Madame la sénatrice, comme vous l’avez parfaitement rappelé, la Guyane, département frontalier du Brésil et du Suriname, est située dans le ressort de la juridiction interrégionale spécialisée de Fort-de-France, compétente pour connaître d’affaires de criminalité organisée et financière de grande complexité, tant dans les Caraïbes qu’en Guyane. Cette organisation se traduit par une prise en charge effective de la délinquance organisée guyanaise, notamment le narcotrafic, dont vous dénoncez à juste titre les ravages.
La lutte contre ces trafics illégaux est une priorité de la politique pénale du ministère de la justice. Le garde des sceaux, au nom de qui je m’exprime ce matin, partage vos légitimes préoccupations.
Très concrètement, vous avez raison : le nombre d’affaires de Guyane suivies par la JIRS de Fort-de-France a nettement augmenté depuis 2004.
Le nombre total de dossiers guyanais traités ou en cours de traitement par cette juridiction depuis 2004 s’élève au nombre de vingt-sept – dix-huit dossiers de criminalité organisée et neuf dossiers économiques et financiers –, soit 14 % de son portefeuille. Les dossiers guyanais en cours représentent aujourd’hui 21 % de l’ensemble du portefeuille de cette juridiction, soit quinze dossiers : huit dossiers de criminalité organisée et sept dossiers économiques et financiers. Le nombre de dossiers en provenance de la Guyane donnant lieu à saisine de la juridiction est passé d’une moyenne de 1, 25 entre 2004 et 2017 à une moyenne de 4, 3 au cours de la période 2018-2020.
Cette évolution de la délinquance apparaît toutefois correctement prise en charge à ce stade par la juridiction interrégionale spécialisée de Fort-de-France, qui a su s’adapter aux défis que connaît la Guyane en matière de criminalité organisée. En effet, la Guyane bénéficie de l’expertise spécifique et des moyens, renforcés depuis 2019, de la JIRS de Fort-de-France – affectation supplémentaire d’un magistrat du parquet, d’un juge d’instruction et d’un assistant spécialisé douanier –, laquelle définit sa politique pénale en prenant précisément en compte les spécificités de la criminalité organisée guyanaise et en s’attachant à renforcer la coopération internationale sur la zone, grâce, notamment, à l’appui du magistrat de liaison basé au Brésil, compétent sur le Suriname.
Enfin, le périmètre de compétence d’une juridiction interrégionale spécialisée s’inscrit, par construction, sur un espace interrégional. Une création se limitant au seul département de la Guyane serait donc contradictoire avec l’objet même de cette organisation judiciaire, qui vise à mutualiser les moyens en donnant une taille critique au ressort de chaque juridiction afin d’en améliorer l’efficacité.
Pour toutes ces raisons, il n’est pas, à ce stade, envisagé de créer une telle juridiction spécifique en Guyane, qui viendrait amoindrir la juridiction interrégionale spécialisée de Fort-de-France, laquelle est compétente en Guyane et dans les Antilles françaises. Toutefois, vous le savez, le ministère de la justice reste vigilant à toutes les évolutions de la délinquance qui nécessiteraient une adaptation de son organisation judiciaire dans les territoires, en outre-mer comme en métropole.