Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, deux ans après la disparition de la banque d’affaires Lehman Brothers, nous devons nous prononcer sur un projet de loi annoncé et attendu, puisqu’il a été présenté en conseil des ministres le 16 décembre 2009.
Après avoir reçu le soutien de la Nation, les banques ont remboursé dans leur quasi-totalité les sommes qui leur avaient été prêtées. Elles ont passé haut la main l’épreuve, pas trop difficile il est vrai, des stress tests et la finalisation de Bâle III a été saluée par un rebond de la bourse. Pendant ce temps-là, bonus, stock options et dividendes sont toujours d’actualité. On serait donc tenté de conclure que rien n’a changé.
Rien ? Pas tout à fait ! L’Union européenne se dote d’institutions de supervision financière ; les G20, surtout celui de Londres, ont entamé la bataille contre les paradis fiscaux, ou ont tout au moins ouvert un chemin en ce sens ; les États-Unis ont adopté, en juillet 2010, la loi Dodd-Frank qui, malgré ses limites, tourne le dos à la période de la dérégulation, quand elle n’amorce pas une franche rupture.
Mais le temps des marchés n’est pas celui de la démocratie, et les marchés, il faut bien le dire, ont repris l’avantage sur la démocratie, sur la puissance publique.
Dans une phase que l’on pourra sans doute qualifier, au regard de l’histoire, de « grand tournant », la vraie question qui se pose est de savoir si nous sommes à la hauteur de la responsabilité qui est la nôtre. Il est permis d’en douter.
On ne peut durablement se réfugier dans l’attente d’accords mondiaux toujours hypothétiques ou de décisions européennes pour s’exonérer ainsi de toute action au niveau national, comme je l’ai dit tout à l’heure au cours de notre débat sur les paradis fiscaux, mais j’y reviendrai.
Si nous refusions d’agir au niveau national, ce serait à coup sûr la meilleure façon de ne pas peser sur les choix européens, comme sur les choix mondiaux. Or l’échelle européenne est bien celle qui est pertinente en la matière.
Nous avons donc, nous, législateurs, l’obligation de prendre nos marques, de réglementer, de réguler et de prévenir, car nous savons que l’État ne pourra plus jouer les pompiers et que les responsables politiques s’exposeront, s’ils n’agissent pas, à la terrible et légitime rancœur des peuples auxquels on demande de payer la crise, sans en avoir tiré toutes les leçons pour l’avenir.
Le texte de la commission ne se situe pas au niveau de responsabilité que nous souhaitons. On prétend renforcer la supervision des acteurs et des marchés financiers tout en soutenant le financement de l’économie, objectif louable, mais les discours ne correspondent pas à la réalité. Le texte assure un service minimum et la confiance dans l’autorégulation des acteurs continue à dominer le paysage.
En commission, le rapporteur général a eu un mot, assez vrai du reste : il a estimé que le texte qui nous arrivait de l’Assemblée nationale était une sorte de DDOEF, autrement dit un projet de loi portant diverses dispositions d’ordre économique et financier.