Mission d'information Conditions de la vie étudiante

Réunion du 15 avril 2021 à 8h45

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

Avant d'entendre M. Maël Disa, délégué interministériel pour l'égalité des chances des Français d'outre-mer et la visibilité des outre-mer, je remercie vivement la délégation sénatoriale aux outre-mer et son président, Stéphane Artano, pour leur participation active à cette audition. Grâce à la délégation aux outre-mer, nous disposons d'une revue de presse et de documents très complets sur la situation des étudiants ultramarins dans l'Hexagone : ce travail de recherche nourrira notre réflexion. Merci, chers collègues.

Notre mission d'information a rapidement identifié les problèmes spécifiques rencontrés par les étudiants ultramarins, grâce en particulier aux alertes de nos collègues ultramarins Gérard Poadja et Victoire Jasmin, et nous souhaitons accorder une grande place à cette problématique dans nos travaux. Nous avons d'ailleurs entendu, le 22 mars, la présidente de l'Association Sciences Ô, qui représente les outre-mer à Sciences Po ; nous avons pu percevoir les difficultés propres à cette communauté étudiante.

Notre mission d'information poursuit trois objectifs principaux : comprendre comment les étudiants ont vécu les conditions très particulières d'enseignement qui leur ont été imposées avec la crise sanitaire ; parvenir à une compréhension plus globale des problèmes de la vie étudiante et à une vision prospective de ses enjeux ; faire des propositions pour améliorer la condition étudiante et, en particulier, la situation des étudiants ultramarins qui rencontrent des problèmes spécifiques dans l'Hexagone. J'ai découvert certaines de ces difficultés grâce à nos travaux - je pense en particulier à la couverture sociale des étudiants venus du Pacifique, qui n'y accèdent pas faute de numéro de Sécurité sociale.

Je vous remercie, monsieur Disa, de vous être rendu disponible pour nous ce matin. Je précise que vous avez été nommé Délégué interministériel le 15 janvier 2020 - je cite votre lettre de mission - pour « promouvoir et valoriser les Outre-mer français sur l'ensemble du territoire national et à l'étranger dans les domaines économique, social, culturel et sportif ; prévenir les difficultés spécifiques que rencontrent, dans le territoire métropolitain, les Français d'outre-mer et faciliter leur relation avec leur collectivité d'origine » : nous sommes vraiment au coeur de la problématique de notre mission d'information. Je donne sans plus tarder la parole à Stéphane Artano, président de la délégation sénatoriale aux outre-mer, que je remercie une nouvelle fois d'avoir accepté cette réunion commune. Puis, après l'intervention de notre rapporteur, Laurent Lafon, par ailleurs président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, qui vous posera quelques questions, je vous donnerai la parole, monsieur le délégué interministériel, Nous aurons ensuite un temps d'échanges. Cher Stéphane Artano, vous avez la parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Artano

Au nom de la délégation aux outre-mer, j'adresse nos sincères remerciements à la mission d'information sur les conditions de la vie étudiante, et en particulier à son président Pierre Ouzoulias et à son rapporteur Laurent Lafon, pour cette invitation qui me tient particulièrement à coeur.

La situation actuelle des étudiants ultramarins a toute sa place dans vos travaux du Sénat, non pas au nom d'un « réflexe outre-mer » passé dans le langage courant de façon un peu incantatoire, mais bien en raison de difficultés profondes et spécifiques que la crise sanitaire a encore accentuées. Nous sommes convaincus que votre mission peut aider à une prise de conscience des problèmes et des enjeux que cette situation soulève. Il en va en effet non seulement de l'intégration dans l'Hexagone, mais aussi de l'avenir de nos territoires qui ne pourront se développer sans les forces vives qui la composent et la qualité de leur formation.

Je ne souhaite pas empiéter sur les sujets qui seront abordés sans aucun doute par le délégué interministériel, M. Maël Disa, à qui j'adresse mes très cordiales salutations. Notre délégation a eu l'opportunité de l'auditionner il y a tout juste un mois sur la représentation et la visibilité des outre-mer dans l'audiovisuel public. Cette table ronde a été largement reprise dans les médias et a fait l'objet d'engagements précis de la part de France Télévisions, ce qui montre l'utilité de telles réunions.

Comme vous l'avez souligné, monsieur le président, la délégation tient à votre disposition un dossier d'information - que je crois en effet assez complet -, composé à la fois d'articles de presse mais également de témoignages précis, en provenance des antennes des collectivités ultramarines à Paris dont je veux saluer la mobilisation face aux cas les plus dramatiques, en particulier pour le soutien psychologique et la distribution de colis alimentaires. Nous pourrons bien entendu compléter ce dossier si besoin.

Je me permettrai juste de souligner quelques points - à nos yeux majeurs - sur lesquels mes collègues Gérard Poadja, Victoire Jasmin, Victorin Lurel notamment - ont appelé notre attention lors de nos récents travaux.

Plus que d'autres peut-être, les étudiants ultramarins sont confrontés à des défis qui tiennent : d'abord, à la mobilité et au coût élevé des billets d'avion, notamment pour les destinations éloignées du Pacifique et de l'océan Indien ; ensuite, à la précarité financière avec la complexité du système des bourses, l'accès limité aux emplois étudiants et aux stages mais également parfois aussi à une méconnaissance des aides mises en place par leurs propres collectivités ; l'accès à la santé est encore aléatoire du fait en particulier de mutuelles étudiantes qui ne sont pas identiques dans l'Hexagone...

Mais le point sur lequel je voudrais insister est la question du logement : faute de places en résidences universitaires, les étudiants et leurs familles se tournent vers le privé avec les difficultés inhérentes pour le choix et les visites d'appartements, les réticences des agences et propriétaires liées à la domiciliation bancaire en outre-mer - et ceci malgré la garantie Visale mise en place par l'État -, ou encore la production de justificatifs de revenus ; il faut noter aussi des délais d'instruction trop longs pour le bénéfice des aides au logement et ensuite, en cas de retour, la nécessité souvent de continuer à régler un loyer pour ne pas se retrouver à la rue à leur retour ...

La crise sanitaire et les périodes de confinement ont mis en avant les conditions d'exiguïté, d'inconfort et d'isolement des logements de nos jeunes, qu'ils soient ultramarins ou hexagonaux d'ailleurs. Face ce qui s'apparente à un véritable « parcours du combattant », notre collègue Gérard Poadja a proposé la mise en place d'une véritable cellule sociale d'accompagnement et nous aimerions connaître l'avis du délégué sur cette suggestion. L'ensemble des services publics fonctionne désormais via des plateformes qui prennent en compte des situations-types mais rarement les spécificités outre-mer, sans compter le problème des frais et équipements numériques qui a une incidence y compris pour le suivi des cours.

Le second problème, de plus en plus sensible au fur et à mesure que s'élève le niveau de formation, est celui des débouchés : on le sait, l'accès aux grandes écoles reste encore trop rare pour les ultramarins et les préparations locales aux concours de la fonction publique trop peu développées. Espérons que la création du futur Institut du service public soit l'occasion de réfléchir à ces sujets. Il y a aussi la frustration de ne pas accéder aux emplois qualifiés sur leur territoire d'origine malgré les diplômes obtenus, et c'est un problème qui mérite une attention particulière.

Sachez, monsieur le président, combien nous nous félicitions ce matin que vous preniez ces problématiques « à bras le corps » et que vous pourrez compter sur notre plein soutien pour relayer vos travaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

Merci de votre propos, il montre bien la cohérence de nos travaux respectifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Monsieur le délégué, je commencerai par poser des questions sur le diagnostic que l'on peut établir à l'issue d'une année de crise sanitaire : quel état des lieux dressez-vous de la situation des étudiants ultramarins, en métropole et en outre-mer ? Quelles difficultés spécifiques rencontrent-ils - en particulier pour le logement, le soutien financier, la couverture santé, le numérique et la vie sociale ? Nous savons que la crise a amplifié des problèmes qui pouvaient se poser auparavant. Comment faire en sorte que ces difficultés n'existent plus après la crise ? Nous voulons pouvoir mieux cibler les étudiants ultramarins qui rencontrent les plus grandes difficultés.

Nous nous interrogeons, ensuite, sur l'efficacité des mesures prises par le Gouvernement face à la crise, en particulier l'aide de 150 euros pour les étudiants boursiers et l'aide spécifique de 200 euros pour les ultramarins : combien en ont bénéficié ? Le Gouvernement envisage-t-il d'autres mesures ? Des collectivités territoriales ont complété cette aide : dans quelle proportion ? Quel bilan faites-vous de la plateforme « Outre-mer Solidaires », lancée pendant le premier confinement ? Un tel outil règle-t-il le problème d'accès à l'information, qui se pose à bien des jeunes sortant du cocon familial et se trouvant souvent isolés - pensez-vous qu'il doive perdurer ? Les réseaux de solidarité ultramarine sont actifs, en particulier via les associations d'étudiants ultramarins : les associez-vous à votre action ?

Enfin, il y a la question du retour dans leur territoire des étudiants qui le souhaitent : quelles perspectives ont-ils en matière d'insertion et d'orientation professionnelles ?

Debut de section - Permalien
Maël Disa, délégué interministériel pour l'égalité des chances des Français d'outre-mer et la visibilité des outre-mer

Je vous remercie tout d'abord pour votre invitation. Le sujet qui nous réunit est primordial. La délégation interministérielle, que j'ai l'honneur de conduire depuis le 15 janvier 2020, fait de la jeunesse des outre-mer sa priorité, en particulier les jeunes ultramarins en mobilité éducative dans l'Hexagone.

Nous travaillons spécifiquement sur la formation et l'accompagnement en amont du départ en mobilité, qui constitue pour nous un enjeu majeur, de même que l'accueil et l'intégration dans le territoire hexagonal, avec une attention toute particulière sur le logement ; nous travaillons également sur l'accès aux stages et à l'emploi, sur le suivi de ces jeunes pendant leur cursus, notamment par le coaching et le mentorat. Nous attachons également beaucoup d'intérêt aux différentes formes d'engagement citoyen, comme par exemple le service civique. Nous nous préoccupons aussi d'accompagner le retour dans les territoires.

Nous allons lancer un guichet unique où seront réservés quelque 4 000 logements aux étudiants ultramarins. La crise a révélé l'intensité des difficultés liées à ce que nous appelons l'hyper éloignement structurel, c'est-à-dire le côté systémique des difficultés lorsqu'on étudie loin de chez soi et qu'on ne peut y retourner comme on voudrait. Ces difficultés se font sentir tout au long des études et sont particulièrement aiguës en première année, quand on arrive en métropole.

Quelques chiffres : les étudiants sont considérés comme ultramarins lorsqu'ils ont obtenu leur baccalauréat outre-mer, soit environ 100 000 étudiants. Parmi eux, 40 % étudient dans l'Hexagone : ce sont ces 40 000 étudiants que nous visons plus particulièrement. Neuf sur dix vivent dans neuf agglomérations, par ordre d'importance : Paris, Bordeaux, Marseille, Lyon, Montpellier, Rennes, Strasbourg, Lille et Nantes. Chaque année, 8 000 étudiants ultramarins arrivent en métropole, dont 6 000 viennent tout juste d'avoir le bac et 2 000 sont en cours de cursus. Nous avons surtout travaillé sur les primo-arrivants, plus fragilisés du fait de la crise. Celle-ci a aggravé leurs difficultés, mais certains étaient précarisés en amont et ces difficultés étaient bien antérieures. La crise sanitaire a eu des effets dévastateurs en particulier pour les étudiants ultramarins qui n'avaient pas été intégrés dans les mesures prises par le Gouvernement via les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous) et qui n'ont pas pu rentrer dans leurs familles : le Président de la République en a parlé dès le premier confinement.

La plateforme « Outre-mer solidaires » a été lancée, c'est le choix d'un outil mis à disposition des associations qui sont généralement les plus efficaces pour agir rapidement, nous y avons lancé un appel à projets pour financer celles qui pourraient aider les étudiants : 16 associations ont été soutenues, dont 15 associations étudiantes, avec l'objectif qu'elles accompagnent tous les étudiants ultramarins, au-delà de leur seul ancrage territorial, dans un esprit de solidarité entre les outre-mer. Ces associations, il faut le souligner, font un travail formidable. La plateforme est toujours en activité, elle a vocation à continuer dans la durée.

L'aide de 150 euros a été versée à 53 000 étudiants boursiers ultramarins, dont 23 000 étudient dans l'Hexagone ; l'aide spécifique de 200 euros a été versée à 24 000 étudiants restés dans l'Hexagone pendant la crise sanitaire - nous ne savons pas combien d'étudiants ultramarins sont rentrés, mais nous avons cette indication qu'un peu plus d'un sur deux a touché l'aide spécifique.

Le réseau associatif des étudiants ultramarins est présent dans l'Hexagone, mais dispersé, on le dit souvent ; la plateforme que nous avons mise en place est un outil utile pour que les étudiants repèrent facilement où s'adresser pour recevoir de l'aide. La crise a permis d'accélérer le lien entre ces étudiants et les associations.

S'agissant des perspectives, nous savons que les problèmes structurels vont continuer, mais aussi que la crise sanitaire, en les faisant apparaître au grand jour - la presse nationale en a parlé - favorise leur prise en compte. Ces difficultés ne sont plus un sujet confidentiel. Nous avons également vu des étudiants étrangers se tourner vers nous, en se disant que les étudiants ultramarins connaissaient des problèmes proches des leurs, et nous avons pu en inclure dans nos dispositifs d'accompagnement. Ceux-ci ont été perçus comme un moyen pour eux de se rapprocher du dispositif national d'aide aux étudiants.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Poadja

Merci pour ces travaux et d'avoir convié à cette audition les membres de la délégation sénatoriale aux outre-mer. Les difficultés des étudiants calédoniens sont bien plus anciennes que la crise sanitaire : elles sont liées à l'éloignement bien sûr, mais aussi à des discriminations dans la société et à la complexité de certaines démarches administratives. La Maison de la Nouvelle-Calédonie apporte une aide précieuse, mais les difficultés demeurent. L'une d'elle, en particulier, tient à ce que les Calédoniens n'ont pas de numéro Insee avant d'en faire la demande, et que tant qu'ils ne l'ont pas obtenu, ce qui prend du temps, leur accès aux services est souvent très compliqué. L'absence de numéro a des effets sur le versement d'aides et de bourses. Ces étudiants ont le sentiment d'être des étrangers et, faute d'aide, ils sont parfois contraints de retourner dans leur famille. Il faut impérativement simplifier les procédures et accélérer l'attribution des aides.

Les étudiants calédoniens, ensuite, se voient trop souvent refuser un logement du fait que leur garant n'est pas dans l'Hexagone, alors que les banques sont les mêmes en Nouvelle-Calédonie, par exemple la Société générale ou BNP-Paribas, et que la garantie Visale offre, gratuitement, une caution et une garantie : pourquoi ces refus, qui, en réalité, contrarient la bonne application de la loi ?

Enfin, des Calédoniens, faute d'équipement informatique adéquat, ont dû suivre les cours à distance sur leur téléphone : peut-on envisager une aide pour un équipement informatique adapté ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Merci pour ces travaux et pour votre invitation à cette séquence commune. Je tiens à saluer aussi le président Artano qui une fois de plus permet à la délégation aux outre-mer de traiter des vraies difficultés. Depuis le début de la crise sanitaire, l'équipe de la délégation interministérielle est très présente. Nous avons eu à la solliciter plusieurs fois et nous avons toujours été entendus - je pense en particulier à un étudiant mahorais bloqué en Martinique, pour lequel, après votre intervention, monsieur le délégué, une solution a été trouvée.

Quel bilan faites-vous après un an de crise sanitaire ? Votre délégation a-t-elle disposé des moyens de coordination ? Quelles préconisations feriez-vous pour l'après-crise ? Des étudiants se heurtent à l'exigence d'un motif impérieux pour être autorisés à se déplacer entre Mayotte et La Réunion : vous saisissent-ils ? Quelles solutions vous paraissent possibles ? Il est déjà difficile d'obtenir un stage depuis Mayotte, alors si l'on est empêché de se déplacer, c'est très handicapant.

J'aimerais également évoquer les perspectives de retour pour les étudiants diplômés. Certains de nos territoires souffrent d'un manque d'ingénierie. La solution passe par le retour d'étudiants formés : comment pensez-vous qu'il faille agir ? Chaque année, l'examen de la loi de finances est l'occasion de rappeler que les crédits sont sous-consommés dans les outre-mer, faute d'ingénierie pour monter des projets : votre délégation réfléchit-elle aux façons de faire mieux ? Quelles sont les pistes ? Comment avancer ? Quelles recommandations pourrions-nous formuler ?

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Artano

Il existe des dispositifs de coordination entre les régimes de sécurité sociale, qui diffèrent d'un territoire à l'autre : cette coordination peut-elle être étendue pour éviter des ruptures de prise en charge lors de l'arrivée en métropole ? Par ailleurs, la crise sanitaire a souligné les difficultés psychologiques rencontrées par les étudiants ultramarins : avez-vous un dispositif dédié, une prise en charge psychologique renforcée ?

Debut de section - PermalienPhoto de Micheline Jacques

Je veux souligner le cas des élèves qui, après le collège, sont envoyés en métropole pour les années de lycée faute d'établissement sur place et sont hébergés chez des parents ou amis de la famille. Ayant passé le bac dans l'Hexagone, ils ne sont donc pas considérés ensuite comme des étudiants ultramarins. Je pense aussi à deux mineurs qui n'ont pas pu rentrer à Saint-Barthélemy : ils sont restés bloqués à l'aéroport du fait de ce qui a été considéré comme un défaut de motif impérieux, ce qui a généré beaucoup d'angoisse pour les familles, avant qu'une solution ne soit trouvée. Il y aurait une soixantaine d'étudiants mineurs, les suivez-vous de plus près ?

S'agissant du manque d'ingénierie, ensuite, nous nous interrogeons sur la représentativité des ultramarins dans les services de l'État outre-mer : on y voit beaucoup d'agents venus de l'Hexagone, peu d'ultramarins : pourquoi ne pas les intégrer davantage comme stagiaires et les former, ce qui les inciterait davantage à revenir après leurs études ?

Debut de section - PermalienPhoto de Vivette Lopez

Merci pour cette réunion importante. Le Gouvernement a pris l'initiative du dispositif « un jeune, une solution » : les ultramarins y ont-ils une place particulière ? La crise sanitaire a privé bien des étudiants des revenus qu'ils tiraient de « petits boulots », qui sont souvent une nécessité pour les étudiants ultramarins : cette crise ne va-t-elle pas décourager des étudiants de venir faire leurs études dans l'Hexagone ?

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Une question sur les étudiants qui décrochent, un phénomène toujours difficilement vécu : savez-vous combien d'étudiants ultramarins ont été concernés l'an passé ? Les chiffres sont difficiles à obtenir sur le plan national. Quelles relations avez-vous, ensuite, avec les grands opérateurs comme le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (Cnous) et l'Assurance maladie ? Y avez-vous des interlocuteurs dédiés aux étudiants ultramarins, qui seraient une ressource vers laquelle se tourner ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

Vous dites que des étudiants étrangers sont venus vers vous. Nos collègues ultramarins ont en effet un rôle essentiel dans la présence française dans le monde ; pourrions-nous organiser une relation entre les étudiants ultramarins et ces étudiants étrangers, pour conforter une dimension essentielle de notre rayonnement dans le monde et de la diffusion d'un mode de pensée auquel nous sommes très attachés ?

Debut de section - Permalien
Maël Disa, délégué interministériel pour l'égalité des chances des Français d'outre-mer et la visibilité des outre-mer

Les problèmes liés au défaut d'immatriculation des étudiants venus des collectivités d'outre-mer (la question ne se pose pas pour les départements) existent effectivement depuis longtemps. Nous avons trouvé une solution avec la Polynésie française, ce qui devrait faciliter l'issue des difficultés que nous rencontrons avec les autres collectivités concernées. Avec la Nouvelle-Calédonie, le problème technique est lié aux interfaces numériques. J'espère qu'il sera réglé bientôt. Dans l'intervalle, nous sommes en lien avec l'Assurance maladie, nous trouvons des solutions.

Le logement est un réel problème ; pour y avoir été confronté personnellement il y a dix ans comme étudiant ultramarin, je sais qu'il ne date pas d'aujourd'hui et qu'il est structurel. Nous butons sur le fait que dans un marché tendu, le propriétaire choisit son locataire et qu'il est toujours difficile d'établir s'il y a discrimination. Les enquêtes d'opinion montrent que pour les parents, l'accès au logement est le premier frein à la mobilité des étudiants. C'est très important, parce que faute de pouvoir se loger en métropole, des étudiants choisissent une filière locale par défaut. Ils sont donc conduits à s'orienter non pas en raison de leurs aspirations, mais pour rester sur place, ce qui limite vraiment leur choix.

Avec le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation et le ministère du logement, nous allons lancer dès juin une plateforme regroupant l'offre de logements universitaires, privés, et sociaux, en lien avec le Cnous et le Crous de Paris. Actuellement, les étudiants ultramarins peuvent demander via Parcoursup un logement au Crous mais faute d'établissement sur place, seuls 4 400 en obtiennent, soit un étudiant ultramarin sur dix présents en métropole. Les autres se logent dans le parc classique. Nous avons négocié avec des bailleurs pour attribuer 4 000 réservations de logements en priorité aux étudiants ultramarins dans les neufs villes que je vous ai citées. Nous souhaitons cibler ces réservations sur les primo-arrivants. Cette plateforme a vocation à s'étendre, pour que l'hébergement ne soit plus un problème. Notre objectif est que ces étudiants aient signé leur bail avant leur départ pour la métropole.

L'équipement informatique est une difficulté réelle, en particulier pour suivre les cours. S'il n'y a pas d'aide spécifique dans ce domaine pour les étudiants ultramarins, l'ensemble des aides sociales du Crous leur est accessible pour l'achat de biens informatiques.

L'exigence d'un motif impérieux pour retourner dans sa famille, en place depuis le deuxième confinement, laisse une marge d'appréciation à la police de l'aéroport, ce qui a posé des problèmes épineux. La difficulté a été réglée, grâce à l'intervention du ministre des outre-mer Sébastien Lecornu : le retour dans le territoire d'origine, notamment pour effectuer un stage, a été validé comme motif impérieux. Nous avons été sollicités, il a parfois été question de défaut de justificatifs, mais la doctrine semble désormais bien établie.

Le retour des diplômés dans les territoires ultramarins est un vrai sujet. Cependant, vaut-il mieux un retour juste après le diplôme, ou est-il préférable qu'il ait lieu plus tard ? Je crois qu'il y a deux batailles : le retour des forces vives que sont les jeunes diplômés, et celui des forces vives plus établies, donc des professionnels qui ont déjà une bonne expérience. S'il fallait définir une priorité, je pense qu'il vaudrait mieux commencer par les diplômés plus confirmés, et laisser les plus jeunes consolider leur expérience et enrichir leur CV dans l'Hexagone ou à l'étranger. Nous pouvons accompagner le mouvement par un suivi personnalisé, qui prépare un retour, y compris dans une perspective de long terme, lorsque la personne a acquis suffisamment d'expérience. Nous allons collaborer avec les centres d'information jeunesse pour faciliter l'accès à un coach, un mentor, qui puisse suivre l'étudiant pendant son cursus et accompagne son projet de retour dans la durée. Ce qui compte surtout, c'est que le retour ne se fasse pas par défaut, d'autant que la situation de l'emploi n'est pas toujours bonne dans les outre-mer. J'attire votre attention sur le fait qu'un projet de retour se construit dès le choix de la filière, qui détermine la possibilité de retour - pour prendre mon exemple personnel, je me suis formé comme ingénieur chimiste, donc j'avais la quasi-certitude que je n'exercerais pas mes compétences en Guadeloupe. C'est pourquoi il faut informer les jeunes sur les débouchés des filières et sur les perspectives d'embauche locale. J'ai constaté, au vu du nombre d'emplois non pourvus outre-mer, que l'offre et la demande d'emplois sont mal corrélées. Il faut donc y travailler.

La souffrance psychologique des étudiants ultramarins est importante. On dit qu'un étudiant ultramarin sur deux arrête son cursus en première année : c'est un chiffre qui circule quoiqu'il n'ait pas été vérifié - il indique que l'accueil, l'intégration, l'accompagnement et l'aide des associations sont déterminants, il faut les renforcer. C'est le but de la plateforme « Outre-mer solidaires » que nous avons mise en place pour fournir un cadre d'entraide.

Il faut prendre le problème des étudiants ultramarins à la source, dès l'orientation et le choix de la filière, puis dès l'arrivée de ces étudiants en métropole les mettre en relation, par exemple, avec les référents du Crous et avec le réseau associatif de l'Hexagone, mais aussi encourager le mentorat. Le dispositif du « chèque psy» est également un recours.

Les étudiants mineurs ne sont pas comptabilisés dans l'enseignement supérieur. Nous avons organisé le retour de mineurs ultramarins qui étaient restés dans l'Hexagone, avec la « quatorzaine » dans les territoires. D'autres jeunes ne sont pas rentrés dans leurs familles, parfois en vertu d'un choix solidaire tenant à la volonté d'éviter de contaminer leurs proches. Il est difficile de préciser combien ont été concernés, mais il y a bien un sujet particulier : 14 ou 15 ans, c'est bien jeune pour être privé de rentrer dans sa famille.

Le décrochage est une réalité, des actions sont mises en place ; 13 universités franciliennes, en lien avec les rectorats concernés, ont déposé un projet dans le cadre du programme d'investissements d'avenir (PIA) pour améliorer l'accueil des étudiants ultramarins et leur permettre, quand ils ne poursuivent pas leur cursus, de rentrer tout en suivant un diplôme universitaire (DU) pour faciliter leur insertion sur le marché local du travail. Avec cette formule, l'étudiant qui rentre peut capitaliser son séjour en métropole même s'il n'a duré qu'une année ; c'est une expérimentation à étendre sur tout le territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Comment fonctionnera la plateforme pour la réservation de logements aux étudiants ultramarins ? La réservation et la caution seront-elles effectives ?

Debut de section - Permalien
Maël Disa, délégué interministériel pour l'égalité des chances des Français d'outre-mer et la visibilité des outre-mer

Actuellement, les étudiants ultramarins peuvent faire une demande de logement au Crous sur Parcoursup - il y a 4 400 affectations pour 10 000 demandes. Notre but, avec la plateforme, c'est que les étudiants ultramarins puissent aussi accéder à une offre de logements réservés dans le parc des Crous, dans le parc social et dans le parc privé. Nous avons négocié avec des bailleurs pour réserver quelque 4 000 logements, où la garantie Visale sera systématiquement activée. Cela sécurisera les transactions et le problème de caution sera réglé en amont. Nous suivrons bien mieux la situation des étudiants. Cette plateforme permettra d'améliorer la communication avec eux ; ce sera un progrès par rapport à la situation actuelle. Nous voulons d'ailleurs monter en capacité : pourquoi ne pas ouvrir cette plateforme à d'autres publics ? Elle pourrait ainsi tenir lieu d'expérimentation pilote. Un tel outil pourrait être utile, par exemple, aux étudiants de province confrontés à la difficulté de se loger en Île-de-France.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Poadja

Quelle est la prise en charge des étudiants calédoniens sur le plan social ? Nous avons travaillé avec les Polynésiens, je n'ai pas compris quel problème se pose concrètement pour la Nouvelle-Calédonie : merci de préciser votre réponse.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Poadja

Quelle est la prise en charge des étudiants de Nouvelle-Calédonie sur le plan social ? Je ne comprends pas quel est le problème qui se pose concrètement pour la Nouvelle-Calédonie alors que ces difficultés ont été réglées pour les étudiants polynésiens: merci de préciser votre réponse.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Artano

Y a-t-il un dispositif dédié aux étudiants ultramarins sur le plan psychologique ?

Debut de section - Permalien
Maël Disa, délégué interministériel pour l'égalité des chances des Français d'outre-mer et la visibilité des outre-mer

Le point de blocage en Nouvelle-Calédonie se situe autour du partage de données de l'immatriculation à la naissance sur le territoire calédonien. Je propose de vous apporter une réponse technique et précise.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Poadja

Nous connaissons les données du problème, je ne comprends pas pourquoi nous en sommes encore à ce stade, après tant d'années !

Debut de section - Permalien
Maël Disa, délégué interministériel pour l'égalité des chances des Français d'outre-mer et la visibilité des outre-mer

Je vous répondrai le plus précisément possible. Je vous propose d'organiser une réunion de travail sur ce sujet lorsque vous serez à Paris.

S'agissant du soutien psychologique, les étudiants ultramarins ont accès au « chèque psy», ainsi qu'aux ressources du réseau associatif.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

Le « retour au pays » concerne également les jeunes des territoires ruraux. Nous avons eu un échange très éclairant sur ce sujet avec une association qui se pose des questions similaires sur l'apport à leur territoire des diplômés qu'ils accompagnent.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Artano

J'espère que cette initiative, dont je remercie une nouvelle fois la mission d'information, en annonce d'autres, car les problèmes ultramarins appellent une approche transversale...