Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 6 avril 2021 à 21h30
Respect des principes de la république — Article 24 septies

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

Monsieur le ministre, le débat que nous tenons est très symptomatique des impasses auxquelles conduit votre volonté absolue. Vous dites qu’il faut lutter contre le djihadisme violent et ses ravages, et vous avez raison. Cependant, vous pensez que, pour atteindre ce but, nous devons entrer dans des quantités de considérations, de règles en tout genre, qui n’auront pas d’effet sur l’objet visé. Je préférerais qu’on fasse un débat sur le radicalisme et qu’on voie comment on peut y porter remède, tout en mettant fin aux faux remèdes auxquels on a eu recours ces dernières années.

La rédaction de cet article est complètement absurde, et je vais vous dire pourquoi. J’ai enseigné dans une université, comme beaucoup d’autres. Qu’est-ce donc que la vie universitaire, sinon le débat permanent et la controverse ? Quand Étienne Dolet défendait Cicéron contre Érasme, les discussions étaient très tendues, dressant des foules les unes contre les autres. La vie universitaire a toujours été débat intellectuel.

Je suis d’accord avec M. le rapporteur pour avis : empêcher quelqu’un de parler dans une université, c’est scandaleux, c’est horrible, et on ne doit pas l’accepter. Cependant, qui doit agir ?

Sur ce point, je rends hommage à Pierre Ouzoulias, parce que, depuis le début de ce débat, il nous dit que la question centrale ce sont les franchises universitaires. Il est vrai qu’elles appartiennent à une tradition multiséculaire de notre pays et qu’elles sont consubstantielles à l’université. On ne peut pas rompre avec elles sans le dire, car cette rupture aurait beaucoup de conséquences.

Aujourd’hui, en cas de trouble à l’ordre public, le président d’université peut évidemment solliciter la force publique, police ou gendarmerie. C’est à lui seul d’en décider, conformément aux franchises universitaires qui s’appliquent.

Croire que ce genre de texte empêchera le débat dans l’université est absurde, car l’université est structurellement un lieu où l’on débat. L’espèce de formulation complètement ambiguë qui caractérise la rédaction de l’article ne servira à rien !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion