avis, la reconnaissance du caractère propre de l’enseignement privé sous contrat.
Je ne rappellerai pas la logique d’ensemble de tout ce dispositif. C’est elle qui a notamment permis, dans la droite ligne des inquiétudes précédemment exprimées par M. Ouzoulias, que tout un monde – celui de l’enseignement privé, notamment catholique, mais pas seulement – accepte des obligations relatives au respect de certains engagements à l’égard de la République. De grandes convergences ont ainsi pu être trouvées.
Cet équilibre est bénéfique à tous et il nous invite à nous respecter les uns les autres.
Il permet aussi à toutes les religions – et l’on peut penser à l’islam, dont il a souvent été question au cours de nos débats –, lorsque leurs établissements d’enseignement passent sous contrat, d’être intégrées dans un système d’obligations prévoyant, à la fois, le respect de leur caractère propre et celui d’un certain nombre de règles. Il faut être vigilant sur ce point.
Le projet de loi qui vous est présenté ne modifie absolument pas ces points. La tentation existe de revenir sur ces sujets ; cela a aussi été le cas à l’Assemblée nationale, je vous rassure – d’ailleurs, vous le savez. Tel n’est pas notre objectif.
L’exemple que vous avez donné, madame la sénatrice, concerne un enseignement facultatif. M. le rapporteur pour avis l’a dit, il est dispensé aux futurs professeurs de l’enseignement privé un enseignement de base, qui est bien entendu le même sur le plan pédagogique et éducatif – et c’est normal – que celui dont bénéficient les enseignants du public. Par ailleurs, des formations initiales ou continues sont destinées aux enseignants de ces établissements privés à caractère propre.
Si des enseignements relatifs à la religion et contraires à la République étaient dispensés, et ce quelle que soit la religion, alors la question évoquée pourrait se poser. Mais qu’il existe au sein de l’enseignement religieux des dogmes et des éléments propres à une religion, cela ne constitue pas un problème en soi, et ce principe a été consacré par le Conseil constitutionnel.
Il convient de respecter cet équilibre. Il est surtout très important aujourd’hui de s’assurer que l’ensemble des établissements sous contrat, de même que les établissements hors contrat, respectent les obligations qui existent.
Autrement dit, pour résumer mon propos, la liberté d’enseignement en France n’est pas la liberté de tout faire n’importe comment. Elle est régulée. Nous y veillons au travers de quatre canaux : l’école de la République, à titre principal ; l’école privée sous contrat ; l’école privée hors contrat ; l’instruction en famille.
Ces quatre modes d’enseignement comprennent des droits et des obligations. J’ai résumé ceux qui sont relatifs aux écoles sous contrat, lesquelles ne sont pas concernées par ce projet de loi. Nous devons trouver dans chacun de ces quatre domaines un système équilibré de droits et devoirs. C’est aussi ce que nous tentons de faire pour l’instruction en famille.
Avec ce projet de loi, nous ajoutons à cet édifice législatif une pierre qui renforce les équilibres établis précédemment, à la suite de nombreux autres travaux et des vicissitudes traversées par notre pays.