directeur de l'association « Tremplin - Études, handicap, entreprises ». - Notre association existe depuis 29 ans. Fondée par des entreprises, elle s'appuie sur un réseau de 140 employeurs, privés ou publics. Notre action est principalement centrée sur les jeunes en situation de handicap. Outre les employeurs, notre écosystème comporte aussi les centres de formation, des lycées aux établissements d'enseignement supérieur de toute nature, en passant par les CFA et les familles. Nous avons redéfini notre projet stratégique associatif lors de notre assemblée générale d'avril 2019, et nous avons recentré notre action sociétale autour de deux enjeux, hélas encore trop prégnants.
Le premier est de contribuer à la réussite académique des jeunes en situation de handicap. Ils sont peu nombreux, proportionnellement, à accéder aux études supérieures. Surtout, ils arrivent sur le marché de l'emploi avec un niveau de qualification extrêmement bas, voire pas de qualification, ce qui génère un taux de chômage de près de 30 % des jeunes en situation de handicap. Il faut tout faire pour que ces jeunes puissent avancer dans leur parcours académique au moins jusqu'au bac, et ensuite leur permettre d'avancer dans les études supérieures. On sait très bien, en effet, qu'en France l'accès à l'emploi est fortement conditionné par le niveau d'études.
Nous avons quatre grands axes d'action. D'abord, nous accompagnons ces jeunes individuellement - nous les connaissons tous, nous les accueillons tous, individuellement et dans le temps, tout au long de leur parcours d'études, aussi long qu'il soit, jusqu'à leur entrée définitive dans le monde du travail. Pour cela, nous créons des liens entre eux et nos employeurs partenaires.
Depuis notre nouveau projet stratégique, nous avons développé deux autres axes. Le premier, c'est l'orientation. Handicap ou non, le poids des inégalités amplifie les biais : on ne propose pas la même chose à un jeune issu d'un milieu rural ou d'un milieu urbain, etc. Le rapport du Snaecso, en 2018, est assez flagrant en la matière. Nous avons recruté une psychologue de l'orientation pour faire les choses sérieusement, avec méthode, avec les outils appropriés. On ne peut pas s'amuser avec l'orientation des jeunes, qu'ils soient ou non en situation de handicap.
Le quatrième champ issu de notre projet stratégique est le développement, auprès de ces jeunes, des aptitudes en lien avec le monde professionnel. Il s'agit, par exemple, de les faire travailler sur la rédaction de leur CV ou d'une lettre de motivation, ou de les entraîner à leurs entretiens. Il s'agit aussi de perfectionner leur expression orale en anglais, car c'est une compétence exigée par de plus en plus d'entreprises, alors que la culture de l'enseignement en France porte davantage sur l'expression littéraire. Nous leur enseignons aussi des techniques pour répondre à une annonce d'offre d'emploi. Dans l'univers digital, nous leur montrons comment créer un profil sur LinkedIn, qui est un réseau professionnel très important. Le dernier axe de développement des compétences professionnelles concerne les fameuses soft skills, sur lesquelles les entreprises axent de plus en plus leur recrutement. Nous leur montrons comment mettre en évidence et valoriser ces compétences relationnelles et sociales à travers leurs différentes expériences professionnelles, personnelles, sportives, culturelles, sociales...
À travers cet accompagnement, tout au long de leur parcours, notre but est de développer leur autonomie. Ce n'est pas le jeune que nous mettons au centre de notre action, mais son projet. Notre but, c'est qu'il en soit le premier acteur : s'il ne participe pas à son propre projet, il nous est difficile de l'aider.
L'autre axe concerne nos employeurs. Ce n'est pas tout d'encourager les jeunes et de les aider à trouver un stage, un job d'été, des jobs étudiants ou de l'alternance. Encore faut-il que les employeurs leur ouvrent leurs portes et soient conscients que leurs exigences sont, pour eux, parfois excessives. Nous déployons donc un accompagnement de nos employeurs, que ce soit de grandes entreprises, des petites ou des moyennes, pour qu'ils s'ouvrent à ces jeunes. Il n'est pas évident d'accueillir en stage, en alternance ou en emploi, des personnes handicapées, et surtout des jeunes en situation de handicap. Tout au long de l'accueil d'un jeune, nous proposons un accompagnement.
Nous avons aussi mis en place des actions de coaching, surtout pendant le confinement : nous ne voulions pas que les jeunes que nous suivions restent isolés. Nous en avons profité pour mobiliser des collaborateurs et les collaboratrices de nos employeurs partenaires, et pas uniquement au sein des directions des ressources humaines, qui sont évidemment déjà sensibilisées : nous avons aussi souhaité atteindre les managers opérationnels, car ce sont eux qui recrutent pour leurs activités. Bref, nous avons cherché à toucher toutes les strates de l'entreprise, depuis le président-directeur général jusqu'aux ouvriers, en passant par les employés, les assistants, etc. Ce fut un fantastique outil de sensibilisation : chacune et chacun deviennent des « ambassadeurs du handicap ».
À chaque fois que nous menons des opérations vis-à-vis des jeunes, nous communiquons avec les centres de formation. C'est le cas des trois forums que nous organisons chaque année. Pour sensibiliser les étudiants au sujet du handicap, nous avons créé un grand concours vidéo appelé « Tous HanScène », qui en est à sa neuvième édition. Nous avons quatorze entreprises partenaires et recevons en moyenne 100 vidéos. Cette année, en plein confinement, nous en sommes déjà à 165 vidéos, et plus de 1 000 étudiants ont participé : toutes nos prévisions sont dépassées !
Nous menons aussi des actions de sensibilisation à la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH), même auprès des plus jeunes. Il est important de sensibiliser les plus jeunes et, à travers eux, leurs familles. Il arrive en effet que certains parents s'opposent à cette démarche de reconnaissance, ce qui complique énormément les choses pour les jeunes, notamment à l'entrée à l'université, lorsqu'ils doivent se rapprocher de la Mission handicap.
J'ai fait le point auprès de nos chargés d'accompagnement pour savoir ce qui était remonté de leurs échanges avec les jeunes. Sur les cours en distanciel, beaucoup apprécient la possibilité de faire des replays vidéo, ce qui laisse du temps pour la prise de notes et donne de la flexibilité sur l'emploi du temps - le tout dans un environnement connu, moins stressant. En ce qui concerne l'organisation des cours à distance, ces remontées font état de remarques sur les horaires, qui peuvent changer durant la journée, ce qui demande beaucoup d'adaptations. Les travaux en groupe, eux, sont plus difficiles à mener à distance. Pour les examens, il y a beaucoup plus de contrôle continu que les années passées. Cela met les étudiants, en situation de handicap ou non, sous davantage de pression. Et nos étudiants ne disposent pas toujours d'un tiers temps ou d'un temps complémentaire. De plus, selon ces témoignages, la relation avec les enseignants est plus compliquée à distance. Parfois, les échanges se font par e-mail, mais les réponses peuvent se faire attendre. En ce qui concerne la vie étudiante, certains sont retournés chez leurs parents dans ce contexte difficile et n'ont que peu de relations, voire plus de relations avec leurs camarades. Enfin, l'insertion professionnelle est plus difficile : tous les jeunes qui sont à la recherche de stages, d'alternance et d'emploi voient leur projet beaucoup moins souvent déboucher que les années précédentes.