Mes chers collègues, mesdames, messieurs, notre mission d'information sur les conditions de la vie étudiante s'intéresse cet après-midi aux étudiants en situation de handicap.
Je précise que cette réunion fait l'objet d'un enregistrement vidéo, qui sera disponible sans limitation de durée sur le site du Sénat. Elle est également diffusée sur Facebook.
Je remercie les intervenants, présents dans cette salle ou connectés à distance, de s'être libérés pour participer à cette table ronde. Je souhaite donc la bienvenue au Sénat à Mmes Servane Chauvel, déléguée générale de l'association Accompagner la réalisation des projets d'études de jeunes élèves et étudiants handicapés (Arpejeh), et Cannelle Garcia, cheffe de projet mentorat et formation de l'association Arpejeh ; M. Nicolas Oppenchaim, vice-président de l'Université de Tours en charge de la santé, du handicap et de l'accompagnement social des étudiants, maître de conférences en sociologie, et Mme Émilie Arnault, directrice du Service de santé universitaire, auquel la Mission handicap de l'université de Tours est rattachée ; M. Fabien Gaulué, délégué général de la Fédération étudiante pour une dynamique études et emploi avec un handicap (Fédé 100 % Handinamique), accompagné de M. Thomas Fauvel, premier vice-président ; et M. Christian Grapin, directeur de l'Association Tremplin - Études, handicap, entreprises.
Je rappelle que le Sénat a mis en place cette mission d'information à l'initiative du groupe de l'Union Centriste. M. Laurent Lafon, par ailleurs président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, en est le rapporteur.
Notre objectif est triple : dresser un état des lieux de la situation actuelle du monde étudiant, indépendamment de la crise sanitaire ; établir un bilan des conséquences de la crise sanitaire sur les conditions de vie des étudiants et le déroulement des études ; et réfléchir aux mesures susceptibles d'être mises en oeuvre dans une perspective de plus long terme pour que la sortie de crise s'accompagne d'améliorations de la condition étudiante.
Mesdames, messieurs, Laurent Lafon, rapporteur, va vous exposer les attentes de la mission d'information, puis je vous donnerai la parole à chacun pour environ dix minutes. Nous aurons ensuite un temps d'échanges avec nos collègues.
Je synthétiserai brièvement nos questions.
Un premier groupe de questions vise à mieux comprendre la problématique du handicap dans l'enseignement supérieur. Quelle est la proportion d'étudiants en situation de handicap ? Les étudiants en situation de handicap sont-ils davantage présents dans certaines filières ? Quels sont les dispositifs d'accompagnement mis en oeuvre par les établissements d'enseignement supérieur ? Quel est le niveau d'accessibilité des bâtiments aux personnes à mobilité réduite ? Des outils numériques ou des supports pédagogiques adaptés sont-ils mis à disposition des étudiants dans certains établissements ? Avez-vous connaissance de dispositifs plus innovants que d'autres ? Quelles possibilités sont offertes aux étudiants en situation de handicap pour aménager leurs études, qu'il s'agisse des emplois du temps, des cours à distance et des examens ? Comment les établissements d'enseignement supérieur sont-ils soutenus en termes de personnel, de moyens et de diffusion de bonnes pratiques pour améliorer l'accessibilité et l'accompagnement des étudiants handicapés ?
Un deuxième groupe de question concerne la crise sanitaire. Quelles conséquences la crise sanitaire a-t-elle sur les étudiants handicapés ? Quels dispositifs ont été mis en place pour les accompagner depuis le début de la crise ? Quelles préconisations formuleriez-vous pour améliorer l'inclusion des personnes en situation de handicap dans l'enseignement supérieur ?
Notre regard sur la situation des jeunes en situation de handicap est certainement différent, mais complémentaire, étant entendu que le constat de l'association Arpejeh est à notre échelle, et donc très loin du constat des représentants d'université.
Arpejeh est une association de loi 1901. Elle a treize ans et a été créée par des entreprises s'engageant au service des jeunes pour les aider à construire leur projet professionnel. Les jeunes que nous accompagnons ont entre quinze et trente ans. Pour ce qui concerne plus spécifiquement les étudiants, ils nous connaissent par le biais des Missions handicap des universités, des grandes écoles ou des centres de formation d'apprentis (CFA). D'autres jeunes, avant le covid-19, s'orientaient vers nous grâce aux salons et aux forums, mais ils étaient moins concernés par les typologies liées au handicap.
Nous proposons aux étudiants trois sortes d'accompagnement.
La première action est primordiale. Il s'agit d'aider les jeunes en situation de handicap à trouver des stages ou des contrats d'alternance. Pour ce faire, nous nous appuyons sur un réseau d'employeurs. Certains secteurs d'activité sont plus représentés que d'autres.
La deuxième action consiste à proposer des « coachings pro ». Cette action est très utilisée en période de confinement. L'idée est d'organiser des simulations d'entretien avec un responsable des ressources humaines, qui conseille le jeune sur la manière de mener un entretien, de présenter son CV et de rédiger sa lettre de motivation. Nos retours sont très positifs.
La troisième action consiste à proposer du mentorat. Nous avons tous entendu parler des dispositifs « un jeune, une solution » ou « un jeune, un mentor ». C'est un vrai sujet pour le Gouvernement. Nous sommes ravis de mettre également l'accent sur le mentorat, qui permet à un jeune d'avoir une marraine ou un parrain. Au-delà des enseignants et de la famille, il est important que le jeune puisse être en relation avec une personne directement implantée dans le marché de l'emploi.
Sur le terrain, en tant que chargée de missions, le coaching pro est effectivement l'action qui recueille aujourd'hui le plus de plébiscites de la part des étudiants. Ils sont toujours au rendez-vous et les retours sont positifs, surtout en cette période où ils ont du mal à se positionner. Idem en ce qui concerne le mentorat. De plus en plus de jeunes nous contactent pour bénéficier d'un accompagnement spécifique de la part d'un professionnel, mais aussi pour créer du lien. Les chargés de missions handicap dans les universités avec lesquelles nous travaillons établissent le même constat que nous. Nous touchons aujourd'hui des populations qui ne venaient pas nous voir auparavant, en particulier les jeunes n'ayant pas véritablement besoin d'un aménagement et d'un accompagnement spécifique.
L'Arpejeh enregistre une représentation plus importante au niveau des filières comptabilité, gestion et administration, à hauteur de 20 % environ de l'ensemble des candidatures pour les recherches de stage et d'alternance. Nous relevons également une augmentation des filières informatique, ressources humaines, management et marketing-communication, tous ces secteurs se situant aux alentours de 10 % pour le nombre de candidatures. Évidemment, ces chiffres ne concernent que notre association et il nous est difficile de dresser un constat plus général.
Nous avons des préconisations à formuler, mais nous attendrons les questions pour vous faire part de nos suggestions.
vice-président en charge de la santé, du handicap et de l'accompagnement social des étudiants, maître de conférences en sociologie de l'Université de Tours. - À Tours, comme dans les autres universités, le nombre d'étudiants en situation de handicap a considérablement augmenté ces dernières années. En 2009-2010, nous comptions un peu plus de 80 étudiants handicapés. Désormais, nous en accueillons plus de 600, soit huit fois plus en dix ans.
Ce chiffre représente environ 2 % de l'ensemble de nos étudiants, avec une répartition très différente selon les disciplines. Dans l'UFR Arts et Sciences humaines, qui comprend la sociologie et la psychologie, les étudiants en situation de handicap représentent 3,5 % des effectifs, contre 1 % en médecine et 0,7 % en pharmacie. Mais attention, ces chiffres incluent tous les étudiants qui connaissent une situation handicapante pour leur scolarité, ils prennent donc en compte non seulement les étudiants souffrant de problèmes psychologiques, mais aussi ceux qui se sont cassé le bras, par exemple, et ne peuvent plus prendre de notes en cours.
S'agissant des handicaps permanents, 23 % de ces étudiants souffrent de troubles du langage et de la parole, 12 % de troubles psychiques, 11 % de troubles moteurs, 9 % de troubles viscéraux, 4 % de troubles auditifs, 3 % de troubles visuels et 2 % de troubles autistiques. Il est à noter que 11 % des étudiants souffrent d'un polyhandicap. Ces chiffres sont à prendre avec précaution, car ils n'incluent pas les étudiants « hors radar », c'est-à-dire celles et ceux n'ayant pas été vus par le service de santé universitaire (SSU), dont Émilie Arnault assure la direction, et la Mission handicap.
Depuis 2016, l'Université de Tours a fait le choix d'intégrer la Mission handicap au service de santé universitaire, ce qui permet une prise en charge globale des étudiants. L'Université de Tours a également décidé de consacrer un euro par étudiant, dans le cadre de la contribution à la vie étudiante et de campus (CVEC), au handicap. Cette enveloppe n'est pas forcément à la hauteur des besoins, notamment en raison de la montée en puissance du nombre d'étudiants handicapés. Nous nous appuyons également sur l'aide ponctuelle d'entreprises - je pense à Malakoff Humanis, qui nous a aidés à financer une campagne de sensibilisation au handicap sur l'ensemble des sites de l'université.
L'action du SSU et de la Mission handicap se décompose en quatre grands axes. Premièrement, l'accueil et l'accompagnement des étudiants en situation de handicap. Deuxièmement, l'identification et la mise en place des moyens nécessaires au bon déroulement de leur cursus. Troisièmement, en lien avec la Maison de l'orientation et de l'insertion professionnelle, nous aidons les étudiants à s'insérer dans le monde du travail. Quatrièmement, nous diffusons une culture du handicap à l'intérieur de l'université, grâce à des actions de sensibilisation : repas à l'aveugle, soirées-débats, actions handisport, tests de fauteuils roulants par des personnes valides en bibliothèque universitaire, etc. Nous mettrons également en oeuvre dès la rentrée prochaine une formation pour tous les nouveaux maîtres de conférences afin de les sensibiliser à la problématique du handicap.
En termes d'accompagnement, nous mettons en place des aides matérielles et humaines et nous proposons des aménagements du cursus universitaire. Nous recrutons des étudiants, encadrés par un contrat de travail, pour accompagner les étudiants qui en ont besoin dans différents types de missions : prise de notes ; secrétariat d'examen ; soutien ou tutorat méthodologique, notamment en visioconférence pendant la crise sanitaire ; aide à la mobilité ; aide sur le temps de cours. Pour des étudiants souffrant de troubles autistiques assez prononcés, nous recrutons des personnes avec des compétences particulières pour ce type de pathologie. Toutes ces modalités d'accompagnement, déterminées en début d'année, sont revues en cours d'année, en fonction des besoins de chacun.
Les aides techniques et matérielles concernent principalement le prêt d'ordinateurs, de logiciels spécifiques, de matériels adaptés. Nous avons également mis en place des crédits photocopie et équipé les bibliothèques universitaires avec des postes informatiques dédiés, comme les claviers à gros caractères. Certains dispositifs techniques facilitent l'accès aux oeuvres : télé-agrandisseur, synthèse vocale, loupe numérique, etc.
Nous proposons également des accompagnements spécifiques pour les modalités d'examens : temps majoré, organisation de l'examen en salle particulière, examen plutôt à l'oral qu'à l'écrit, aménagement de l'emploi du temps, possibilité de faire son année en deux ans.
L'objectif est que nos aides soient dégressives, dans la mesure du possible, car nous avons évidemment en tête l'insertion. Il est donc important que l'étudiant s'autonomise au fur et à mesure de son avancée dans le cursus. Les aides sont réadaptées a minima tous les ans.
Depuis un an, avec la crise du covid-19, les cours ont été assurés à distance grâce à des cours enregistrés. Les étudiants en situation de handicap n'ont pas ressenti plus de problèmes que d'habitude. Nous avons essayé de maintenir le lien avec eux en allant au-devant d'eux, sans attendre qu'ils nous sollicitent. Dans le cadre d'une enquête que nous sommes en train d'élaborer, nous avons diffusé un questionnaire à l'ensemble de nos étudiants sur leur santé en général et sur leur santé mentale en particulier. Il s'adresse également aux étudiants en situation de handicap. Cela nous permettra d'évaluer leur ressenti. Malgré tout, nous avons prêté moins de matériel durant cette période, vraisemblablement parce que les universités ont mis en place des aides numériques pendant la crise sanitaire, sous condition de ressources.
Pour nous, il reste beaucoup de chantiers à mettre en oeuvre. Le principal est d'améliorer l'accès aux enseignements, par différents canaux, comme la mise à disposition de capsules d'enseignement sous format numérique adapté. Cela a un coût ; à Tours, nous portons le projet PaRM (parcours de réussite modulaire), financé par l'Agence nationale de la recherche (ANR), qui a pour but de rendre les enseignements disponibles sous format numérique pour tous les étudiants, mais avec des dispositifs, comme le sous-titrage, qui permettent l'inclusion des étudiants en situation de handicap. Comme nous en sommes au démarrage, il y a encore très peu de cours accessibles. Il y a aussi la mise à disposition de supports écrits spécifiques par les enseignants, mais cela suppose une certaine adaptation pour les étudiants en situation de handicap - et il faut veiller, aussi, à protéger la propriété intellectuelle des enseignants, ce qui peut constituer un vrai frein.
Notre Fédération est née en 2010 de la conviction que les étudiants et les jeunes diplômés, handicapés ou non, constituent une ressource à la fois significative et insuffisamment mobilisée pour conforter le parcours de formation jusqu'à l'emploi des jeunes handicapés. Assez naturellement, nos valeurs fondatrices sont l'entraide et l'émulation entre jeunes, handicapés ou non, l'autonomie des jeunes handicapés en tant qu'acteurs de leur projet de vie, d'études et d'insertion professionnelle et, évidemment, l'engagement bénévole en faveur d'une société inclusive.
Majoritairement dirigée par de jeunes handicapés, notre fédération mobilise ses bénévoles dans le cadre de différents programmes. Nous organisons notamment des groupes d'entraide thématiques entre jeunes en situation de handicap. Il y a ainsi quatorze groupes qui se réunissent trois fois dans l'année, dans le cadre de nos rencontres nationales, qui mobilisent 200 à 300 jeunes bénévoles et bénéficiaires de notre réseau. Nous animons aussi des programmes de tutorat collectif d'élèves du secondaire en situation de handicap. Ainsi, plus de 300 élèves du secondaire sont tutorés, grâce à des partenariats avec une quarantaine d'établissements du secondaire ou du supérieur. Nous faisons enfin du parrainage individuel vers les études supérieures et l'emploi, avec une cinquantaine de parrains, dont une majorité sont eux-mêmes en situation de handicap - l'émulation par les pairs nous tient à coeur.
Nous menons également des actions de conseil, sur les espaces d'orientation ou les salons professionnels, et des actions de sensibilisation, sur les campus, notamment lors d'évènements étudiants, sportifs ou autres. Nous avons mis en place des bourses d'études : nous avons eu 120 lauréats l'an passé. Nous organisons des forums de recrutement sur les sites des établissements d'enseignement supérieur, au nombre d'une vingtaine l'an passé, avec 200 à 300 jeunes candidats par an. Enfin, nous encourageons la mobilisation dans le cadre des journées de stage d'immersion « Duoday », avec 130 duos constitués l'an passé.
Pour mener à bien tous ces projets auprès des quelque 1 200 jeunes handicapés qui bénéficient chaque année de nos actions (c'est une valeur moyenne), nous mobilisons à la fois un réseau d'entraide de plus de 500 jeunes en situation de handicap adhérents et un réseau de plus de 80 associations étudiantes, sur une cinquantaine de campus, et dans une vingtaine de fédérations étudiantes, soit nationales, par filières, soit territoriales, qui nous permettent de communiquer auprès de plus de 500 associations locales.
Lors du premier confinement, nous avons mis en place une plateforme d'entraide pour mettre en relation les jeunes handicapés qui ont des besoins d'aide en distanciel avec des bénévoles : soutien scolaire ou méthodologique, conseil d'orientation... Cela a mobilisé environ 250 bénévoles, dont les trois quarts disposaient déjà d'une connaissance, voire d'une expérience du handicap, et un quart étaient eux-mêmes des jeunes en situation de handicap. Le succès de l'opération a démontré son intérêt : elle nous a permis de venir en appui à des jeunes handicapés demeurant sur des territoires où nous n'étions pas présents physiquement. Nous avons donc décidé, en 2021, de pérenniser cette plateforme, qui est complémentaire de ce que nous pouvons apporter par ailleurs.
Le 1er avril, nous avons lancé, avec les principaux réseaux associatifs étudiants et les fédérations de filières des écoles d'ingénieurs et des écoles de commerce, un label associatif « 100 % handinamique », qui permet aux associations étudiantes de se fixer des objectifs en termes de mise en accessibilité de leur activité et d'inclusion sur les campus.
Nous sommes la seule organisation de jeunes à être membre du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), avec un point qui nous tient à coeur : nous y avons des représentants jeunes en situation de handicap dans sept des neuf commissions thématiques, et l'un d'eux est assesseur de la commission sur l'emploi.
L'une de nos actions est de nourrir un plaidoyer, par la rédaction d'un livre blanc élaboré dans la perspective des élections présidentielles et d'un rapport alternatif destiné à l'audition prochaine de la France devant le Comité des droits des personnes handicapées de l'ONU. Nous plaidons actuellement pour la création d'un « certificat culture inclusif », qui serait inspiré du certificat PSC1 (prévention et secours civiques de niveau 1) de formation aux premiers secours et qui matérialiserait la sensibilisation à l'inclusion des personnes en situation de handicap.
On a observé, au cours des quinze dernières années, une forte progression du nombre de jeunes en situation de handicap au sein de l'enseignement supérieur. La répartition de ces jeunes entre les différentes filières montre qu'ils s'orientent plutôt vers les sciences humaines et sociales ou en instituts universitaires de technologie (IUT). S'agissant des sciences humaines et sociales, nous l'expliquons par le fait que ces disciplines sont réputées plus accessibles et, à l'inverse, par les difficultés que posent, en termes d'accessibilité, les classes préparatoires aux grandes écoles. En ce qui concerne les IUT, ce déséquilibre s'explique par le fait que ces filières permettent d'accéder plus facilement à des diplômes de niveau Bac plus 5.
Ce qui est proposé au sein des établissements d'enseignement supérieur en termes d'accessibilité, d'aide et d'accompagnement, vous a été présenté de manière exhaustive. Nous identifions toutefois, à l'échelle nationale, une certaine disparité des aides proposées en fonction des établissements. Les bases classiques sont présentes partout : secrétaires d'examen, tiers-temps, tutorat, preneurs de notes... Mais l'aménagement de cursus ou la fourniture de matériel spécialisé, qui requiert des financements locaux, ne sont pas toujours disponibles. Ainsi, certains étudiants, qui n'ont pas accès à de telles aides, demandent des bourses à notre structure pour acquérir des équipements spécifiques.
Sur l'accessibilité des locaux, nous avons noté une nette progression, mais pas assez rapide. Si tous les nouveaux locaux construits dans l'enseignement supérieur sont bien sûr accessibles, l'ancien l'est souvent difficilement, et avec des incohérences : on voit parfois la mise en accessibilité d'un bâtiment sur un campus qui n'est pas accessible...
Les universités sont engagées dans une transformation numérique. C'est un vecteur de progrès et d'accès à la connaissance pour les personnes en situation de handicap. Mais les outils utilisés ne respectent pas forcément, et même assez rarement, les normes d'accessibilité. Pour les déficients visuels ou les non-voyants, le tout numérique occasionne des difficultés accrues. Beaucoup d'étudiants en situation de handicap se sentent sans solution. Même si les Missions handicap font du bon travail, elles n'ont pas toujours pu accompagner tous les étudiants - d'où notre plateforme d'entraide. Les établissements, avec la crise sanitaire, sont devenus conscients des problèmes d'accessibilité numérique. Reste une question de temps et de budget : la mise en accessibilité a des coûts significatifs. Les progiciels ou les intranets que les étudiants utilisent pour échanger avec leurs enseignants sont prévus pour être fonctionnels pendant plusieurs années, et les universités n'ont pas forcément le budget pour les mettre en accessibilité quand il faudrait.
Notre réseau nous signale, enfin, un manque de formation et de sensibilisation au niveau des enseignants-chercheurs, qui sont en contact avec les élèves et les étudiants et sont amenés à les faire monter en compétences. Ils sont parfois démunis parce qu'ils n'ont pas été formés à l'accueil de jeunes en situation de handicap, et en particulier aux outils pédagogiques nécessaires. On travaille beaucoup sur la formation par les pairs dans l'enseignement supérieur, mais cela fonctionne mal pour les étudiants en situation de handicap, qui sont encore assez rares.
Beaucoup d'élèves ou d'étudiants nous disent que les enseignants-chercheurs se sentent peu accompagnés et peu formés sur le sujet. Au sein des établissements d'enseignement supérieur, le personnel n'est pas toujours sensibilisé aux questions de handicap et à l'accueil des jeunes en situation de handicap. Pourtant, c'est une politique globale de sensibilisation qu'il faut mettre en place pour arriver à une vraie inclusion au sein des établissements d'enseignement supérieur.
Dans les logements, les résidences et les restaurants universitaires, il y a un vrai progrès. Le problème est plutôt la distance entre les logements accessibles et les lieux de cours. Le trajet entre le lieu de cours et les lieux de vie quotidienne est souvent trop long pour être réalisable de manière aisée par les personnes à mobilité réduite, quel que soit leur type de pathologie.
L'accompagnement pédagogique des enseignants est crucial pour que les étudiants se sentent intégrés et suivent des cours comme tout un chacun au sein des établissements d'enseignement supérieur en France. Il est indispensable de sensibiliser tout le personnel des établissements d'enseignement supérieur, puisque l'inclusion se passe à tous les niveaux : elle concerne aussi bien l'université, qui doit faire une communication inclusive, que la personne qui accueille l'étudiant en situation de handicap pour entrer dans sa résidence universitaire. C'est vraiment à tous les niveaux qu'il faut faire cesser cet étonnement face au handicap et banaliser le fait qu'on ait des étudiants en situation de handicap au sein des établissements d'enseignement supérieur.
Il y a encore des enseignants qui refusent d'aménager leurs cours, en particulier dans les classes préparatoires aux grandes écoles, que nous trouvons très peu accessibles sur le plan physique comme en termes d'offre d'accompagnement, parce qu'elles ne sont pas intégrées dans une université, et ont donc moins de marges de manoeuvre. Ainsi, dans les établissements d'enseignement supérieur, les Missions handicap, ou les référents handicap, sont compétents et ont les moyens nécessaires. Dans un lycée, il n'y a pas tous ces outils. De plus, les classes préparatoires constituent un cadre très élitiste où, n'étant pas habitués à ce type de profil, les enseignants sont souvent très démunis et considèrent que ce n'est pas à eux d'aménager les cours, ce qui est un vrai problème dans la philosophie et l'approche de l'enseignement par rapport à l'élève : l'accessibilité des cours devrait être incontournable pour la qualité de l'enseignement en France.
directeur de l'association « Tremplin - Études, handicap, entreprises ». - Notre association existe depuis 29 ans. Fondée par des entreprises, elle s'appuie sur un réseau de 140 employeurs, privés ou publics. Notre action est principalement centrée sur les jeunes en situation de handicap. Outre les employeurs, notre écosystème comporte aussi les centres de formation, des lycées aux établissements d'enseignement supérieur de toute nature, en passant par les CFA et les familles. Nous avons redéfini notre projet stratégique associatif lors de notre assemblée générale d'avril 2019, et nous avons recentré notre action sociétale autour de deux enjeux, hélas encore trop prégnants.
Le premier est de contribuer à la réussite académique des jeunes en situation de handicap. Ils sont peu nombreux, proportionnellement, à accéder aux études supérieures. Surtout, ils arrivent sur le marché de l'emploi avec un niveau de qualification extrêmement bas, voire pas de qualification, ce qui génère un taux de chômage de près de 30 % des jeunes en situation de handicap. Il faut tout faire pour que ces jeunes puissent avancer dans leur parcours académique au moins jusqu'au bac, et ensuite leur permettre d'avancer dans les études supérieures. On sait très bien, en effet, qu'en France l'accès à l'emploi est fortement conditionné par le niveau d'études.
Nous avons quatre grands axes d'action. D'abord, nous accompagnons ces jeunes individuellement - nous les connaissons tous, nous les accueillons tous, individuellement et dans le temps, tout au long de leur parcours d'études, aussi long qu'il soit, jusqu'à leur entrée définitive dans le monde du travail. Pour cela, nous créons des liens entre eux et nos employeurs partenaires.
Depuis notre nouveau projet stratégique, nous avons développé deux autres axes. Le premier, c'est l'orientation. Handicap ou non, le poids des inégalités amplifie les biais : on ne propose pas la même chose à un jeune issu d'un milieu rural ou d'un milieu urbain, etc. Le rapport du Snaecso, en 2018, est assez flagrant en la matière. Nous avons recruté une psychologue de l'orientation pour faire les choses sérieusement, avec méthode, avec les outils appropriés. On ne peut pas s'amuser avec l'orientation des jeunes, qu'ils soient ou non en situation de handicap.
Le quatrième champ issu de notre projet stratégique est le développement, auprès de ces jeunes, des aptitudes en lien avec le monde professionnel. Il s'agit, par exemple, de les faire travailler sur la rédaction de leur CV ou d'une lettre de motivation, ou de les entraîner à leurs entretiens. Il s'agit aussi de perfectionner leur expression orale en anglais, car c'est une compétence exigée par de plus en plus d'entreprises, alors que la culture de l'enseignement en France porte davantage sur l'expression littéraire. Nous leur enseignons aussi des techniques pour répondre à une annonce d'offre d'emploi. Dans l'univers digital, nous leur montrons comment créer un profil sur LinkedIn, qui est un réseau professionnel très important. Le dernier axe de développement des compétences professionnelles concerne les fameuses soft skills, sur lesquelles les entreprises axent de plus en plus leur recrutement. Nous leur montrons comment mettre en évidence et valoriser ces compétences relationnelles et sociales à travers leurs différentes expériences professionnelles, personnelles, sportives, culturelles, sociales...
À travers cet accompagnement, tout au long de leur parcours, notre but est de développer leur autonomie. Ce n'est pas le jeune que nous mettons au centre de notre action, mais son projet. Notre but, c'est qu'il en soit le premier acteur : s'il ne participe pas à son propre projet, il nous est difficile de l'aider.
L'autre axe concerne nos employeurs. Ce n'est pas tout d'encourager les jeunes et de les aider à trouver un stage, un job d'été, des jobs étudiants ou de l'alternance. Encore faut-il que les employeurs leur ouvrent leurs portes et soient conscients que leurs exigences sont, pour eux, parfois excessives. Nous déployons donc un accompagnement de nos employeurs, que ce soit de grandes entreprises, des petites ou des moyennes, pour qu'ils s'ouvrent à ces jeunes. Il n'est pas évident d'accueillir en stage, en alternance ou en emploi, des personnes handicapées, et surtout des jeunes en situation de handicap. Tout au long de l'accueil d'un jeune, nous proposons un accompagnement.
Nous avons aussi mis en place des actions de coaching, surtout pendant le confinement : nous ne voulions pas que les jeunes que nous suivions restent isolés. Nous en avons profité pour mobiliser des collaborateurs et les collaboratrices de nos employeurs partenaires, et pas uniquement au sein des directions des ressources humaines, qui sont évidemment déjà sensibilisées : nous avons aussi souhaité atteindre les managers opérationnels, car ce sont eux qui recrutent pour leurs activités. Bref, nous avons cherché à toucher toutes les strates de l'entreprise, depuis le président-directeur général jusqu'aux ouvriers, en passant par les employés, les assistants, etc. Ce fut un fantastique outil de sensibilisation : chacune et chacun deviennent des « ambassadeurs du handicap ».
À chaque fois que nous menons des opérations vis-à-vis des jeunes, nous communiquons avec les centres de formation. C'est le cas des trois forums que nous organisons chaque année. Pour sensibiliser les étudiants au sujet du handicap, nous avons créé un grand concours vidéo appelé « Tous HanScène », qui en est à sa neuvième édition. Nous avons quatorze entreprises partenaires et recevons en moyenne 100 vidéos. Cette année, en plein confinement, nous en sommes déjà à 165 vidéos, et plus de 1 000 étudiants ont participé : toutes nos prévisions sont dépassées !
Nous menons aussi des actions de sensibilisation à la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH), même auprès des plus jeunes. Il est important de sensibiliser les plus jeunes et, à travers eux, leurs familles. Il arrive en effet que certains parents s'opposent à cette démarche de reconnaissance, ce qui complique énormément les choses pour les jeunes, notamment à l'entrée à l'université, lorsqu'ils doivent se rapprocher de la Mission handicap.
J'ai fait le point auprès de nos chargés d'accompagnement pour savoir ce qui était remonté de leurs échanges avec les jeunes. Sur les cours en distanciel, beaucoup apprécient la possibilité de faire des replays vidéo, ce qui laisse du temps pour la prise de notes et donne de la flexibilité sur l'emploi du temps - le tout dans un environnement connu, moins stressant. En ce qui concerne l'organisation des cours à distance, ces remontées font état de remarques sur les horaires, qui peuvent changer durant la journée, ce qui demande beaucoup d'adaptations. Les travaux en groupe, eux, sont plus difficiles à mener à distance. Pour les examens, il y a beaucoup plus de contrôle continu que les années passées. Cela met les étudiants, en situation de handicap ou non, sous davantage de pression. Et nos étudiants ne disposent pas toujours d'un tiers temps ou d'un temps complémentaire. De plus, selon ces témoignages, la relation avec les enseignants est plus compliquée à distance. Parfois, les échanges se font par e-mail, mais les réponses peuvent se faire attendre. En ce qui concerne la vie étudiante, certains sont retournés chez leurs parents dans ce contexte difficile et n'ont que peu de relations, voire plus de relations avec leurs camarades. Enfin, l'insertion professionnelle est plus difficile : tous les jeunes qui sont à la recherche de stages, d'alternance et d'emploi voient leur projet beaucoup moins souvent déboucher que les années précédentes.
Avec la crise sanitaire et l'isolement des étudiants, le décrochage scolaire s'est accru. Les étudiants en situation de handicap sont-ils plus durement touchés ?
Trouver un stage est difficile. On observe des inégalités selon les milieux sociaux, les réseaux, l'accompagnement de l'université ou de l'école, etc. Quels aménagements proposez-vous pour aider les jeunes en situation de handicap ? Des stages leur sont-ils réservés ?
Le nombre d'étudiants en situation de handicap a augmenté à l'université, à la fois avec l'accueil de nouveaux publics et l'amélioration du dépistage. Il a donc fallu recruter des aidants supplémentaires. Tous les besoins ont-ils été satisfaits dans toutes les régions, toutes les filières ? Les budgets pour rémunérer des aidants sont-ils suffisants ? Y a-t-il assez de candidats pour occuper ces postes ? Ensuite, avez-vous des chiffres sur les résultats scolaires, le niveau d'études atteint, l'accès au second cycle ou à un doctorat ?
J'ai été agréablement surprise en vous entendant décrire les initiatives dont vous témoignez ; certes il reste beaucoup à faire, mais je constate que des efforts réels ont été accomplis. Les étudiants sourds et malentendants peuvent utiliser des logiciels permettant de faire la traduction simultanée de l'oral à l'écrit, mais parfois ceux-ci ne reconnaissent pas les termes techniques employés dans les cours et cela peut nuire à la compréhension. L'enseignement en distanciel a ses limites, et elles sont encore plus fortes pour les sourds et malentendants. Certains étudiants bénéficient d'un accompagnement, d'autres pas : il faut aller plus loin en la matière. En tout cas, je tiens à saluer votre action. L'accès au stage, que vous favorisez, est un premier pas vers un emploi.
Dans le monde du travail, on sait que les personnes atteintes de handicap ne souhaitent pas toujours se déclarer. Est-ce le cas aussi dans l'enseignement supérieur ?
Vous n'avez pas mentionné les Crous. Pourquoi ?
Enfin, ma dernière question portera sur les aides. Celles-ci dépendent des établissements. Certaines ne posent pas de problèmes : tiers temps, assistance de preneurs de notes, etc. Pour d'autres aides, c'est plus difficile. Cela tient-il à la connaissance des dispositifs, à l'obtention des financements ?
Nous accompagnons les jeunes lorsqu'ils effectuent leur stage dans une des entreprises membres de notre réseau. Nous faisons le lien avec les chargés de mission handicap afin de s'assurer qu'ils reçoivent le meilleur accueil possible.
Les jeunes déclarent-ils leur handicap dans l'enseignement supérieur ? Nous constatons que nos actions dans les universités ou grandes écoles fonctionnent mieux lorsqu'elles sont anonymisées, si les jeunes ont juste à donner un pseudo ou à se connecter à distance ; elles ont moins de succès, en revanche, si l'on demande de s'identifier. On observe aussi une réelle demande des entreprises pour trouver des jeunes en situation de handicap afin d'occuper des postes en alternance. Nous avons communiqué auprès des jeunes susceptibles d'être intéressés pour qu'ils se fassent connaître.
La plupart des étudiants effectuent leur stage en distanciel. Cela n'est pas très bon, car ils ne rencontrent quasiment jamais leurs collègues de l'entreprise. Le présentiel concerne surtout les plus jeunes, les collégiens ou les lycéens dans leur stage de découverte.
Les entreprises sont effectivement soucieuses d'accueillir d'étudiants bénéficiaires d'une RQTH ; or ils sont peu nombreux. Parmi ceux que nous accompagnons, certains, en effet, ne verront pas leur handicap reconnu par la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH), même si nous estimons qu'ils sont atteints d'une pathologie qui les affecte dans leurs études ; d'autres n'ont pas fait les démarches pour obtenir la RQTH. Nous essayons de les aider, avec une assistante sociale, à le faire, mais beaucoup hésitent de peur d'être stigmatisés.
En ce qui concerne les aides humaines pour accompagner les étudiants en situation de handicap, la difficulté n'est pas, pour nous, une question de budget, mais bien le manque de ressources humaines. Nous recrutons des étudiants pour faire de la prise de notes : cela marche bien dans certaines filières, mais on manque de candidats dans d'autres. On essaie alors de récupérer les cours des enseignants, mais, outre les problèmes liés à la propriété intellectuelle, tous ne rédigent pas leurs cours. De plus, pour pouvoir recruter un étudiant capable d'en aider un autre en situation de handicap, nous devons attendre les affectations et la constitution des groupes de travaux dirigés avant de pouvoir faire un appel à candidatures et rédiger un contrat de travail. Il y a nécessairement un délai d'au moins un mois après la rentrée - autant de temps de perdu qui pénalise les étudiants handicapés. Pour anticiper, nous travaillons avec les établissements du secondaire afin de demander aux futurs étudiants concernés de se faire connaître et de prévoir les besoins à l'avance. En outre, certains étudiants ne se manifestent qu'en cours d'année ; il est alors alors difficile d'agir.
Sur la réussite, je ne peux que vous renvoyer à la thèse d'Antoine Vérétout - Les étudiants en situation de handicap entre l'amont et l'aval : parcours d'accès, expériences et perspectives professionnelles (thèse soutenue en 2019). Il explique que les jeunes en situation de handicap rentabilisent moins leurs diplômes, ce qui renvoie à la question de l'insertion professionnelle. Il ne faut pas non plus oublier les inégalités sociales : la proportion d'étudiants atteints d'un handicap est corrélée à la composition sociale des filières et les étudiants issus des catégories populaires sont proportionnellement plus nombreux parmi les étudiants en situation de handicap.
Il faut sensibiliser davantage les professeurs à ces questions et faire en sorte que les étudiants concernés participent davantage au fonctionnement des institutions universitaires.
Enfin, il est difficile d'appréhender l'impact spécifique de la crise sur les étudiants handicapés. L'accès aux stages pour cette génération est très difficile. De même, les taux de réussite semblent moins élevés, notamment lors des années diplômantes de L3 ou M2. Nous manquons toutefois de données scientifiques pour savoir si les étudiants atteints de handicap sont davantage touchés par ces phénomènes avec la crise. Je n'ai pas de chiffres non plus sur l'impact du confinement sur la situation mentale de ces étudiants.
Pour vous répondre, je ne peux qu'employer un terme à la mode, celui d'« intersectionnalité » : les étudiants en situation de handicap vont mécaniquement être plus touchés par un obstacle imprévu, car ils sont déjà en difficulté. Il faut aussi tenir compte de l'implication des familles. Notre association s'efforce de les atteindre, mais n'y parvient pas toujours. Les étudiants en situation de précarité, irrégulière ou en fin de droit auront le plus de difficultés.
En ce qui concerne la poursuite des études, on n'observe pas de décalage significatif entre les taux de scolarisation dans le secondaire et le supérieur ; en revanche, les étudiants en situation de handicap seront plus nombreux dans les universités que dans les grandes écoles, car la sélectivité y est moindre, même s'il faut aussi souligner que l'accessibilité des locaux dans les classes préparatoires ou les grandes écoles est moindre qu'à l'université. De plus, les enseignants des classes préparatoires n'ont pas le réflexe d'adapter leur enseignement, élitiste, à ces publics. Il n'est dès lors pas étonnant que 90 % des étudiants en situation de handicap soient à l'université, contre 70 % pour les étudiants en général. Leur surreprésentation dans les filières scientifiques et dans les IUT traduit une réponse par défaut aux difficultés d'accès aux grandes écoles et correspond aussi à une sorte d'autocensure.
Les universités sont aussi dotées de Missions handicap et doivent élaborer un schéma directeur triennal qui tient compte du handicap. Les Missions handicap permettent de porter leur voix auprès des enseignants et de l'institution, ce qui n'est pas toujours le cas dans les lycées ou les classes préparatoires aux grandes écoles. Les chances de réussite pour les étudiants en situation de handicap sont d'ailleurs plus importantes lorsqu'il existe une Mission handicap.
Je veux attirer votre attention sur un dispositif exemplaire existant à l'université de Poitiers, avec l'association « HandiSup Centre-Ouest ». Celle-ci est adossée étroitement à la Mission handicap de l'université, qui est délégataire du service public de l'accompagnement des étudiants et lui confie des missions sur la socialisation des étudiants ou l'accompagnement d'étudiants atteints de certains handicaps - cécité ou autisme par exemple. Ce dispositif fonctionne bien et pourrait inspirer d'autres structures.
Enfin, l'enseignement en distanciel a des effets très différents selon les handicaps : un étudiant atteint de troubles anxieux sera plutôt rassuré, mais il est difficile d'évaluer les effets à long terme, car cet âge est aussi crucial pour l'insertion dans les relations sociales.
Il existe des aides techniques spécifiques : lecteur d'écran avec synthèse vocale ou afficheur braille pour les non-voyants, boucle magnétique ou sous-titrage automatique pour les malentendants, etc., mais ils sont onéreux, et les étudiants ont aussi besoin d'autonomie : si l'université peut équiper une salle avec des boucles magnétiques, elle n'aura pas forcément les moyens de financer des dispositifs individuels. Il en va de même pour le handicap visuel : chaque ordinateur doit être configuré par un professionnel en fonction du handicap. Autant de coûts difficiles à planifier pour les missions handicap, car ils dépendent du nombre d'étudiants et de leurs pathologies.
Nous nous appuyons beaucoup sur les Crous et leur expertise, notamment pour trouver des solutions de logement.
Nous essayons de sensibiliser les étudiants avant la rentrée à l'intérêt d'accomplir la démarche pour obtenir une RQTH, qui est plus ou moins simple selon les départements. Mais on se heurte parfois aux réticences des familles ou des médecins, qui peuvent dissuader les jeunes pour leur éviter une stigmatisation.
Il est aussi important d'agir en amont pour éclairer les lycéens sur les différentes filières, lutter contre l'autocensure, leur donner envie d'intégrer certains cursus auxquels ils n'auraient pas osé postuler, mais, là encore, l'autocensure des jeunes ou des familles est parfois forte. Il faut également veiller à l'accessibilité des lieux de concours et des épreuves.
En ce qui concerne les stages, l'un des principaux obstacles est le niveau d'exigence des employeurs : les entreprises recherchent des jeunes en situation de handicap à condition qu'ils aient un Bac + 5 ou soient en Master ; mais peu de jeunes atteignent ce niveau. Nous essayons de les convaincre de donner leur chance à des jeunes en cours de scolarité ou d'un niveau moins élevé, afin de leur permettre de poursuivre leur cursus. Il ne s'agit pas de leur demander de revoir leurs exigences, mais de voir quels postes pourraient être occupés par des étudiants en BTS ou en licence professionnelle. L'enjeu est d'autant plus important que la majorité des étudiants en situation de handicap sont inscrits dans des filières professionnelles où le stage est obligatoire pour valider l'année, faute de quoi on redouble et l'on risque d'arriver sur le marché de l'emploi sans diplôme. Il est donc crucial de s'intéresser à tous les jeunes en filière professionnelle. Le BTS est souvent la première entrée dans l'enseignement supérieur et permet d'accéder, le cas échéant, à des études supérieures, voire de rejoindre une école d'ingénieurs. Il faut donc le faire savoir aux élèves et à leurs parents.
Je vous remercie.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 16 h 10.