Intervention de Clément Beaune

Commission des affaires européennes — Réunion du 1er avril 2021 à 10h35
Institutions européennes — Audition de M. Clément Beaune secrétaire d'état auprès du ministre de l'europe et des affaires étrangères chargé des affaires européennes à la suite du conseil européen des 25 et 26 mars 2021

Clément Beaune , secrétaire d'État :

Un suivi était prévu, mais compte tenu de l'ordre du jour et de la place prise par les vaccins dans la discussion, il a été décidé de revenir sur le sujet ultérieurement.

Sur les questions relatives à la zone euro, une séquence a effectivement été consacrée au rôle international de notre monnaie, avec un point de situation de Christine Lagarde et de Paschal Donohoe pour l'Eurogroupe. Le rôle international de l'euro n'a pas massivement évolué, même si, à la faveur de la crise, la part de l'euro dans les transactions internationales remonte légèrement, celle du dollar baissant à due proportion. On reste néanmoins à plus de 60 % pour le dollar contre un plus de 20 % pour l'euro. Comment renforcer le rôle international de l'euro au-delà de l'action sectorielle ? Les deux leviers à notre disposition sont la relance et l'innovation financière, qu'il s'agisse de l'euro numérique ou des obligations vertes. Si notre monnaie est vue comme porteuse des grandes innovations d'endettement dans les années à venir, elle sera attractive et elle se placera devant le dollar. Le plan de relance n'est pas qu'une façon d'être solidaire, c'est aussi un moyen d'émettre de la monnaie commune sur les marchés internationaux. Ces titres contribueront au renforcement international de l'euro. Le Président de la République l'a rappelé lors d'un précédent sommet, on ne peut pas vouloir renforcer le rôle international de l'euro, qui ne se décrète pas, et être hostile à l'idée d'un budget commun beaucoup plus fort. Notre plan de relance va dans la bonne direction à cet égard.

En ce qui concerne la comparaison entre le plan de relance européen et le plan de relance américain, remettons les choses à leur juste place. D'abord, le plan Biden n'est pas un plan de relance stricto sensu, c'est un plan d'urgence. Il est comparable à ce que nous faisons en matière de chômage partiel et de soutien au pouvoir d'achat : c'est en quelque sorte un rattrapage en termes de protection sociale. Si le plan américain est nécessaire à cette hauteur, c'est aussi parce que le modèle structurel des États-Unis est moins protecteur et dénué d'amortisseurs sociaux. La France compte 20 points de plus de dépenses publiques que les États-Unis. Certains pourraient dire que c'est trop en régime de croisière, mais en période de crise, cela nous offre des protections sociales dont nous pouvons être fiers. Elles fonctionnent, c'est pourquoi nous avons moins besoin de ce genre de grand plan massif.

Cela étant, il y a dans ce plan une composante d'investissement et de relance importante. À la suite du discours de Pittsburgh, cette dimension sera certainement renforcée. On nous annonce un plan du même ordre de grandeur pour la décennie à venir jusqu'en 2030 en matière d'investissement et d'infrastructure. Vous avez raison, il ne faudrait pas que nous ayons un décrochage post-crise dans l'investissement à long terme par rapport aux États-Unis. C'est la raison pour laquelle le Président de la République a évoqué la possibilité de compléter notre réponse de relance européenne. Il ne s'agit pas, encore une fois, de comparer nos 750 milliards d'euros aux 1 900 milliards de dollars du plan américain : c'est dans la stratégie d'investissement qui va suivre que nous devons nous remettre au niveau des montants engagés par les États-Unis et par les autres grands concurrents internationaux.

Victorin Lurel a également évoqué la question vaccinale. Oui, nous défendons l'idée que les vaccins doivent être un bien public mondial. Mais ce n'est pas en levant la protection des brevets que nous y parviendrons. D'abord, soyons clairs, l'innovation doit être rémunérée. Nous avons parlé des vaccins de seconde génération : comment espérer des progrès si nous disons aux grandes start-up, qui nous apporteront demain des solutions que nous n'imaginons pas encore aujourd'hui, qu'elles ne seront pas rémunérées pour leurs efforts ?

En revanche, cette rémunération légitime ne doit pas priver les pays, qui n'ont pas les moyens financiers ou industriels, d'accéder aux vaccins. Il faut donc encourager la production locale. C'est ce que nous cherchons à faire avec la directrice générale de l'OMC grâce au transfert de technologie. Il faut également, à court terme, faire preuve de solidarité dans l'achat et la livraison de doses de vaccin. C'est tout l'objet de l'initiative internationale Covax dont nous sommes à l'origine. Même si la période est tendue, nous avons réussi à livrer plus de 30 000 millions de doses dans cinquante-sept pays. Nous vaccinons en priorité en Afrique les soignants pour ne pas que le système de santé craque. C'est ainsi que nous honorerons progressivement la promesse de faire du vaccin un bien public mondial. C'est aussi la raison pour laquelle l'Union européenne a commandé beaucoup plus de doses que nécessaires pour sa population, afin de participer encore davantage à cette solidarité internationale.

En ce qui concerne la Cour constitutionnelle fédérale allemande de Karlsruhe, nous n'anticipons pas de blocage. Je veux croire que nous allons y arriver, et vite. Nous avons surmonté beaucoup de péripéties, y compris sur le programme de financement monétaire européen de crise en mai 2020. Nous avons surmonté des tabous politiques sur l'endettement commun. Je pense aussi à la question de la conditionnalité sur l'État de droit avec la Pologne et la Hongrie, et aux ratifications nationales, qui sont difficiles partout, surtout dans un délai très court et à vingt-sept, mais nous y parviendrons une fois de plus. Si ce n'était pas le cas, nous trouverions d'autres solutions. Mais je ne souhaite pas envisager un scénario de blocage allemand, qui serait un scénario noir.

Je rebondis sur les autres questions du sénateur Jean-Yves Leconte sur l'État de droit. Nous relevons effectivement des évolutions inquiétantes dans certains pays. Mais je veux rester optimiste puisque c'est devenu un vrai sujet de préoccupation et d'actions européennes. Il y a deux ou trois ans, qui s'intéressait à ce qui se passait en Hongrie, en Pologne ou ailleurs en matière d'État de droit ? Aujourd'hui, nous avons des mécanismes renforcés de conditionnalité budgétaire. Même s'ils sont encore insuffisants, ils constituent une véritable avancée. La Commission européenne a saisi hier, au sujet de la Pologne, la Cour de justice de l'Union européenne, qui décidera en toute indépendance et objectivité. Elle l'a déjà fait sur la réforme du Tribunal constitutionnel polonais. Cette pression continue. Nous la maintiendrons de toutes les manières possibles : la revue des pairs du Conseil sur la question de l'État de droit, l'article 7, les recours juridiques, etc.

Sur la question des migrations, je ne suis pas sûr d'avoir compris votre interrogation. J'ai relevé la question des laissez-passer consulaires. Il ne faudrait pas, selon vous, que notre politique à l'égard des pays concernés se résume à la question migratoire, c'est bien cela ?

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