Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 30 septembre 2010 à 21h30
Régulation bancaire et financière — Suite de la discussion d'un projet de loi

Photo de Nicole BricqNicole Bricq :

Voyez à quelle extrémité nous en sommes réduits… Dans cette affaire, le Parlement est à la portion congrue !

Je présenterai tout d’abord les critiques que nous formulons sur le texte de la commission. Puis je proposerai des amendements sur des sujets qui n’ont pas du tout été évoqués, ni par le Gouvernement dans son texte initial, ni par l’Assemblée nationale, ni par la commission.

Peut-on parler d’un « New Deal bancaire », comme le déclare M. Baudouin Prot après les conclusions de Bâle III ? Je rappelle que le même agite encore et toujours la menace d’une raréfaction du crédit à l’économie – la menace habituelle des banques –, tout en oubliant de dire que les engagements pris en 2008 par les banques en contrepartie de l’aide de la Nation n’ont pas été tenus. L’Observatoire de l’épargne réglementée a établi dans son rapport qu’il existe un écart de 4, 2 milliards d’euros entre le total des encours du livret A centralisés dans les banques et le montant des prêts alloués aux PME.

Le groupe de travail de la commission des finances n’a pas vraiment réussi à faire le départ entre ce qui relève de la baisse de la demande des entreprises et ce qui relève de celle de l’offre des banques, qui, je le rappelle, ont bénéficié non seulement du soutien de l’État, mais aussi d’abondantes liquidités ouvertes par la Banque centrale européenne.

Je crois néanmoins que la commission a eu raison de renforcer, sur l’initiative de M. le rapporteur général, le fléchage des sommes non centralisées à la Caisse des dépôts et consignations vers le soutien à l’économie réelle, afin de respecter la loi de modernisation de l’économie votée en août 2008.

S’ensuit toute une série de dispositions concernant l’Autorité des marchés financiers, les agences de notation, les ventes à découvert, le marché carbone. Je les reprends l’une après l’autre.

Le renforcement des pouvoirs de l’AMF ne fait pas débat, il est nécessaire. En revanche, même si M. le rapporteur général a voulu encadrer cette procédure, nous ne pouvons soutenir la démarche, proposée par la commission, qui vise à accorder à l’AMF la faculté de transiger sur des infractions commises par des acteurs de marché.

Les exemples des États-Unis et du Royaume-Uni sont souvent cités pour justifier une telle proposition. Je rappelle cependant que le groupe Goldman Sachs a récemment transigé à hauteur de 7, 5 millions de livres avec l’autorité de régulation financière britannique, la FSA., soit à peine le dixième de ce que cette banque génère chaque jour en chiffre d’affaires !

On ne peut pas à la fois renforcer les pouvoirs de l’AMF en lui conférant plus de moyens pour assurer ses missions – une décision juste – et lui en enlever en introduisant la transaction.

La protection des investisseurs de détail est une autre source d’inquiétude.

Aux États-Unis, une agence vient d’être créée pour assurer cette mission, qui, en France, revient à l’AMF. Toutefois, dans la réalité, l’Autorité de contrôle prudentiel, l’ACP, qui réunit banques et assurances, s’occupe depuis sa création des produits distribués, d’une part, par les banques et, d’autre part, par les assurances. Les deux institutions – AMF et ACP – coopèrent sans doute, mais la mission, confiée à l’AMF, de protection des investisseurs de détail, autrement dit des consommateurs, devrait pouvoir s’exercer quels que soient les circuits de distribution des produits financiers.

Nous sollicitons donc, par un amendement, un rapport dressant le bilan des actions menées en matière de protection des investisseurs de détail et du fonctionnement de cette coopération entre l’AMF et l’ACP.

Au demeurant, il est essentiel que la surveillance englobe l’ensemble des acteurs de marché. Nous ne pouvons laisser sur le côté les conseillers en gestion de patrimoine, comme le fait le texte de la commission après suppression de la référence introduite par les députés.

S’agissant des agences de notation, le texte de la commission revient, là aussi, sur une disposition votée par l’Assemblée nationale. Les députés ont voulu renforcer la responsabilité des agences de notation. Si le Sénat avalise la rédaction de la commission, il enverra un signal néfaste, en méconnaissance de la part de responsabilité qu’ont les agences de notation dans la crise financière et dans son emballement.

Je pense notamment aux notes attribuées aux produits que ces agences sont supposées évaluer et sur lesquelles il faudrait revenir. Les agences ont évalué des produits très sophistiqués comme si elles évaluaient un produit financier transparent !

La déconfiture d’Enron, au début des années deux mille, aurait pu nous éclairer sur ce rôle des agences de notation, rôle que l’on qualifie de procyclique quand on est gentil, mais de très néfaste quand on est simplement lucide…

Certes, ces agences doivent s’enregistrer auprès de l’AMF, et elles l’ont fait. Mais cela ne suffit pas à nous rassurer. Tout dépendra du niveau d’information que l’AMF exigera d’elles et, surtout, du contrôle qui sera exercé.

Le directeur général du FMI signalait tout récemment qu’il ne fallait pas trop écouter les agences de notation. Il est regrettable que le texte de la commission ne comporte pas d’injonctions concernant le développement de l’expertise interne. C’est ce que nous proposerons à travers plusieurs amendements. De la même manière, il nous paraît utile de disposer d’une pluralité d’expertises.

La question des ventes à découvert a beaucoup agité l’Assemblée nationale en juin, dans le contexte précisément de la décision unilatérale allemande. Ce n’est pas un sujet secondaire. Sur le marché de gré à gré, ces ventes à découvert représentent 90 % des transactions et entre 450 000 et 600 000 milliards d’euros à travers le monde.

L’Union européenne souhaite développer des centres de conservation des données, dits « référentiels centraux », ouverts aux autorités de régulation. Mais l’amendement introduit par la commission des finances au titre d’une « locate rule » nous conforte dans notre volonté d’agir au niveau national.

Je l’ai bien examiné, cet amendement et, à y regarder de près, il ne nous satisfait pas entièrement, notamment s’agissant de la date d’entrée en vigueur, le fameux délai de livraison. Je pense surtout à la dernière version, qui, me semble-t-il, fait état, après amendement du Gouvernement, d’une échéance à 2012. Mais je peux me tromper, car ces questions deviennent très complexes…

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