Intervention de Antoine Bouvier

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 17 mars 2021 à 10h00
Audition de Mm. Antoine Bouvier directeur de la stratégie des fusions-acquisitions et des affaires publiques d'airbus et de dirk hoke président exécutif ceo d'airbus defence and space

Antoine Bouvier, directeur de la stratégie, des fusions-acquisitions et des affaires publiques d'Airbus :

Le calendrier, comme vous l'avez souligné, est essentiel. Les échéances politiques, en Allemagne mais pas seulement en Allemagne, peuvent conduire à prendre des décisions ou les retarder. Dans tous les cas, en Allemagne, sans pouvoir prédire quels seront les résultats des élections, nous savons qu'une coalition devra être négociée et que cette négociation prendra quelques mois. Puis, c'est en France que des élections auront lieu. Voilà pourquoi il est absolument nécessaire d'aller vite.

A ce titre, je souhaite dissiper un malentendu. J'ai entendu qu'un accord avait été trouvé en décembre 2020 et que cet accord aurait été remis en cause. Malheureusement, il n'y a pas eu d'accord en 2020 et nous sommes repartis début 2021 sur des positions qui étaient certes rapprochées mais pas convergentes.

De manière lapidaire, vous nous demandez aussi si Airbus veut se « refaire une santé » sur la défense. Cependant, revenons à un simple constat. Boeing, notre grand concurrent sur les avions commerciaux, a 30 % de son activité dans le militaire et le spatial. En Chine, AVIC / COMAC a environ 30 % de son activité dans le domaine de la défense et du spatial. Pour Airbus, c'est 15 % de son activité. Il ne faut pas se tromper de terrain : la concurrence ne se joue pas entre les Européens mais entre l'Europe, les États-Unis et la Chine. Quand nos deux grands concurrents qui sont soutenus par les deux grandes superpuissances ont 30 % de leur activité dans la défense et le spatial, Airbus doit aussi se renforcer dans la défense et le spatial. Bien avant que la crise Covid-19 n'éclate, nous avions déjà cette ambition au travers d'un ensemble de nouveaux programmes européens.

La question n'est pas de « se refaire une santé » mais c'est une question de stratégie de long terme pour que le champion européen aerospace and defence prenne sa place et acquiert une taille critique. C'est la condition pour que notre activité commerciale, dont la crise Covid -19 a montré qu'elle était plus fragile qu'on ne le pensait, soit rendue plus robuste et que ce volet défense et spatial soit aussi rendu plus robuste par l'activité commerciale, qui a été profitable et en croissance pendant des années. Le militaire et le spatial, d'un côté, et le commercial, de l'autre, s'épaulent donc mutuellement. C'est aussi une configuration qui s'inscrit dans les gènes de la France. En effet, depuis le développement d'Aérospatiale dans les années 60-70, nous avions déjà cette vision de deux piliers qui se soutiennent mutuellement. Elle s'est peut-être un peu perdue avec la réduction des budgets de défense dans les années 90 et avec la croissance considérable de l'aviation commerciale mais c'est un fondamental sur lequel nous devons revenir. Ce n'est pas une décision de circonstances mais une décision stratégique pour le groupe Airbus et pour l'ensemble de l'industrie.

Nous avons de grandes ambitions pour l'aviation commerciale en France, et notamment pour la région toulousaine. Cette crise, comme toutes les crises, est aussi une occasion de nous améliorer et de nous remettre en cause. Les grands défis technologiques que nous devons relever sont aussi les grands défis de la société, notamment la feuille de route de l'aviation verte sur laquelle tous les acteurs publics et les parlementaires se sont mobilisés pour augmenter de manière significative les budgets de R&D sur l'avion à hydrogène et sur les autres solutions techniques visant à améliorer l'empreinte carbone de l'aviation. Cette ambition a été renforcée par la crise et c'est donc un message de confiance et d'espoir pour l'ensemble des salariés du groupe Airbus, pour nos partenaires et pour le tissu industriel et social de la région toulousaine.

Je souhaite aussi ajouter un mot sur les droits de propriété intellectuelle (IPR). Il y a une sorte d'ambivalence dans la discussion, car certains plaident pour davantage de protection tandis que d'autres veulent davantage contribuer. Je pense que ces deux objectifs ne sont pas contradictoires mais complémentaires. Les investissements considérables qui ont été faits par les entreprises et par les Etats doivent être protégés. Le principe sur lequel nous avons un accord et sur lequel nous allons converger pour son application détaillée est que le foreground, c'est-à-dire ce qui est fait en commun, est une propriété commune tandis que le background reste la propriété de chacun des acteurs. Dans les cas où, pour utiliser le foreground, il faut un peu de support, celui-ci est alors organisé mais de façon extrêmement formelle et restrictive.

Je crois pouvoir dire sans être exagérément optimiste que ce débat va devenir un faux débat et que, parmi les deux grands points d'inquiétude soulevés par Eric Trappier la semaine dernière, celui des IPR devrait être résolu. Je crois qu'il faut aussi changer d'approche car l'objectif n'est pas seulement de se protéger mais de contribuer. L'Allemagne et l'Espagne veulent se protéger mais ces pays ont aussi investi pendant des décennies dans ces technologies et veulent qu'elles soient utilisées pour le SCAF. C'est une attente extrêmement légitime et qui n'est pas une attente de confrontation mais de coopération. C'est peut-être aussi le moyen de redonner une perspective à cette discussion sur les IPR.

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