Pour vous répondre, je ne peux qu'employer un terme à la mode, celui d'« intersectionnalité » : les étudiants en situation de handicap vont mécaniquement être plus touchés par un obstacle imprévu, car ils sont déjà en difficulté. Il faut aussi tenir compte de l'implication des familles. Notre association s'efforce de les atteindre, mais n'y parvient pas toujours. Les étudiants en situation de précarité, irrégulière ou en fin de droit auront le plus de difficultés.
En ce qui concerne la poursuite des études, on n'observe pas de décalage significatif entre les taux de scolarisation dans le secondaire et le supérieur ; en revanche, les étudiants en situation de handicap seront plus nombreux dans les universités que dans les grandes écoles, car la sélectivité y est moindre, même s'il faut aussi souligner que l'accessibilité des locaux dans les classes préparatoires ou les grandes écoles est moindre qu'à l'université. De plus, les enseignants des classes préparatoires n'ont pas le réflexe d'adapter leur enseignement, élitiste, à ces publics. Il n'est dès lors pas étonnant que 90 % des étudiants en situation de handicap soient à l'université, contre 70 % pour les étudiants en général. Leur surreprésentation dans les filières scientifiques et dans les IUT traduit une réponse par défaut aux difficultés d'accès aux grandes écoles et correspond aussi à une sorte d'autocensure.
Les universités sont aussi dotées de Missions handicap et doivent élaborer un schéma directeur triennal qui tient compte du handicap. Les Missions handicap permettent de porter leur voix auprès des enseignants et de l'institution, ce qui n'est pas toujours le cas dans les lycées ou les classes préparatoires aux grandes écoles. Les chances de réussite pour les étudiants en situation de handicap sont d'ailleurs plus importantes lorsqu'il existe une Mission handicap.
Je veux attirer votre attention sur un dispositif exemplaire existant à l'université de Poitiers, avec l'association « HandiSup Centre-Ouest ». Celle-ci est adossée étroitement à la Mission handicap de l'université, qui est délégataire du service public de l'accompagnement des étudiants et lui confie des missions sur la socialisation des étudiants ou l'accompagnement d'étudiants atteints de certains handicaps - cécité ou autisme par exemple. Ce dispositif fonctionne bien et pourrait inspirer d'autres structures.
Enfin, l'enseignement en distanciel a des effets très différents selon les handicaps : un étudiant atteint de troubles anxieux sera plutôt rassuré, mais il est difficile d'évaluer les effets à long terme, car cet âge est aussi crucial pour l'insertion dans les relations sociales.