Intervention de Jean-Yves Le Drian

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 16 mars 2021 à 17h00
Audition de M. Jean-Yves Le drian ministre de l'europe et des affaires étrangères

Jean-Yves Le Drian, ministre :

On voit dans le monde les démocraties subir des revers considérables. Vous faites à bon droit le lien entre la Birmanie et la Russie : dans les deux cas, on observe un arrêt du processus démocratique, ou un renoncement démocratique, une dérive autoritaire. Au fond, nous sommes dans un affrontement de modèles, qui n'a jamais été aussi fort et qui peut ouvrir la voie aux pires dérives et aux pires régressions. Cet affrontement de modèles se caractérise par une information instrumentalisée, voire manipulée. Certains cherchent à imposer de nouvelles dépendances aux pays les plus fragiles. Et l'on constate des violations des Droits de l'Homme, ou le balayage d'élections par des coups de force. Les démocraties doivent se protéger de ces risques et étendre leur politique d'influence. Cela passe par le développement, la bataille de l'information, de la culture, mais aussi par l'unité de l'action de l'Europe dans les crises.

La Russie est dans une de forme de dérive autoritaire, comme je l'ai déjà dit publiquement. Notre réponse, nos sanctions ne sont pas secondaires. Elles font suite à un autre train de sanctions pris en octobre dernier, qui comporte des interdictions de voyage, des gels d'avoirs, et une dénonciation publique. La Russie semble faire fi des conséquences de ces sanctions, parce que cette dérive autoritaire amène les responsables de la Russie à s'intéresser d'abord à leur situation intérieure, et à ne pas prêter attention à leur image extérieure et aux conséquences de leurs actes. Mais les sanctions posent des problèmes difficiles à certains responsables. Le gel d'actifs dans toute l'Union européenne n'est pas secondaire - on le voit bien aussi pour la Syrie. Je suis très déterminé à ce que des sanctions ciblent des individus, mais aussi des entités, pour manifester notre rejet et notre indignation, notamment dans le cas de l'affaire Navalny.

Nous avons des réserves connues sur le projet Nord Stream 2. Nous avons eu des discussions fortes avec les Allemands sur ce sujet car, car cela place l'Union européenne en dépendance et menace sa souveraineté stratégique et énergétique. Bien sûr, ce sujet concerne avant tout l'Allemagne et la Russie, mais nous disons très librement aux Allemands notre manière de voir sur ce sujet.

Dans la Corne de l'Afrique, ce qui est le plus préoccupant, c'est la situation humanitaire. Près de 4 millions de personnes ont besoin d'aide alimentaire. La pression internationale a enfin conduit les autorités éthiopiennes à faire des concessions sur l'accès humanitaire, mais ce n'est pas suffisant, et nous travaillons avec nos partenaires européens et américains pour obtenir l'accès humanitaire nécessaire pour secourir et seconder ces populations. Il faut aussi que les troupes érythréennes quittent le Tigré, et que des enquêtes indépendantes soient conduites pour faire toute la lumière sur la situation. Amnesty International a documenté des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité. Nous sommes donc extrêmement déterminés à faire avancer des enquêtes indépendantes. Nous avons des relations avec les autorités d'Éthiopie, et le Président de la République a fait valoir cette nécessité. Le Conseil de sécurité a déjà évoqué cette question il y a quelques jours, lors de sa réunion du 4 mars. Nous comptons continuer à mettre de la pression pour que des enquêtes soient diligentées le plus rapidement possible sur les crimes commis dans sa région, avec l'appui de la Haute-commissaire des Droits de l'Homme et de la Cour africaine des Droits de l'Homme. Nous sommes aussi très déterminés à faire aboutir l'aide humanitaire massive dont les populations de la région ont besoin.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 18 h 40.

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