Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, tirer les leçons de la crise financière, deux ans après son déclenchement, est un devoir pour les responsables politiques que nous sommes.
Tous les intervenants ont évoqué cette crise. Pour ma part, je me permettrai de renvoyer, pour l’historique, le constat et les considérations générales, à l’excellent rapport écrit de M. Marini, lequel a contribué à enrichir le texte issu de l’important travail du Gouvernement.
Nous sommes donc en présence d’un projet de loi qui, après son passage à l'Assemblée nationale, apporte un certain nombre d’éléments positifs. Ceux-ci me paraissent, contrairement à ce que mon prédécesseur vient d’affirmer, intéressants pour réformer notre système.
J’ai un regret, que je tiens à exprimer d’emblée : deux chantiers sont restés ouverts, et il faudra tout de même essayer de les relancer.
Le premier, c’est celui de la gouvernance économique et politique de la zone euro : nous nous sommes aperçus que, malgré tous nos efforts, nous n’allions ni très loin ni très vite dans ce domaine.
Le second, c’est celui de la stabilité du système monétaire international. Moi qui ai signé – il y a fort longtemps ! – les accords de la Jamaïque, qui consacraient le flottement des monnaies, je suis inquiet de constater aujourd’hui que les mouvements combinés du yen, du yuan, du dollar, de la livre sterling et d’autres monnaies risquent de créer des problèmes de plus en plus graves et par conséquent de faire réapparaître des risques systémiques importants.
Cela étant, ce texte nous paraît très abouti, et c’est pourquoi le groupe UMP le votera d’un seul cœur. Je me permettrai maintenant d’insister sur quatre points qui me paraissent importants.
Premièrement, la commission a décidé d’encadrer et de réguler le marché des quotas d’émission de gaz à effet de serre. Cette initiative est excellente, car ce marché est amené à prendre une importance considérable. Nous nous accordons tous sur ce point, me semble-t-il. L’assimilation des quotas d’émission de CO2 à des instruments financiers, en leur donnant une qualification juridique, est un progrès. Cette avancée pourrait permettre d’orienter l’Union européenne dans ce sens, comme l’a indiqué il y a quelques jours le commissaire européen Michel Barnier.
Deuxièmement, sur la base, précisément, d’un rapport de M. Barnier, a été introduite l’interdiction de certaines pratiques à risques, telles que les ventes à découvert à nu de produits dérivés. L’introduction de cette disposition a provoqué quelques tensions entre le Gouvernement, l'Assemblée nationale et le Sénat. Certains estiment qu’il faudrait supprimer la notion même de produits dérivés.
Mais la France n’est plus une île, et nous sommes confrontés à des marchés financiers mondiaux, dans lesquels les décisions des Chinois, des Coréens ou des Indiens sont aussi importantes que celles que nous prenons ici.
Notre position est certes un peu en retrait par rapport à ce qu’ont décidé les Allemands, mais elle est conforme aux propositions du commissaire européen aux services financiers. En effet, le texte tend à prévoir non pas l’interdiction, mais la limitation des ventes à découvert à nu par des règles locales. Ces dernières autorisent ces opérations dans la mesure où le vendeur dispose du titre à vendre ou à livrer, mais aussi s’il présente des garanties de pouvoir le faire : cette précision apporte une correction importante à des mécanismes qui furent, avant la crise, quelque peu erratiques.
Troisièmement – j’aurais dû commencer par là ! –, un conseil de régulation financière et du risque systémique sera créé et de nouveaux pouvoirs seront octroyés à l’Autorité des marchés financiers. Ces mesures sont très importantes, car notre pays souffre d’un cloisonnement généralisé des autorités et du fait que chacun s’occupe dans son coin de ses petits problèmes. Disposer d’une autorité qui couvre la totalité des opérations sur les marchés financiers – banque et assurance – me paraît très positif, surtout dans le cadre de la mondialisation.
J’ajoute que l’Autorité des marchés financiers prévoit un encadrement de la rémunération des opérateurs sur les marchés, ceux que les Anglais appellent les traders, et rend obligatoire la mise en place d’un comité des risques et d’un comité des rémunérations dans chaque entreprise, afin de clarifier leur rémunération. C’est un réel progrès : pouvoir mettre en balance les niveaux de rémunération et l’activité permettra naturellement d’arriver à des résultats plus satisfaisants.
Enfin, quatrièmement, la question de la supervision des agences de notation est celle qui suscite le plus grand débat. Je ne fais pas partie de ceux qui s’offusquent de l’existence de ces agences. En tant que gestionnaire de collectivités locales, j’ai passé vingt ans à travailler avec elles. J’estime qu’il est bon, pour des autorités politiques, de pouvoir s’appuyer sur un examen approfondi des comptes, des résultats et des perspectives, effectué de manière systématique et sur la durée.
Évidemment, certaines opérations ont été un peu sanglantes, notamment dans l’affaire grecque. Par conséquent, accroître le contrôle de ces agences, comme cela avait déjà été envisagé en 2004, me paraît important. La crise n’a d’ailleurs fait qu’accélérer l’orientation vers un processus de contrôle amélioré, qui s’est concrétisée, au niveau communautaire, par l’adoption en septembre 2009 d’un règlement, et, au niveau français, par ce projet de loi.
M. le rapporteur général nous a fait part de certaines difficultés. Nous les avons évoquées en commission en votre présence, madame la ministre. Il a fallu trouver un compromis entre la position initiale du Gouvernement, celle de l'Assemblée nationale et ce que nous avions décidé.
Les agences auront l’obligation de publier un rapport de transparence annuel. Elles devront rendre publics les éléments et les méthodes sur lesquels elles fondent leur notation et fournir au Comité européen des régulateurs des marchés de valeurs mobilières les données relatives à leurs performances passées, lesquelles seront également rendues publiques. Cette surveillance, confiée en France à l’AMF par le présent projet de loi, est un élément positif.
Enfin, sur le point de savoir s’il pouvait exister des clauses contractuelles de dégagement de responsabilité, nous avons tranché.
Nous devons accepter, me semble-t-il, le rôle de ces agences. Au-delà de la transparence, il faut simplement mettre en place un système qui empêche la publication des avis de ces agences quelques heures avant la clôture des marchés boursiers européens, américains ou japonais, afin d’éviter des effondrements de cours. Je sais très bien que certains opérateurs des marchés financiers n’y sont pas favorables, car le système actuel leur permet de réaliser des plus-values tout à fait intéressantes… C’est sur ce point qu’il faudra bien contrôler les agences de notation.
Le groupe UMP se réjouit que la commission des finances du Sénat ait trouvé une position d’équilibre en réintroduisant la possibilité de clauses non pas exonératoires, mais limitatives de responsabilité. Cette disposition, qui est conforme à la réglementation européenne, va dans le bon sens.
Le projet de loi contient par ailleurs plusieurs dispositifs, que je ne vais pas détailler ici, visant à conforter et à sécuriser le financement des entreprises, notamment des PME. Je pense particulièrement aux mesures concernant OSEO.
Madame la ministre, vous avez pu mettre en évidence les aspérités de ce texte en discutant avec vos homologues européens, malgré les difficultés rencontrées avec la Grande-Bretagne et, surtout, les États-Unis.
Il est de bon ton en France, où nous sommes toujours atteints de sinistrose, de dire que les Américains sont allés beaucoup plus loin que nous et que nous nous contentons de mesurettes. Tel n’est pas mon avis. Nous voterons donc sans amertume ni regret ce texte tout à fait important.
Je vous fais confiance, madame la ministre, pour essayer de relancer, dans le cadre du G8 et du G20, le chantier de l’équilibre du système monétaire international, lequel est bien maltraité. Sur le plan européen, nous ne devons pas nous contenter de défendre l’euro, mais faire de cette monnaie l’arme efficace d’un gouvernement économique, qui nous fait aujourd'hui défaut.