Intervention de Nicolas Bastié

Mission d'information Enseignement agricole — Réunion du 23 mars 2021 à 13h35
Audition de Mm. Nicolas Bastié président de la fédération pour la promotion de l'enseignement et de la formation agricoles publics aprefa patrick delage directeur de l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricole eplefpa de laval et de Mme Frédérique Elbé directrice de l'eplefpa d'avize

Nicolas Bastié, président de la Fédération pour la promotion de l'enseignement et de la formation agricoles publics (Aprefa) :

Merci pour votre invitation. Nous allons d'abord vous présenter l'enseignement public agricole, avant d'évoquer notre association, puis les établissements publics locaux d'enseignement et de formation professionnelle agricole. Enfin, nous exposerons les différents enjeux pour l'ensemble de la filière et pour le monde rural.

La situation n'est pas simple : notre territoire compte 164 établissements publics répartis dans l'ensemble des départements de métropole et d'outre-mer, dont le maillage répond à des impératifs de cohérence, 60 000 élèves, 20 000 étudiants, 30 000 apprentis et 11 millions d'heures-stagiaires. Ceux-ci sont formés au sein de 216 lycées, 94 centres de formation d'apprentis, 154 centres de formation agricole continue pour adultes, 11 établissements d'enseignement supérieur, 192 exploitations agricoles et 19 000 hectares cultivés, dont une forte proportion en agriculture biologique.

L'enseignement agricole public est spécifique en ce sens qu'il doit remplir cinq missions qui lui ont été confiées par le législateur.

La première mission est la formation générale, technologique et professionnelle, initiale et continue. Elle est dispensée dans des lycées, des CFA et des CFPPA, tandis que l'enseignement privé est plus présent dans les niveaux 4e et 3e, ainsi que pour la préparation aux bacs professionnels.

La deuxième mission est l'animation des différents territoires. Cette mission est symbolisée par la composition des conseils d'administration, présidés par des personnalités extérieures représentant souvent le conseil régional ou la chambre d'agriculture, ce qui donne un accès au monde professionnel et au conseil régional qui finance les locaux et les personnels. On y retrouve, entre autres, l'ensemble des collectivités territoriales - les régions, les départements et les communes -, la direction départementale des territoires (DDT), la direction académique des services de l'éducation nationale (Dasen), les centres d'information et d'orientation (CIO), la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte), la direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (Draaf). Les conseils d'administration permettent ainsi de mettre autour de la table les professionnels, les collectivités et l'administration, pour évoquer la dynamique des territoires et la production.

La troisième mission est l'insertion, scolaire, sociale et professionnelle. Grâce à l'« ascenseur » de l'enseignement agricole, nombre de jeunes ont pu obtenir un BTS, intégrer une école d'ingénieur ou encore pour certains devenir enseignant ou inspecteur. L'insertion sociale est également très importante : elle passe par les bourses et un taux élevé de réussite aux examens. Enfin, l'insertion professionnelle est essentielle pour répondre aux besoins des territoires.

La quatrième mission, qui correspond à une spécificité forte de l'enseignement public agricole, est le développement de l'expérimentation et de l'innovation, notamment à travers les exploitations agricoles. On peut ainsi réunir des professionnels, des chercheurs de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), des enseignants du supérieur et des étudiants de l'enseignement technique autour de projets d'avenir pour l'exploitation agricole. Ces projets doivent aller dans le sens des orientations du ministère de l'agriculture, autour de l'agro-écologie et de la sortie du glyphosate, et répondre aux exigences de viabilité économique des exploitations. L'équilibre est parfois difficile à trouver entre les trois objectifs fixés - à savoir être exemplaires sur le plan environnemental, être des outils au service de la pédagogie et des territoires, et ne pas être « hors sol » - mais nous y parvenons presque toujours.

Enfin, la cinquième mission, qui n'est pas à nos yeux une mission annexe, est la coopération internationale. Proportionnellement, l'enseignement agricole envoie beaucoup de lycéens et d'étudiants à l'étranger, notamment grâce aux crédits du programme Erasmus+. Ce bon résultat tient à la culture de l'enseignement agricole et à la capacité à se fédérer et à monter des projets.

L'enseignement agricole accueille donc des publics variés et a un lien particulier au territoire. Jean-Michel Blanquer a souhaité la création de campus au sein de l'Éducation nationale. Son idée rejoignait, me semble-t-il, ce qu'est un établissement public d'enseignement agricole aujourd'hui : ils sont pratiquement tous dotés d'un internat en vue de la formation et de l'éducation des jeunes vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Ils favorisent l'éducation socio-culturelle, ce qui est une spécificité, au travers de face-à-face avec les élèves, de la découverte du monde associatif, de la mise en place de projets et d'animations en dehors du temps de classe. Ces enseignements confortent la grande maîtrise de l'expression orale des apprenants, qui se traduisent dans leurs parcours, notamment par leur implication dans la sphère élective. Pour appliquer la devise « Un esprit sain dans un corps sain », tous les établissements proposent de nombreuses activités sportives et développent la culture sportive. L'insertion professionnelle et sociale n'est pas en reste, puisque des classes préparatoires ont été créées à l'issue des BTS en vue de l'intégration dans des écoles d'ingénieurs agronomes ou des écoles vétérinaires, avec des résultats satisfaisants. Cette passerelle favorise la diversité des parcours. Les établissements agricoles publics présentent le mérite d'être à taille humaine et de compter en moyenne 300 élèves, une centaine d'apprentis et 80 000 heures-stagiaires. Les équipes ont à coeur de défendre et d'assurer le bon fonctionnement de leur établissement et elles peuvent s'enorgueillir d'un bon taux de réussite aux examens.

Nous avons la volonté d'aller de l'avant s'agissant de la production, de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles - je reprends les termes de M. le président -, et ce afin de couvrir tous les champs de l'exploitation.

J'en viens à l'Aprefa, qui est une association. La moitié des établissements y sont adhérents, pour une cotisation variant de 200 à 400 euros en fonction de la taille de l'établissement. Les ressources de l'association sont donc limitées et ne permettent pas le déploiement d'une communication à l'échelle nationale, ni même régionale, ce qui est une faiblesse pour l'enseignement agricole public, alors que les autres composantes de l'enseignement agricole parviennent à dégager des moyens pour mener des opérations de communication spécifiques. Si le ministère de l'agriculture souhaite communiquer sur l'ensemble des familles de l'enseignement agricole, ce qui est légitime, la seule visibilité dont nous bénéficions résulte de notre présence au Salon de l'agriculture et lors de réunions auxquelles nous sommes convoqués. Nous souffrons par ailleurs d'une faiblesse d'organisation, due à la difficulté d'associer du bénévolat à des missions de direction d'établissement.

S'agissant des aspects budgétaires, le lycée ne représente en moyenne que 25 % du budget d'un Eplefpa. Sur les 250 personnes qui travaillent dans ma structure, à Toulouse, 150 sont financées sur budget. Nous devons tous les mois dégager 300 000 euros pour rémunérer ces personnels.

L'offre de formation initiale dans l'enseignement agricole public évolue peu. Les nouvelles formations s'adressent pour l'essentiel aux adultes et aux apprentis. Il s'agit de formations qui, depuis la réforme de la formation professionnelle, sont ouvertes à la concurrence. Nous avons ainsi un volet de notre d'activité qui s'insère dans un marché privé concurrentiel, tout en continuant à être soumis aux règles du secteur public. Nous n'avons ainsi pas pu prétendre au chômage partiel mis en place lors de la crise de la covid-19, contrairement aux autres composantes de l'enseignement agricole, ce qui nous a fortement pénalisés sur le plan financier. En tant que directeurs d'établissement, nous avons ainsi la double mission de faire vivre nos structures, mais aussi de préserver les emplois sur les territoires et de répondre à leurs besoins.

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