Merci Mesdames et Messieurs les sénateurs, je vais m'exprimer en français mais ce n'est pas ma langue maternelle. Je vous prie donc d'excuser mes quelques maladresses.
Je vous remercie tout d'abord de votre invitation et je suis très honoré de représenter Airbus devant le Sénat français.
Le programme SCAF représente un enjeu majeur pour la France, l'Allemagne et l'Espagne, mais aussi pour l'Europe et le futur de son industrie. Pour réussir ce projet ambitieux et pour répondre aux besoins de l'autonomie stratégique européenne, le SCAF ne peut être conçu qu'ensemble dans une coopération où chacun participe pleinement et est représenté à la hauteur de ses investissements. Il est important de rappeler que le SCAF est un système innovant structuré autour de 7 piliers d'intégration d'un système complet que nous menons en co-traitance avec Dassault, l'avion de chasse (NGF) et sa motorisation étant sous responsabilité de la France, les drones d'appui et les clouds de combat sous la responsabilité de l'Allemagne, et les senseurs et la furtivité sous la responsabilité de l'Espagne.
Ces discussions ont été menées rapidement : commencées en 2017, elles ont abouti à une signature en avril 2018. En deux ans, nous avons signé un premier contrat de joint concept study. En mars 2020, nous avons signé le contrat de la phase 1A. Je ne crois pas qu'il existe un autre programme international de cette taille qui ait avancé aussi vite. Un énorme travail a été réalisé en un temps très court par les Etats et les industriels avec 5 piliers finalisés sur 7. Des accords ont été passés entre tous les acteurs, ce qui démontre qu'une coopération à trois où chacun détient sa place est possible. Sur le NGF (Next generation fighter), nous devons finaliser avec Dassault les principes de la prise de décision et trouver un accord sur les derniers work packages de nature plus stratégique. Ce n'est pas si facile car, comme Antoine l'a rappelé, nous sommes très différents et nous n'avons pas la même histoire.
Il existe cependant deux principes sur lesquels nous sommes d'accord. Nous voulons une organisation efficace qui permette aux industriels partenaires de prendre les bonnes décisions et de tenir leurs engagements vis-à-vis des clients, notamment en termes de calendrier et de coûts. Nous souhaitons aussi que le maître d'oeuvre soit responsable, c'est-à-dire qu'il dispose des leviers pour exercer son rôle. Nous pensons que c'est possible, mais il faut créer la confiance pour mener le projet dans la structure définie.
Avec Dassault, nous avons un passé différent mais nous faisons le même métier et notre objectif est d'avoir un futur commun. Pour autant, nous pensons que le maître d'oeuvre ne doit pas tout contrôler ni prendre seul les décisions du programme. Les Etats allemand et espagnol ont investi dans des capacités et ils veulent donc s'assurer que ces capacités seront utilisées pour l'exécution du projet SCAF.
C'est bien au travers d'une relation claire avec les partenaires que chacun pourra contribuer de la manière la plus efficace en apportant ses compétences, en participant aux prises de décision sans mettre en danger l'avancement du programme et en conservant un savoir-faire dans certains domaines critiques.
La proposition d'Airbus respecte tous ces principes : une gouvernance qui s'appuie sur un engagement des partenaires tout en donnant au maître d'oeuvre Dassault la capacité d'arbitrage et de décision pour assurer le maintien du calendrier, des coûts et des performances. Concrètement, en cas de désaccord, Dassault peut arbitrer. Le partage des responsabilités doit permettre à Dassault de contrôler les activités sur le chemin critique du premier vol, notamment l'intégration système, les commandes de vol ou les essais en vol. Il appartient à Airbus d'exercer sa responsabilité de partenaire sur certains systèmes clés qui seront intégrés ensuite dans l'avion sous la responsabilité du maître d'oeuvre Dassault. En clair, cela signifie que Dassault conserve 4 work packages stratégiques tandis qu'Airbus Allemagne et Airbus Espagne en prendront un chacun. Nous trouvons que cette proposition est équilibrée, même s'il n'a pas été facile de convaincre l'Espagne et l'Allemagne de suivre cette proposition. Les points d'attention portent donc sur la gouvernance mais nous voulons aussi nous assurer que les compétences de tous les pays seront utilisées pour créer le meilleur système possible.
Ce principe d'équilibre est ce que demandent les nations en contrepartie des investissements effectués dans le programme SCAF. D'ailleurs, la DGA a veillé à ce que Thalès ait une partie stratégique du cloud de combat dont Airbus est responsable. C'est bien ce que nous demandons à notre tour dans le NGF. Sur le cloud de combat, nous avons accordé 33 % pour le work share à chaque partenaire, mais aussi pour le lead share car nous voulons travailler dans une logique partenariale afin que tous les partenaires soient dans une logique gagnant-gagnant. En effet, notre objectif n'est pas de créer un démonstrateur mais un système de systèmes prêt en 2040. Pour cela, nous devons démontrer à la France, à l'Allemagne et à l'Espagne que nous sommes de vrais partenaires et que nous travaillons pour le bien des trois Etats et pour l'Europe en utilisant les capacités des trois pays.
Pour réussir, il faut mieux se connaître et se faire confiance, ce qui n'est pas si simple car nous sommes très différents. Cependant, cette différence est aussi une richesse car elle favorise la création, l'innovation et la disruption. Pour mener à bien ce projet, nous ne pouvons pas utiliser les technologies de 2010 ou de 2020. Notre monde a changé au cours des 15 dernières années et a vécu des sauts technologiques très importants. Aussi, si nous utilisons un programme qui s'appuie sur la technologie de 2010-2020, nous courons à l'échec. Nous devons au contraire être agiles et le démonstrateur doit permettre de « dérisquer » le programme.
Par exemple, il est normal que nous connaissions mal ce que fait l'autre. Sur les commandes de vol, nous travaillons avec une équipe d'environ 150 ingénieurs depuis plus de 50 ans au travers de deux générations d'avions de chasse, le Tornado et l'Eurofighter au sein d'un centre d'excellence dédié dans lequel nous formons aussi les ingénieurs deBAE Systems.
Il faut partir ensemble de la meilleure équipe, chacun dans son rôle, pour construire le meilleur avion de combat et le meilleur système. Pour cela, nous sommes plus forts à trois avec l'Espagne. L'Espagne rend le SCAF encore plus européen et permet de réduire les coûts pour la France et pour l'Allemagne. Elle apporte aussi une compétence et une expertise reconnues dans de nombreux domaines. L'Espagne est, par exemple, le principal partenaire de l'Eurofighter et a une compétence unique d'avionneur militaire sur de nombreux programmes.
En conclusion, je dis aujourd'hui au Sénat français ce que je dirais au Bundestag allemand et au Parlement espagnol. Le SCAF est notre avenir commun, c'est une occasion historique. Je suis confiant et persuadé que nous sommes proches d'un accord. Nous n'aurons pas d'autres chances et nous ne travaillons pas sur un « plan B » qui ne serait pas une vraie alternative. Il est essentiel que nous puissions parvenir à travailler ensemble. C'est important pour l'autonomie stratégique européenne mais aussi pour la France, l'Allemagne et l'Espagne. Au cours des trois dernières années, nous avons démontré que nous pouvions avancer plus rapidement que d'autres équipes et que nous pouvions développer des systèmes de systèmes qui n'existaient pas auparavant.
Je souhaite donc obtenir votre confiance et votre soutien et je suis prêt maintenant à répondre à vos questions.