Intervention de Christian Cambon

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 17 mars 2021 à 10h00
Audition de Mm. Antoine Bouvier directeur de la stratégie des fusions-acquisitions et des affaires publiques d'airbus et de dirk hoke président exécutif ceo d'airbus defence and space

Photo de Christian CambonChristian Cambon, président :

Mes chers collègues, nous accueillons Antoine Bouvier, directeur de la stratégie, des fusions-acquisitions et des affaires publiques d'Airbus, et Dirk Hoke, président exécutif (CEO) d'Airbus Defence and Space.

Nous poursuivons nos auditions sur le système de combat aérien futur, le SCAF : après avoir entendu le Président de Dassault Aviation, mercredi dernier, il était logique que nous invitions à s'exprimer l'autre grand acteur industriel de ce programme, à savoir Airbus.

Monsieur le Président, Monsieur le Directeur, nous vous remercions d'avoir accepté cette audition. En effet, le programme SCAF est l'une des conditions de l'autonomie stratégique de l'Europe à l'horizon 2040. Il est actuellement dans une phase sensible et même cruciale de son développement, puisque le projet de démonstrateur doit être prochainement lancé.

Notre commission suit très attentivement ce programme : un rapport récent de nos collègues Ronan Le Gleut et Hélène Conway-Mouret en a exposé les enjeux et les conditions de succès. C'est aussi un thème récurrent de discussions régulières avec nos homologues allemands, même si ces contacts ont été plus complexes pendant la crise sanitaire.

Le programme SCAF comporte 7 piliers, dont deux sur lesquels Airbus est leader - le drone et le « cloud de combat ». Sans doute nous en direz-vous quelques mots. Mais nos inquiétudes portent à vrai dire, surtout, sur le premier pilier, c'est-à-dire sur l'avion de combat, pour lequel Dassault est leader et Airbus partenaire principal.

Le premier sujet d'inquiétude a trait à la répartition des charges de travail. Un invité-surprise a fait irruption dans le débat. Bien entendu, nous notons avec satisfaction la montée en puissance de l'Espagne qui est une bonne nouvelle en soi, mais Dassault doit désormais exercer son leadership, alors que les États français, allemand et espagnol se sont accordés sur un partage par tiers de la charge de travail.

En d'autres termes, Dassault doit être leader avec un tiers seulement de la charge. Est-ce véritablement possible ? Comment l'envisagez-vous ? Le Président Trappier nous a fait part des doutes qu'il a à ce sujet. Votre point de vue sur cette question est évidemment absolument essentiel.

De la même manière, alors que la négociation semblait aboutir fin 2020, le président de Dassault nous a fait part d'une remise en cause par Airbus et l'Allemagne des équilibres sur les « packages » dits sensibles. Quelles sont les exigences respectives d'Airbus et ce que souhaitent les États allemand et espagnol à ce sujet ?

Je rappelle que la France a normalement le rôle de leader sur le programme SCAF en contrepartie d'autres décisions sur les chars de combat (MGCS) ou encore l'Eurodrone.

Qu'en est-il, par ailleurs, de la question des capacités indispensables à la France que sont la navalisation et la capacité d'emport de l'arme nucléaire ? Intégrez-vous ces questions à vos réflexions ?

Le deuxième sujet d'inquiétude porte sur les droits de propriété intellectuelle. Dassault n'est, fort heureusement, pas prêt à brader l'acquis industriel français et chaque industrie doit être en mesure de protéger ses innovations. La question semble d'ailleurs davantage se poser entre États qu'entre industriels. Quel est votre point de vue à ce sujet ?

Tout ceci a pour conséquence que le doute commence à s'installer. Une tribune du Figaro juge que les Français et les Allemands ne sont pas du tout sur la même ligne et que les conceptions allemandes en matière de forces armées ne prédisposent pas à une véritable coopération. Eric Trappier nous a confirmé ici qu'il travaillait sur un « plan B », ce qui n'est jamais un bon signe lorsque l'on parle d'un projet de cette ampleur. Au demeurant, la question ne semble pas relever de la pure rhétorique de négociation, et un échec ne serait d'ailleurs pas sans précédent dans l'histoire de ce type de programmes, mais un échec serait évidemment très grave en ce qui concerne l'autonomie stratégique chère à l'Europe.

Côté allemand, on commence à entendre parler du lancement d'un démonstrateur sur la base de l'Eurofighter. Réfléchissez-vous aussi à un plan B ?

Alors que le Royaume-Uni développe déjà un projet concurrent (Tempest), ne risque-t-on pas de payer bien cher, à terme, un éventuel échec du SCAF ?

Voilà quelques questions qui permettront de compléter les déclarations d'Eric Trappier, avant que nous n'auditionnions le Délégué général pour l'armement.

Messieurs, je vous remercie d'avoir accepté notre invitation. Je rappelle que vous avez accepté la captation et la diffusion de cette audition : il s'agit d'un sujet qui intéresse au plus haut point tant les spécialistes des questions de défense que l'opinion publique à l'approche d'élections sensibles tant en France qu'en Allemagne. Même si les questions de défense ne sont pas toujours le premier souci de nos concitoyens, c'est aussi l'avenir de l'Europe et son autonomie sur le plan de la défense qui sont en jeu.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion