Intervention de Maël Disa

Mission d'information Conditions de la vie étudiante — Réunion du 15 avril 2021 à 8h45
Audition de M. Maël Disa délégué interministériel pour l'égalité des chances des français d'outre-mer et la visibilité des outre-mer

Maël Disa, délégué interministériel pour l'égalité des chances des Français d'outre-mer et la visibilité des outre-mer :

Les problèmes liés au défaut d'immatriculation des étudiants venus des collectivités d'outre-mer (la question ne se pose pas pour les départements) existent effectivement depuis longtemps. Nous avons trouvé une solution avec la Polynésie française, ce qui devrait faciliter l'issue des difficultés que nous rencontrons avec les autres collectivités concernées. Avec la Nouvelle-Calédonie, le problème technique est lié aux interfaces numériques. J'espère qu'il sera réglé bientôt. Dans l'intervalle, nous sommes en lien avec l'Assurance maladie, nous trouvons des solutions.

Le logement est un réel problème ; pour y avoir été confronté personnellement il y a dix ans comme étudiant ultramarin, je sais qu'il ne date pas d'aujourd'hui et qu'il est structurel. Nous butons sur le fait que dans un marché tendu, le propriétaire choisit son locataire et qu'il est toujours difficile d'établir s'il y a discrimination. Les enquêtes d'opinion montrent que pour les parents, l'accès au logement est le premier frein à la mobilité des étudiants. C'est très important, parce que faute de pouvoir se loger en métropole, des étudiants choisissent une filière locale par défaut. Ils sont donc conduits à s'orienter non pas en raison de leurs aspirations, mais pour rester sur place, ce qui limite vraiment leur choix.

Avec le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation et le ministère du logement, nous allons lancer dès juin une plateforme regroupant l'offre de logements universitaires, privés, et sociaux, en lien avec le Cnous et le Crous de Paris. Actuellement, les étudiants ultramarins peuvent demander via Parcoursup un logement au Crous mais faute d'établissement sur place, seuls 4 400 en obtiennent, soit un étudiant ultramarin sur dix présents en métropole. Les autres se logent dans le parc classique. Nous avons négocié avec des bailleurs pour attribuer 4 000 réservations de logements en priorité aux étudiants ultramarins dans les neufs villes que je vous ai citées. Nous souhaitons cibler ces réservations sur les primo-arrivants. Cette plateforme a vocation à s'étendre, pour que l'hébergement ne soit plus un problème. Notre objectif est que ces étudiants aient signé leur bail avant leur départ pour la métropole.

L'équipement informatique est une difficulté réelle, en particulier pour suivre les cours. S'il n'y a pas d'aide spécifique dans ce domaine pour les étudiants ultramarins, l'ensemble des aides sociales du Crous leur est accessible pour l'achat de biens informatiques.

L'exigence d'un motif impérieux pour retourner dans sa famille, en place depuis le deuxième confinement, laisse une marge d'appréciation à la police de l'aéroport, ce qui a posé des problèmes épineux. La difficulté a été réglée, grâce à l'intervention du ministre des outre-mer Sébastien Lecornu : le retour dans le territoire d'origine, notamment pour effectuer un stage, a été validé comme motif impérieux. Nous avons été sollicités, il a parfois été question de défaut de justificatifs, mais la doctrine semble désormais bien établie.

Le retour des diplômés dans les territoires ultramarins est un vrai sujet. Cependant, vaut-il mieux un retour juste après le diplôme, ou est-il préférable qu'il ait lieu plus tard ? Je crois qu'il y a deux batailles : le retour des forces vives que sont les jeunes diplômés, et celui des forces vives plus établies, donc des professionnels qui ont déjà une bonne expérience. S'il fallait définir une priorité, je pense qu'il vaudrait mieux commencer par les diplômés plus confirmés, et laisser les plus jeunes consolider leur expérience et enrichir leur CV dans l'Hexagone ou à l'étranger. Nous pouvons accompagner le mouvement par un suivi personnalisé, qui prépare un retour, y compris dans une perspective de long terme, lorsque la personne a acquis suffisamment d'expérience. Nous allons collaborer avec les centres d'information jeunesse pour faciliter l'accès à un coach, un mentor, qui puisse suivre l'étudiant pendant son cursus et accompagne son projet de retour dans la durée. Ce qui compte surtout, c'est que le retour ne se fasse pas par défaut, d'autant que la situation de l'emploi n'est pas toujours bonne dans les outre-mer. J'attire votre attention sur le fait qu'un projet de retour se construit dès le choix de la filière, qui détermine la possibilité de retour - pour prendre mon exemple personnel, je me suis formé comme ingénieur chimiste, donc j'avais la quasi-certitude que je n'exercerais pas mes compétences en Guadeloupe. C'est pourquoi il faut informer les jeunes sur les débouchés des filières et sur les perspectives d'embauche locale. J'ai constaté, au vu du nombre d'emplois non pourvus outre-mer, que l'offre et la demande d'emplois sont mal corrélées. Il faut donc y travailler.

La souffrance psychologique des étudiants ultramarins est importante. On dit qu'un étudiant ultramarin sur deux arrête son cursus en première année : c'est un chiffre qui circule quoiqu'il n'ait pas été vérifié - il indique que l'accueil, l'intégration, l'accompagnement et l'aide des associations sont déterminants, il faut les renforcer. C'est le but de la plateforme « Outre-mer solidaires » que nous avons mise en place pour fournir un cadre d'entraide.

Il faut prendre le problème des étudiants ultramarins à la source, dès l'orientation et le choix de la filière, puis dès l'arrivée de ces étudiants en métropole les mettre en relation, par exemple, avec les référents du Crous et avec le réseau associatif de l'Hexagone, mais aussi encourager le mentorat. Le dispositif du « chèque psy» est également un recours.

Les étudiants mineurs ne sont pas comptabilisés dans l'enseignement supérieur. Nous avons organisé le retour de mineurs ultramarins qui étaient restés dans l'Hexagone, avec la « quatorzaine » dans les territoires. D'autres jeunes ne sont pas rentrés dans leurs familles, parfois en vertu d'un choix solidaire tenant à la volonté d'éviter de contaminer leurs proches. Il est difficile de préciser combien ont été concernés, mais il y a bien un sujet particulier : 14 ou 15 ans, c'est bien jeune pour être privé de rentrer dans sa famille.

Le décrochage est une réalité, des actions sont mises en place ; 13 universités franciliennes, en lien avec les rectorats concernés, ont déposé un projet dans le cadre du programme d'investissements d'avenir (PIA) pour améliorer l'accueil des étudiants ultramarins et leur permettre, quand ils ne poursuivent pas leur cursus, de rentrer tout en suivant un diplôme universitaire (DU) pour faciliter leur insertion sur le marché local du travail. Avec cette formule, l'étudiant qui rentre peut capitaliser son séjour en métropole même s'il n'a duré qu'une année ; c'est une expérimentation à étendre sur tout le territoire.

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