Intervention de Thomas Fauvel

Mission d'information Conditions de la vie étudiante — Réunion du 12 avril 2021 à 14h30
Handicap et vie étudiante — Audition de M. Nicolas Oppenchaim vice-président en charge de la santé du handicap et de l'accompagnement social des étudiants maître de conférences en sociologie mmes émilie arnault directrice du service de santé universitaire de l'université de tours servane chauvel déléguée générale et cannelle garcia cheffe de projet mentorat - formation et chargée de missions post-bac de l'association « accompagner la réalisation des projets d'études de jeunes élèves et étudiants handicapés » arpejeh Mm. Fabien Gaulué délégué général de la fédération étudiante pour une dynamique études et emploi avec un handicap fédéeh et christian grapin directeur de l'association « tremplin - études handicap entreprises »

Thomas Fauvel, Premier vice-président de la Fédéeh :

On a observé, au cours des quinze dernières années, une forte progression du nombre de jeunes en situation de handicap au sein de l'enseignement supérieur. La répartition de ces jeunes entre les différentes filières montre qu'ils s'orientent plutôt vers les sciences humaines et sociales ou en instituts universitaires de technologie (IUT). S'agissant des sciences humaines et sociales, nous l'expliquons par le fait que ces disciplines sont réputées plus accessibles et, à l'inverse, par les difficultés que posent, en termes d'accessibilité, les classes préparatoires aux grandes écoles. En ce qui concerne les IUT, ce déséquilibre s'explique par le fait que ces filières permettent d'accéder plus facilement à des diplômes de niveau Bac plus 5.

Ce qui est proposé au sein des établissements d'enseignement supérieur en termes d'accessibilité, d'aide et d'accompagnement, vous a été présenté de manière exhaustive. Nous identifions toutefois, à l'échelle nationale, une certaine disparité des aides proposées en fonction des établissements. Les bases classiques sont présentes partout : secrétaires d'examen, tiers-temps, tutorat, preneurs de notes... Mais l'aménagement de cursus ou la fourniture de matériel spécialisé, qui requiert des financements locaux, ne sont pas toujours disponibles. Ainsi, certains étudiants, qui n'ont pas accès à de telles aides, demandent des bourses à notre structure pour acquérir des équipements spécifiques.

Sur l'accessibilité des locaux, nous avons noté une nette progression, mais pas assez rapide. Si tous les nouveaux locaux construits dans l'enseignement supérieur sont bien sûr accessibles, l'ancien l'est souvent difficilement, et avec des incohérences : on voit parfois la mise en accessibilité d'un bâtiment sur un campus qui n'est pas accessible...

Les universités sont engagées dans une transformation numérique. C'est un vecteur de progrès et d'accès à la connaissance pour les personnes en situation de handicap. Mais les outils utilisés ne respectent pas forcément, et même assez rarement, les normes d'accessibilité. Pour les déficients visuels ou les non-voyants, le tout numérique occasionne des difficultés accrues. Beaucoup d'étudiants en situation de handicap se sentent sans solution. Même si les Missions handicap font du bon travail, elles n'ont pas toujours pu accompagner tous les étudiants - d'où notre plateforme d'entraide. Les établissements, avec la crise sanitaire, sont devenus conscients des problèmes d'accessibilité numérique. Reste une question de temps et de budget : la mise en accessibilité a des coûts significatifs. Les progiciels ou les intranets que les étudiants utilisent pour échanger avec leurs enseignants sont prévus pour être fonctionnels pendant plusieurs années, et les universités n'ont pas forcément le budget pour les mettre en accessibilité quand il faudrait.

Notre réseau nous signale, enfin, un manque de formation et de sensibilisation au niveau des enseignants-chercheurs, qui sont en contact avec les élèves et les étudiants et sont amenés à les faire monter en compétences. Ils sont parfois démunis parce qu'ils n'ont pas été formés à l'accueil de jeunes en situation de handicap, et en particulier aux outils pédagogiques nécessaires. On travaille beaucoup sur la formation par les pairs dans l'enseignement supérieur, mais cela fonctionne mal pour les étudiants en situation de handicap, qui sont encore assez rares.

Beaucoup d'élèves ou d'étudiants nous disent que les enseignants-chercheurs se sentent peu accompagnés et peu formés sur le sujet. Au sein des établissements d'enseignement supérieur, le personnel n'est pas toujours sensibilisé aux questions de handicap et à l'accueil des jeunes en situation de handicap. Pourtant, c'est une politique globale de sensibilisation qu'il faut mettre en place pour arriver à une vraie inclusion au sein des établissements d'enseignement supérieur.

Dans les logements, les résidences et les restaurants universitaires, il y a un vrai progrès. Le problème est plutôt la distance entre les logements accessibles et les lieux de cours. Le trajet entre le lieu de cours et les lieux de vie quotidienne est souvent trop long pour être réalisable de manière aisée par les personnes à mobilité réduite, quel que soit leur type de pathologie.

L'accompagnement pédagogique des enseignants est crucial pour que les étudiants se sentent intégrés et suivent des cours comme tout un chacun au sein des établissements d'enseignement supérieur en France. Il est indispensable de sensibiliser tout le personnel des établissements d'enseignement supérieur, puisque l'inclusion se passe à tous les niveaux : elle concerne aussi bien l'université, qui doit faire une communication inclusive, que la personne qui accueille l'étudiant en situation de handicap pour entrer dans sa résidence universitaire. C'est vraiment à tous les niveaux qu'il faut faire cesser cet étonnement face au handicap et banaliser le fait qu'on ait des étudiants en situation de handicap au sein des établissements d'enseignement supérieur.

Il y a encore des enseignants qui refusent d'aménager leurs cours, en particulier dans les classes préparatoires aux grandes écoles, que nous trouvons très peu accessibles sur le plan physique comme en termes d'offre d'accompagnement, parce qu'elles ne sont pas intégrées dans une université, et ont donc moins de marges de manoeuvre. Ainsi, dans les établissements d'enseignement supérieur, les Missions handicap, ou les référents handicap, sont compétents et ont les moyens nécessaires. Dans un lycée, il n'y a pas tous ces outils. De plus, les classes préparatoires constituent un cadre très élitiste où, n'étant pas habitués à ce type de profil, les enseignants sont souvent très démunis et considèrent que ce n'est pas à eux d'aménager les cours, ce qui est un vrai problème dans la philosophie et l'approche de l'enseignement par rapport à l'élève : l'accessibilité des cours devrait être incontournable pour la qualité de l'enseignement en France.

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