Intervention de Clément Beaune

Commission des affaires européennes — Réunion du 1er avril 2021 à 10h35
Institutions européennes — Audition de M. Clément Beaune secrétaire d'état auprès du ministre de l'europe et des affaires étrangères chargé des affaires européennes à la suite du conseil européen des 25 et 26 mars 2021

Clément Beaune , secrétaire d'État :

Le concept de vaccin de seconde génération mérite d'être précisé. Il s'agit de se mettre en mesure, sur le plan de la recherche et de la production industrielle, de produire des vaccins adaptés à des variants et à des mutations. Contre les variants récents, malgré leur agressivité, les vaccins dont nous disposons actuellement sont efficaces - sauf peut-être contre le sud-africain. La solidarité internationale est aussi indispensable pour maîtriser la pandémie. Il faut vacciner le monde entier, non seulement par bienveillance et humanisme - ce qui serait déjà une bonne raison - mais aussi parce que c'est notre intérêt sanitaire.

Ce que nous faisons au niveau européen va dans la bonne direction, mais n'est pas encore suffisant. HERA est la préfiguration d'une agence de type Barda. Nous devons identifier les vrais problèmes : l'un d'eux était que l'Europe n'était pas équipée sur le plan sanitaire. Je ne crois pas à une Europe de la santé qui s'occupe de tout, ce serait absurde. Mais sur des sujets industriels de production, je crois que le cadre européen doit être réformé. Pour la seconde génération, ce qu'il faut, c'est mettre des moyens. Les 150 millions d'euros annoncés ne sont pas suffisants, bien sûr. Il y a quelques poches de financement que nous pouvons mobiliser : le nouveau budget de santé de 5 milliards d'euros, dans le budget européen, mis en place à partir de 2021 pour sept ans, et le programme Horizon Europe, qui est beaucoup mieux doté, avec près de 100 milliards d'euros. Il faut rester très pragmatique : il y aura aussi des financements nationaux. Nous serions bien inspirés, dans les semaines qui viennent, de prévoir une conférence européenne pour réunir des moyens financiers rapidement. On ne peut pas dire que le problème a été le manque de moyens par rapport aux États-Unis, et ne pas en tirer la conséquence pour la suite. Un tel fonds européen devrait être focalisé sur les capacités de production et le développement de nouvelles générations de vaccin. Avant l'été, il faut avoir pris une initiative de cette nature.

La question de l'empreinte environnementale du numérique devient, au même titre que celle des vols en avion, de plus en plus prégnante : nous devons nous en saisir, si l'on veut éviter les craintes millénaristes. Nous pourrions sans doute inscrire ce sujet à l'ordre du jour de la présidence française de l'Union européenne, pour l'évaluer de manière rationnelle et prendre des décisions adaptées. Les jeunes savent déjà qu'un simple courriel consomme de l'énergie. Cette question n'est pas anecdotique. La consommation d'énergie pourrait faire partie des critères à prendre en compte dans la mise en place d'un cloud européen ou dans les clauses environnementales renforcées dans les marchés publics. Il faut aussi mieux informer le consommateur. Mais les opérateurs l'ont bien compris, puisque l'un d'entre eux axait déjà sa campagne publicitaire sur ce thème.

Madame Morin-Desailly, notre politique industrielle a changé d'approche ces dernières années. Celle-ci doit s'articuler à trois niveaux. Au niveau national, nous devons renforcer notre compétitivité. Avant la crise, on recommençait à créer des emplois industriels grâce à notre politique en faveur de l'attractivité, à une politique fiscale stable et lisible, et à notre réforme du marché du travail.

Cette action doit se combiner avec une évolution de la politique de concurrence européenne. Une approche statique, fondée sur la seule analyse du marché pertinent, n'est plus adaptée. La décision sur la fusion d'Alstom et de Siemens a été révélatrice ; elle manquait d'une vision dynamique : si la Chine n'est pas encore leader en Europe, elle risque de le devenir dans les prochaines années. On doit défendre les intérêts européens et pas simplement ceux du consommateur aujourd'hui. Ce changement d'approche n'est pas que juridique, il est aussi politique et nous poussons en ce sens.

Il faut aussi faire évoluer notre politique commerciale et garantir une plus grande protection au niveau européen, grâce à des règles antidumping. La Commission fera bientôt une proposition, que nous soutenons, sur le contrôle des subventions étrangères et le contrôle des investissements stratégiques. Il s'agit d'interdire à des entreprises subventionnées à l'étranger, et qui ne sont donc pas à armes égales avec nos entreprises, d'être éligibles à nos marchés publics, et d'imposer une réciprocité dans l'ouverture des marchés, l'Europe étant le continent où les marchés publics sont les plus ouverts au monde. Certains secteurs, comme le photovoltaïque, ont été balayés par cette concurrence déloyale. Nous avons réussi à protéger nos producteurs d'acier grâce à l'instauration de règles antidumping. S'agissant du contrôle des investissements étrangers, une première étape a été franchie il y a deux ans, mais il faut aller plus loin, car la Commission n'est qu'informée des grands investissements de pays tiers et ne peut pas intervenir.

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