La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente.
La séance est reprise.
M. le président du Conseil constitutionnel a informé ce jour M. le président du Sénat qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel quatre décisions de renvoi de questions prioritaires de constitutionnalité (2010-72 QPC, 2010-74 QPC, 2010-75 QPC et 2010-76 QPC).
Les textes de ces décisions de renvoi sont disponibles au bureau de la distribution.
Acte est donné de ces communications.
(Texte de la commission)
Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de régulation bancaire et financière.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Bernard Vera.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voici ce que l’on peut lire dans le préambule du rapport d’étape de novembre 2008 issu des travaux du groupe de travail Assemblée nationale-Sénat sur la crise financière internationale : « Il est nécessaire de revoir la ligne de partage entre autorégulation et régulation et de replacer les États et donc la politique au centre du jeu monétaire et financier international ».
Chacun se souvient également des déclarations du Président de la République sur la nécessité de moraliser et de refonder le capitalisme. Ainsi, en septembre 2008 : « Une certaine idée de la mondialisation s’achève avec la fin d’un capitalisme financier qui avait imposé sa logique à toute l’économie et avait contribué à la pervertir ». Et le Président de la République de conclure : « Alors, ou bien les professionnels se mettent d’accord sur des pratiques acceptables, ou bien nous réglerons le problème par la loi avant la fin de l’année ».
Si nous examinons le chemin parcouru depuis la crise systémique découlant, entre autres, des défauts de paiement sur les subprimes et de la faillite de la banque d’affaires Lehman Brothers, nous ne pouvons que constater que ces déclarations, purement incantatoires, n’ont pas été suivies d’effet.
Malheureusement, avec le projet de loi dit de régulation bancaire et financière qui nous est présenté aujourd'hui, nous sommes bien en deçà de ce qui est nécessaire afin de « réglementer les banques pour réguler le système », selon les propres termes de Nicolas Sarkozy.
Pour sa part, notre groupe considère que les dérèglements des marchés financiers par le développement d’outils et de supports de plus en plus sophistiqués et spécialisés sont l’un des vecteurs essentiels d’une mondialisation qui ne profite qu’à quelques-uns et qui, malgré le développement des échanges et l’émergence de nouvelles puissances économiques, ne permet pas de répondre aux attentes de la majorité de la population.
Les tensions de l’été et de l’automne 2008 nous ont d’ailleurs permis, à la suite de l’intervention massive des États dans le fonctionnement des marchés financiers, de constater une nouvelle forme de crise financière, à savoir une crise obligataire qui a affecté des pays comme l’Espagne ou la Grèce, notamment.
C’est ainsi que nous nous sommes trouvés confrontés au plan de sauvetage de la Grèce, que notre groupe a qualifié de « plan de sauvetage des créanciers de la Grèce », puisque l’argent public mobilisé, notamment en France, pour sauver ce pays de la banqueroute ne l’était que pour permettre aux banques de s’exonérer d’un risque supporté désormais par les États.
Depuis, ce furent deux ans de tensions, deux ans de sommets internationaux, deux ans de négociations.
Portant sur la régulation bancaire et financière, le texte qui nous est présenté aujourd’hui constitue un aboutissement, un point d’orgue, pour des dispositions déjà prises afin de prétendument « moraliser » et « refonder » le capitalisme en stabilisant les marchés.
Le projet de loi comporte deux volets essentiels.
Le premier volet porte sur la régulation des activités de bourse et des activités bancaires. Il s’agit de renforcer le rôle et les prérogatives de l’Autorité des marchés financiers, l’AMF, et de mettre en place les conditions d’un contrôle prudentiel renforcé des activités de banque, d’une part, en transposant une directive européenne et, d’autre part, en mettant en œuvre une partie des recommandations du Comité de Bâle sur les ratios de fonds propres des établissements de crédit.
Le texte comporte également des mesures relatives au financement par les marchés des grandes entreprises inscrites à la cote officielle. Ces mesures, à notre sens, n’apportent pas de modifications substantielles à la situation existante.
Le second volet du texte porte sur le financement de l’économie et organise la privatisation rampante de l’établissement public de crédit aux PME, OSEO, au motif affiché de lui donner une plus grande efficacité dans l’action qu’il mène en direction des entreprises.
De telles mesures, complétées par des opérations sur le crédit foncier et le crédit immobilier, ne permettent pas, en réalité, de tirer de conclusions fondamentales sur le travail accompli par les parlementaires depuis deux ans au regard de la situation, qui est celle d’une crise systémique.
Si ce projet de loi doit constituer un point d’orgue dans la série des textes consacrés à guérir, puis à prévenir les effets de la crise systémique, qu’il me soit permis de dire que nous sommes loin, très loin du compte.
Ainsi en est-il de l’activité des autorités de contrôle. Poussés par les directives communautaires dans des domaines fort divers, les pays de l’Union européenne ont tous été amenés à créer des autorités indépendantes de contrôle pour s’occuper des marchés financiers et pour réguler différents secteurs, l’énergie, les postes et télécommunications ou encore l’audiovisuel.
Ces autorités indépendantes sont conçues, de fait, dès le départ, comme des outils de démembrement de la puissance publique, puisque ce qui relevait de la compétence de l’État, légitimé par le suffrage universel, est confié à un aréopage sans autre légitimité que celle découlant de la désignation de ses membres par des autorités élues.
Chaque autorité indépendante devient de facto une instance de contrôle non démocratique puisqu’elle dicte à la fois la loi et le règlement à l’ensemble des acteurs intervenant dans son champ de compétence.
L’Autorité des marchés financiers n’échappe pas à cette règle. Elle est même dotée d’un impressionnant règlement intérieur qui participe de son intervention autonome.
Nous ne savons pas si les droits et pouvoirs de l’AMF se trouveront renforcés par l’éventuelle adoption de ce texte. Mais, ce que nous savons, c’est que le renforcement du rôle de l’autorité de contrôle n’a pas conduit l’Autorité des marchés financiers à intervenir dans une affaire de présumés délits d’initié comme celle d’EADS. Fixer un cadre aux sanctions susceptibles d’être prononcées par une autorité indépendante alors que de telles sanctions n’ont pas été prises dans cette affaire, bien qu’elles aient paru évidentes, prouve qu’il ne faut accorder qu’une confiance limitée aux prérogatives de telles structures.
Je ferai quelques observations sur les ratios de Bâle III, éléments importants du premier volet de ce texte.
La crise systémique a montré la nécessité qu’il y avait pour nos banques d’être en situation de disposer de fonds propres afin de faire face aux risques, d’autant que la diversification des implantations des banques et des entreprises d’investissement de notre pays est suffisamment large pour susciter des facteurs de risque.
Le renforcement des fonds propres, déjà éprouvé avec les récents stress tests que les banques françaises auraient passés avec succès, est sans doute une nécessité, mais il présente un caractère contradictoire. En effet, rien n’empêche nos établissements de crédit de répondre aux recommandations du Comité de Bâle en réservant leurs crédits aux entreprises comme aux particuliers les plus solvables et en relevant leurs marges commerciales.
Pour ne donner qu’un exemple hexagonal, n’oublions pas que les banques, depuis la banalisation du livret A, disposent d’un instrument financier rémunéré à moins de 2 points, alors qu’elles ont besoin d’instruments de refinancement à un taux deux fois plus élevé. N’oublions pas non plus que l’ouverture à la concurrence leur a rapporté 4, 2 milliards d’euros tirés de l’épargne populaire. C’est autant d’argent qui manque aujourd'hui pour loger les sans-abri et les mal-logés.
Nous avons une proposition pour répondre aux exigences du Comité de Bâle : que l’État, par son intervention directe ou par celle d’un établissement spécialisé, acquière une partie du capital de nos grandes banques et imprime de nouvelles orientations dans l’attribution des crédits aux particuliers comme aux entreprises, en favorisant les crédits consacrés au développement réel de l’emploi et de la production ainsi qu’à la satisfaction effective des besoins des ménages, par exemple le logement.
Venons-en à la question du passeport européen et à sa diffusion auprès des entreprises d’investissement qui en feraient la demande.
Ce débat, évidemment, nous ramène à celui que nous venons d’avoir sur les enjeux des conventions fiscales concernant trois de nos voisins, la Suisse, la Belgique et le Luxembourg.
La France, par la voix de son Président de la République, s’enorgueillit d’avoir fait valoir au niveau international la nécessité de lutter contre les paradis fiscaux. Le fameux « listage » des territoires non coopératifs, tel qu’il résulte des initiatives prises depuis deux ans, tendra, dans les faits, à estomper de plus en plus les pratiques délictuelles en les parant de l’apparence de la légalité. Car là est bien l’enjeu !
Nous ne croyons pas même l’espace d’un instant que les efforts de moralisation du capitalisme feront disparaître comme par enchantement les produits dérivés, les ventes de gré à gré, les ventes à découvert ou la titrisation. Ces véhicules de l’industrie financière créent trop de richesses, même artificiellement, pour disparaître.
Au demeurant, lorsque la proposition de loi instituant la fiducie a été votée au Sénat, inspirée en cela des trusts ou des sociétés de patrimoine familial de la législation luxembourgeoise, on a bien donné le vernis de la légalité à une pratique qui aurait pu procéder du délit, en d’autres temps…
Je ne crois pas que l’évasion fiscale soit meilleure quand elle est pratiquée en France sur des supports fournis par le droit français. C’est toujours de l’évasion fiscale, c'est-à-dire un procédé qui permet à quelques contribuables, particuliers ou entreprises, de se délester légalement de leurs obligations à l’égard de la société.
Ce gouvernement s’est d’ailleurs fait une spécialité de donner le vernis de la légalité à des activités délictuelles. N’a-t-on pas opportunément, au printemps dernier, fait adopter la loi relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, qui a rendu légale et visible l’offre de jeux d’opérateurs privés jusqu’ici situés dans le non-droit ?
Cette ouverture du marché s’est faite au bénéfice de quelques opérateurs hier illégaux et devenus aujourd'hui légaux. L’autorité de régulation s’attache désormais à défendre les intérêts de ces derniers en faisant la chasse à quelques sites illégaux qui tentent de contourner les règles.
Je crains qu’il n’en aille de même avec le passeport européen.
Je doute que l’on finisse par interdire à certains opérateurs financiers, investis dans le produit risqué ou très risqué, dans le produit dérivé, d’agir sur les places financières européennes, à commencer par la France. En effet, ces pratiques sont la spécificité de l’industrie financière britannique, luxembourgeoise et, en partie aussi, française.
Par ailleurs, les velléités de certains pays désireux d’interdire de telles pratiques se heurteront, selon moi, très rapidement à des fins de non-recevoir de la part de la Commission de Bruxelles, attachée aux principes de libre circulation des capitaux.
Quand on pense que la taxe sur les transactions financières, proposée par le Président de la République, a été purement et simplement balayée du revers de la main par le président de la Commission européenne, M. José Manuel Barroso, prétextant la perte de compétitivité de l’économie européenne et des problèmes de caractère technique, on voit que beaucoup de chemin reste à faire ! À moins que le discours présidentiel n’ait été qu’une affaire de posture…
Enfin, sur le financement des entreprises, plutôt que de renforcer OSEO en lui donnant le statut de société anonyme, c’est-à-dire en laissant la porte ouverte aux cessions partielles de capital, et de lui permettre de soutenir la comparaison avec la Caisse de dépôts et consignation, ce projet de loi aurait dû mettre l’accent sur la nécessité de la constitution d’un véritable pôle public de financement des PME. Au lieu de quoi, le texte qui nous est soumis conforte dans une logique de concurrence des établissements poursuivant des objectifs proches.
Au cours de ce débat, nous aurons l’occasion de présenter et de défendre des propositions que nous pensons de nature à mettre un terme à la domination des marchés et à rétablir le primat du politique.
Vous l’aurez compris, chers collègues, nous ne voterons pas ce projet de loi, sauf modifications substantielles résultant de l’adoption des amendements que nous avons déposés.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la crise financière provoquée par la faillite de Lehman Brothers et l’effondrement d’American International Group, AIG, est sans doute la plus grave que le monde ait connue depuis les années trente. On sait les dérives – phénomènes spéculatifs, prises de risque excessives, titrisation – qui ont conduit à cet effondrement du système financier.
La crise financière de l’automne 2008 a même été aggravée par le système financier international lui-même, ses dysfonctionnements et ses déséquilibres structurels étant de plus en plus considérables. Elle a d’abord touché la finance, avant de se propager à l’ensemble de l’économie. Le temps où la finance était subordonnée à l’activité économique est bien révolu !
Pour sortir de la crise économique mondiale et renverser ce cycle de défiance, il faut reconstruire la finance et, pour cela, rétablir la confiance entre les acteurs économiques et les marchés financiers, changer les règles qui ont conduit à la catastrophe et retrouver l’ordre normal des choses, c’est-à-dire un ordre où la finance est un outil au service de l’économie.
Tout le monde a pris conscience – et les décisions prises lors des trois sommets du G20, de Washington, Londres et Pittsburgh l’ont montré – de la nécessité de rebâtir un système financier dont l’objectif principal soit le financement de l’économie réelle et la croissance à long terme et non, comme cela a été le cas ces dernières années, la recherche unique de profits immédiats.
Les opinions publiques ont pu avoir le sentiment, encore récemment avec le G20 de Toronto, dont les résultats ont été décevants, que les efforts visant à renforcer la régulation financière et à la coordonner au plan mondial ont rarement dépassé le stade des déclarations d’intention. Il est vrai que, depuis deux ans, nos concitoyens ont plus entendu parler de mesures d’urgence, de sauvetage d’institutions bancaires, de milliards injectés dans l’économie, de plans de relance et de mesures d’accompagnement de sortie de crise que de décisions concrètes en matière de régulation du capitalisme financier.
Pourtant, en même temps qu’ils géraient l’urgence, les grands pays du G20, conscients qu’une réforme structurelle était indispensable pour rétablir la confiance dans les mécanismes de régulation de l’économie mondiale, ont ouvert de vastes chantiers destinés à encadrer le pouvoir de la finance. La liste de ces chantiers ouverts par les gouvernements du G20 est impressionnante : banques, fonds spéculatifs, produits dérivés, agences de notation, règles comptables, paradis fiscaux…
Malgré cela, certains peuvent avoir le sentiment que la mise en œuvre des nouvelles politiques de régulation se fait attendre. Au point que beaucoup ont pu penser, faute de décisions concrètes, que le monde d’hier, la finance d’avant la crise, qui a conduit à cette crise économique, est en train de ressurgir et que la tentation du business as usual a repris le dessus.
Mais aujourd’hui, après le vote en juillet du Dodd-Frank Act aux États-Unis, l’adoption quasi unanime d’une vaste supervision financière européenne par le Parlement européen, le 22 septembre dernier, et la discussion du projet de loi français de régulation bancaire et financière, on peut légitimement affirmer que le renforcement de la régulation financière prend forme, certes laborieusement, mais prend forme.
Comme l’ont indiqué les chefs d’État lors de la réunion du G20 à Londres, en avril 2009, cette réforme structurelle doit concerner en priorité le renforcement des échelons internationaux de supervision, l’extension du champ de cette supervision et le durcissement des normes appliquées.
Le projet de loi français suit cette direction et je ne m’étendrai pas sur ses apports, ni sur les nombreux dispositifs techniques qu’il met en place, M. le rapporteur général les ayant parfaitement décrits et analysés. Au-delà de ces mesures, les enjeux de ce texte sont essentiels, puisqu’il tend à renforcer la supervision des acteurs de marché, dans une période capitale pour la régulation bancaire et financière.
Le projet de loi de régulation bancaire et financière s’inscrit en effet dans le mouvement mondial de réglementation, et il est important que notre pays montre qu’il est prêt à traduire sur le plan national les décisions européennes et mondiales en la matière.
La crise a ainsi mis en évidence la nécessité pour les régulateurs de disposer d’une vision de l’ensemble des risques, plus particulièrement ceux de nature systémique. Elle impose de mettre en place des structures transversales de surveillance aux niveaux national, européen et international, pour améliorer la capacité de prévention et d’évaluation des risques, comme la réactivité des régulateurs, par la mise en place des systèmes d’alerte. Elle implique également que les autorités de régulation des différents secteurs et des États coopèrent et échangent leurs informations.
Les autorités de régulation doivent également réduire le plus possible ce que l’on appelle les « angles morts », afin qu’aucun acteur ou produit financier, notamment les plus complexes et les plus dangereux, n’échappe à la surveillance ni à la réglementation. Cela passe par un renforcement de la transparence et de la traçabilité de ces produits – donc par des informations fiables sur leur nature, les parties et les risques inhérents aux opérations – et l’établissement d’une réglementation proportionnée à ces risques.
Il faut enfin responsabiliser les acteurs, en faisant apparaître et assumer clairement le coût du risque. C’est tout l’enjeu de Bâle III pour les banques : le Comité s’est engagé le 12 septembre dernier sur la voie d’un renforcement de leurs exigences prudentielles, en leur demandant d’augmenter, à terme, leurs fonds propres disponibles et leur ratio de solvabilité.
Si le projet de loi initial du Gouvernement pouvait être en deçà des attentes, nos collègues députés l’ont largement enrichi sur de nombreux aspects. Le texte ainsi renforcé prévoit désormais tout un arsenal de mesures de régulation et de supervision.
Le fonctionnement institutionnel de la régulation est ainsi considérablement amélioré par la création d’un conseil de régulation financière et du risque systémique et par la ratification de l’ordonnance portant création de l’Autorité de contrôle prudentiel qui rendra plus efficace la régulation.
Par ailleurs, le projet de loi étend et approfondit le champ de la réglementation financière en octroyant des pouvoirs d’urgence à l’Autorité des marchés financiers, dont les pouvoirs de sanction sont nettement étendus, en élargissant son champ de compétence aux produits dérivés et aux contrats sur échanges de défaut, les fameux CDS, en renforçant le régime de règlement et de livraison de titres, ou encore en rendant plus transparents les prêts de titres réalisés en période d’assemblée des actionnaires et en aménageant certaines procédures du droit boursier.
Le projet de loi prévoit également la création d’un comité des risques, dans les établissements financiers, et d’un comité des rémunérations, dans les établissements de crédit et les entreprises d’investissement, afin de responsabiliser les acteurs.
Enfin, de nombreux textes communautaires sont ou seront transposés grâce à ce véhicule législatif, notamment en ce qui concerne les collèges de superviseurs et les échanges d’informations entre régulateurs. Le Gouvernement pourra transposer plusieurs directives récentes sur les organismes de placement collectif en valeurs mobilières, les droits des actionnaires ou les établissements de monnaie électronique.
À ce propos, il faut signaler tout particulièrement les dispositions européennes transposées ici sur les agences de notation, agences dont on sait qu’elles ont été l’un des maillons faibles du système financier. Ces dispositions prévoient, notamment, leur agrément et leur contrôle par l’AMF et leur responsabilisation, éléments selon nous essentiels.
Les agences de notation doivent être sévèrement encadrées dans leurs méthodologies, les outils et modèles qu’elles utilisent, les risques qu’elles mesurent – ce que l’on appelle leurs « standards » –, à la façon des professions de comptabilité et d’audit, qui sont encadrées et contrôlées au niveau supranational. Il est indispensable que des institutions qui émettent des avis aussi importants que des comptes soient soumises à des règles aussi exigeantes.
Il faut en effet rappeler que la crise économique commencée en 2008 présente le paradoxe d’avoir débuté au sein d’un des secteurs apparemment les plus régulés de l’économie, le secteur bancaire. Ce constat montre bien les limites des règles normatives, si elles sont contournées ou dépassées par des produits innovants. C’est pourquoi le renforcement des pouvoirs des superviseurs et l’amélioration des mécanismes destinés à garantir la transparence sont nécessaires pour prévenir les crises futures. Le simple ajustement technique des règles actuelles n’est pas suffisant.
La mondialisation financière rend également indispensable l’élargissement du champ de la régulation aux entités et territoires actuellement encore peu ou pas couverts, les fameux « trous noirs » de la finance mondiale que sont les hedge funds ou les paradis fiscaux. Ce point est prioritaire, car toute faille dans le champ d’application de la régulation la rendrait inopérante.
La mise en œuvre du renforcement de la régulation financière est un processus lent et complexe, car elle nécessite la recherche d’accords, au niveau international et européen, de l’ensemble des acteurs et des États. Il faut d’ailleurs saluer les efforts en ce sens du gouvernement français sur la scène internationale. Il faut aussi se réjouir du récent accord sur la supervision financière européenne, dont j’ai parlé tout à l’heure. Malheureusement, cet événement n’a pas trouvé l’écho qu’il mérite auprès du grand public et n’a pas été salué comme il aurait dû l’être, vu son importance, alors que l’action de l’Union européenne est décisive en la matière.
Le renforcement de la régulation passe par la création de structures supplémentaires, l’affectation de moyens en rapport et l’ajustement technique des normes, mais il ne pourra être effectif que si les autorités nationales, européennes et mondiales qui seront chargées de mettre en œuvre la réforme de la régulation sont reconnues comme légitimes afin de pouvoir garantir son efficacité et donc prévenir et traiter les futures crises. Tel est l’enjeu du prochain sommet du G20 à Séoul, en novembre prochain : les chefs d’État et de gouvernement devront montrer leur détermination à poursuivre dans la voie de la régulation du système financier.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe de l’Union centriste considère que ce projet de loi va dans le bon sens et le votera.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP, ainsi que sur le banc des commissions.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, deux ans après la disparition de la banque d’affaires Lehman Brothers, nous devons nous prononcer sur un projet de loi annoncé et attendu, puisqu’il a été présenté en conseil des ministres le 16 décembre 2009.
Après avoir reçu le soutien de la Nation, les banques ont remboursé dans leur quasi-totalité les sommes qui leur avaient été prêtées. Elles ont passé haut la main l’épreuve, pas trop difficile il est vrai, des stress tests et la finalisation de Bâle III a été saluée par un rebond de la bourse. Pendant ce temps-là, bonus, stock options et dividendes sont toujours d’actualité. On serait donc tenté de conclure que rien n’a changé.
Rien ? Pas tout à fait ! L’Union européenne se dote d’institutions de supervision financière ; les G20, surtout celui de Londres, ont entamé la bataille contre les paradis fiscaux, ou ont tout au moins ouvert un chemin en ce sens ; les États-Unis ont adopté, en juillet 2010, la loi Dodd-Frank qui, malgré ses limites, tourne le dos à la période de la dérégulation, quand elle n’amorce pas une franche rupture.
Mais le temps des marchés n’est pas celui de la démocratie, et les marchés, il faut bien le dire, ont repris l’avantage sur la démocratie, sur la puissance publique.
Dans une phase que l’on pourra sans doute qualifier, au regard de l’histoire, de « grand tournant », la vraie question qui se pose est de savoir si nous sommes à la hauteur de la responsabilité qui est la nôtre. Il est permis d’en douter.
On ne peut durablement se réfugier dans l’attente d’accords mondiaux toujours hypothétiques ou de décisions européennes pour s’exonérer ainsi de toute action au niveau national, comme je l’ai dit tout à l’heure au cours de notre débat sur les paradis fiscaux, mais j’y reviendrai.
Si nous refusions d’agir au niveau national, ce serait à coup sûr la meilleure façon de ne pas peser sur les choix européens, comme sur les choix mondiaux. Or l’échelle européenne est bien celle qui est pertinente en la matière.
Nous avons donc, nous, législateurs, l’obligation de prendre nos marques, de réglementer, de réguler et de prévenir, car nous savons que l’État ne pourra plus jouer les pompiers et que les responsables politiques s’exposeront, s’ils n’agissent pas, à la terrible et légitime rancœur des peuples auxquels on demande de payer la crise, sans en avoir tiré toutes les leçons pour l’avenir.
Le texte de la commission ne se situe pas au niveau de responsabilité que nous souhaitons. On prétend renforcer la supervision des acteurs et des marchés financiers tout en soutenant le financement de l’économie, objectif louable, mais les discours ne correspondent pas à la réalité. Le texte assure un service minimum et la confiance dans l’autorégulation des acteurs continue à dominer le paysage.
En commission, le rapporteur général a eu un mot, assez vrai du reste : il a estimé que le texte qui nous arrivait de l’Assemblée nationale était une sorte de DDOEF, autrement dit un projet de loi portant diverses dispositions d’ordre économique et financier.
Je vais m’efforcer de commenter ce projet de loi qui, effectivement, aborde beaucoup de sujets – après tout, pourquoi pas ? –, mais dont nous entamons la discussion à une heure bien extravagante, madame la ministre, pour un texte que vous considérez comme capital.
Voyez à quelle extrémité nous en sommes réduits… Dans cette affaire, le Parlement est à la portion congrue !
Je présenterai tout d’abord les critiques que nous formulons sur le texte de la commission. Puis je proposerai des amendements sur des sujets qui n’ont pas du tout été évoqués, ni par le Gouvernement dans son texte initial, ni par l’Assemblée nationale, ni par la commission.
Peut-on parler d’un « New Deal bancaire », comme le déclare M. Baudouin Prot après les conclusions de Bâle III ? Je rappelle que le même agite encore et toujours la menace d’une raréfaction du crédit à l’économie – la menace habituelle des banques –, tout en oubliant de dire que les engagements pris en 2008 par les banques en contrepartie de l’aide de la Nation n’ont pas été tenus. L’Observatoire de l’épargne réglementée a établi dans son rapport qu’il existe un écart de 4, 2 milliards d’euros entre le total des encours du livret A centralisés dans les banques et le montant des prêts alloués aux PME.
Le groupe de travail de la commission des finances n’a pas vraiment réussi à faire le départ entre ce qui relève de la baisse de la demande des entreprises et ce qui relève de celle de l’offre des banques, qui, je le rappelle, ont bénéficié non seulement du soutien de l’État, mais aussi d’abondantes liquidités ouvertes par la Banque centrale européenne.
Je crois néanmoins que la commission a eu raison de renforcer, sur l’initiative de M. le rapporteur général, le fléchage des sommes non centralisées à la Caisse des dépôts et consignations vers le soutien à l’économie réelle, afin de respecter la loi de modernisation de l’économie votée en août 2008.
S’ensuit toute une série de dispositions concernant l’Autorité des marchés financiers, les agences de notation, les ventes à découvert, le marché carbone. Je les reprends l’une après l’autre.
Le renforcement des pouvoirs de l’AMF ne fait pas débat, il est nécessaire. En revanche, même si M. le rapporteur général a voulu encadrer cette procédure, nous ne pouvons soutenir la démarche, proposée par la commission, qui vise à accorder à l’AMF la faculté de transiger sur des infractions commises par des acteurs de marché.
Les exemples des États-Unis et du Royaume-Uni sont souvent cités pour justifier une telle proposition. Je rappelle cependant que le groupe Goldman Sachs a récemment transigé à hauteur de 7, 5 millions de livres avec l’autorité de régulation financière britannique, la FSA., soit à peine le dixième de ce que cette banque génère chaque jour en chiffre d’affaires !
On ne peut pas à la fois renforcer les pouvoirs de l’AMF en lui conférant plus de moyens pour assurer ses missions – une décision juste – et lui en enlever en introduisant la transaction.
La protection des investisseurs de détail est une autre source d’inquiétude.
Aux États-Unis, une agence vient d’être créée pour assurer cette mission, qui, en France, revient à l’AMF. Toutefois, dans la réalité, l’Autorité de contrôle prudentiel, l’ACP, qui réunit banques et assurances, s’occupe depuis sa création des produits distribués, d’une part, par les banques et, d’autre part, par les assurances. Les deux institutions – AMF et ACP – coopèrent sans doute, mais la mission, confiée à l’AMF, de protection des investisseurs de détail, autrement dit des consommateurs, devrait pouvoir s’exercer quels que soient les circuits de distribution des produits financiers.
Nous sollicitons donc, par un amendement, un rapport dressant le bilan des actions menées en matière de protection des investisseurs de détail et du fonctionnement de cette coopération entre l’AMF et l’ACP.
Au demeurant, il est essentiel que la surveillance englobe l’ensemble des acteurs de marché. Nous ne pouvons laisser sur le côté les conseillers en gestion de patrimoine, comme le fait le texte de la commission après suppression de la référence introduite par les députés.
S’agissant des agences de notation, le texte de la commission revient, là aussi, sur une disposition votée par l’Assemblée nationale. Les députés ont voulu renforcer la responsabilité des agences de notation. Si le Sénat avalise la rédaction de la commission, il enverra un signal néfaste, en méconnaissance de la part de responsabilité qu’ont les agences de notation dans la crise financière et dans son emballement.
Je pense notamment aux notes attribuées aux produits que ces agences sont supposées évaluer et sur lesquelles il faudrait revenir. Les agences ont évalué des produits très sophistiqués comme si elles évaluaient un produit financier transparent !
La déconfiture d’Enron, au début des années deux mille, aurait pu nous éclairer sur ce rôle des agences de notation, rôle que l’on qualifie de procyclique quand on est gentil, mais de très néfaste quand on est simplement lucide…
Certes, ces agences doivent s’enregistrer auprès de l’AMF, et elles l’ont fait. Mais cela ne suffit pas à nous rassurer. Tout dépendra du niveau d’information que l’AMF exigera d’elles et, surtout, du contrôle qui sera exercé.
Le directeur général du FMI signalait tout récemment qu’il ne fallait pas trop écouter les agences de notation. Il est regrettable que le texte de la commission ne comporte pas d’injonctions concernant le développement de l’expertise interne. C’est ce que nous proposerons à travers plusieurs amendements. De la même manière, il nous paraît utile de disposer d’une pluralité d’expertises.
La question des ventes à découvert a beaucoup agité l’Assemblée nationale en juin, dans le contexte précisément de la décision unilatérale allemande. Ce n’est pas un sujet secondaire. Sur le marché de gré à gré, ces ventes à découvert représentent 90 % des transactions et entre 450 000 et 600 000 milliards d’euros à travers le monde.
L’Union européenne souhaite développer des centres de conservation des données, dits « référentiels centraux », ouverts aux autorités de régulation. Mais l’amendement introduit par la commission des finances au titre d’une « locate rule » nous conforte dans notre volonté d’agir au niveau national.
Je l’ai bien examiné, cet amendement et, à y regarder de près, il ne nous satisfait pas entièrement, notamment s’agissant de la date d’entrée en vigueur, le fameux délai de livraison. Je pense surtout à la dernière version, qui, me semble-t-il, fait état, après amendement du Gouvernement, d’une échéance à 2012. Mais je peux me tromper, car ces questions deviennent très complexes…
Tout à fait, monsieur le rapporteur général, et c’est encore plus grave, car, du coup, il n’y a plus de date ! La date est en fait subordonnée à un accord européen dont on ne sait pas quand il interviendra.
Pour notre part, nous voulons que la France négocie avec le mandat d’aboutir au 1er janvier 2011. C’est exigeant. Je l’ai dit, le temps des marchés n’est pas celui de la démocratie : leur laisser du temps, c’est leur permettre de s’organiser et, en général, ils sont très bons pour le faire.
Quant aux produits titrisés, nous nous étonnons, madame la ministre, qu’un arrêté paru au Journal officiel du vendredi 24 septembre transpose une directive de 2009, avec une mise en œuvre au 31 décembre 2010. Pourquoi ne pas avoir inscrit cette transposition dans le présent véhicule législatif ? Le Parlement est, encore une fois, privé de ce débat. C’est regrettable, d’autant que l’arrêté a attendu un mois sur le bureau de je ne sais qui au sein du Gouvernement avant d’être publié !
Outre que je trouve détestable cette attitude à l’égard du Parlement, je m’interroge sur le fait même que l’on transpose des directives de cette importance par simple arrêté ministériel.
Par ailleurs – je change encore de sujet, mais la nature du texte m’y contraint – la commission a repris l’une de nos propositions, contenue dans le rapport de Mme Fabienne Keller, en faisant du marché « carbone », le BlueNext, un marché réglementé.
En revanche, elle n’a pas reconnu le statut juridique de produits financiers aux quotas d’émission de gaz à effet de serre. Nous proposons un amendement qui vient consacrer cette définition, l’objectif étant de mandater le Gouvernement pour défendre ce statut dans les discussions européennes.
Enfin, la commission a amendé l’article 20 du projet de loi, qui introduit un nouveau produit financier dit « obligation à l’habitat ». Conformément aux souhaits du rapporteur général et de la commission, le contrôleur spécifique des sociétés de financement à l’habitat se voit conférer un rôle plus prépondérant.
Toutefois, mes chers collègues, pardonnez-nous de vous le dire, ce nouveau produit, introduit sur l’initiative du Gouvernement, suscite notre méfiance. M. le rapporteur général a lui-même souligné dans un entretien à la presse – vous confirmerez l’exactitude de ma citation, monsieur Marini, mais, a priori, je sais lire les articles des journaux – le « peu de distance entre cet outil et les subprimes ». Nous sommes donc extrêmement réservés sur l’introduction de cette nouvelle obligation.
J’en viens maintenant à ce qui ne figure pas dans le texte de la commission, à savoir les rémunérations, les frais bancaires et les paradis fiscaux.
S’agissant des rémunérations, dès octobre 2008, nous avions dénoncé le véritable pousse-au-crime que constituaient ces mécanismes dans le monde de la finance. Nous n’étions d’ailleurs pas les seuls à le faire, puisque ces critiques émanaient du G24, composé de députés et de sénateurs, réuni avant le premier sommet du G20.
Aujourd’hui, madame la ministre, l’arrêté que vous aviez pris le 3 novembre 2009 est obsolète, puisque l’Union européenne a adopté un « paquet de supervision financière », comprenant une directive dite CRD3. Il s’agit non d’un chemin départemental, comme le sigle pourrait le faire penser, mais d’un texte très important. Nous souhaitons transposer, par la voie législative, les dispositions communautaires et le texte que nous examinons nous permet de le faire.
À chaque fois que nous avons voulu traiter par la loi d’un encadrement nécessaire des rémunérations, nous nous sommes heurtés au veto du Gouvernement, appuyé par sa majorité, au motif qu’il ne faut pas nous affaiblir face aux autres places financières. Pourtant, dans son rapport de 2009, l’AMF, qui est chargée de contrôler l’application du code de bonne conduite de l’Association française des entreprises privées, l’AFEP, et du Mouvement des entreprises de France, le MEDEF, signale que ce code n’est souvent pas respecté.
En outre, madame la ministre, les orientations de la mission de contrôle des rémunérations des professionnels de marché, confiée à Michel Camdessus, nous conforte dans notre volonté d’agir par la voie législative. Plutôt que d’avoir recours, encore une fois, à un arrêté ministériel, nous voulons que la directive puisse être transposée à la fin de l’année 2010.
Ce texte est là, et il est pertinent. Il ne faut donc pas hésiter !
Un rapport a mis en lumière la cherté des services fournis par les banques françaises.
J’entends votre impatience, monsieur le président, mais, si je prends la peine de présenter nos amendements maintenant, c’est parce que je ne le ferai pas plus tard.
Donc, s’agissant de la cherté des services fournis par les banques françaises, dénoncée de longue date par les associations de consommateurs, faut-il rappeler que l’Autorité de la concurrence a sanctionné onze établissements bancaires pour entente illicite en matière de frais prélevés sur le transfert des chèques ? Cela renforce notre volonté, encore une fois, d’introduire un encadrement législatif des frais bancaires.
On ne peut se contenter des conclusions du rapport sur la tarification des services bancaires de Georges Pauget car, une fois encore, le Gouvernement fait confiance à la bonne conduite des banques à l’égard de leurs clients.
En matière de garanties accordées aux dépôts bancaires, l’Union européenne ayant décidé de porter le dépôt de garantie de 70 000 euros à 100 000 euros au 1er janvier 2011, nous demandons que cette évolution soit actée par la loi, sous la forme de l’adoption d’un amendement, et non par un arrêté ministériel. Comme cela, le problème sera réglé !
Je rappelle que la régulation et la supervision financière n’auront de portée pleine et durable que si l’on s’attaque résolument aux paradis fiscaux. La législation américaine de mars 2010, que j’ai évoquée tout à l’heure, nous montre la voie.
Nous défendrons donc des amendements répondant au principe de transparence et de contrôle. Je veux parler de la transparence de la part des établissements bancaires et financiers lorsqu’ils contractent avec l’État – si la région d’Île-de-France et de nombreuses régions à sa suite l’ont fait, l’État peut le faire – et de la transparence des acteurs financiers étrangers, qui ont l’obligation d’échanger leurs informations avec notre administration fiscale dès lors qu’ils souhaitent opérer en France.
Enfin, nous renforcerons le contrôle du Parlement sur le résultat des opérations menées par l’administration fiscale, pour vérifier l’application des dispositions votées dans la loi de finances rectificative pour 2009.
Nous souhaiterions que la loi soit le véhicule de toutes ces dispositions qui, de toute façon, devront être prises à un moment ou à un autre si l’on veut vraiment s’attaquer aux effets de la crise financière, tout en s’assurant, pour l’avenir, qu’une nouvelle bulle n’en chassera pas une autre.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, rappelons-nous : c’était il y a tout juste deux ans, le 15 septembre 2008, Lehman Brothers faisait faillite.
Le capitalisme financier était ébranlé. Tous les dogmes sur lesquels le néolibéralisme avait prospéré, efficience des marchés et capacité à s’autoréguler, apparaissaient soudain comme des mythes. Or ces mythes avaient conduit à la déréglementation dans le monde anglo-saxon depuis l’élection de Mme Thatcher et M. Reagan, mais aussi en Europe et en France, par l’Acte unique et ses trois cents directives.
Rappelons-nous aussi les propos tenus à Toulon, le 25 septembre 2008, par M. Sarkozy : il faut moraliser le capitalisme, tordre le cou au capitalisme financier pour sauver le capitalisme lui-même, celui des entrepreneurs, acteurs de l’économie réelle. Et tout le monde de louer sa réactivité lorsque, après s’être envolé pour Washington, M. Sarkozy réussit à convaincre M. Bush de créer le G20.
Le contribuable est appelé à la rescousse et les plans de refinancement et de relance se succèdent. Le Parlement approuve. C’est le grand retour des États. De fait, la liquidité bancaire a pu être préservée. Mais cela a un prix : la substitution d’un endettement public gigantesque à l’endettement privé.
M. Marini nous rapporte que les régimes d’aide au secteur financier ont été approuvés à hauteur de 4 131 milliards d’euros par la Commission européenne. Adieu Maastricht ! À l’heure du sauve-qui-peut, l’urgence commandait. C’était l’an dernier.
Aujourd’hui, une timide reprise s’esquisse.
Après les mâles résolutions du sommet de Londres, en 2009, le sommet de Toronto, un an plus tard, est un fiasco. Vous ne parvenez pas à imposer une taxe spécifique au secteur financier.
Les bonnes résolutions s’évanouissent, le capitalisme financier repart comme avant. Les bonus s’envolent, le taux de profitabilité des banques n’a jamais été aussi élevé dans la zone euro qu’en 2009, aussi curieux que cela puisse paraître, et ce dans l’indifférence au coût réel de la crise. Ce sont cette fois les marchés financiers qui prennent en otages les États, en jouant sur les écarts de dette.
Et voilà que vous nous saisissez de ce projet de loi de régulation bancaire et financière.
Tout ce qui améliore la régulation de l’économie, après vingt-cinq ans de déréglementation à tout va, est bienvenu. Mais le renforcement de la régulation que le Gouvernement propose au Parlement d’adopter est-il en mesure d’enrayer de nouvelles crises ?
Voilà la question, madame la ministre.
Ce n’est pas s’avancer beaucoup que de le prédire, les mesures de régulation que vous proposez, tout comme les dispositions issues de Bâle III, échoueront comme celles de Bâle II à prévenir les crises financières, et ce pour une raison très simple : vous vous contentez d’agir à la marge du système, sans en altérer les fondements.
Qu’on en juge.
Les mesures de régulation annoncées à grand fracas l’an dernier se révèlent, à l’examen, dérisoires. La montagne a bien accouché d’une souris !
C’est ainsi que la restriction des ventes à découvert se résume au raccourcissement de trois à deux jours du délai de livraison des titres. De même, le seuil de déclenchement des OPA est abaissé de 33 % à 30 % - la belle affaire, c’est l’usage dans tous les pays européens -, alors que l’on attendait au moins 25 % et que M. Beffa, devant la délégation sénatoriale à la prospective présidée par M. Joël Bourdin, préconisait un seuil de 20 % pour éviter les prises de contrôles rampantes.
Les projets d’interdiction des dérivés de crédit sur dettes publiques se bornent à une simple extension aux crédits dérivés des délits d’initiés et de manipulation des cours. C’est dérisoire ! Quant aux pouvoirs de sanction accordés à l’Autorité des marchés financiers, ils s’exerceront par définition quand il sera trop tard.
M. Jouyet, président de l’AMF, a d’ailleurs avoué devant la commission des finances qu’il n’avait pas les moyens de suivre en temps réel toutes les transactions : il demande des investissements technologiques. Cela n’a pas de sens si l’on considère que l’on peut donner deux cents instructions à la seconde sur un même titre, avec une durée de validité de 25 microsecondes pour chaque ordre passé, 95 % à 99 % de ces ordres n’étant pas exécutés !
Pourquoi ne pas réglementer pour limiter l’exercice de ces activités proliférantes ? Madame la ministre de l’économie, vous avez répondu à M. de Montesquiou, en commission des finances, que « ces étranges animaux » que sont les CDS et les ventes à découvert ne sont pas en voie de disparition. Et vous vous interrogiez de manière significative : « La créativité financière est-elle un mal en soi ? ». C’est là toute l’ambigüité de votre position qui ne peut que favoriser la pression des lobbys financiers.
Il n’y a rien de sérieux sur les hedge funds et les paradis fiscaux. Le système bancaire sous-marin, le shadow banking system, a de beaux jours devant lui ! Toutes les propositions un peu fortes ont été rognées, rabotées, édulcorées. Le crédit restera détourné de sa fonction première de financement de l’économie réelle au profit des actifs financiers et patrimoniaux.
M. Jouyet, toujours devant la commission des finances, s’est interrogé sur la capacité du marché axé sur le court terme à financer les besoins à long terme dans les secteurs de l’énergie, de l’environnement, de l’éducation, de l’alimentaire, bases de la future croissance. Ce ne sont pas les quelques mesurettes concernant OSEO, sans doute justifiées, ni les admonestations louables de M. Marini concernant la séquestration dans les bilans bancaires de plus de 4 milliards d’euros de fonds collectés au titre du livret A, qui mettront un terme à des pratiques déresponsabilisantes comme la titrisation, à l’origine de la crise des subprimes.
Au contraire, les mesures édictées par Bâle III conduiront à l’accentuation de ces transferts de risque. D’ailleurs M. Mario Draghi, président du nouveau conseil de stabilité financière, a appelé en mars dernier à une relance de la titrisation. J’ai même entendu le Président de la République dire que, après tout, la titrisation était bien nécessaire.
Le guichet de la subvention réglementaire aux activités de marché reste donc ouvert, les pondérations étant différentes selon qu’elles s’appliquent aux prêts des banques aux entreprises ou aux titres à l’actif des banques. Le résultat mécanique de cette différence de traitement sera évidemment d’encourager la titrisation.
En plus, Bâle III ne s’appliquera qu’à l’horizon 2019. D’ici là, nous avons le temps de connaître plusieurs nouvelles crises financières.
Le triplement des réserves de capitaux que les banques devront constituer pour se prémunir contre des pertes éventuelles risque d’être encore insuffisant, tant il est vrai, comme le déclare un éditorialiste du Financial Times, que « le fait de tripler presque rien ne change pas grand-chose au résultat » !
Les règles dites « Volker », qui vont dans le bon sens et qui n’ont été traduites que de manière édulcorée par la loi Dodd-Frank aux États-Unis, n’ont pas vraiment inspiré les timides essais de régulation initiés de ce côté de l’Atlantique. M. Mario Draghi a déclaré lundi à Paris que les mesures de Bâle III « ne sont pas suffisantes pour gérer le hasard moral porté par les plus importantes institutions financières systémiques ».
Voilà que nos superviseurs sont bien empêtrés dans leurs contradictions. M. Draghi insiste en effet sur la durée de la transition, jusqu’à 2019, pour « ne pas handicaper la reprise ». Ces contradictions ne font que traduire l’hésitation à s’attaquer aux problèmes de fond, en séparant les activités commerciales des activités de salles de marchés et en encadrant plus fortement la titrisation et les produits dérivés.
M. Jouyet a reconnu l’avance des États-Unis dans le domaine de l’organisation des marchés dérivés et les infrastructures de marché.
La source systémique des crises demeure, madame la ministre. Certes, l’émergence du concept de « risque systémique » peut permettre un retour, dans les politiques publiques, aux problématiques macro-économiques jusqu’ici négligées au bénéfice d’une simple régulation des acteurs.
Sachant que le comité européen du risque systémique verra ses prérogatives limitées à un simple pouvoir de recommandation, on voit bien que c’est peu de chose au regard d’un gouvernement économique de la zone euro dont l’absence ne saurait être palliée par des sanctions automatiques en cas de déficit budgétaire.
Vous vous êtes opposée à ces propositions d’automatismes avancées par l’Allemagne et relayées par M. Trichet. Je vous approuve, car c’est la négation même de l’appréciation politique.
La source systémique des crises repose en fait sur les déséquilibres macro-économiques qui n’ont pas été corrigés : stagnation des salaires favorisant l’endettement, envol de la dette privée grâce à des politiques monétaires laxistes, gonflement des déficits et de la dette publics, creusement des déficits commerciaux américains, désordre monétaire international.
Les réponses apportées ne sont pas à la hauteur.
Les États-Unis peuvent chercher à la fois à restaurer leur taux d’épargne et à diminuer leur déficit commercial, y compris en agitant la menace de mesures protectionnistes. Nous y sommes !
La Chine déclare vouloir augmenter sa demande intérieure, mais se refuse à toute réévaluation substantielle du yuan : 2 % seulement depuis l’annonce faite en juin dernier par les autorités chinoises !
L’Europe est incapable de mettre en œuvre une stratégie de croissance coordonnée et de prendre ainsi sa part de la résorption des déséquilibres mondiaux.
L’Allemagne, comme la Chine, exerce par ses excédents une pression déflationniste sur la conjoncture mondiale et européenne. À son instigation, les institutions européennes, Commission, Banque centrale au premier chef, couvrent la mise en route de plans d’austérité dans tous les pays membres, au prétexte d’une dette publique qui, comparée à celle des autres, États-Unis et Japon, est loin d’être la plus lourde.
La crise de l’euro était prévisible, étant donné l’hétérogénéité économique de la zone euro en l’absence d’un gouvernement économique harmonisant l’ensemble des politiques.
Les marchés financiers jouent sur les écarts de taux et la crise qui affectait hier la Grèce se polarisera demain sur d’autres pays, qui verront la spéculation fondre sur eux.
Le mécanisme européen de stabilisation financière est très imparfait : l’Allemagne et la France emprunteront séparément, et l’on peut déjà imaginer le creusement des écarts de taux entre pays emprunteurs...
Tout montre que, dans le grand désordre des monnaies, l’euro est la variable d’ajustement.
La Chine ne veut pas réévaluer son yuan. Les États-Unis laissent filer le dollar. C’est la politique du benign neglect. L’euro monte. Il a retrouvé, avec 1, 36 dollar, sa parité d’avant la crise grecque.
On nous assurait, il y a trois mois, que celle-ci avait eu du bon, en rapprochant l’euro de son cours initial. La réalité se présente aujourd’hui tout autrement : l’euro est poussé vers le haut par la faiblesse du dollar. Les difficultés de l’économie américaine et les rivalités entre la Chine et les États-Unis ne laissent nullement augurer une amélioration à moyen et long terme.
Avec un euro à 1, 50 dollar, voire davantage, c’est toute la zone euro qui sera asphyxiée, sauf peut-être, provisoirement, l’Allemagne. Mais c’est l’euro lui-même qui risque d’être emporté par l’exaspération des contradictions qui se manifestent en son sein.
L’intérêt de la France est de ne pas se laisser asphyxier par un euro trop cher, madame la ministre. C’est la zone euro tout entière qui doit être défendue. Autrement, c’est l’effet domino !
Ainsi la crise rebondit-elle constamment. Les certitudes se défont, à peine formulées. Hier, on saluait l’action des États. Aujourd’hui, la solution semble devenue problème. Hier, on vantait les vertus protectrices de l’euro. Aujourd’hui, celui-ci est devenu casse-tête.
Je ne comprends pas pourquoi, soit dit en passant, notre commission des finances propose de supprimer des demandes de rapport introduites par l’Assemblée nationale, au prétexte qu’elles lui paraissent « peu utiles », comme on peut le lire en page 53 du rapport de M. Marini.
Ce sont des sujets pourtant bien intéressants, monsieur le rapporteur général : la possibilité d’interdire les ventes de CDS portant sur des dettes souveraines dans la zone euro, ou encore la possibilité d’interdire les ventes à découvert par les filiales de fonds spéculatifs situées à l’étranger, ou enfin la possibilité de répercuter le coût de la crise sur les banques.
Ces rapports pourraient ne pas être inutiles s’il y avait une volonté politique, celle de mettre de gros grains de sable - par exemple, la taxation des mouvements financiers sur le marché des devises - dans les rouages d’un capitalisme financier devenu spéculatif.
Mais cette volonté de fermer l’économie casino n’existe pas !
Madame la ministre, il faut demander des « plans pilotes » à nos banques en cas de faillite rapide et de nationalisations, temporaires ou non – on ne sait pas de quoi l’avenir sera fait -, comme le fait le Royaume-Uni. La loi américaine inclut également ces plans dans la loi. Selon mes informations, la Commission européenne voudrait avancer sur ce sujet, mais la France s’y oppose. J’aimerais que vous confirmiez ou infirmiez cette information.
Une seule chose est sûre : les mesurettes que vous nous proposez ne nous permettront pas de dépasser l’horizon lourd de nuages d’un capitalisme financier qui se débat et se débattra encore longtemps comme un forcené pour ne pas mourir. Il est temps de le redire, les marchés financiers ne constituent pas l’horizon de l’humanité. Ce sont les peuples et les nations qui, en dernier ressort, écrivent l’histoire.
On attend de la France, qui présidera la G8 et le G20 cet automne, qu’elle fasse des propositions qui, concertées avec l’administration américaine – les autres ne sont pas d’accord - permettront aux États et donc à la démocratie de remettre au pas une finance aveugle par des mesures de régulation efficaces.
Par ailleurs, la réforme du système monétaire international doit enfin être mise à l’ordre du jour. Nous comptons sur vous pour le faire. L’intervention des États, si nécessaire soit-elle, n’y suffira d’ailleurs pas si elle n’est pas éclairée par la vision d’un autre modèle de développement et, pour tout dire, d’un autre modèle de société.
Applaudissements sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, tirer les leçons de la crise financière, deux ans après son déclenchement, est un devoir pour les responsables politiques que nous sommes.
Tous les intervenants ont évoqué cette crise. Pour ma part, je me permettrai de renvoyer, pour l’historique, le constat et les considérations générales, à l’excellent rapport écrit de M. Marini, lequel a contribué à enrichir le texte issu de l’important travail du Gouvernement.
Nous sommes donc en présence d’un projet de loi qui, après son passage à l'Assemblée nationale, apporte un certain nombre d’éléments positifs. Ceux-ci me paraissent, contrairement à ce que mon prédécesseur vient d’affirmer, intéressants pour réformer notre système.
J’ai un regret, que je tiens à exprimer d’emblée : deux chantiers sont restés ouverts, et il faudra tout de même essayer de les relancer.
Le premier, c’est celui de la gouvernance économique et politique de la zone euro : nous nous sommes aperçus que, malgré tous nos efforts, nous n’allions ni très loin ni très vite dans ce domaine.
Le second, c’est celui de la stabilité du système monétaire international. Moi qui ai signé – il y a fort longtemps ! – les accords de la Jamaïque, qui consacraient le flottement des monnaies, je suis inquiet de constater aujourd’hui que les mouvements combinés du yen, du yuan, du dollar, de la livre sterling et d’autres monnaies risquent de créer des problèmes de plus en plus graves et par conséquent de faire réapparaître des risques systémiques importants.
Cela étant, ce texte nous paraît très abouti, et c’est pourquoi le groupe UMP le votera d’un seul cœur. Je me permettrai maintenant d’insister sur quatre points qui me paraissent importants.
Premièrement, la commission a décidé d’encadrer et de réguler le marché des quotas d’émission de gaz à effet de serre. Cette initiative est excellente, car ce marché est amené à prendre une importance considérable. Nous nous accordons tous sur ce point, me semble-t-il. L’assimilation des quotas d’émission de CO2 à des instruments financiers, en leur donnant une qualification juridique, est un progrès. Cette avancée pourrait permettre d’orienter l’Union européenne dans ce sens, comme l’a indiqué il y a quelques jours le commissaire européen Michel Barnier.
Deuxièmement, sur la base, précisément, d’un rapport de M. Barnier, a été introduite l’interdiction de certaines pratiques à risques, telles que les ventes à découvert à nu de produits dérivés. L’introduction de cette disposition a provoqué quelques tensions entre le Gouvernement, l'Assemblée nationale et le Sénat. Certains estiment qu’il faudrait supprimer la notion même de produits dérivés.
Mais la France n’est plus une île, et nous sommes confrontés à des marchés financiers mondiaux, dans lesquels les décisions des Chinois, des Coréens ou des Indiens sont aussi importantes que celles que nous prenons ici.
Notre position est certes un peu en retrait par rapport à ce qu’ont décidé les Allemands, mais elle est conforme aux propositions du commissaire européen aux services financiers. En effet, le texte tend à prévoir non pas l’interdiction, mais la limitation des ventes à découvert à nu par des règles locales. Ces dernières autorisent ces opérations dans la mesure où le vendeur dispose du titre à vendre ou à livrer, mais aussi s’il présente des garanties de pouvoir le faire : cette précision apporte une correction importante à des mécanismes qui furent, avant la crise, quelque peu erratiques.
Troisièmement – j’aurais dû commencer par là ! –, un conseil de régulation financière et du risque systémique sera créé et de nouveaux pouvoirs seront octroyés à l’Autorité des marchés financiers. Ces mesures sont très importantes, car notre pays souffre d’un cloisonnement généralisé des autorités et du fait que chacun s’occupe dans son coin de ses petits problèmes. Disposer d’une autorité qui couvre la totalité des opérations sur les marchés financiers – banque et assurance – me paraît très positif, surtout dans le cadre de la mondialisation.
J’ajoute que l’Autorité des marchés financiers prévoit un encadrement de la rémunération des opérateurs sur les marchés, ceux que les Anglais appellent les traders, et rend obligatoire la mise en place d’un comité des risques et d’un comité des rémunérations dans chaque entreprise, afin de clarifier leur rémunération. C’est un réel progrès : pouvoir mettre en balance les niveaux de rémunération et l’activité permettra naturellement d’arriver à des résultats plus satisfaisants.
Enfin, quatrièmement, la question de la supervision des agences de notation est celle qui suscite le plus grand débat. Je ne fais pas partie de ceux qui s’offusquent de l’existence de ces agences. En tant que gestionnaire de collectivités locales, j’ai passé vingt ans à travailler avec elles. J’estime qu’il est bon, pour des autorités politiques, de pouvoir s’appuyer sur un examen approfondi des comptes, des résultats et des perspectives, effectué de manière systématique et sur la durée.
Évidemment, certaines opérations ont été un peu sanglantes, notamment dans l’affaire grecque. Par conséquent, accroître le contrôle de ces agences, comme cela avait déjà été envisagé en 2004, me paraît important. La crise n’a d’ailleurs fait qu’accélérer l’orientation vers un processus de contrôle amélioré, qui s’est concrétisée, au niveau communautaire, par l’adoption en septembre 2009 d’un règlement, et, au niveau français, par ce projet de loi.
M. le rapporteur général nous a fait part de certaines difficultés. Nous les avons évoquées en commission en votre présence, madame la ministre. Il a fallu trouver un compromis entre la position initiale du Gouvernement, celle de l'Assemblée nationale et ce que nous avions décidé.
Les agences auront l’obligation de publier un rapport de transparence annuel. Elles devront rendre publics les éléments et les méthodes sur lesquels elles fondent leur notation et fournir au Comité européen des régulateurs des marchés de valeurs mobilières les données relatives à leurs performances passées, lesquelles seront également rendues publiques. Cette surveillance, confiée en France à l’AMF par le présent projet de loi, est un élément positif.
Enfin, sur le point de savoir s’il pouvait exister des clauses contractuelles de dégagement de responsabilité, nous avons tranché.
Nous devons accepter, me semble-t-il, le rôle de ces agences. Au-delà de la transparence, il faut simplement mettre en place un système qui empêche la publication des avis de ces agences quelques heures avant la clôture des marchés boursiers européens, américains ou japonais, afin d’éviter des effondrements de cours. Je sais très bien que certains opérateurs des marchés financiers n’y sont pas favorables, car le système actuel leur permet de réaliser des plus-values tout à fait intéressantes… C’est sur ce point qu’il faudra bien contrôler les agences de notation.
Le groupe UMP se réjouit que la commission des finances du Sénat ait trouvé une position d’équilibre en réintroduisant la possibilité de clauses non pas exonératoires, mais limitatives de responsabilité. Cette disposition, qui est conforme à la réglementation européenne, va dans le bon sens.
Le projet de loi contient par ailleurs plusieurs dispositifs, que je ne vais pas détailler ici, visant à conforter et à sécuriser le financement des entreprises, notamment des PME. Je pense particulièrement aux mesures concernant OSEO.
Madame la ministre, vous avez pu mettre en évidence les aspérités de ce texte en discutant avec vos homologues européens, malgré les difficultés rencontrées avec la Grande-Bretagne et, surtout, les États-Unis.
Il est de bon ton en France, où nous sommes toujours atteints de sinistrose, de dire que les Américains sont allés beaucoup plus loin que nous et que nous nous contentons de mesurettes. Tel n’est pas mon avis. Nous voterons donc sans amertume ni regret ce texte tout à fait important.
Je vous fais confiance, madame la ministre, pour essayer de relancer, dans le cadre du G8 et du G20, le chantier de l’équilibre du système monétaire international, lequel est bien maltraité. Sur le plan européen, nous ne devons pas nous contenter de défendre l’euro, mais faire de cette monnaie l’arme efficace d’un gouvernement économique, qui nous fait aujourd'hui défaut.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – M. Jean-Pierre Chevènement applaudit également.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voilà deux ans, le 25 septembre 2008, le Président de la République dressait, dans son discours de Toulon, un réquisitoire implacable contre les dérives insensées du capitalisme : il fallait, nous expliquait-il, « moraliser le capitalisme financier ». Il s’engageait à agir en urgence, en déclarant : « Le Gouvernement de la République réglera le problème par la loi avant la fin de l’année. »
Deux années se sont écoulées, et le projet de loi qui nous est aujourd’hui soumis ne paraît nullement correspondre à la vigueur de cet engagement, comme en témoignent son contenu, bien trop modeste à nos yeux, et le faible degré d’urgence de son examen par le Parlement.
Dans ces conditions, nous sommes en droit de nous interroger : l’état d’esprit général aurait-il changé au cours de ces deux années ? Aux yeux de certains, le capitalisme financier serait-il à nouveau redevenu acceptable, sinon plus respectable ? Plusieurs indices conduisent à le penser.
Pour s’en convaincre, il suffit de se reporter à une chronique du journal Le Figaro du 21 septembre dernier. Que nous y explique-t-on en effet avec aplomb ? Selon le chroniqueur, « le capitalisme va bien », et « non seulement [il] ne s’est jamais aussi bien porté, mais les États sont aujourd’hui des victimes consentantes de cette crise ». Et d’interroger doctement, avec une belle et ostensible assurance retrouvée : « Pourquoi le capitalisme est-il autorisé à crier victoire, alors qu’il y a deux ans, on l’enterrait sans fleurs ni couronnes ? » Eh bien, mes chers collègues, la réponse apportée par l’apologiste du Figaro à sa question laisse sans voix : si le capitalisme peut crier victoire, c’est parce que « jamais on n’a dépensé tant d’argent public (plus de 5 000 milliards de dollars en dix-huit mois) pour venir à son secours ». Devant cette ahurissante analyse, on se demande s’il faut parler de cynisme, d’arrogance ou de provocation calculée !
Le rapport de M. Marini est, lui, empreint de réalisme. La question est néanmoins de savoir si les préconisations régulatrices du projet de loi sont à la hauteur des enjeux. On voit en effet aujourd’hui où les excès des marchés financiers nous ont conduits : les dégâts sont considérables ! Sachant que les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets, il est essentiel, si l’on veut éviter d’autres catastrophes financières du même type, de prévoir des mesures législatives qui ciblent réellement les véritables causes de la dérive financière constatée. C’était là l’objet des nombreux amendements que nous avions présentés en commission.
Certains observateurs se sont accommodés de l’idée que la désignation de boucs émissaires suffirait à dédouaner toute la sphère financière de sa part de responsabilité dans la crise. À cet égard, que n’a-t-on entendu au sujet des agences de notation ! Certes, elles n’ont pas fait preuve d’habileté dans la gestion temporelle de la communication financière sur les firmes et les États.
Doit-on, pour autant, considérer que le thermomètre est responsable de la fièvre intense du malade ? Non, bien évidemment ! À mon sens, ce qui explique la fièvre de cheval du capitalisme financier, c’est bien moins les dérèglements des mécanismes de marché ou les manquements de telle ou telle catégorie d’acteurs que la dérive généralisée des comportements et de la hiérarchie des valeurs et des objectifs prévalant au sein de la sphère financière occidentale. « Une rentabilisation maximale à très faible risque pour soi au prix d’une maximisation du risque pour les autres » : tel semble être aujourd’hui le précepte majeur véhiculé par la socio-culture financière occidentale.
Devant ce constat, monsieur le rapporteur général, on peut s’accorder sur la nécessité d’un retour à la norme guidé par trois principes : transversalité, transparence, responsabilité. Nous vous suivons sur ce point.
Cependant, à nos yeux, le principe de responsabilité doit véritablement être la clé de voûte de tout le dispositif. Il doit conduire tout à la fois à une indispensable clarification de la mission des firmes bancaires et financières, à une approche plus collective et intégrée de la gestion du risque et à une plus juste perception de la place des profits et des rémunérations. À ce sujet, d’ailleurs, on ne peut qu’être inquiet de constater que les rémunérations des traders ou des administrateurs de sociétés s’envolent de plus belle depuis 2009.
Le projet de loi qui nous est soumis répond à l’idée qu’il faut s’efforcer de faire face et donner une suite à un diagnostic largement partagé. Dans le monde, les multiples déclarations des autorités publiques et les engagements du G20 témoignent qu’un processus lourd de régulation est souhaité, sinon enclenché.
Ce processus conduira-t-il à faire émerger un ensemble de garde-fous suffisamment robustes et à modifier durablement les comportements des acteurs de la finance ? C’est là toute la question ! Il en va en effet de l’addiction à la spéculation financière comme de l’addiction aux casinos : la fièvre du gain et des bonus gagne les esprits de façon aussi foudroyante que la fièvre du jeu. Si aucune mesure de dissuasion sérieuse n’empêche un joueur invétéré d’entrer au casino, il retourne très rapidement à ses vieilles habitudes…
Dans ce contexte, on ne peut que se féliciter du courage et de la détermination à agir du président Obama, qui cet été a doté les États-Unis d’une nouvelle réglementation contraignante, après une lutte sévère contre les lobbies très organisés de la banque et de la finance. Il est remarquable que les États-Unis aient décidé de remettre en cause l’architecture même de la fonction financière sous tous ses aspects. En ce sens, c’est une véritable réforme structurelle qui est en train de voir le jour.
Quant à l’Union européenne, elle a abordé les problèmes au travers d’approches parcellaires, dans la mesure où il est très vite apparu impossible d’élaborer un consensus sur une architecture nouvelle.
On peut regretter que la réforme institutionnelle des autorités européennes n’ait malheureusement pas transféré de compétences d’intervention à l’échelon européen. Cela étant, on peut se féliciter de l’adoption récente par le Parlement européen du paquet « supervision financière ». Ces textes instaurent trois autorités de supervision et un Comité européen du risque systémique. Ces progrès sont sans nul doute importants, mais pas encore à la hauteur des promesses faites en 2009, à l’occasion des sommets du G20.
On ne peut que regretter, et le rapport le souligne bien, que certains projets de régulation cristallisent en Europe des différences de philosophies, de traditions juridiques, de stratégies politiques ou d’approches économiques entre États membres. Je citerai à cet égard l’exemple du projet de directive sur les gérants de fonds alternatifs, dont l’adoption a été plusieurs fois reportée.
C’est donc dans ce contexte européen un peu flottant que s’inscrit le projet de loi de régulation bancaire et financière aujourd’hui soumis au Sénat. Si les dispositions présentées sont certes utiles, elles résultent, pour beaucoup d’entre elles, de la déclinaison ou de la transposition en droit français de réglementations européennes, telles que, par exemple, la directive du 16 septembre 2009 relative à la réglementation bancaire. Cependant, reste à nos yeux posée la question de l’entrée en application et surtout de la pleine efficacité des dispositifs introduits par ce projet de loi, tant ils paraissent modestes au regard de l’ampleur du chantier que le Président de la République lui-même s’était engagé à mener à bien dans l’urgence.
Pour illustrer les motifs de notre circonspection, j’évoquerai la façon dont la question des agences de notation financière est abordée. Mon collègue Jean-Pierre Fourcade vient d’en parler, mais j’irai plus loin que lui dans l’analyse sur ce point.
Le projet de loi vise à adapter le droit français aux dispositions du règlement n° 1060/2009 du 16 septembre 2009, tendant à mieux encadrer les agences de notation financière, ce qui est un objectif légitime. Or, malgré l’adoption somme toute récente de ce règlement, la Commission européenne a déjà présenté, le 2 juin 2010, une nouvelle proposition législative afin de le modifier. L’objet central du nouveau texte est de transférer à la future autorité européenne de supervision le pouvoir d’autoriser et de superviser les agences de notation, sans créer pour autant, du moins pour le moment, les conditions de l’instauration d’une agence européenne de notation, demandée par certains, notamment par le commissaire européen Michel Barnier. De nouvelles propositions doivent, semble-t-il, être faites dans les semaines à venir, et Jean-Pierre Jouyet, président de l’AMF, préconise, quant à lui, la création d’une agence mi-publique mi-privée, sous l’égide du FMI.
Si le présent projet de loi témoigne d’une véritable exigence en matière de transparence pour les agences de notation financière, il ne permet pas de progresser beaucoup dans la voie d’un accroissement de leur responsabilisation.
En effet, s’il est assez simple, pour des superviseurs, de contrôler les procédés d’évaluation utilisés, il est bien plus aléatoire de déterminer si une note émise est fiable ou non ! Sur quelles informations se fondent aujourd’hui les agences de notation financière dans leurs évaluations ? La réponse est simple : elles s’appuient sur les informations mises à leur disposition par les entreprises et les États. Or, depuis l’affaire Enron, sans oublier celle, plus récente, des statistiques trafiquées de la Grèce, chacun a conscience que les informations comptables et budgétaires, et même certaines données dites officielles des États, ne donnent pas une image fidèle et fiable de la réalité patrimoniale sous-jacente.
On doit le reconnaître, la sphère financière internationale est, hélas ! gangrenée par le bluff, le camouflage des risques et les trucages de toutes sortes. Quelle confiance peut-on aujourd’hui accorder à certains produits structurés à haut risque ?
Dans un autre ordre d’idées, peut-on se satisfaire d’un dispositif de simple encadrement des ventes à découvert à nu d’actions ou de CDS ? Si l’on admet que l’information financière est souvent biaisée, les acteurs et spéculateurs souvent sans scrupules et les bilans comptables souvent insincères, ne doit-on pas dès à présent aller bien plus loin dans l’interdiction des produits financiers douteux et la mise en cause de la délinquance en col blanc ?
Ce projet de loi n’apporte pas, à nos yeux, les réformes attendues en la matière. C’est pourquoi les amendements que nous avons déposés visent à renforcer son dispositif. La détermination à agir affichée dans le discours de Toulon de septembre 2008 a fait place à un manque d’ambition dans les mesures présentées. La régulation financière doit certes s’inscrire dans une vision mondialisée, mais cela ne doit pas empêcher notre pays d’adresser un signal législatif qui soit à la mesure des exigences imposées par la douloureuse expérience de cette énorme crise financière.
Nous appelons de nos vœux un renforcement du dispositif, madame la ministre. Nous avons le sentiment que nos arguments n’ont pas été entendus en commission ; s’ils ne le sont pas davantage en séance publique, je crains que nous ne puissions approuver ce projet de loi, qui ne répond pas complètement aux attentes de nos concitoyens, et même de nombreux acteurs de la sphère financière.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Madame la ministre, votre projet de loi de régulation bancaire et financière s’adresse aussi aux outre-mer, puisqu’il est clairement indiqué, dans l’étude d’impact, que les dispositions du texte s’appliqueront, dans les mêmes conditions qu’en métropole et sans adaptation, aux collectivités régies par l’article 73 de la Constitution ainsi qu’à Mayotte, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Pour les autres collectivités ultramarines – la Polynésie française, Wallis-et-Futuna et la Nouvelle-Calédonie –, il est proposé d’habiliter le Gouvernement à étendre et à adapter les dispositions de la loi par ordonnance.
L’examen de ce texte nous offre une excellente occasion de nous pencher sur les spécificités du système bancaire des départements et collectivités d’outre-mer, même si la convergence avec le système métropolitain va croissant.
En effet, le paysage bancaire des DOM-COM est désormais dominé par les cinq principaux réseaux bancaires nationaux – BNP Paribas, Banque populaire-Caisse d’épargne, Crédit agricole, Crédit mutuel, Société générale –, qui regroupent à eux seuls vingt-neuf des trente-neuf enseignes commerciales installées localement. Le mouvement de concentration observé sur le plan national n’a ainsi pas épargné les DOM-COM. La quasi-totalité des établissements locaux ont disparu, la banalisation des places financières des départements et des collectivités d’outre-mer s’accélérant.
Pourtant, malgré cette dynamique de convergence, les divergences demeurent fortes en matière de conditions d’exploitation. J’insisterai principalement sur deux points : les tarifs bancaires et l’octroi de crédits aux PME.
C’est un fait reconnu et trop facilement accepté que « les tarifs bancaires sont généralement significativement plus élevés qu’en métropole », pour reprendre les termes du rapport sur les frais bancaires d’Emmanuel Constant et de Georges Pauget. Une unanimité de vues existe sur ce point entre les sénateurs ultramarins. Vous pourrez aisément le constater à l’examen des amendements qu’ils présenteront, madame la ministre, ma collègue Anne-Marie Payet parlant même de « différence indécente ».
Mme Anne-Marie Payet opine.
Il est vrai que la grande majorité des établissements bancaires continuent de pratiquer des tarifs élevés outre-mer, arguant du fait que, exerçant sur des marchés de faible taille, ils souffrent encore aujourd’hui du poids de leurs structures, ce qui leur laisse moins de marge de manœuvre pour couvrir leurs risques. Cet argument est cependant à relativiser, tant leur résultat brut d’exploitation se maintient à un niveau élevé.
En ce qui concerne l’octroi de crédits, si la situation paraît satisfaisante pour les crédits immobiliers ou à la consommation consentis aux ménages, elle l’est beaucoup moins pour les entreprises, malgré les mesures prises dans le cadre du plan de relance et de la politique de développement endogène préconisée par le chef de l’État.
En effet, si, pour la France métropolitaine, le Gouvernement a confié à OSEO la mission de mettre en place des dispositifs facilitant l’octroi de crédits bancaires à court et moyen terme aux entreprises, son choix s’est porté sur l’Agence française de développement, l’AFD, pour les outre-mer. Une convention-cadre a même été signée le 17 juin 2009 entre OSEO et l’AFD afin d’établir un partenariat renforcé étendant la gamme des produits financiers distribués par l’AFD à l’ensemble des produits conçus par OSEO.
Cependant, les entreprises ultramarines se plaignent du fait que bon nombre de ces produits ne sont néanmoins pas distribués ou mériteraient d’être mieux adaptés aux réalités locales. Je citerai à cet égard, par exemple, les prêts directs, les prêts en cofinancement ou complémentaires, les contrats de crédit-bail mobiliers et immobiliers, le contrat de développement participatif, lequel est proposé mais difficile à mettre en place en raison du seuil imposé.
Il convient de rappeler que la production bancaire de crédits en faveur des entreprises et de certaines filières est très insuffisante dans les DOM-COM. Aussi faut-il veiller, si l’on veut promouvoir un réel développement endogène dans les outre-mer, à ce que l’AFD dispose de tous les moyens nécessaires pour distribuer correctement l’ensemble des produits OSEO, à l’instar de ce qui se pratique en France métropolitaine et à l’échelle des collectivités d’outre-mer.
Madame la ministre, la mission Constant-Pauget a reconnu qu’elle n’avait pas eu suffisamment de temps pour réaliser une étude approfondie sur la tarification bancaire. Il est donc indispensable de diligenter une véritable mission d’information sur les banques outre-mer, comme l’a suggéré le président de la commission des finances du Sénat lors de l’audition, le 17 juin dernier, de Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer, à propos du règlement des comptes et du rapport de gestion pour l’année 2009.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Mon intervention anticipera sur la présentation des amendements du Gouvernement.
Monsieur Vera, nous avons soigneusement veillé à assurer la transparence de la fiducie. Nous avons, en particulier, mis en place un registre, accessible notamment aux autorités administratives et judiciaires de contrôle. Il convient en effet d’éviter que la fiducie ne serve de véhicule à des mécanismes d’optimisation fiscale.
En matière de régulation financière, il est certes tentant, madame Bricq, messieurs Fourcade et Marc, de considérer que, depuis que M. Barack Obama préside les États-Unis, la lumière vient de l’Ouest. Cependant, si l’on se donne la peine de se pencher sur les 1 200 pages de la régulation Dodd-Frank, de retracer la mise en œuvre de l’ensemble du dispositif et de prendre la mesure de la complexité de l’organisation de la supervision, caractérisée par une multiplicité d’agences et de sous-agences, une segmentation entre l’échelon fédéral et celui des États, entre les secteurs d’activité et entre les différents acteurs, on constate que la réglementation américaine constitue un maquis inextricable.
Vous avez donc raison de souligner, monsieur Fourcade, que nous pouvons être fiers du texte que nous sommes en train d’élaborer. Il nous permettra, dans le prolongement de la réglementation européenne que le Parlement a transposée dans notre droit national le 22 septembre dernier, de mettre en place une régulation simple et pratique, qui autorisera une identification très rapide des organismes compétents soit en matière bancaire, assurantielle et mutualiste, soit en matière de marchés financiers, tout en prenant en compte la problématique du consommateur, que j’ai pris soin d’intégrer dans la modification de la réglementation prudentielle.
De ce point de vue, mesdames, messieurs les sénateurs, l’œuvre que nous élaborons ensemble sera largement aussi utile que celle qui a été réalisée outre-Atlantique, sans être aussi volumineuse : grâce à la clarté rédactionnelle du législateur et aux vertus de notre droit civil, nous produisons des textes intelligibles, pouvant être appliqués dans des délais très courts.
En ce qui concerne la mise en œuvre de la directive CRD3, madame Bricq, la matière justifie l’application de l’article 37 de la Constitution, plutôt que celle de l’article 34. Il ne me semblerait en outre pas souhaitable de recourir à la voie législative et d’encombrer davantage encore l’ordre du jour des assemblées pour la simple transposition d’une directive dont l’élaboration à l’échelon communautaire a déjà pris beaucoup de temps.
Concernant la directive sur les produits alternatifs, évoquée par certains orateurs, je voudrais à nouveau clarifier les choses.
Des retards dans la mise en place de la réglementation européenne sont dénoncés çà et là, et souvent imputés à notre pays. Je tiens à l’affirmer avec force : la France veut une réglementation et une supervision en matière de produits alternatifs. Nous participons très activement aux négociations actuellement en cours à Bruxelles, et notre pays est également favorable à l’instauration d’un passeport européen pour les fonds et les gérants de fonds basés sur le territoire de l’Union. En revanche, la France ne souhaite pas qu’un tel passeport soit délivré à des fonds offshore. Pour ceux-ci, nous estimons qu’il n’y a aucune raison d’aller au-delà de la situation actuelle : il est parfaitement possible de privilégier l’option du placement privé, qui permet à un fonds offshore de commercialiser ses produits dans le pays où il est enregistré et supervisé, sans pour autant pouvoir le faire dans les vingt-six autres États membres de l’Union européenne. Sur ce point, nous avons des alliés, et je me flatte d’avoir rallié à notre position certains de nos grands voisins. Ce débat se poursuivra, car je n’ai pas l’intention de laisser faire n’importe quoi dans ce domaine : ce ne serait pas conforme à l’esprit qui a animé nos débats ni à la détermination dont a fait preuve le Président de la République sur ce dossier, notamment à l’occasion du G20. On ne peut pas, d’un côté, lutter contre les paradis fiscaux comme nous l’avons fait, et, de l’autre, laisser agir librement dans l’espace communautaire des fonds alternatifs localisés dans des territoires où la supervision n’est pas assurée dans les mêmes conditions.
Marques d’approbation au banc de la commission.
Mme Bricq a évoqué la protection des consommateurs de produits financiers. Pour la première fois, nous plaçons le consommateur au cœur du système, y compris devant les organismes de supervision que sont l’AMF et l’autorité de contrôle prudentiel, l’ACP.
Monsieur Fourcade, vous pouvez compter sur le Gouvernement pour aborder en profondeur, sous l’autorité du Président de la République, toutes les questions relatives au système monétaire international.
Vous avez tout à fait raison de souligner que, depuis un certain temps, l’instabilité et la volatilité constituent des désordres auxquels il convient de porter remède, dans le cadre d’un dialogue international qui pourrait s’instaurer au sein du G20. En tout état de cause, des mouvements unilatéraux tels que ceux que l’on a pu observer tout récemment sur le yen nuisent à la nécessaire stabilité monétaire, de même que les déclarations de certains États.
Monsieur Chevènement, vous avez affirmé que la France s’opposait au développement d’outils de résolution des crises dans le domaine bancaire, préconisé par la Commission européenne. Il s’agit de mécanismes de réorganisation ou de ce que les Britanniques appellent les living wills.
Or il n’en est rien : la France est absolument déterminée à obtenir la mise en place de ce type de mécanismes. J’ai confié à M. Jean-François Lepetit une mission spécifique sur ce thème, pour que la France soit en mesure de faire à la Commission européenne des propositions visant à l’instauration de dispositifs organisés de résolution de crises prenant notamment en compte les intérêts des créanciers.
C’est une litote ! Parlons plutôt de « nationalisations temporaires » !
Toutes les étapes doivent être prises en considération, dans le respect des intérêts bien compris des créanciers, y compris celles auxquelles vous avez fait référence. Certaines de ces méthodes ont d’ailleurs été utilisées dans des États de l’Union européenne, et même pas plus tard qu’hier. Nous n’avons pas été contraints d’aller aussi loin que certains autres pays, puisqu’il a suffi, pour sauvegarder notre système bancaire, de lui accorder des prêts, qui ont rapporté à l’État quelque 2 milliards d’euros d’intérêts à ce jour.
Monsieur Marc, vous avez souligné la nécessité de dissocier la notation du risque « entreprise » de celle du risque « produits financiers ». Je suis parfaitement d’accord avec vous sur ce point. La réglementation européenne sur les agences de notation va connaître de nouveaux développements, puisque la Commission européenne a remis l’ouvrage sur le métier. La France a demandé que, à cette occasion, les standards et les modèles applicables à chacun des deux types de risque soient bien distingués.
En ce qui concerne les quotas d’émission de gaz à effet de serre, madame Bricq, je suis tout à fait favorable à ce que ce marché soit inclus dans le champ de la régulation prévue, comme le souhaite la commission. En revanche, aller jusqu’à qualifier ces quotas d’instruments financiers me paraîtrait comporter plus d’inconvénients que d’avantages. Nous aurons l’occasion d’y revenir lors de l’examen de vos amendements.
Monsieur Patient, vous avez souligné les disparités très fortes qui existent, en matière de frais bancaires, entre les différents territoires ultramarins. Afin de mesurer et de réduire ces disparités, j’ai mis en place un observatoire des frais bancaires dans ces territoires. Nous aurons l’occasion d’y revenir. Nous avons également prévu, dans le cadre des négociations sur ce thème des frais bancaires que nous avons menées tout au long du mois de septembre dernier, un certain nombre de dispositions qui s’appliqueront à l’ensemble du territoire français, y compris les outre-mer. L’observatoire nouvellement créé aura pour mission spécifique de vérifier si les excès manifestes constatés dans les territoires ultramarins se réduisent conformément aux engagements pris par les établissements bancaires.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
TITRE Ier
RENFORCER LA SUPERVISION DES ACTEURS ET DES MARCHÉS FINANCIERS
L'amendement n° 97, présenté par Mme Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant le chapitre Ier, insérer article additionnel ainsi rédigé :
La France promeut au niveau communautaire la création d'un marché destiné à échanger entre institutions et agents publics les obligations émises par tout opérateur public de l'Union Européenne.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Pour surmonter la crise de la dette privée que leurs politiques ont provoquée, les gouvernements néolibéraux, dont celui de la France, ont décidé d’en faire payer le prix non pas aux spéculateurs ou aux banques, mais aux salariés.
Tandis que les déficits publics explosent spontanément en raison de la récession provoquée par la crise financière, ces gouvernements ont transféré la charge des dettes « pourries » aux États. Ils ont donc transformé délibérément un surendettement privé en un surendettement public. Les spéculateurs, toujours parfaitement libres de jouer à leur guise, et dûment avertis que le risque de défaut pesait non plus sur la finance privée, mais sur les finances publiques, s’attaquent désormais aux bons du Trésor, en particulier à ceux qui sont émis par les petits États les plus fragiles, comme l’a montré la crise grecque.
Notre amendement vise donc à freiner les agissements des spéculateurs, et surtout à protéger les États membres de l’Union européenne contre les attaques provenant d’agents extérieurs à celle-ci, en créant, à terme, un marché européen destiné à promouvoir les échanges entre institutions et agents publics des obligations émises par tout opérateur public de l’Union européenne.
L’objectif est de faire en sorte que les obligations publiques ne puissent être émises qu’auprès d’agents résidents des pays membres de l’Union européenne et ne soient négociables qu’entre ces mêmes agents.
On l’aura compris, il s’agit d’en finir avec la tutelle exercée par les marchés financiers internationaux. Depuis le milieu des années quatre-vingt jusqu’au début des années 2000, les spéculateurs ont fait pression sur les États participant au système monétaire européen pour qu’ils alignent leurs politiques macroéconomiques sur celle de l’Allemagne. Sous l’impulsion des néolibéraux, les gouvernements de la zone euro ont été placés sous la tutelle potentielle du marché obligataire international au travers d’une série de dispositions : restrictions au financement monétaire de la dette publique, interdiction du sauvetage des États rencontrant des difficultés financières, libre circulation des capitaux entre l’Union européenne et le reste du monde. De potentielle, cette tutelle est devenue effective en 2008-2009 !
Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 99, présenté par Mme Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant le chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La France promeut au niveau communautaire un Pacte européen de solidarité et de responsabilité financière permettant à ce que la dette publique des États membres soit solidairement garantie par l'Union Européenne.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Les finances publiques grecques ont certes été longtemps dégradées par les gouvernements du passé, ainsi que par l’évasion et la fraude fiscales, mais la situation financière du pays n’est pas, en soi, plus préoccupante que celle du Royaume-Uni, de l’Espagne ou de l’Italie. Peut-être est-elle même, à terme, moins inquiétante que celle des États-Unis, pays dépourvu d’épargne, totalement dépendant des bailleurs de fonds étrangers et assis sur une colossale montagne de créances douteuses.
La Grèce, et à sa suite l’ensemble de la zone euro, a d’abord été la cible d’un mouvement spéculatif autoréalisateur, sans risque pour ses instigateurs.
Ce mouvement remplit deux fonctions.
Primo, il permet aux banques de se « gaver », en creusant un gouffre entre le coût de refinancement et les taux payés sur les titres publics.
Secundo, il piège les pays cibles dans une spirale d’endettement toujours plus cher, ce qui peut les amener très vite au bord de la cessation de paiement, c’est-à-dire les obliger à se soumettre aux exigences du FMI et de l’Union européenne.
Plus que les spéculateurs, qui ne font que ce que la déréglementation et le libre-échange en vigueur les autorisent et les engagent à faire, ce sont les gouvernements et les traités de l’Union qui portent la responsabilité de cette situation. La crise grecque n’existerait pas si l’Union européenne avait institué la garantie solidaire des dettes publiques de ses membres et si elle avait contrôlé les mouvements de capitaux spéculatifs à ses frontières.
C’est pour faire face à ce genre de situations que notre amendement vise à créer un pacte européen de solidarité et de responsabilité financières permettant que la dette publique des États membres soit solidairement garantie par l’Union européenne. En contrepartie, les États s’engageraient à user de l’endettement public conformément aux principes suivants.
Premièrement, les déficits publics et la dette publique ne peuvent servir à éviter de prélever les ressources fiscales et sociales nécessaires au financement des biens publics et à en reporter la charge sur les générations futures. Ils servent à répartir rationnellement dans le temps la charge des investissements publics et celle des dépenses engagées pour lutter contre les chocs conjoncturels affectant l’économie.
Deuxièmement, en situation de crise financière, les États membres n’interviennent que pour sauvegarder l’intérêt général et les biens publics. Ils ne protègent pas les spéculateurs et les établissements financiers contre la perte de leurs capitaux et de leur patrimoine ; ils protègent la société et les économies nationales contre les dégâts collatéraux que pourrait engendrer la défaillance des opérateurs financiers.
Tout le contraire de ce que vous avez fait, en somme !
Instituer un pacte européen de solidarité et de responsabilité financières est une idée que l’on peut assurément défendre. Cela nous renvoie à toute la problématique de l’Union européenne. En matière de dette publique, doit-on considérer l’Union à vingt-sept ou la seule zone euro ? La question monétaire est évidemment au cœur du sujet.
En tout état de cause, je ne crois pas qu’il soit réaliste d’insérer dans le présent projet de loi un article purement déclaratoire, qui n’a aucun caractère normatif. Même si la commission reconnaît qu’une telle idée mérite d’être versée au débat, elle ne peut qu’émettre un avis défavorable sur cet amendement.
L’avis est également défavorable, monsieur le président.
J’ajoute que le Fonds européen de stabilité financière qui a été mis en place à la suite de la crise grecque répond d’une certaine manière à la préoccupation des auteurs de l’amendement. La tendance actuelle, dans le cadre notamment des discussions en cours au sein du groupe de travail présidé par M. Van Rompuy, est précisément de rendre budgétairement responsables les États et de mettre en place un mécanisme assurant qu’aucun d’entre eux ne se trouve en situation de devoir être garanti.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 107, présenté par Mme Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant le chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement au plus tard à la fin de l'année 2010 un rapport sur l'interdiction des marchés de gré à gré et la réintégration de leurs opérations actuelles sur des marchés organisés et réglementés.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Face à la crise, l’enjeu principal réside dans la régulation et la réglementation des marchés financiers : sur ce plan, les banques ne se montrent vraiment pas enthousiastes, c’est le moins que l’on puisse dire, dans la mesure où toute réglementation limite mécaniquement leurs profits.
Dans ce domaine, le dossier des marchés de gré à gré est l’un des plus urgents à traiter. Ces marchés consistent en des transactions sur mesure, faisant appel à des produits financiers ultrasophistiqués, sans qu’aucune instance de régulation, ou presque, n’intervienne. C’est pourquoi nous proposons l’interdiction des marchés de gré à gré et la réintégration de leurs opérations actuelles dans des marchés organisés et réglementés.
Dans un marché de gré à gré, la transaction est conclue directement entre le vendeur et l’acheteur, contrairement à ce qui se passe sur un marché organisé ou à la bourse, où un tiers intervient. Les opérations y sont souvent moins standardisées et moins normalisées, ou s’inscrivent dans un cadre réglementaire plus souple. Par exemple, le marché des devises est essentiellement un marché de gré à gré : une entreprise ou une banque qui désire effectuer une opération de change se mettra en relation directe avec un autre acteur.
Cette déréglementation de pans entiers de l’économie est à l’origine de la crise actuelle. C’est pourquoi il faut très rapidement réorganiser tous les marchés de gré à gré de produits financiers, de manière qu’ils soient réglementés par l’intermédiaire de chambres de compensation. Grâce à des contreparties, ces dernières limitent en effet les risques systémiques en cas de faillite d’une des parties contractantes.
Je voudrais rappeler à notre collègue qu’une proposition de règlement de la Commission européenne, présentée le 15 septembre 2010, prévoit précisément de réintégrer dans des chambres de compensation des contrats standardisés mais actuellement négociés de gré à gré.
De plus, selon ce texte, les transactions sur dérivés devront être déclarées dans des registres centraux de données.
Il s’agit là d’une évolution qui tient compte de certains des éléments que vous avez versés au débat. C’est pourquoi la commission considère que votre amendement n’est pas nécessaire et en souhaite le retrait.
Le Gouvernement partage l’avis de la commission, monsieur le président.
Je précise que le Gouvernement soutient la proposition de règlement que vient d’évoquer M. le rapporteur général. Elle sera examinée par le Conseil et par le Parlement européen au début de l’année 2011.
Le projet de règlement européen évoqué ne va pas aussi loin que notre amendement. Par conséquent, nous le maintenons.
L'amendement n'est pas adopté.
Chapitre Ier
Création d’un conseil de régulation financière et du risque systémique
L'amendement n° 108, présenté par Mme Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer article additionnel ainsi rédigé :
La France promeut au niveau communautaire le principe selon lequel la Banque Centrale Européenne et les banques centrales nationales peuvent souscrire directement aux émissions de dette publique.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Si l’objectif visé par le Gouvernement était vraiment l’instauration d’une régulation bancaire et financière, c’est tout le cadre institutionnel de l’Union européenne qu’il faudrait changer.
En effet, ce cadre institutionnel est aujourd’hui inopérant pour casser les reins à la spéculation contre les États. Si tel était l’objectif de l’Union européenne et de ses États membres, la seule solution serait que la Banque centrale européenne prête directement au pays agressé par la spéculation, à un taux européen de 1 %.
Ce qui a été possible pour les banques il y a un an devrait l’être a fortiori pour un État, qui représente l’intérêt général. Pourtant, ce n’est pas le cas. Le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne l’interdit dans son article 123, qui dispose qu’« il est interdit à la Banque centrale européenne et aux banques centrales des États membres […] d’accorder des découverts ou tout autre type de crédit aux institutions, organes ou organismes de l’Union […] ou des États membres ; l’acquisition directe, auprès d’eux, par la Banque centrale européenne ou les banques centrales nationales, des instruments de leur dette est également interdite. »
Par conséquent, contrairement à la Réserve fédérale des États-Unis, la BCE ne peut accorder de prêts directement aux États. La spéculation ne peut donc être stoppée rapidement. Au contraire, cette dernière peut utiliser les fonds mis à sa disposition par la BCE ! Un comble !
Vous nous répondrez sans doute qu’il existe, dans le traité, des dispositions pour les cas de crise majeure. Toutefois, elles comportent des conditions restrictives. En effet, il est possible d’y recourir, mais uniquement en cas d’« événements exceptionnels échappant au contrôle de l’État concerné ».
En réalité, la procédure d’aide qui a été mise en place pour la Grèce est celle qui est prévue à l’article 143 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne s’agissant d’une aide exceptionnelle à un État… non membre de la zone euro ! Cette procédure peut prendre la forme « d’une action concertée auprès d’autres organisations internationales, auxquelles les États membres faisant l’objet d’une dérogation peuvent avoir recours » et de l’« octroi de crédits limités de la part d’autres États membres, sous réserve de leur accord ». C’est exactement ce qui s’est passé avec la Grèce : appel au FMI et négociation avec les autres pays membres de l’Union européenne pour obtenir des crédits exceptionnels.
Nous proposons une solution bien plus simple, et surtout plus efficace : faire admettre à l’échelon communautaire que la BCE et les banques centrales nationales puissent souscrire directement aux émissions de dette publique.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 53, présenté par M. Vera, Mmes Labarre et Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement au plus tard à la fin de l'année 2010 un rapport sur les modalités possibles de constitution d'un secteur public bancaire.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
Nous prônons depuis plusieurs années – c’était déjà le cas à l’époque de l’élaboration de la loi relative à l’épargne et à la sécurité financière de MM. Fabius et Strauss-Kahn – la reconstitution d’un pôle financier public.
Certains nous objecteront que l’État n’a rien à voir avec la banque et qu’il vaut mieux tirer les conclusions de l’application de la loi bancaire de 1984 et des lois de privatisation, notamment, qui ont d’ailleurs largement démantelé le secteur financier public.
Les mêmes nous parleront aussi du plan de sauvetage du Crédit lyonnais, en oubliant simplement que les sommes que l’État français a mobilisées à l’automne 2008 pour sauver le secteur financier, sous la forme, discutable, de titres supersubordonnés n’ouvrant ni accès au capital ni droit de vote, étaient d’un niveau autrement plus élevé.
Après que vingt ans de libéralisation du secteur financier ont conduit à la crise systémique que l’on a connue et parce que la question de l’accès des PME au crédit n’est toujours pas résolue, il nous paraît nécessaire que le secteur financier s’inspire quelque peu du sens du service public qui anime l’action de l’État dans bien des domaines.
Mon cher collègue, l’État ne nous semble pas toujours être le plus vertueux ou le plus vigilant des actionnaires ; en tout cas, il n’y a pas de correspondance évidente entre la détention publique du capital et la maîtrise des risques au bilan d’un établissement. La situation très préoccupante des banques semi-publiques outre-Rhin au cours de la crise témoigne de cette vérité d’expérience.
Ces considérations amènent la commission à se déclarer défavorable à cet amendement.
Le financement de l’économie est aujourd'hui assuré par des institutions privées et par des institutions publiques, telles que la Caisse des dépôts et consignations ou OSEO, par exemple, selon une répartition des rôles parfaitement appropriée.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 100 rectifié, présenté par Mme Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, avant la fin de l'année 2010, un rapport sur la séparation des activités de banque de dépôt et de banque d'investissement.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Notre amendement a pour objet la séparation, à terme, des activités de banque de dépôt et de banque d’investissement.
J’entends déjà s’exprimer l’indignation de toute l’élite économique et politique devant une telle proposition, qui est pourtant notamment reprise par des personnalités que l’on ne peut guère soupçonner de bolchévisme.
Au Royaume-Uni, le gouverneur de la Banque d’Angleterre, M. Mervyn King, a, le 20 octobre 2009, jugé « indispensable » à l’économie une nouvelle division entre les activités bancaires pour les particuliers et le négoce spéculatif. Aux États-Unis, M. Paul Volcker, président de la Réserve fédérale de 1979 à 1987 et actuel conseiller du président Barack Obama, s’est fait le chantre du retour à cette séparation des métiers, en s’exprimant en ces termes : « Les banques sont vouées à servir le public, et elles doivent se focaliser sur ces activités. » Ainsi, M. Paul Volcker souhaite une nouvelle régulation selon les critères du Glass-Steagall Act, afin d’éviter toute nouvelle catastrophe bancaire.
En effet, au rebours du modèle de « banque universelle », cette loi, imposée en 1933 par Franklin Roosevelt, établissait une incompatibilité totale entre les métiers de banque de dépôt, de compagnie d’assurances et de banque d’affaires.
Elle interdisait notamment à toute banque de dépôt de posséder une banque d’affaires, d’acheter, de vendre des titres financiers ou d’y souscrire, ce domaine étant exclusivement réservé aux banques d’affaires. À l’inverse, il était interdit aux banques d’affaires d’accepter les dépôts de simples clients.
En bref, si les banques veulent spéculer, il faut que ce soit avec leur argent et non avec celui du citoyen-déposant.
En Europe aussi, l’idée fait son chemin. Ainsi, Jacques Attali, dont on sait que les conseils sont écoutés par M. Sarkozy, estime lui aussi qu’une stricte séparation des activités bancaires est « indispensable ». Pour éviter une nouvelle crise, « il faut que le métier de banquier redevienne triste et ennuyeux », souligne-t-il.
Les partisans d’un nouveau Glass-Steagall Act s’appuient sur l’hypothèse que la crise actuelle est un reflet fidèle de celle de 1929. À l’époque, la spéculation avait conduit des milliers de banques à la faillite.
Aujourd’hui, la situation est identique. La gravité de cette crise tient au fait que les banques de base, dont le rôle est de financer l’économie, ont aussi été affectées.
Pour éviter que l’histoire ne se répète, pour empêcher que les pertes sur les marchés ne contaminent les banques de détail, il est nécessaire de mettre en œuvre une telle séparation.
Isoler les deux métiers serait aussi un moyen de freiner, voire d’empêcher, la création de groupes dits « too big to fail » – trop gros pour sombrer –, dont la faillite menacerait la stabilité financière mondiale. Au plus fort de la tourmente, ces établissements géants, tels que AIG, Citigroup ou la Royal Bank of Scotland, ont eu besoin d’aides colossales de l’État.
Qu’il soit nécessaire de mieux identifier les métiers, de créer les conditions d’une plus grande transparence et d’un meilleur contrôle prudentiel des banques, cela est tout à fait certain. Pour autant, faut-il le faire selon les catégories des années trente ? Les métiers financiers sont aujourd’hui beaucoup plus complexes et diversifiés. Ainsi, la récente loi américaine ne reprend nullement les catégories du Glass-Steagall Act.
Dans ces conditions, il ne semble pas que le rapport que vous évoquez soit réaliste. La commission émet donc un avis défavorable sur votre amendement.
Madame le sénateur, j’ai écouté avec beaucoup d’attention vos arguments, mais je ne pense pas que la réponse que vous proposez soit la bonne. Les établissements qui sont véritablement à l’origine de la crise financière que nous traversons sont des banques d’affaires exclusivement. C’est ainsi le cas de Lehman Brothers, de Merrill Lynch et de Bear Stearns.
Par conséquent, établir une séparation entre banques de dépôt traditionnelles et banques d’affaires ne serait pas, de mon point de vue, de nature à nous protéger contre des risques systémiques.
Les pistes évoquées par M. le rapporteur général sont à mon avis les bonnes. Il faut de la transparence, de la supervision, de la régulation. Les banques doivent adapter le montant de leurs capitaux propres au niveau des risques qu’elles prennent, et il convient probablement d’édicter des dispositions particulières pour les activités de trading pour compte propre.
L'amendement n'est pas adopté.
I. - La section 2 du chapitre Ier du titre III du livre VI du code monétaire et financier est ainsi rédigée :
« Section 2
« Le conseil de régulation financière et du risque systémique
« Art. L. 631-2. - Le conseil de régulation financière et du risque systémique est composé de huit membres :
« 1° le ministre chargé de l’économie, président ;
« 2° le gouverneur de la Banque de France, président de l’Autorité de contrôle prudentiel, assisté du vice-président de cette autorité ;
« 3° le président de l’Autorité des marchés financiers ;
« 4° le président de l’Autorité des normes comptables ;
« 5° trois personnalités qualifiées, choisies en raison de leurs compétences dans les domaines monétaire, financier ou économique, nommées par le ministre chargé de l’économie pour une durée de cinq ans.
« Les membres mentionnés aux 1° à 4° peuvent se faire représenter.
« Sur convocation de son président, le conseil se réunit au minimum deux fois par an et en tant que de besoin.
« Art. L. 631-2-1. – (non modifié) Sans préjudice des compétences respectives des institutions que ses membres représentent, le conseil de régulation financière et du risque systémique exerce les missions suivantes :
« 1° Il veille à la coopération et à l’échange d’informations entre les institutions que ses membres représentent ;
« 2° Il examine les analyses de la situation du secteur et des marchés financiers et il évalue les risques systémiques qu’ils comportent, compte tenu des avis et recommandations du comité européen du risque systémique ;
« 3° Il facilite la coopération et la synthèse des travaux d’élaboration des normes internationales et européennes applicables au secteur financier et peut émettre tout avis ou prise de position qu’il estime nécessaire.
« Art. L. 631-2-2. - Pour l’accomplissement des missions définies à l’article L. 631-2-1, le conseil de régulation financière et du risque systémique peut entendre des représentants des établissements de crédit, des entreprises d’investissement, des entreprises d’assurance, des mutuelles et des institutions de prévoyance.
« Le conseil de régulation financière et du risque systémique établit un rapport public annuel remis au Parlement. »
II et III. - (Suppressions maintenues)
L'amendement n° 54, présenté par M. Vera, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Compléter cet alinéa par les mots :
, qui fait l'objet d'un débat
La parole est à M. Bernard Vera.
L’article 1er du projet de loi met en place un conseil de régulation financière et du risque systémique, qui établira un rapport public annuel remis au Parlement.
La dernière révision constitutionnelle était censée renforcer les droits du Parlement, notamment en permettant à la représentation nationale de jouer pleinement son rôle en matière de contrôle de l’activité gouvernementale et de l’application des lois.
Dans cet esprit, notre amendement vise à faire du rapport du conseil de régulation financière et du risque systémique un élément ordinaire du débat parlementaire, présentant aux élus de la nation les éléments d’information nécessaires à leur réflexion collective et publique sur les évolutions souhaitables de la loi.
Même si le débat que nous proposons d’instaurer ne déboucherait pas sur un vote, il aurait au moins le mérite de nous maintenir en alerte sur des questions très importantes.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La mise en œuvre de votre préconisation, mon cher collègue, rendrait encore plus difficile la gestion déjà si complexe de notre ordre du jour !
Sourires.
En tout état de cause, le Parlement peut toujours se saisir d’une telle question et prendre l’initiative d’organiser un débat thématique, que ce soit en commission ou en séance plénière.
La commission n’est donc pas favorable à votre amendement.
Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat, monsieur le président.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 1 er est adopté.
Chapitre II
Doter l’Autorité des marchés financiers de pouvoirs renforcés
L'amendement n° 22 rectifié bis, présenté par MM. Collin, Barbier, Baylet, Chevènement, de Montesquiou et Detcheverry, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Marsin, Mézard, Plancade, Vendasi, Vall et Milhau, est ainsi libellé :
Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant la section 1 du chapitre Ier du titre V du livre IV du code monétaire et financier, il est inséré un article L. 451-1-1 A ainsi rédigé :
« Art. L. 451-1-1 A. - L'information fournie aux investisseurs dans le prospectus distribué par l'Autorité des marchés financiers doit être claire et lisible. Elle précise si le produit n'a pas reçu l'agrément du régulateur. »
La parole est à M. Denis Detcheverry.
Le code monétaire et financier, dans son livre IV, prévoit un certain nombre de dispositifs légaux tendant à assurer la transparence des marchés.
Il existe notamment des mesures visant à donner diverses informations aux investisseurs et aux opérateurs financiers sur les comptes, les prises de participation et le rachat d’actions. L’AMF, dont le rôle est, entre autres, d’assurer le respect des règles de transparence, a pour mission de publier l’ensemble de ces informations.
Afin d’améliorer l’action de l’AMF dans ce domaine, notre amendement vise à prévoir que l’information fournie aux investisseurs dans les prospectus doive être claire et lisible. Ainsi, si le produit financier n’a pas reçu l’agrément du régulateur, cela devra être précisé.
Il s’agit de garantir la meilleure information possible aux investisseurs.
Monsieur le sénateur, votre amendement me semble satisfait. Je vais essayer de vous le démontrer, afin que vous puissiez peut-être le retirer.
Vous demandez que l’information délivrée aux investisseurs soit claire et lisible. Or l’article L. 621-8-1 du code monétaire et financier prévoit que, pour délivrer son visa, l’AMF vérifie « si le document est complet et compréhensible, et si les informations qu’il contient sont cohérentes ».
En outre, l’article L. 412-1 du même code prévoit que le prospectus doit comporter un résumé et que toute information trompeuse ou inexacte engage la responsabilité civile de l’émetteur. Ce dernier est donc tenu de fournir une information qui soit, comme vous le souhaitez, claire et lisible.
Monsieur Detcheverry, l'amendement n° 22 rectifié bis est-il maintenu ?
Non, je le retire, monsieur le président. Je n’ai pas de raison de mettre en doute la parole de Mme la ministre !
(Non modifié)
L’article L. 421-16 du code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa, est insérée la mention : « I. – » ;
2° Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – En cas de circonstances exceptionnelles menaçant la stabilité du système financier, le président de l’Autorité des marchés financiers ou son représentant peut prendre des dispositions restreignant les conditions de négociation des instruments financiers pour une durée n’excédant pas quinze jours. L’application de ces dispositions peut être prorogée et, le cas échéant, ses modalités peuvent être adaptées par le collège de l’Autorité des marchés financiers pour une durée n’excédant pas trois mois à compter de la décision du président de l’autorité. Au-delà de cette durée, l’application de ces dispositions peut être prorogée par arrêté du ministre chargé de l’économie, pris sur proposition du président de l’Autorité des marchés financiers. Ces décisions sont rendues publiques. » –
Adopté.
(Non modifié)
I. – Après le premier alinéa de l’article L. 621-1 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans l’accomplissement de ses missions, l’Autorité des marchés financiers prend en compte les objectifs de stabilité financière dans l’ensemble de l’Union européenne et de l’Espace économique européen et de mise en œuvre convergente des dispositions nationales et de l’Union européenne en tenant compte des bonnes pratiques et recommandations issues des dispositifs de supervision de l’Union européenne. Elle coopère avec les autorités compétentes des autres États. »
II. – L’avant-dernier alinéa de l’article L. 621-19 du même code est complété par la phrase suivante :
« Ce rapport présente, en particulier, les évolutions du cadre réglementaire de l’Union européenne applicable aux marchés financiers et dresse le bilan de la coopération avec les autorités de régulation de l’Union européenne et des autres États membres. » –
Adopté.
L'amendement n° 112, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 2 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 621-9 du même code est ainsi modifié :
1° Le 10° du II est complété par les mots : « et en gestion du patrimoine » ;
2° Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Nul ne peut prétendre au titre de conseiller en gestion de patrimoine s'il ne satisfait aux conditions définies par un décret pris après avis du Conseil d'État. Ce décret arrête notamment :
« 1° La liste des diplômes donnant accès à la profession de conseiller en gestion de patrimoine ;
« 2° Les conditions de validation des acquis de l'expérience et les incompatibilités.
« Quiconque fait usage, sans remplir les conditions exigées pour le porter, d'un titre tendant à créer, dans l'esprit du public, une confusion avec le titre de conseiller en gestion de patrimoine ou conseiller en gestion de patrimoine indépendant et la profession réglementée par la présente loi, est puni des peines encourues pour le délit d'usurpation de titre prévu par l'article 433-17 du code pénal. »
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Cet amendement vise à rétablir un article qui avait été adopté par l'Assemblée nationale, afin de prévoir que la profession de conseiller en gestion de patrimoine soit placée sous la surveillance de l'Autorité des marchés financiers.
Ma chère collègue, nous craignons, comme vous le savez, qu’une telle disposition ne crée, si elle devait être adoptée, une confusion.
En effet, l’expression « conseiller en gestion du patrimoine » est une appellation commerciale. Elle ne désigne pas réellement une profession. Si votre amendement était adopté, les activités des conseillers en gestion de patrimoine n’en seraient pas précisées pour autant, non plus que leurs obligations déontologiques. En outre, la question de savoir si leurs services devraient être régulés par l’AMF ou par l’ACP se pose également.
Nous considérons qu’un professionnel qui revendique l’appellation « conseiller en gestion de patrimoine » peut exercer différents métiers, relever de divers statuts, en fonction des produits qu’il commercialise ou dont il conseille la commercialisation : conseiller en investissements financiers, intermédiaire en assurances, intermédiaire en opérations de banque ou agent immobilier, par exemple. En outre, si le conseiller en gestion de patrimoine recourt au démarchage, il doit respecter le cadre légal afférent à cette activité.
Cette analyse nous a conduits à modifier le texte de l’Assemblée nationale. La commission, dans sa majorité, reste sur cette position.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable, monsieur le président.
Je signale que la rédaction actuelle du projet de loi incorpore déjà un certain nombre de modifications visant à une meilleure protection du consommateur de produits financiers.
Par ailleurs, mes services ont effectué, à ma demande, une consultation de place, afin d’étudier de quelle manière il serait possible de parvenir à une certaine harmonisation. Il apparaît que cela serait extrêmement difficile, puisqu’il existe déjà des statuts quasiment codifiés, certains étant même communautaires. Nous allons poursuivre ce travail de réflexion, mais, en l’état actuel des choses, il me paraîtrait tout à fait délicat de parvenir à une telle harmonisation par le biais de la mise en place d’un titre générique de « conseiller en gestion de patrimoine ».
L'amendement n'est pas adopté.
Le même code est ainsi modifié :
1° Après le 15° du II de l’article L. 621-9, il est inséré un 16° ainsi rédigé :
« 16° Les associations professionnelles de conseillers en investissements financiers agréées mentionnées à l’article L. 541-4. » ;
2° L’article L. 621-9-2 est complété par un 3° ainsi rédigé :
« 3° Déléguer aux associations de conseillers en investissements financiers mentionnées à l’article L. 541-4 le contrôle de l’activité de leurs membres. Cette délégation fait l’objet d’un protocole d’accord et peut être retirée à tout moment. » ;
3° L’article L. 621-15 est ainsi modifié :
a) Aux a et b du II, la référence : « 15° » est remplacée par la référence : « 16° » ;
b) Aux a et b du III, les références : « 12° et 15° » sont remplacées par les références : « 12°, 15° et 16° ».
L'amendement n° 161, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
I. Alinéas 2, 3 et 7
Remplacer la référence :
par la référence :
II. Alinéa 8
Remplacer les mots :
15° et 16°
par les mots :
La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances.
L'amendement est adopté.
L'article 2 ter A est adopté.
(Non modifié)
Au premier alinéa de l’article L. 621-9-1 du même code, après le mot : « financiers », sont insérés les mots : «, ou le secrétaire général adjoint spécialement délégué à cet effet, ». –
Adopté.
I A
« Le directeur général du Trésor ou son représentant siège auprès de toutes les formations de l’Autorité des marchés financiers, sans voix délibérative. »
I. – L’article L. 621-15 du même code est ainsi modifié :
1° Après le deuxième alinéa du I, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Un membre du collège, ayant examiné le rapport d’enquête ou de contrôle et pris part à la décision d’ouverture d’une procédure de sanction, est convoqué à l’audience. Il y assiste sans voix délibérative. Il peut être assisté ou représenté par les services de l’Autorité des marchés financiers. Il peut présenter des observations au soutien des griefs notifiés et proposer une sanction.
« La commission des sanctions peut entendre tout agent des services de l’autorité. » ;
2° Le III est ainsi modifié :
a) Aux a et c, le montant : « 10 millions d’euros » est remplacé par le montant : « 100 millions d’euros » ;
b) Au b, le montant : « 1, 5 million d’euros » est remplacé par le montant : « 15 millions d’euros » ;
2° bis (nouveau). – Après le IV, il est inséré un IV bis ainsi rédigé :
« IV bis. – Les séances de la commission des sanctions sont publiques.
« Toutefois, d’office ou sur la demande d’une personne mise en cause, le président de la formation saisie de l’affaire peut interdire au public l’accès de la salle pendant tout ou partie de l’audience dans l’intérêt de l’ordre public, de la sécurité nationale ou lorsque la protection des secrets d’affaires ou de tout autre secret protégé par la loi l’exige. »
3° Le V est ainsi rédigé :
« V. – La décision de la commission des sanctions est rendue publique dans les publications, journaux ou supports qu’elle désigne, dans un format proportionné à la faute commise et à la sanction infligée. Les frais sont supportés par les personnes sanctionnées. Toutefois, lorsque la publication risque de perturber gravement les marchés financiers ou de causer un préjudice disproportionné aux parties en cause, la décision de la commission peut prévoir qu’elle ne sera pas publiée. »
II. – (Non modifié) Après le premier alinéa de l’article L. 621-30 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les décisions prononcées par la commission des sanctions peuvent faire l’objet d’un recours par les personnes sanctionnées et par le président de l’Autorité des marchés financiers, après accord du collège. En cas de recours d’une personne sanctionnée, le président de l’autorité peut, dans les mêmes conditions, former un recours. » –
Adopté.
L'amendement n° 23 rectifié bis, présenté par MM. Collin, Barbier, Baylet, Chevènement, de Montesquiou et Detcheverry, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Marsin, Mézard, Plancade, Vendasi, Milhau et Vall, est ainsi libellé :
Après l'article 2 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le troisième alinéa du 3° de l'article L. 621-4 du code monétaire et financier est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Aucun membre de l'Autorité des marchés financiers ne peut délibérer dans une affaire s'il a eu lui-même, son conjoint, ses parents ou alliés avec une des parties un lien direct ou indirect susceptible de faire peser une suspicion légitime de partialité. »
La parole est à M. Denis Detcheverry.
L’article 668 du code de procédure pénale dispose qu’un juge peut être récusé s’il est lié d’une quelconque manière avec une partie au contentieux.
De la même façon, l’article L. 621-4 du code monétaire et financier prévoit qu’« aucun membre de l’Autorité des marchés financiers ne peut délibérer dans une affaire dans laquelle lui-même ou, le cas échéant, une personne morale au sein de laquelle il a, au cours des deux années précédant la délibération, exercé des fonctions ou détenu un mandat, a ou a eu un intérêt au cours de la même période. Il ne peut davantage participer à une délibération concernant une affaire dans laquelle lui-même ou, le cas échéant, une personne morale au sein de laquelle il a, au cours des deux années précédant la délibération, exercé des fonctions ou détenu un mandat, a représenté une des parties intéressées au cours de la même période. »
Afin d’éviter toute suspicion, notre amendement vise à étendre aux membres de l’AMF l’impossibilité de juger ou d’arbitrer prévue pour les magistrats de l’ordre judiciaire en cas de lien de parenté ou d’alliance, direct ou indirect, avec l’une des parties intéressées.
Votre amendement, mon cher collègue, est d’autant plus pertinent qu’il est doublement satisfait par le droit en vigueur.
En premier lieu, l’article L. 621-4 du code monétaire et financier prévoit un dispositif étoffé de prévention des conflits d’intérêts, avec un régime de déclaration et d’interdiction pour le collège de l’AMF comme pour sa commission des sanctions.
En second lieu, l’article L. 621-15, notamment, du même code prévoit un dispositif de récusation des membres de la commission des sanctions. Ce dernier, introduit en 2007, je le rappelle, sur l’initiative de la commission des finances du Sénat, s’inspirait des dispositions en vigueur pour les juridictions civiles et pénales.
En conséquence, je pense que vous pouvez être pleinement rassuré, mon cher collègue, et retirer votre amendement.
Monsieur Detcheverry, l’amendement n° 23 rectifié bis est-il maintenu ?
Une fois de plus, je suis rassuré par les explications qui m’ont été données. Je retire cet amendement, monsieur le président.
Après l’article L. 621-14 du même code, il est inséré une sous-section 4 bis ainsi rédigée :
« Sous-section 4 bis
« Composition administrative
« Art. L. 621-14-1. – Lorsque le rapport d’enquête ou de contrôle établi par les services de l’Autorité des marchés financiers fait état de manquements commis par une personne mentionnée au II de l’article L. 621-15, à l’article L. 621-17 et au 9° du II de l’article L. 621-9, à l’exception des manquements définis au c) et d) du II de l’article L. 621-15, le collège de l’Autorité peut, en même temps qu’il notifie les griefs dans les conditions prévues à la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 621-15, lui adresser une proposition d’entrée en voie de composition administrative.
« Cette proposition suspend le délai fixé au deuxième alinéa de l’article L. 621-15.
« Toute personne à qui il a été proposé d’entrer en voie de composition administrative s’engage, dans le cadre d’un accord arrêté avec le secrétaire général de l’Autorité des marchés financiers, à verser au Trésor public une somme dont le montant maximum est celui de la sanction pécuniaire encourue au titre du III de l’article L. 621-15. L’accord ne vaut pas reconnaissance du bien fondé du ou des griefs qui avaient été notifiés.
« L’accord est soumis au collège puis, s’il est validé par celui-ci, à la commission des sanctions, qui peut décider de l’homologuer. L’accord ainsi homologué est rendu public.
« En l’absence d’accord homologué ou en cas de non-respect de celui-ci, la notification de griefs est transmise à la commission des sanctions qui fait application des dispositions de l’article L. 621-15.
« En aucun cas, les éléments recueillis dans la cadre d’une procédure de composition administrative ne peuvent être invoqués dans le cadre d’une autre procédure.
« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. »
L'amendement n° 113, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Cet amendement a déjà été présenté dans le cadre de la discussion générale.
Il s’agit de supprimer la procédure de transaction que la commission des finances a introduite pour l’AMF. En effet, ce n’est pas à l’heure où l’on veut renforcer les pouvoirs de cette instance qu’il faut lui en ôter en instaurant une telle procédure.
Monsieur le président, si vous m’y autorisez, je m’exprimerai sur cet amendement en présentant l’amendement n° 162 rectifié de la commission, qui traite du même sujet.
J’appelle donc en discussion l'amendement n° 162 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission, et qui est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
au II de l'article L. 621-15, à l'article L. 621-17 et au 9° du II de l'article L. 621-9, à l'exception des manquements définis aux c) et d) du II de l'article L. 621-15
par les mots :
au 9° du II de l'article L. 621-9, aux a) et b) du II de l'article L. 621-15, à l'exception des personnes mentionnées aux 3°, 5° et 6° du II de l'article L. 621-9, et aux obligations professionnelles mentionnées à l'article L. 621-17
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur général.
La commission estime que la procédure de transaction, si elle est correctement encadrée, peut constituer un facteur de modernisation et de progrès pour le traitement de certains contentieux boursiers. Naturellement, il convient de préciser très explicitement quel champ serait couvert par ce nouveau dispositif. Telle est la raison pour laquelle l’amendement n° 162 rectifié vise à exclure du champ de la procédure de transaction les infrastructures de marché, ainsi que la diffusion de fausses informations, et pas seulement les abus de marché.
Cet amendement tend donc à encadrer encore un peu plus le texte de la commission, dont la majorité des membres souhaite la mise en place, avec toute la prudence nécessaire, de la procédure de transaction. Cela conduit la commission à être défavorable à l’amendement n° 113.
L'amendement n° 183, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 6, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
II. - Alinéa 9
Supprimer cet alinéa.
III. - Après l'alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les décisions du collège et de la commission des sanctions mentionnées au présent article sont soumises aux voies de recours prévues à l'article L. 621-30.
La parole est à Mme la ministre, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis du Gouvernement sur les amendements n° 113 et 162 rectifié.
L’amendement n° 183 vient compléter, d'une certaine manière, l'amendement n° 162 rectifié présenté à l’instant par M. le rapporteur général.
Nous avions évoqué en commission cette question de la faculté de transaction. J'avais alors fait part de certains doutes et réserves ; la restriction du champ d'application de la procédure exposée par M. le rapporteur général m’apporte un certain nombre d’apaisements. L'amendement du Gouvernement vise, lui aussi, à modifier et à restreindre quelque peu le champ d'application du nouveau dispositif pour le rendre acceptable.
En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 113 et un avis favorable sur l’amendement n° 162 rectifié, sous réserve de l’adoption de son propre amendement, qui a pour objet d'introduire des modifications au dispositif de composition administrative devant l'AMF adopté par la commission des finances.
En l'état, ce dispositif présente plusieurs difficultés.
Tout d’abord, la dernière phrase du sixième alinéa pourrait donner lieu à des interprétations diverses. Elle pourrait en effet signifier que la personne visée ne reconnaît pas les faits reprochés et ne se considère pas responsable des griefs retenus contre elle. En l'absence de cette reconnaissance des griefs, le contrat de composition administrative pourrait être considéré comme dépourvu de cause juridique.
Dans cette hypothèse, le contrat ne serait tout simplement pas conforme aux principes généraux du droit et risquerait d'être invalidé.
Pour parer à cette difficulté, il est proposé de supprimer la dernière phrase du sixième alinéa. Il reviendra aux parties de prévoir dans quelle mesure elles reconnaissent la validité des griefs.
Le neuvième alinéa de la rédaction adoptée par la commission des finances prévoit que, « en aucun cas, les éléments recueillis dans le cadre d'une procédure de composition administrative ne peuvent être invoqués dans le cadre d'une autre procédure ».
Je propose, au contraire, que ces différents éléments de procédure puissent être utilisés dans le cadre d'une autre procédure. Tel est l’objet de la seconde partie de mon amendement.
rapporteur général de la commission des finances. La commission n'a pu se réunir pour examiner cet amendement, dont nous venons de prendre connaissance.
Cela étant, je ne crois pas trahir l'esprit de nos délibérations en disant, sous le contrôle de M. le président de la commission des finances, que l'amendement n° 183 vient compléter et renforcer juridiquement la procédure de transaction dont nous avons souhaité la création.
Ainsi, nous aboutissons à un dispositif solide, qui pourra prendre une place raisonnable dans les travaux de l'Autorité des marchés financiers. Il me semble d'ailleurs répondre à des vœux formulés depuis un certain temps déjà, notamment par le président de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers.
La commission, me semble-t-il, peut être favorable à l'amendement n° 183.
La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l'amendement n° 113.
Les amendements de la commission et du Gouvernement prouvent que l'introduction d'une procédure de transaction pour l'AMF est problématique. C'est la raison pour laquelle je ne retire pas notre amendement de suppression de l’article.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement est adopté.
L'amendement est adopté.
L'article 2 quinquies A est adopté.
L’article L. 632-17 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 632-17. – Les infrastructures de marché qui diffusent ou tiennent à la disposition de l’Autorité des marchés financiers ou de l’Autorité de contrôle prudentiel des informations relatives aux transactions sur instruments financiers peuvent communiquer à leurs homologues étrangers ainsi qu’aux autorités homologues de l’Autorité des marchés financiers ou de l’Autorité de contrôle prudentiel les informations nécessaires à l’accomplissement de leurs missions à condition que ces organismes homologues soient eux-mêmes soumis au secret professionnel dans un cadre législatif offrant des garanties équivalentes à celles applicables en France et sous réserve de réciprocité.
« Lorsque ces échanges d’informations interviennent entre les infrastructures de marché et les autorités homologues de l’Autorité des marchés financiers ou de l’Autorité de contrôle prudentiel, ils sont effectués dans les conditions prévues par un accord de coopération mentionné à l’article L. 632-7.
« Dans le cadre de la surveillance des risques encourus par les membres, ces informations peuvent notamment recouvrir les positions prises sur le marché, les dépôts de garantie ou de couverture et leur composition ainsi que les appels de marge.
« Un décret définit les infrastructures de marché soumises aux présentes dispositions. »
L'amendement n° 94 rectifié, présenté par M. Bourdin et Mme Procaccia, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
à l'accomplissement de leurs missions
insérer les mots :
, y compris les informations couvertes par le secret professionnel,
La parole est à M. Joël Bourdin.
L'article 2 quinquies prévoit que les infrastructures de marché peuvent échanger des informations relatives aux transactions sur instruments financiers. L'amendement vise à préciser que cet échange pourra porter aussi sur des informations couvertes par le secret professionnel, à condition naturellement que les infrastructures de marché en cause soient liées par le secret professionnel dans les mêmes termes.
L'amendement est adopté.
L'article 2 quinquies est adopté.
L'amendement n° 44 rectifié, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 2 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le II de l'article L. 211-1 du code monétaire et financier est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 4. Les quotas d'émission de gaz à effet de serre définis à l'article L. 229-15 du code de l'environnement et les autres unités visées au chapitre IX du titre II du livre II du code de l'environnement. »
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Nous revenons ici sur un sujet important, sur lequel le groupe socialiste du Sénat a travaillé au printemps dernier.
Dans notre contribution au groupe de travail sur la fiscalité environnementale conduit par Mme Keller, nous nous étions prononcés en faveur d’une meilleure supervision et régulation du Système communautaire d’échange des quotas d’émission de gaz à effet de serre.
Nous avions proposé la fixation d’un prix plancher d’adjudication, une harmonisation européenne du statut juridique des quotas et la création d’une autorité européenne de supervision et de régulation.
La Commission européenne a adopté, le 14 juillet dernier, un projet de règlement visant à organiser la mise aux enchères de ces quotas. Malheureusement, elle a renoncé à instaurer une plate-forme unique de mise aux enchères, préférant opter pour une plate-forme commune, avec une dérogation possible pour les États qui le souhaitent.
Ce manque d’unité permettra à coup sûr aux nombreux petits génies de la finance et des produits dérivés de passer outre les tentatives de contrôle et de régulation pourtant nécessaires sur ce marché.
Nous souhaitons, bien entendu, que BlueNext puisse participer à l’appel d’offres de la Commission européenne. Pour cela, il était nécessaire d’instituer un marché régulé, ce que prévoit l’article 2 adopté par la commission des finances. Dorénavant, Bluenext devra respecter des principes et des mécanismes de régulation identiques à ceux qui régissent les marchés d’instruments financiers et le marché des quotas sera placé sous la surveillance de l’Autorité des marchés financiers.
Cet article, dont l’adoption par la commission des finances est donc bienvenue, ne nous satisfait cependant qu’en partie, puisque vous avez choisi une nouvelle fois, monsieur le rapporteur général, de rester au milieu du gué, en refusant de proposer une réforme globale et cohérente destinée à clarifier le statut juridique des quotas d’émissions ; nous le regrettons.
Mme la ministre nous a dit par avance qu’une telle réforme était prématurée et qu’il convenait de s’en remettre aux négociations européennes.
Dès lors, une contradiction apparaît : on applique des règles de supervision et de régulation propres aux marchés d’instruments financiers, sans vouloir qualifier les quotas d’instruments financiers. À l’évidence, le statut juridique des quotas doit être harmonisé à l’échelon européen, et nous voulons donner, par cet amendement, un mandat très clair au Gouvernement à cette fin, pour qu’il soit mieux en mesure de défendre une position qu’il peut, je le sais, partager.
Nous proposons donc de préciser le statut juridique des quotas en leur donnant la qualification de titres financiers.
Mon penchant naturel serait, ou plutôt était, d’aller dans votre sens, ma chère collègue, et de donner la qualification d'instruments financiers aux quotas d’émission de gaz à effet de serre.
Toutefois, j'ai réfréné ce penchant en lisant l'intéressant rapport de M. Michel Prada sur la régulation des marchés des quotas d’émission de CO2, en particulier l’analyse à la fois technique, concrète et fouillée figurant à la page 72, où il est écrit que « les conséquences juridiques et pratiques d'une requalification des quotas en instruments financiers doivent cependant conduire à exclure cette solution ».
M. Prada explique, notamment, qu’une assimilation des quotas aux instruments financiers imposerait de modifier d'assez nombreuses dispositions existantes de la législation et de la réglementation financières, et que cela mettrait à mal la cohérence d’ensemble de ce bloc juridique. Je n’entrerai pas davantage dans le détail de cette argumentation, mais elle est tout à fait digne d’être prise en considération.
Nous n’avons donc pas voulu qualifier les quotas d’émission de gaz à effet de serre, qui sont des biens d’une nature spécifique, d’un type nouveau en quelque sorte. La doctrine et la jurisprudence nous permettront, dans l’avenir, de mieux cerner leur nature juridique et économique.
Dans le dispositif que nous avons élaboré, nous avons défini un certain nombre de principes, des mécanismes de contrôle et de régulation du marché, de telle sorte que les parties prenantes et le public puissent bénéficier de la transparence et de toutes les garanties qui s’attachent à l’existence et au bon fonctionnement d’un marché organisé.
En l’état actuel des choses, cela nous semble suffisant. C’est la raison pour laquelle, malgré mon penchant initial, je ne peux être favorable à votre amendement, madame Bricq.
Ce débat sur la qualification juridique des quotas d’émission de CO2 est très important. Il va contribuer sinon à éclairer la doctrine, du moins à l’orienter.
L’adoption des amendements proposés par la commission des finances a permis de mieux définir la qualification juridique de ces quotas : on s’oriente vers la catégorie des biens meubles incorporels.
La commission a en outre prévu de les soumettre à un certain nombre de régulations spécifiques, ayant trait, notamment, au rôle de l’Autorité des marchés financiers et à l’application de la directive « abus de marché ».
Ce travail de définition et de qualification des quotas d’émission de gaz à effet de serre constitue véritablement une œuvre juridique qui fera date.
C’est la raison pour laquelle, madame Bricq, j’émets un avis défavorable sur votre proposition, tout en reconnaissant qu’elle a le grand mérite de viser à une meilleure formulation de la qualification de ces quotas. Cela étant, les qualifier d’instruments financiers présenterait l’inconvénient, outre celui qui a été relevé par M. Prada, dont les conclusions sont partagées par l’AMF, par l’ACP et par la CRE, que s’appliqueraient alors de plein droit les règles de publication des prospectus et, surtout, la norme IAS 9 : en l’état actuel de celle-ci, les entreprises détenant de tels éléments d’actif dans leur bilan seraient contraintes de procéder à des réévaluations constantes de ceux-ci, au fur et à mesure de l’évolution de la valeur de marché. Nous sommes nombreux à vouloir revenir sur cette norme, mais, pour l’heure, elle s’applique dans ces termes.
Ne serait-ce que pour ces raisons, il me paraît donc souhaitable d’écarter toute référence à la notion d’instruments financiers, pour se rapprocher de celle, que le texte vise à élaborer, de biens meubles incorporels soumis à des mécanismes de contrôle spécifiques.
L’amendement n’est pas adopté.
Mes chers collègues, les douze coups de minuit viennent de sonner !
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre communication du décret de M. le Président de la République portant clôture de la session extraordinaire du Parlement.
En conséquence, il est pris acte de la clôture de la session extraordinaire.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à minuit.