Intervention de Marie-Agnès Labarre

Réunion du 30 septembre 2010 à 21h30
Régulation bancaire et financière — Articles additionnels avant l'article 1er

Photo de Marie-Agnès LabarreMarie-Agnès Labarre :

Notre amendement a pour objet la séparation, à terme, des activités de banque de dépôt et de banque d’investissement.

J’entends déjà s’exprimer l’indignation de toute l’élite économique et politique devant une telle proposition, qui est pourtant notamment reprise par des personnalités que l’on ne peut guère soupçonner de bolchévisme.

Au Royaume-Uni, le gouverneur de la Banque d’Angleterre, M. Mervyn King, a, le 20 octobre 2009, jugé « indispensable » à l’économie une nouvelle division entre les activités bancaires pour les particuliers et le négoce spéculatif. Aux États-Unis, M. Paul Volcker, président de la Réserve fédérale de 1979 à 1987 et actuel conseiller du président Barack Obama, s’est fait le chantre du retour à cette séparation des métiers, en s’exprimant en ces termes : « Les banques sont vouées à servir le public, et elles doivent se focaliser sur ces activités. » Ainsi, M. Paul Volcker souhaite une nouvelle régulation selon les critères du Glass-Steagall Act, afin d’éviter toute nouvelle catastrophe bancaire.

En effet, au rebours du modèle de « banque universelle », cette loi, imposée en 1933 par Franklin Roosevelt, établissait une incompatibilité totale entre les métiers de banque de dépôt, de compagnie d’assurances et de banque d’affaires.

Elle interdisait notamment à toute banque de dépôt de posséder une banque d’affaires, d’acheter, de vendre des titres financiers ou d’y souscrire, ce domaine étant exclusivement réservé aux banques d’affaires. À l’inverse, il était interdit aux banques d’affaires d’accepter les dépôts de simples clients.

En bref, si les banques veulent spéculer, il faut que ce soit avec leur argent et non avec celui du citoyen-déposant.

En Europe aussi, l’idée fait son chemin. Ainsi, Jacques Attali, dont on sait que les conseils sont écoutés par M. Sarkozy, estime lui aussi qu’une stricte séparation des activités bancaires est « indispensable ». Pour éviter une nouvelle crise, « il faut que le métier de banquier redevienne triste et ennuyeux », souligne-t-il.

Les partisans d’un nouveau Glass-Steagall Act s’appuient sur l’hypothèse que la crise actuelle est un reflet fidèle de celle de 1929. À l’époque, la spéculation avait conduit des milliers de banques à la faillite.

Aujourd’hui, la situation est identique. La gravité de cette crise tient au fait que les banques de base, dont le rôle est de financer l’économie, ont aussi été affectées.

Pour éviter que l’histoire ne se répète, pour empêcher que les pertes sur les marchés ne contaminent les banques de détail, il est nécessaire de mettre en œuvre une telle séparation.

Isoler les deux métiers serait aussi un moyen de freiner, voire d’empêcher, la création de groupes dits « too big to fail » – trop gros pour sombrer –, dont la faillite menacerait la stabilité financière mondiale. Au plus fort de la tourmente, ces établissements géants, tels que AIG, Citigroup ou la Royal Bank of Scotland, ont eu besoin d’aides colossales de l’État.

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