La séance est ouverte à neuf heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
La parole est à M. Cyril Pellevat, auteur de la question n° 1483, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Madame la ministre, ma question, qui concerne la réforme de la formation des élus locaux, avait été déposée fin janvier à la suite de la publication des ordonnances portant sur ce dossier ; depuis, la situation a évolué.
La fin du cumul des droits à la formation sur l’ensemble du mandat, le passage d’un calcul des droits en heures à un calcul en euros, la baisse des droits à la formation de 2 000 euros à 700 euros par an, ou encore le maintien de la gestion du système par la Caisse des dépôts et consignations (CDC) en dépit de ses frais de gestion mirobolants faisaient partie des points de tension ayant entraîné la colère de nombreux élus.
Fort heureusement, la commission des lois du Sénat a depuis retravaillé en profondeur les ordonnances, trouvant une solution plus équilibrée et respectueuse du droit à la formation des élus. Madame la ministre, vous avez été ouverte aux propositions formulées par le Sénat, et je vous en remercie.
Toutefois, la vigilance doit rester de mise sur deux points.
D’une part, vous avez indiqué que le Gouvernement partageait la volonté du Sénat de réduire les frais de gestion de la CDC. La dématérialisation du droit individuel à la formation des élus (DIFE) devrait y contribuer. Mais avez-vous identifié d’autres solutions allant en ce sens ?
D’autre part, je souhaite attirer votre attention sur la nécessité d’un réel contrôle des agréments et des sous-traitances. Il est bien d’avoir créé une procédure de retrait de l’agrément en cas d’abus et une interdiction des sous-traitances de second rang, mais encore faut-il qu’un réel contrôle du respect des obligations incombant aux organismes soit mis en œuvre. Car, nous le savons, ce sont majoritairement les abus de certains organismes de formation qui nous ont forcés à réformer le DIFE, ce dont les élus pâtissent aujourd’hui.
Madame la ministre, vous engagez-vous à véritablement contrôler les rapports annuels d’activité des organismes de formation ?
Enfin, je souhaite souligner un point qui n’a, me semble-t-il, pas été abordé lors des débats de la semaine passée. Oui, le budget du fonds DIFE était déficitaire et nécessitait d’engager des fonds publics, ce qui justifiait un rééquilibrage. Mais il faut relativiser le coût que la formation des élus représente pour l’État. Car des élus bien formés, ce sont des politiques locales vertueuses sur le long terme, ainsi que des investissements bien choisis et utiles. Et ce sont aussi des recours contre des décisions des collectivités, donc des frais judiciaires, en moins !
Les conséquences budgétaires sur le long terme d’un défaut ou d’une mauvaise formation des élus, s’il était possible de les calculer, seraient – j’en suis certain – bien plus élevées pour l’État que les coûts liés à la gestion du fonds DIFE. Alors oui, il fallait réformer pour stopper les dérives, mais la baisse des droits à la formation de 2 000 euros à 700 euros par an ne me semblait pas nécessaire !
Monsieur Cyril Pellevat, la réforme que nous avons engagée était absolument indispensable.
Je rappelle tout d’abord qu’il existe deux modes de financement de la formation des élus locaux. Le premier dépend directement du budget des collectivités territoriales, qui peuvent engager des dépenses comprises entre 2 % minimum et 20 % maximum du montant des indemnités allouées aux élus. Le second, c’est le DIFE.
Le fait que le projet de loi de ratification des ordonnances a été approuvé par 330 voix sur les 330 votes exprimés montre que les besoins étaient très importants.
Nous avons renforcé la formation des élus. Ainsi que vous l’avez souligné, de très utiles améliorations ont été apportées au texte par le Sénat, en plein accord avec le Gouvernement. Loin de fragiliser le droit à la formation des élus, la réforme le conforte dans tous ses aspects, qu’il s’agisse des dispositifs de financement, de l’accès à l’offre de formation ou de la qualité des formations délivrées.
Le financement de la formation par les collectivités territoriales elles-mêmes, qui est le premier pilier du dispositif, permettra à une intercommunalité de contribuer à la formation des conseillers municipaux selon des modalités très souples, sans pour autant prendre la compétence. Cela répondra notamment au besoin de soutien des petites communes, qui peinent à faire face aux demandes des élus.
Nous opérons une véritable opération de sauvetage du droit individuel à la formation des élus, dont – vous l’avez rappelé – l’esprit a été profondément dévoyé par certains organismes de formation.
Je ne reviendrai pas sur les comparaisons, d’ailleurs hasardeuses, qui ont pu être faites avec le coût des formations dans de grandes écoles.
D’ailleurs, le Sénat ne s’y est pas trompé lors de l’examen du projet de loi de ratification, la semaine dernière. Je remercie les membres de la Haute Assemblée d’avoir saisi l’enjeu et d’avoir mesuré la responsabilité qui est la nôtre. Il faut effectivement changer de système pour éviter les dérives de certains organismes de formation indélicats ayant conduit le DIFE à un déficit de près de 11 millions d’euros en 2019 et de 23 millions en 2020.
La transformation des heures en euros était absolument nécessaire.
Enfin, c’est avec le Conseil national de la formation des élus locaux (CNFEL) que nous contrôlerons annuellement le bon fonctionnement des organismes de formation, dont l’agrément pourra, si nécessaire, être retiré.
Madame la ministre, je vous remercie des éléments que vous venez d’apporter. Il y a évidemment eu un télescopage, puisqu’un texte a été adopté depuis que j’ai déposé ma question, au mois de janvier. Je félicite d’ailleurs mes collègues qui ont travaillé sur ce dossier, permettant de répondre à certaines préoccupations des élus. Et je salue également la souplesse dont vous avez fait preuve.
La parole est à M. Olivier Rietmann, en remplacement de M. Cédric Perrin, auteur de la question n° 1525, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir excuser mon collègue Cédric Perrin, qui, pour une raison indépendante de sa volonté, ne peut pas être présent ce matin et m’a donc chargé de le remplacer.
Le Territoire de Belfort profite depuis le mois de mars 2017 du nouvel hôpital Nord Franche-Comté.
Pour répondre à des critères d’accessibilité et de proximité, le choix a été fait d’implanter le site sur la commune de Trévenans, qui compte 1 300 habitants seulement.
Or, comme vous le savez, l’installation d’un site hospitalier de cette importance a des conséquences sur la vie de la commune qui l’accueille. Celle-ci doit en particulier comptabiliser les naissances et les décès et supporter en conséquence les frais de gestion de l’état civil, qui se révèlent considérables : par exemple, on dénombrait 3 116 naissances et 1 720 décès l’année dernière.
La collectivité a eu naturellement recours au mécanisme mis en place par la loi, qui prévoit la participation des communes extérieures. Une partie des frais restent cependant supportés uniquement par la commune d’implantation.
Très concrètement, qu’est-ce que cela implique pour notre petite commune rurale ?
En 2020, le coût de fonctionnement du service de l’état civil était de 190 000 euros, dont 62 % seulement étaient récupérables, car des communes extérieures n’atteignaient pas les seuils légaux de 1 % de naissance ou de décès. Résultat : 72 000 euros sont restés à la charge de la commune de Trévenans.
Comme vous l’imaginez, la commune ne peut pas faire face seule. La suppression sans compensation de la taxe funéraire, que votre gouvernement a souhaitée, ne va qu’aggraver la situation budgétaire. En 2020, cette taxe représentait une recette de 32 000 euros.
Une réponse doit être apportée à ces petites communes hospitalières. J’avais proposé, par exemple, une majoration de leur dotation globale de fonctionnement (DGF). Votre ministère a écarté cette solution.
Je formule deux nouvelles propositions : soit la suppression des seuils légaux, afin que la participation aux frais d’état civil concerne toutes les communes extérieures, et plus seulement celles dont les habitants représentent plus de 1 % des naissances ou plus de 1 % des décès ; soit l’instauration d’une aide financière de l’État à l’acte suivant le même principe que l’aide apportée aux communes réalisant les cartes d’identité ou les passeports.
Madame la ministre, quelle solution retenez-vous ou proposez-vous ?
Monsieur le sénateur, vous le savez, le maire est effectivement officier d’état civil, fonction qu’il exerce en tant qu’agent de l’État.
L’attribution de missions en qualité d’agent de l’État ne s’analyse pas comme un transfert de compétence ; il n’y a donc pas d’accompagnement financier. Juridiquement parlant, les charges d’état civil supportées par la commune de Trévenans ne peuvent pas être compensées par l’État.
Toutefois, afin de répondre aux situations exceptionnelles, la loi a prévu le principe d’une répartition des dépenses d’état civil au profit d’une commune ayant sur son territoire un établissement de santé accueillant un public provenant de l’extérieur.
Ce mécanisme se traduit par une contribution financière des communes extérieures, qui repose – vous l’avez souligné – sur la différence entre les naissances comptabilisées au sein de l’établissement et le nombre d’habitants de la commune sur le territoire de laquelle se situe l’établissement de santé. Une contribution financière s’applique à toutes les communes ayant plus de 1 % de naissances ou de décès dans l’établissement.
Il revient ensuite aux élus de s’organiser pour se mettre d’accord sur leurs contributions respectives. Ils peuvent aussi créer un service commun entre l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) et ses communes membres, afin de mutualiser les charges liées aux missions d’état civil. À défaut d’accord, la contribution de chaque commune est fixée par le préfet.
La DGF, vous l’avez rappelé, ne sert pas à financer des politiques publiques, d’où la position de mon ministère.
Vous évoquez les effets de la suppression des taxes funéraires sur les recettes fiscales de certaines communes. Je le précise, ce choix, qui résulte d’un amendement parlementaire, et non d’une initiative gouvernementale, visait à réduire le prix des obsèques pour les populations concernées par des deuils. Nous engagerons néanmoins un travail pour objectiver l’ampleur des pertes de recettes, comme vous venez de l’expliquer.
Monsieur le sénateur, je connais très bien le sujet que vous avez abordé. L’hôpital de Blois étant sis à La Chaussée Saint-Victor, j’ai été confrontée à des problématiques similaires. Je sais combien c’est compliqué. Mais, pour ma part, j’ai toujours regretté le transfert de l’état civil dans la ville-centre. Car si la situation à laquelle vous faites référence correspond à des coûts financiers immédiats, elle est aussi à plus long terme un facteur important de rayonnement, donc de bénéfices pour la commune concernée.
Cela étant, nous allons examiner de près la situation du Territoire de Belfort, afin de trouver une solution.
Madame la ministre, je vous remercie de ces éléments de réponse, que je transmettrai à mon collègue Cédric Perrin. Je me réjouis que vous acceptiez d’examiner le dossier particulier de cet hôpital du Territoire de Belfort. M. Perrin vous fera, je n’en doute pas, remonter les données qui vous permettront de rechercher, ensemble, des solutions pour la petite commune de Trévenans.
La parole est à M. Daniel Laurent, auteur de la question n° 1545, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Monsieur le ministre, ma question porte sur l’enveloppe consacrée aux investissements pour le volet d’aide à la conversion pour les agroéquipements, accessible seulement une quinzaine de jours, alors que les dossiers étaient à déposer entre le 4 janvier 2021 et le 31 décembre 2022.
Plus de 14 000 dossiers ont été déposés, principalement pour du matériel d’épandage et de pulvérisation, excluant de nombreux agriculteurs du dispositif.
Le volet « agroéquipement » du plan Protéines, doté de 20 millions d’euros, a connu le même succès.
Cependant, les premiers arrivés ont été les premiers servis, avec des disparités régionales – c’était plutôt concentré sur le Sud-Ouest et le Nord – et peut-être aussi un manque de sélectivité des matériels éligibles, suscitant frustrations et incompréhensions.
Par ailleurs, les prix de vente des matériels auraient augmenté de 4 % à 15 %. Si cette augmentation est avérée, des contrôles ont-ils été opérés par FranceAgriMer ?
En outre, les chartes départementales de protection des riverains ont été rendues caduques par une récente décision du Conseil constitutionnel.
Alors que débutent les périodes de traitement, l’ensemble de la profession a besoin de sécurité juridique, notamment à la veille de l’ouverture des déclarations de demandes d’aides de la politique agricole commune (PAC) pour 2021.
Force est de constater que le dispositif d’aide à la conversion aux agroéquipements témoigne de l’engagement de l’agriculture dans la transition agroécologique.
Monsieur le ministre, envisagez-vous de nouveaux crédits dans le cadre du plan de relance national ? Quelles sont les réponses juridiques envisagées concernant les chartes avec les riverains ?
Je profite de cette intervention pour apporter mon soutien, en ma qualité de président du groupe d’études Vigne et vin du Sénat, à la filière viticole et arboricole à la suite du gel qui a durement frappé les exploitations. Nos agriculteurs, en particulier les plus jeunes, sont dans un profond désarroi.
Monsieur le ministre, nous comptons sur vous et sur le Gouvernement pour activer très rapidement tous les leviers d’accompagnement et mettre en place un plan d’aide et de sauvetage : dispositifs contre les calamités agricoles, exonérations de charges, remboursement du prêt garanti par l’État (PGE) étalé sur un plus grand nombre d’années. Beaucoup de mesures doivent être prises, et rapidement.
Monsieur le sénateur Daniel Laurent, l’épisode de gel de ces derniers jours est assurément l’un des événements climatiques les plus désastreux pour le monde agricole que notre pays ait connus au XXIe siècle, peut-être même depuis la moitié du XXe siècle. Ce sont plusieurs centaines de milliers d’hectares qui ont été ravagés.
Nos viticulteurs, nos arboriculteurs et d’autres agriculteurs ont engagé un combat contre le froid. Mais les températures étaient tellement basses, et pendant tellement longtemps, de surcroît après de très fortes températures, que rien n’y a fait : une part très significative de nos productions ont subi ce gel et ont été agronomiquement « cramées ». Les conséquences sur les récoltes seront absolument désastreuses.
Au-delà du soutien que le Sénat et le Gouvernement apportent évidemment à nos agriculteurs, nous mettrons en place non seulement les dispositifs habituels, mais également des dispositifs exceptionnels – le Premier ministre s’y est engagé – face à cet épisode absolument dramatique.
Le problème du gel est qu’il est invisible. S’il s’était agi d’un incendie, l’émotion aurait été encore plus forte, dans la mesure où des centaines de milliers d’hectares ont été touchés.
Il me semblait important de rappeler ces éléments dans la période actuelle.
Vous m’interrogez, monsieur le sénateur, sur les lignes « agroéquipement » et « protéines » du plan de relance.
Vous avez raison : l’engouement sur la ligne agroéquipement montre à quel point les transitions sont en cours. D’ailleurs, plus de 75 % des 205 millions d’euros mobilisés portent sur des matériaux de substitution. La ligne agroéquipement a donc très bien marché.
Il faudra effectivement réabonder la ligne protéines, qui n’a pas été suffisamment abondée lors de la première ouverture de crédits. Nous devrons aussi nous montrer plus sélectifs.
Vous connaissez ma volonté d’avancer sur le volet protéique ; j’en fais un axe fort de mon action.
Vous avez également abordé les zones de non-traitement (ZNT). En l’occurrence, les chartes s’appliquent toujours. C’est le processus de concertation qu’il nous faut en revanche revoir, conformément à la décision du Conseil constitutionnel.
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.
Je me permets d’insister sur l’importance du dossier viticole. Vous le savez, les viticulteurs et les arboriculteurs de notre pays ont subi tous les préjudices économiques, qu’il s’agisse de la pandémie ou de la taxe Trump. Ce dernier problème n’est toujours pas résolu. Un délai de quatre mois a été fixé ; j’espère qu’une issue favorable sera trouvée.
À force de s’empiler, toutes ces difficultés vont finir par tuer nombre de petites entreprises viticoles ou arboricoles !
La parole est à Mme Françoise Férat, auteur de la question n° 1318, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Monsieur le ministre, parlons de la journée nationale de l’agriculture. Vous pensez peut-être « entêtement ». Je pense « ténacité ».
Pour les raisons que nous connaissons, le salon de l’agriculture ne s’est pas tenu cette année. Je salue la promesse de différentes journées dédiées à l’agriculture en compensation. Entre parenthèses, je n’ai connaissance d’aucune communication à ce jour…
Ma démarche est relayée par les agriculteurs, et un certain nombre de mes collègues ont cosigné une proposition de résolution en ce sens. La demande est simple et symbolique : la création d’une journée nationale de l’agriculture.
Une telle journée favorisera la mise en valeur par les acteurs de la filière de la spécificité des territoires et des nouvelles techniques plus durables. Elle doit permettre aux citoyens de connaître les femmes et les hommes passionnés qui nourrissent la population. Il s’agira d’un geste fort, qui sortira le secteur agricole de son sentiment de découragement et marquera la considération que l’ensemble du pays doit apporter à ses paysans.
Je le rappelle, en 2018, la ferme France a conservé son statut de première puissance agricole européenne, avec une production estimée à 73 milliards d’euros et une contribution au PIB de 6, 7 %. Notre agriculture est bien la meilleure du monde !
Madame la sénatrice Férat, je souhaite tout d’abord vous remercier du rapport Suicides en agriculture : mieux prévenir, identifier et accompagner les situations de détresse, que vous m’avez remis voilà quelques jours avec votre collègue Henri Cabanel. Vous y avez dressé un état des lieux du mal-être dans le monde agricole et répertorié l’ensemble des dispositifs de lutte contre les facteurs – nous savons qu’ils existent malheureusement – pouvant conduire à des drames humains. C’est un rapport de très grande qualité, de même d’ailleurs que celui du député Olivier Damaisin. Ainsi que je m’y étais engagé, j’ai attendu la fin de vos travaux pour que le Gouvernement puisse en tenir compte dans la mise en place de cette feuille de route si importante pour le monde agricole.
Vous m’interrogez sur les moyens d’honorer le monde agricole, en suggérant l’instauration d’une journée nationale de l’agriculture. Je n’ai pas d’idée préconçue à cet égard. Il existe énormément de journées nationales dans notre pays. À titre personnel, je ne suis pas certain qu’elles permettent un véritable changement. Ce dont je suis en revanche absolument convaincu, c’est la nécessité d’honorer notre agriculture.
C’est la raison pour laquelle nous organisons des journées nationales de l’agriculture, dont les prochaines se tiendront au mois de juin. Nous lancerons également une grande campagne de communication sur les métiers des entrepreneurs du vivant. Nous avons aussi développé un certain nombre d’initiatives – vous l’avez vu – pour permettre à nos concitoyens d’aller directement à la ferme, auprès des producteurs, afin d’accéder aux circuits courts et, en même temps, de pouvoir y faire des rencontres souvent incroyablement utiles, fertiles, avec le monde agricole.
Je connais votre attachement à cette journée nationale de l’agriculture. Encore une fois, je n’ai pas d’idée préconçue en la matière. Je ne suis pas certain que ce soit cela qui change la donne. Mais j’aurais évidemment plaisir à en discuter avec vous.
En tout cas, dans l’immédiat, nous organisons ces journées nationales en juin, et nous mettons en place une communication et des plateformes pour aller directement chez l’agriculteur. Le concours général, qui devait se tenir, n’aura malheureusement pas lieu du fait de la pandémie.
Comme vous, je me bats tous les jours pour honorer notre agriculture. Je crois que c’est très important.
Monsieur le ministre, je ne doute ni de votre engagement ni de votre sincérité, que j’ai pu mesurer au fil du temps.
Vous l’avez souligné, tout est affaire de communication. Vos propos de ce matin me donnent un peu d’espoir.
J’ai d’ailleurs noté que vous aviez tweeté le 27 mars dernier sur la journée du fromage.
M. le ministre sourit.
C’est la troisième fois que je formule une telle demande ; vous comprenez pourquoi je parle de « ténacité ». Peut-être que, avec une communication suffisamment appuyée et le concours de nos agriculteurs – ils souhaitent cette journée de l’agriculture et sont prêts à collaborer –, nous pourrions toucher au but. Vous connaissez leur engagement et leur capacité à être force de propositions. Je vous remercie de considérer cette demande.
La parole est à Mme Vivette Lopez, auteur de la question n° 1461, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Monsieur le ministre, ma question porte sur la situation de la filière liée à l’indication géographique protégée (IGP) Riz de Camargue.
Depuis plusieurs années, les acteurs de la filière font face à une distorsion de concurrence avec nos voisins européens, en particulier sur la protection phytosanitaire du riz et sur le désherbage.
Bien que les autorités compétentes sur le sujet aient été plusieurs fois alertées, la situation n’a malheureusement guère évolué, laissant les riziculteurs aujourd’hui dans une impasse technique pour désherber correctement leurs rizières. Ces difficultés entraînent une baisse constante des rendements, mais également des surfaces rizicoles, dont l’étendue se situe désormais au-dessous de 15 000 hectares alors que 20 000 hectares étaient cultivés voilà une dizaine d’années. La sole riz 2021 est, à titre d’exemple, estimée à 8 000 hectares.
En outre, cette diminution du volume de culture a des conséquences dramatiques sur le paysage et la biodiversité camarguaise. L’important apport en eau douce nécessaire à la riziculture a vocation à irriguer toute la nature environnante. En effet, en présence de la nappe phréatique extrêmement salée de ce territoire, la submersion régulière des parcelles grâce au riz est indispensable pour permettre à la terre de ne pas devenir stérile à cause de trop grandes remontées de sel.
Monsieur le ministre, pouvons-nous à cet égard compter sur votre aide pour harmoniser les moyens de production de nos riziculteurs avec nos voisins européens, afin que la riziculture française, indissociable de l’identité de la Camargue, au même titre que l’élevage de taureaux et de chevaux Camargue, puisse envisager l’avenir avec sérénité ?
Madame la sénatrice Lopez, vous connaissez, je le crois, ma position sur les surtranspositions en général. Je suis pour l’arrêt de cette pratique, dont notre pays a pris l’habitude depuis très longtemps. Le combat que j’ai mené en faveur de la filière betterave a, me semble-t-il, été une preuve concrète de cette vision.
Les transitions seront d’autant plus rapides qu’elles seront le fait de tous les pays membres d’un même marché commun. Il est totalement illusoire de croire que, au sein d’un même marché commun, certains peuvent engager des transitions plus rapides que les autres sans conséquences importantes. Nous l’avons vu sur tant de cultures dans notre pays : certes, la transition a été plus rapide, mais la production a décliné et il a fallu importer ; cela n’a certainement pas amélioré le bilan écologique !
Vous m’interrogez sur le riz. Vous le savez, en début de chaque campagne, mes services font un point avec les professionnels pour déterminer les moyens de lutte contre certaines maladies, avec des utilisations temporaires d’un certain nombre de produits. C’est ce que nous faisons habituellement. Nous allons continuer.
Pour aller plus loin, nous avons également entrepris depuis de longs mois un grand travail avec l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), qui a ainsi pu délivrer au mois de février dernier une autorisation pour dix ans de l’herbicide dénommé Loyant. Cette décision était, je le crois, attendue. Nous avons agi avec méthode et raison, en procédant par évaluation, pour permettre l’utilisation du produit.
Les producteurs ont également formulé trois autres demandes de dérogations. Deux ont été acceptées. La troisième ne l’a pas été, car le produit n’est pas autorisé à l’échelon européen. On retrouve la position d’équilibre qui est la mienne : le cadre européen est le bon échelon, mais les décisions doivent s’appliquer dans les deux sens, ni plus ni moins.
Voilà pour les flux des nouvelles autorisations que nous devons rendre. Pour le stock, nous subissons, chacun le sait, beaucoup de surtranspositions sur certains types de produits, que cela concerne le riz ou la lentille, chère au sénateur Duplomb. J’ai bien conscience du problème. Nous travaillons tous les jours sur ce dossier.
Monsieur le ministre, nous connaissons effectivement fort bien votre combat contre les surtranspositions et votre action pour défendre notre agriculture. Je vous remercie infiniment de l’attention particulière que vous portez à la filière riz.
La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, auteur de la question n° 1517, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Monsieur le ministre, la loi Santé animale européenne impose désormais une évolution du protocole vaccinal aux éleveurs. Pour les broutards, ils disposent d’un délai de soixante jours, contre dix jours jusqu’à présent, entre la date de la dernière injection de vaccin et la date de la vente pour l’exportation.
Pour les animaux dont la vente est programmée en avril 2021, il fallait donc avoir réalisé tout le protocole vaccinal au plus tard le 30 janvier 2021, une date évidemment impossible à tenir. Or près de 6 200 broutards devraient être exportés en avril et en mai pour le seul département de la Haute-Vienne. En l’absence d’une telle opération réalisée dans les temps, ces ventes ne pourront donc pas être conclues, et on mesure aisément la perte pour des producteurs déjà en grande difficulté. Il semblerait que la situation n’ait pu être anticipée, et la légitime demande des éleveurs pour l’obtention d’un temps d’adaptation à ce nouveau règlement européen n’a pas été entendue. Monsieur le ministre, quelle mesure de compensation avez-vous donc prévue pour les dédommager ?
Cette situation est d’autant plus préjudiciable que la filière bovine limousine fait déjà face à une baisse des cours, en raison de fortes perturbations sur les marchés européens liées au contexte sanitaire. Si les exportations de broutards et de jeunes bovins vers l’Italie restent stables, le prix payé au producteur est en baisse : –3 % sur toute la voie mâle, et un écart d’environ 1 euro au kilogramme entre le prix payé au producteur et l’indicateur interprofessionnel de coûts de production. Cette baisse de prix annule tout le gain de revenu potentiel qu’aurait pu procurer la hausse de 40 centimes du kilogramme obtenue sur la voie femelle, entraînant de fait un revenu historiquement bas pour les producteurs en 2020.
La situation des éleveurs haut-viennois est critique, monsieur le ministre, et de très vives inquiétudes sont en train de s’installer. Quelle réponse entendez-vous leur apporter ?
Monsieur le sénateur Redon-Sarrazy, vous avez abordé le problème du prix. Le prix, c’est un combat ! Nous aurons d’ailleurs tout à l’heure un débat sur l’application de la loi Égalim (loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous). Cette dernière concerne les jeunes bovins, mais pas, par définition, les broutards achetés par l’Italie. C’est en tout cas un élément structurant pour toute la filière bovine. Force est de constater que nous cherchons à faire bouger les lignes sur ce sujet.
S’agissant des cours, y compris du jeune bovin et du broutard, il ne vous aura pas échappé que, depuis maintenant plusieurs semaines, ils commencent à raugmenter de manière continue, même si c’est trop lentement à mes yeux. Je le dis clairement, c’est très largement insuffisant, mais c’est un fait. Il faut dire que nous mettons beaucoup de pression « dans le tube », si vous me passez l’expression. Il faut aller encore plus loin, vraiment, parce que nous restons à des niveaux trop bas pour rémunérer nos éleveurs.
Par ailleurs, vous m’interrogez sur la mise en place de cette loi Santé animale. Vous estimez que les inquiétudes n’auraient pas été entendues et que rien n’aurait été fait. Ce n’est absolument pas le cas. Vous pouvez d’ailleurs interroger les représentants de la filière à cet égard.
Le fait est que la France s’est battue au niveau européen pour que cette réglementation n’entre pas en vigueur au 21 avril, mais soit décalée. J’en ai parlé à de nombreuses reprises ; j’ai fait une coalition avec différents États membres ; je m’en suis entretenu avec la commissaire européenne à la santé. Dans un premier temps, l’Europe a décidé de ne pas décaler, mais nous avons fini par obtenir des mesures dérogatoires en ce qui concerne la mise en œuvre. Nous avons réussi à obtenir des protocoles, notamment avec l’Espagne, l’Italie, pour aborder la date du 21 avril de manière sereine, puisqu’il y aura une autre échéance au mois de septembre, avec des protocoles d’accord sur les vaccinations pour les exportations, en particulier vers ces deux pays.
Je peux vous dire que nous nous sommes pleinement engagés sur ce dossier, parce que, dès lors que ce texte fonctionnerait mal dans un pays européen – je n’ai pas d’inquiétude pour la France –, c’est toute la chaîne des transports qui serait bloquée. Mon combat, au niveau européen, c’était de donner de la visibilité à ce sujet pour qu’il n’y ait de problèmes de flux dans aucun État membre, avec une attention particulière portée à l’Italie et à l’Espagne. Bref, au 21 avril, nous sommes sereins, la question étant renvoyée au mois de septembre, mais nous sommes en train de nous y préparer avec la filière.
Monsieur le ministre, j’entends bien e que vous dites, mais la conséquence sur la trésorerie des agriculteurs est inévitable, d’autant que, depuis 2018, le revenu des éleveurs bovins « viande » a baissé de 30 %. Les ventes de viande bovine, elles, ont progressé en 2020, mais le problème est bien que la loi Égalim n’est pas appliquée et n’a pas produit les effets positifs attendus.
Les plans d’aide d’urgence successifs, tels que celui qui a été annoncé début mars, ne suffisent plus à répondre à cette situation. Il faut garantir aux éleveurs un prix qui couvre véritablement leurs coûts de production. La nouvelle PAC ne doit pas sacrifier l’élevage allaitant, sous peine de porter gravement atteinte aux équilibres territoriaux et à notre autonomie alimentaire.
La parole est à M. Stéphane Demilly, auteur de la question n° 1519, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Monsieur le ministre, début mars ont eu lieu les négociations commerciales entre les producteurs agricoles et les distributeurs. Un profond désaccord entre les parties s’est traduit par des manifestations d’agriculteurs partout en France, ces derniers dénonçant la teneur de ces négociations et demandant une application de la loi Égalim beaucoup plus juste. Le problème est bien là !
Rappelons que cette loi d’octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous avait notamment pour objectif de « payer le juste prix aux producteurs, pour leur permettre de vivre dignement de leur travail ». Aujourd’hui, il n’en n’est rien, et les espoirs des agriculteurs nés avec cette loi sont déçus.
Dans mon département de la Somme, les jeunes agriculteurs et la fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA) m’ont fait part de leur frustration devant cette non-application de la loi. Ils ont le sentiment que la grande distribution est peu réceptive aux tarifs proposés par les fournisseurs et que la hausse des coûts de production à l’amont n’est absolument pas prise en compte. D’ailleurs, l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires ne dit pas autre chose quand il affirme que, dans de très nombreuses filières, les prix payés aux producteurs n’intègrent pas suffisamment les coûts de production.
Monsieur le ministre, la crise sanitaire a mis en avant l’importance stratégique de préserver notre souveraineté alimentaire.
Cela passe, vous le savez, par une juste rémunération de nos agriculteurs, leur permettant de répondre aux exigences sociétales et environnementales de plus en plus contraignantes. Il s’agit aussi de pouvoir donner envie aux nouvelles générations de s’installer, car il faut savoir que 46 % de la population agricole peut prétendre à la retraite dans les cinq ans à venir. Notre souveraineté alimentaire passe donc mécaniquement par des installations en nombre.
Allez-vous vous saisir du rapport de Serge Papin pour mieux rémunérer les agriculteurs ? Plus globalement, quelles mesures comptez-vous prendre pour que la rémunération des agriculteurs reflète réellement leur travail ?
Enfin, la situation de l’agriculture française dépend non seulement de l’application de la loi Égalim, mais aussi, bien sûr, de la politique agricole commune (PAC) et de sa fameuse déclinaison française. Pour les exploitations agricoles des Hauts-de-France, la réforme de la PAC, telle qu’elle est envisagée à l’heure actuelle, équivaudrait à près de 180 millions d’euros par an d’aides en moins. C’est colossal et, vous le comprendrez, inacceptable. Nos agriculteurs ont plusieurs propositions à vous faire sur le plan stratégique national, en cours d’élaboration. Je vous demande, monsieur le ministre, de les écouter. Nous ne devons pas avoir honte de soutenir notre agriculture.
Monsieur le sénateur Demilly, je vous remercie d’abord de votre soutien constant au monde agricole.
Je vais commencer par la seconde partie de votre question, puis je terminerai en vous répondant sur Égalim.
Vous me dites que la nouvelle PAC va coûter 180 millions d’euros à la région Hauts-de-France. C’est absolument faux ! Ce chiffre est totalement erroné. C’est avec grand plaisir que j’en discuterai avec vous, mais ce n’est ni de près ni de loin la réalité de ce qui va se passer, bien au contraire.
Les deux questions qui viennent de m’être posées sont assez révélatrices des débats en cours : d’un côté, on me dit qu’il faut mettre plus ici ; de l’autre, qu’il faut mettre plus là.
La position que j’ai adoptée, c’est justement de mettre fin à ces transferts massifs. Par exemple, les régions en zones intermédiaires de céréales, qui ont profondément subi ces mouvements lors des différentes PAC passées, ont aujourd’hui des niveaux de rémunération extrêmement faibles. D’aucuns préconisent les transferts inverses, mais on mettrait alors à bas tout le monde de l’élevage. Il faut stabiliser, c’est-à-dire arrêter ces transferts massifs de certaines régions vers d’autres, comme vous l’avez rappelé. Ma position est très claire à cet égard. C’est une politique affirmée et assumée, ce qui n’avait jamais été fait lors des précédentes négociations sur la politique agricole commune.
Le second point de votre question porte sur la loi Égalim.
Oui, mille fois oui, il faut se saisir des recommandations de Serge Papin, que j’ai d’ailleurs réclamées avec ma collègue Agnès Pannier-Runacher.
Pourquoi ?
Dans les négociations qui viennent de se terminer, nous avons vu que la seule solution pour faire bouger des lignes était d’entrer dans un rapport de force. Nous y sommes allés franchement, réalisant l’équivalent de six mois de contrôles en six semaines. Nous avons mis beaucoup de pression dans le tube, mais les relations commerciales ne peuvent constamment se définir ainsi, avec un rapport de force systématique engagé avec l’État. Je le ferai autant que de besoin, mais il nous faudrait trouver un système pérenne en allant plus loin qu’avec la loi Égalim. En gros, celle-ci elle a permis d’effectuer une marche en avant considérable en définissant une méthode, mais elle n’a pas, me semble-t-il, suffisamment sanctuarisé les indicateurs et les prix.
C’est cela qu’il nous faut travailler maintenant, et nous aurons l’occasion d’en débattre cet après-midi au Sénat. En tout cas, monsieur le sénateur, soyez assuré de mon engagement.
La parole est à M. Guillaume Gontard, auteur de la question n° 1529, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Monsieur le ministre, la propagation de la grippe porcine et de l’influenza aviaire sont sources de grandes difficultés pour l’élevage de plein air.
Malgré les très nombreuses interpellations et propositions des syndicats agricoles depuis deux ans, les mesures de biosécurité déployées pour protéger les élevages des maladies ont essentiellement été envisagées pour des élevages intensifs et paraissent largement inadaptées à la réalité des élevages extensifs. C’est encore plus le cas dans les territoires de montagne comme le mien. Depuis le 1er janvier, les éleveurs porcins attendent des dérogations, notamment sur la question des clôtures.
Les systèmes de clôture pour les parcs à cochons ne sont pas adaptés et peuvent conduire à l’arrêt de l’élevage porcin extensif, particulièrement en zone boisée ou pentue. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a enfin été saisie et doit se prononcer sur la possibilité de déployer des clôtures mobiles, beaucoup plus adaptées à l’élevage de plein air. Monsieur le ministre, savez-vous quand l’Anses rendra son rapport ?
Cette situation est d’autant plus mal vécue par les fermes de plein air qu’aucune nouvelle réglementation sanitaire ne s’impose aux chasseurs, hors zones réglementées, bien sûr, concernant la gestion des sangliers, qui sont pourtant les principaux vecteurs du développement de la peste porcine africaine. Pourtant, monsieur le ministre, comme vous aimez le répéter, nous dépendons des agriculteurs pour nous nourrir. Une coopération renforcée entre chasseurs et éleveurs est indispensable. Y travaillez-vous ?
S’agissant de la grippe aviaire, à la suite de la pétition de cet hiver, vous avez réuni depuis mars les acteurs pour élaborer un protocole adapté à tous les types d’élevage. Nous attendons de voir le résultat, mais, enfin, claustrer les volailles pour les protéger de la grippe aviaire dans des bâtiments construits avec les subsides du plan de relance ne me semble pas être une solution pour l’élevage de plein air. Je m’étonne de devoir le préciser.
Plus largement, monsieur le ministre, que prévoyez-vous pour protéger et développer l’élevage de plein air plébiscité par nos concitoyennes et nos concitoyens ?
Monsieur le sénateur Gontard, vous évoquez plusieurs sujets : d’abord la peste porcine africaine (PPA) ; ensuite, l’influenza aviaire ; enfin, plus largement, le support aux élevages de plein air.
Très clairement, je suis favorable à l’élevage de plein air. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de le dire au moment de la gestion de cette crise de l’influenza aviaire.
Sur la PPA, vous le savez très bien, on a mis en place un certain nombre de groupes de travail non seulement avec les professionnels, mais également avec les chasseurs, pour répondre plus précisément à votre interpellation. Il s’agit de groupes de suivi, que je pilote de manière régulière, avec des initiatives lancées par la profession en appui du Gouvernement, pour faire des audits d’évaluation des mesures de biosécurité à l’échelle de chacun des élevages, et pour pouvoir bénéficier de financements, octroyés notamment dans le cadre du plan de relance, afin de mettre à niveau les élevages qui le nécessiteraient.
Par ailleurs, je vous le confirme, nous attendons toujours l’avis de l’Anses, mais soyez sûr qu’elle est très impliquée sur ces questions de biosécurité.
Sur l’influenza aviaire, je le redis, il y a un débat qui s’est ouvert, certains en attribuant la cause aux modes d’élevage. Je n’y crois pas du tout. Elle arrive par les oiseaux migrateurs.
Pourtant, je le répète, je suis tout à fait pour les élevages de plein air, notamment des gallinacées, et je ne milite pas pour une remise en cause des modes d’élevage. Cela étant, quand le virus influenza aviaire arrive, comment réagit-on ? On a vu lors de la crise de cette année, où le virus était incroyablement virulent, que les mesures de claustration, avec des exemptions données, par exemple jusqu’à 3 200 canards, laissaient quand même beaucoup d’oiseaux dehors.
La question qui nous est posée est la suivante : est-on capable de claustrer au moment où la vague arrive et combien d’oiseaux peut-on laisser dehors ? C’est tout l’enjeu des consultations en cours avec les professionnels. À titre personnel, je pense qu’il faut être courageux : quand le virus arrive, on doit être en mesure de claustrer, sans remettre en cause d’aucune manière que ce soit l’élevage de plein air. Telle est ma position, que je ferai valoir lorsqu’il faudra prendra des arbitrages dans le cadre des consultations.
Monsieur le président, pardon d’avoir été trop long. Je conclus : dans le plan de relance, il y a effectivement une ligne de financement de 115 millions d’euros pour investir dans les élevages sur les mesures de biosécurité, en lien avec les collectivités locales, notamment les régions.
Merci, monsieur le ministre.
Je suis d’abord satisfait d’entendre que vous êtes très favorable à l’élevage de plein air. Maintenant, effectivement, il faut que les politiques suivent, puisque cet élevage de plein air a souvent été délaissé, constituant un angle mort des politiques agricoles.
C’est bien dommage, car nous le voyons avec ces épisodes sanitaires, quel que soit le type de virus, l’élevage de plein air est celui qui est le plus résilient. C’est aussi vrai pour des questions de transport, car ce type d’élevage induit une organisation en circuits courts. Or l’on sait que les transports, qui influent aussi sur le bien-être animal, sont à l’origine de la propagation de ces virus.
Monsieur le ministre, je vous encourage à mettre le paquet sur l’élevage de plein air !
La parole est à Mme Patricia Demas, auteure de la question n° 1535, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Monsieur le ministre, ma question porte sur les conséquences de l’arrêt des exportations de laine française à la suite de la crise sanitaire, ainsi que sur les perspectives de renaissance de la filière de production et de valorisation de la laine sur notre territoire.
La France possède un cheptel de près de 5 millions de brebis, qui produisent un peu plus de 6 000 tonnes de laine par an. Depuis des décennies, la filière de production de la laine tricolore a chuté. On élève surtout les ovins pour la viande ou le lait.
La vente des tontes suffit à peine à en payer l’acte actuellement. C’est pourtant malheureusement un passage obligatoire pour le confort de l’animal et pour lutter contre la myiase.
Notre production de laine s’exporte à hauteur de 80 %, principalement vers l’Asie. Or, depuis la crise de la covid-19, la Chine a coupé court à ses importations et les stocks s’accumulent de manière alarmante dans les hangars de nos éleveurs.
Cette chute des ventes est catastrophique, certes, sur le plan commercial, mais, le plus grave, ce sont les volumes que les coopératives ne collectent plus, et pour cause. On ne peut écarter des conséquences sur le plan sanitaire, sachant que la laine est imputrescible et qu’elle brûle très mal.
Que faire de ces stocks invendus qui s’accumulent dans les bergeries, tels des encombrants dont la qualité périclite dans un laps de temps assez court ? S’ils demeurent en l’état, il faudra trouver une solution pour s’en débarrasser. Sans accompagnement, et en l’absence de règles et de contrôles, les éleveurs seront contraints de faire le travail de destruction eux-mêmes, avec toutes les conséquences économiques et sanitaires que cela suppose.
Cette situation prête à réflexion, monsieur le ministre : ne pensez-vous pas qu’il serait opportun de profiter de cette crise pour redonner un élan à la filière de la laine française, qui pourrait retrouver ses lettres de noblesse dans une logique vertueuse de développement durable et économique ?
Madame la sénatrice Demas, je pense que la réponse est dans votre question. On est dans une situation compliquée, pour des raisons conjoncturelles et non pas structurelles. C’est le cas dans d’autres secteurs d’exportation de ce que l’on appelle les coproduits animaux, dont la laine fait partie, ou d’autres types de productions animales.
Évidemment, on suit cette situation de près, notamment par l’intermédiaire de FranceAgriMer, qui a développé un process de suivi de ces coproduits animaux dans une structure dédiée.
Tout d’abord, je pense qu’il faut non pas repenser la filière – le terme est présomptueux –, mais l’accompagner en tirant les leçons de la crise. À cet égard, je tiens à dire que le plan de filière a déjà beaucoup travaillé sur cette question de la valorisation de la laine.
Pour ma part, j’ai décidé, dans le cadre de France Relance, de mettre des financements importants, à hauteur de 50 millions d’euros, pour la structuration des filières. En l’occurrence, la filière laine pourrait s’en saisir pour faire ce travail et valoriser ses produits.
Ensuite, il y a la question des débouchés. Tout l’appareil d’État est mobilisé, notamment à l’international, pour aider les acteurs économiques dans cette démarche. C’est d’ailleurs un métier que j’ai eu l’occasion d’exercer voilà quelques années en Égypte. On sait à quel point c’est important, y compris dans le domaine agricole, de pouvoir bénéficier du soutien diplomatique de l’appareil d’État, que ce soit de Business France ou des conseillers agricoles.
Enfin, au-delà de la filière et de ses débouchés, je crois beaucoup aux initiatives locales, telles que celles que vous avez mentionnées. C’est exactement la même approche que pour la valorisation des circuits courts dans le cadre des projets alimentaires territoriaux. Ces valorisations locales sont, à mes yeux, extrêmement importantes. Vous avez cité plusieurs initiatives, et il faut les soutenir. En résumé, filières, débouchés et initiatives locales : il me semble que c’est la bonne ligne de conduite, dans une situation incroyablement difficile en ce moment.
Je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir répondu de manière encourageante pour cette filière, qui a besoin de se restructurer, de redynamiser ses outils de production pour pouvoir valoriser la laine, et non pas seulement la traiter en tant que déchet. Aujourd’hui, c’est un peu ce qui se passe avec les exportations vers l’Asie. Il y a très peu de filières de production structurées.
L’autre objet de ma question reste néanmoins sans réponse. D’énormes stocks de laine ne sont pas traités aujourd’hui en France, ce qui représente un véritable problème sanitaire.
La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, auteur de la question n° 1542, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur trois points.
Tout d’abord, il y a la prise en compte de la différence « montagne » dans le futur plan stratégique national.
Nous constatons que l’éligibilité des surfaces pastorales sera subordonnée à une méthode de déclaration et de contrôle qui reste en débat. L’actuelle repose sur l’expertise de l’agriculteur, qui applique une classe de prorata aux surfaces qu’il déclare. Cette méthode a fait ses preuves en France, mais elle est aujourd’hui en évolution, et je crois savoir que vous expérimentez à ce jour un dispositif de télédétection en vigueur chez nos voisins espagnols et dénommé le Lidar. Il s’agit d’une technique de mesure à distance capable d’identifier le couvert végétal en place.
Certes, ce système paraît simple, mais son utilisation est limitée, car il exclut systématiquement toute surface en pente ou toute ressource fourragère sous couvert arboré. L’Association nationale des élus de la montagne (ANEM), notamment, a manifesté son opposition à cette nouvelle méthode. Comment allez-vous prendre en compte les spécificités géographiques des surfaces agricoles montagnardes ? Ne pensez-vous pas qu’une dérogation soit nécessaire pour les territoires de montagne ?
Ensuite, en cette période d’actualité singulière, avec les gels sévères que connaît le territoire national, j’ai pris acte avec beaucoup de satisfaction de la prise en compte rapide des calamités agricoles. Cela étant, je souhaiterais connaître les dispositions que vous envisagez de prendre pour faire face immédiatement aux besoins de trésorerie auxquels seront confrontés les exploitants arboricoles dès le mois d’octobre, après que les premières recettes des saisons précédentes auront été effectivement liquidées. J’aimerais également savoir quelles mesures vous envisagez pour accompagner, au-delà de la prise en compte des calamités agricoles, la filière tout entière, c’est-à-dire y compris la filière industrielle – je pense aux stations de conditionnement et aux emplois saisonniers adossés –, particulièrement touchée par cette crise de l’arboriculture.
Enfin, j’appelle votre attention sur la nécessité de travailler dare-dare, si vous me permettez l’expression, sur les réserves collinaires pour faire en sorte, notamment, que les mesures administratives permettant les autorisations soient allégées, à l’instar de ce qui se passe pour les éoliennes.
Monsieur le sénateur Arnaud, je vais commencer par la question sur les réserves collinaires, en saluant ma collègue chargée de la biodiversité, la secrétaire d’État Bérangère Abba, avec qui nous échangeons très régulièrement sur le sujet.
Soyez convaincu de notre approche pragmatique, notamment sur ces autorisations de prélèvement. Vous le savez, un important travail a été fait par nos services, à la demande des parlementaires, d’ailleurs, pour pouvoir finaliser ce fameux décret sur les débits d’usage de l’eau, une fois que les réserves ont été faites. Cela répond précisément à votre interrogation. En fait, la situation n’était pas acceptable. Même quand le projet avait été bien mené, avec toutes les concertations requises, le préfet prenait son arrêté de prélèvement sur une base juridique tellement fragile que, neuf fois sur dix, l’acte tombait quand il était attaqué. C’était désespérant pour tout le monde.
Courageusement, nos ministères, à la demande des parlementaires, je le répète, ont enfin rédigé ce décret, qui est aujourd’hui au Conseil d’État et qui pourra donc être signé dans les prochaines semaines. Cela sera une véritable avancée, attendue depuis à peu près dix ans par les acteurs de terrain. J’en profite de nouveau pour remercier ma collègue Bérengère Abba.
S’agissant des soutiens à l’arboriculture, la question est d’arriver au moment où la perte de revenus sera ressentie, c’est-à-dire surtout à partir de la mi-juin, avec un pic cet été. Pour la viticulture, en revanche, c’est dans un an. Aussi, les dispositions que nous sommes en train de mettre en place doivent prendre en compte cette réalité.
Il n’en reste pas moins que, d’ici là, il y a des sujets à traiter, comme vous l’avez très bien dit, et nous sommes en train de le faire. Ce sont notamment les mesures de chômage partiel ou autres pour accompagner celles et ceux qui en ont besoin.
Évidemment, nous avons bien en tête que l’impact est non seulement sur la production, mais aussi sur l’aval. Vous avez parlé des installations de conditionnement. J’y insiste, nous sommes en train d’y travailler, et je vous laisse imaginer le défi que cela représente, ainsi que les montants en jeu. Face à ce drame, nos outils habituels, faute d’être gréés, ne fonctionnent pas ; donc il nous faut tout réinventer. Nous essayons de le faire le plus rapidement possible, mais, si nous voulons être efficaces, il faut prendre le temps de la concertation.
Enfin, sur le Lidar, je vous rassure, c’est une expérimentation dont nous tirerons les conclusions, le moment venu, pour voir comment améliorer le système. Qu’est-ce qui est faisable ? Où cela peut-il être appliqué ? Nous le ferons avec méthode et pragmatisme. Je pense avoir démontré que c’était le type d’approche que je privilégiais.
Monsieur le ministre, je vous remercie de ces précisions. Je vous invite dans mon département, dans la vallée de la Durance et le Buëch, afin que vous puissiez vous rendre compte de la situation, même si je sais que vous en êtes conscient. Nous pourrons à l’occasion aussi parler de pastoralisme. Après votre déplacement dans la vallée Auvergne-Rhône-Alpes, je vous convie en région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur, dès que possible, pour soutenir le moral de nos agriculteurs et de nos arboriculteurs.
La parole est à M. Bernard Fournier, auteur de la question n° 1512, adressée à Mme la ministre de la transition écologique.
Madame la secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention et celle du Gouvernement sur les conséquences importantes, pour le service public d’assainissement des eaux usées de l’agglomération de Roanne, que risquent d’entraîner les nouvelles réglementations relatives aux conditions de retour au sol des boues d’épuration urbaines.
En effet, les 10 000 tonnes produites chaque année par les 35 stations d’épuration de ce territoire font l’objet d’une valorisation agricole dans le cadre de plans d’épandage, pour 50 %, et sous la forme de compost, pour 50 %. Or le projet de décret relatif aux critères de qualité agronomique et d’innocuité selon les conditions d’usage pour les matières fertilisantes et les supports de culture prévoit l’interdiction, à compter du 1er juillet 2021, de tout épandage de boues urbaines non hygiénisées.
Par ailleurs, ce même projet de décret, ainsi que celui qui est relatif au compostage des boues d’épuration et digestats de boues d’épuration avec des structurants vont également imposer de très fortes contraintes sur la fabrication et la distribution des composts.
Toutes ces dispositions vont entraîner d’importants surcoûts pour leurs services d’assainissement. Soit ces surcoûts seront répercutés sur les redevances d’assainissement payées par les usagers, soit ils seront amortis par une baisse drastique des programmes d’investissement.
Au-delà de cette question financière cruciale, l’agglomération de Roanne et son prestataire de compostage ne pourront pas répondre à ces nouvelles exigences dans les délais prévus, car ils ne possèdent ni les équipements ni les infrastructures nécessaires pour ce faire.
En outre, l’entrée en vigueur des nouveaux seuils envisagés notamment pour le cuivre ou le nickel, dès le 1er juillet 2021, va imposer à l’agglomération et à ses prestataires de réexaminer dans les mêmes délais les conditions de déversement des eaux de plusieurs industriels, voire d’interdire ces déversements.
En conséquence, madame la secrétaire d’État, je vous demande de bien vouloir prendre en compte toutes les difficultés que posent ces nouvelles réglementations, de les limiter aux exigences strictement nécessaires et de prévoir des délais compatibles avec la mise en œuvre de solutions permettant de les respecter.
Monsieur le sénateur Fournier, l’instauration de nouvelles normes applicables aux épandages de boues ou de composts élaborés à base de boues a pour objectif d’assurer un niveau de protection homogène des sols agricoles à l’égard des contaminations, et ce quel que soit le type de fertilisation.
Ces normes trouvent leur fondement dans l’article 86 de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, qui est de fait assez exigeante quant au niveau d’innocuité à atteindre pour permettre le retour au sol de ces boues.
Le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, responsable de l’élaboration des normes de qualité des matières destinées à l’épandage et des procédures d’épandage, a soumis à la consultation un premier projet de décret à la fin de 2020.
L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a rendu son avis sur le sujet le 28 janvier dernier ; il est assorti de certaines recommandations dont la faisabilité devra être évaluée par le ministère chargé de l’agriculture, qui sera sans doute amené à proposer un projet amendé de décret.
Par ailleurs, aux termes de l’article 86 de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, un décret doit préciser les conditions dans lesquelles les boues d’épuration peuvent être traitées par compostage, seules ou conjointement avec d’autres matières.
Un premier projet de décret a reçu un avis défavorable du Conseil national d’évaluation des normes le 4 février dernier, compte tenu des difficultés que les collectivités locales et les exploitants de station d’épuration éprouvent à atteindre un taux de siccité des boues suffisamment élevé pour permettre les rapports proposés entre boues et déchets verts, difficultés que vous avez évoquées dans votre question.
Un nouveau projet de décret précise que les déchets verts pourront être ajoutés, à parts égales avec les boues, à partir du 1er janvier 2022 ; à compter du 1er janvier 2024, ce rapport sera abaissé à 40 % de déchets verts. L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) examinera en 2026 la nécessité de réviser ces proportions en fonction des besoins de la filière de compostage des biodéchets, besoins qui auront pu alors être évalués.
Le Conseil national d’évaluation des normes a émis un avis favorable le 4 mars sur ce projet, qui a été transmis pour avis au Conseil d’État.
Je tiens enfin à vous signaler que des moyens ont été mis en place dans le cadre de France Relance : une enveloppe de 30 millions d’euros d’aide d’urgence vient aider les collectivités à prendre en charge les surcoûts liés à l’hygiénisation des boues avant épandage, nécessité rendue évidente par la crise sanitaire que nous connaissons. Cette aide doit notamment couvrir l’achat d’équipements, mais aussi de réactifs tels que la chaux. De manière plus pérenne, après la crise, les agences de l’eau pourront accompagner les collectivités dans leurs investissements.
Je demande à chacun de bien vouloir respecter son temps de parole.
La parole est à M. Bernard Fournier, pour la réplique.
Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, pour les précisions que vous avez bien voulu nous apporter. Nous serons très vigilants dans les mois à venir.
La parole est à M. Christian Klinger, auteur de la question n° 1626, adressée à Mme la ministre de la transition écologique.
Madame la secrétaire d’État, je souhaiterais vous interpeller sur le financement de l’objectif « zéro artificialisation nette », qui est l’une des grandes thématiques du projet de loi Climat et résilience.
L’article 47 de ce projet de loi dispose que le rythme de la consommation foncière doit être divisé par deux d’ici à 2030 ; son article 48 précise que l’action des collectivités doit limiter l’artificialisation des sols.
L’objectif est certes louable et les élus sont conscients de la nécessité de réduire le plus possible les consommations foncières et l’artificialisation ; toutefois, ils s’interrogent sur le modèle de financement et les modalités concrètes d’application de ces dispositions.
L’objectif est national, mais ce sont les élus locaux qui vont être à la manœuvre en matière d’urbanisme ; or les inquiétudes sont nombreuses.
Votre projet de loi invite principalement à modifier les documents d’urbanisme – plans locaux d’urbanisme (PLU), schémas de cohérence territoriale (SCoT) et schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet) –, mais cela n’est pas suffisant. Le projet de loi fixe la ligne directrice, mais il ne donne pas aux collectivités les outils et les moyens pour y parvenir. Sur le principe, la majorité des élus est d’accord, mais concrètement, on ne sait pas comment y arriver !
Par ailleurs, il faut considérer la problématique du foncier de manière globale. Les élus vont se retrouver face à des injonctions contradictoires, entre le « zéro artificialisation nette », d’un côté, et les dispositions de la loi SRU (loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains) sur la construction des logements sociaux, de l’autre.
Dans mon territoire, couvert par le SCoT Colmar Rhin Vosges, quatre communes sont en déficit de logements sociaux : comment vont faire leurs élus ? Devront-ils construire et, « en même temps », ne pas construire ?
Ma question est donc simple : concrètement, quel est le mode d’emploi de l’objectif « zéro artificialisation nette » ? Comment financer cet objectif ? Quels sont les leviers, notamment fiscaux, prévus pour les collectivités ?
Monsieur le sénateur Klinger, la France s’engage en faveur de la sobriété foncière, comme vous l’avez rappelé, en visant à atteindre cet objectif de zéro artificialisation nette des sols d’ici à 2050.
Dans le cadre du projet de loi Climat et résilience, si les parlementaires le veulent bien, nous fixerons une trajectoire de réduction de moitié de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers dans les dix prochaines années, conformément à la recommandation de la Convention citoyenne pour le climat.
Chaque année, entre 20 000 et 30 000 hectares d’espaces naturels, agricoles et forestiers sont artificialisés, avec des conséquences écologiques que personne ne nie, mais aussi des conséquences socioéconomiques, telles que la dévitalisation des petites centralités, l’éloignement de l’emploi et des surcoûts pour la mobilité.
Je partage donc votre analyse : l’un des principaux moteurs de l’artificialisation des sols est bien économique. En effet, il est parfois plus coûteux, plus complexe et plus long de reconstruire la ville sur la ville que de construire sur un terrain agricole en périphérie. C’est l’une des raisons qui conduit malheureusement les aménageurs à construire prioritairement en extension urbaine, ce qui a pour conséquence de favoriser l’étalement urbain.
Le différentiel de coûts est d’autant plus élevé lorsque les opérations se situent sur des friches et dans des secteurs détendus, qui ne permettent pas de générer des recettes pour équilibrer le bilan économique de l’aménagement.
Cependant, si construire en extension urbaine est moins cher pour l’aménageur, cette stratégie de déploiement a un coût pour la collectivité ; elle entraîne aussi des coûts, souvent cachés, pour les ménages.
Aussi, afin d’apporter des réponses en matière de financement du « zéro artificialisation nette », le ministère de la transition écologique envisage trois leviers principaux.
Le premier levier est le développement de l’ingénierie foncière et financière des établissements publics fonciers (EPF), qui acquièrent du foncier, le remettent en état et le gardiennent avant rachat à prix coûtant à la collectivité dans le cadre d’une convention. Leur modèle économique repose sur la recette fiscale de la taxe spéciale d’équipement. Cette taxe est votée dans les conseils d’administration des EPF, qui sont toujours présidés par un élu local : cela a son importance du point de vue de la gouvernance. Les EPF couvrent 80 % du territoire national et leur extension est encouragée.
Le deuxième levier est l’allocation de subventions pour absorber le déficit d’opérations ou encourager les opérations denses qui recyclent du foncier. Des aides sont accordées dans le cadre des contrats de projet partenarial d’aménagement et des programmes de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) ; je pense notamment aux programmes Action cœur de ville et Petites villes de demain.
Enfin, le troisième levier passe par une adaptation de la fiscalité visant à encourager le recyclage urbain. Il est d’ores et déjà possible de moduler certaines taxes à cette fin, qu’il s’agisse de la taxation des plus-values immobilières ou de la taxe sur les surfaces commerciales.
Veuillez respecter votre temps de parole, madame la secrétaire d’État !
La parole est à M. Christian Klinger, pour la réplique.
Il est vrai qu’il s’agit d’un sujet nouveau et complexe ; il ne peut pas être résumé en deux minutes et demie, j’en suis conscient !
Merci pour votre réponse, madame la secrétaire d’État, mais vous n’ignorez pas que nous allons rencontrer de vrais problèmes, sur le terrain, pour appliquer l’objectif « zéro artificialisation nette ». Comme trop souvent, le Gouvernement se borne à fixer de grands principes et des objectifs, sans considérer leurs aspects opérationnels. En fonctionnant ainsi, l’État prend uniquement une position de contrôle ; cette défiance est mal perçue sur le terrain.
Je vous invite donc à ne pas vous précipiter et à travailler en concertation avec les collectivités et les élus locaux, afin d’aboutir à un véritable mode d’emploi pour la mise en œuvre de cet objectif.
La parole est à M. Laurent Burgoa, auteur de la question n° 1488, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports.
Madame la secrétaire d’État, les voyageurs, qu’ils soient gardois, professionnels, ou touristes, bénéficient de la nouvelle gare TGV de Nîmes-Pont-du-Gard, mais constatent, avec regret et exaspération, qu’à peine 50 % des TER permettent une correspondance efficace avec la gare de Nîmes-Centre. À l’heure où la conscience écologique s’éveille chaque jour un peu plus, cette situation est de moins en moins compréhensible.
Il manque à la gare de Nîmes-Pont-du-Gard une troisième voie propre à assurer des correspondances adaptées aux cadencements des TGV. Pourtant, les moyens financiers sont quasiment réunis pour satisfaire à cette exigence.
En effet, attentif que je suis – comme vous, j’en suis sûr ! – à nos finances, je tiens à vous préciser, madame la secrétaire d’État, qu’un provisionnement de près de 12 millions d’euros, prévu dans le cadre de la convention de financement et de réalisation de la gare nouvelle et non consommé à la clôture de cette convention, assurerait le financement d’une troisième voie à quai et rendrait enfin opérationnel cet équipement.
En toute logique, la communauté d’agglomération Nîmes Métropole, suivie par les autres collectivités parties à la convention, propose que le comité de pilotage de la gare nouvelle acte au plus tôt ce fléchage financier.
Ainsi, sollicité par les collectivités partenaires – communauté d’agglomération, département du Gard et région Occitanie –, le préfet de région a saisi SNCF Réseau, il y a plusieurs mois, en vue de la préparation d’un ultime comité de pilotage. Or le représentant de l’État et les collectivités cofinanceuses s’entendent répondre par SNCF Réseau que ses services ne sont toujours pas en mesure de fournir le bilan comptable de l’opération, qui préciserait le montant exact du reliquat, ce qui repousse toute réunion du comité de pilotage.
Enfin, si le soutien de la région comme du conseil départemental au principe de l’affectation intégrale de cette somme à la troisième voie a été clairement exprimé, il n’en demeure pas moins que l’immobilisme de SNCF Réseau est préjudiciable au développement touristique et économique de notre territoire.
De fait, madame la secrétaire d’État, comme vous l’aurez compris, je vous demande de bien vouloir user de toute votre autorité pour que SNCF Réseau rende des comptes, au sens propre comme au sens figuré, dans les plus brefs délais !
Oui, cela s’impose, car il est aberrant de devoir compter sur le bus ou la voiture pour se rendre à cette gare.
Monsieur le sénateur Burgoa, vous nous interrogez à propos des dessertes ferroviaires de la gare de Nîmes-Pont-du-Gard.
Comme vous le rappelez, les élus nîmois ont exprimé le souhait que soit créée, sur la ligne classique, une troisième voie à quai permettant l’organisation de navettes TER entre la gare nouvelle et la gare centrale de Nîmes. Dans cette optique, ces navettes TER relieraient les deux gares en huit minutes, la troisième voie permettant à la navette de stationner en gare nouvelle dans l’attente du passage des TGV.
Cet investissement, de l’ordre de 12 millions d’euros, n’est pas prévu dans la convention de financement du contournement ferroviaire de Nîmes et Montpellier (CNM), mais il a été examiné dans le cadre des comités de pilotage de cette opération.
Rappelons que, sur le plan technique, une étude d’opportunité a été conduite par SNCF Réseau en 2018 dans le cadre du contrat de plan État-région. Cette étude a conclu à l’absence de nécessité d’un tel aménagement à court terme, compte tenu des perspectives du nombre de circulations TER sur la ligne classique.
Sur le plan financier, un bilan de la convention de financement du CNM est en cours. Il permettra d’identifier un éventuel reliquat, dont l’utilisation devra être convenue entre les cofinanceurs de cette opération.
À ce stade, le conseil régional d’Occitanie, en tant qu’autorité organisatrice de la mobilité, s’est plutôt engagé dans le cadre de la nouvelle convention TER en faveur de l’arrêt systématique de 44 TER en gare nouvelle, plutôt que de la réalisation d’une navette ferroviaire dédiée en dehors du réseau.
Ce sujet recevra en tout cas une attention particulière du Gouvernement dans les mois à venir et sera évoqué de nouveau après le bilan d’exécution financière de la convention en cours.
Madame la secrétaire d’État, merci pour vos propos, mais ils ne sont pas très rassurants : cette troisième voie était prévue dans le projet initial ! Pour une fois que l’ensemble des collectivités sont favorables à un projet, ainsi que l’État, il serait bon que SNCF Réseau le soit aussi !
La parole est à M. Denis Bouad, auteur de la question n° 1514, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports.
Madame la secrétaire d’État, la réouverture aux passagers de la ligne ferroviaire dite « de la rive droite du Rhône », considérée comme une priorité dans le cadre des États généraux du rail et de l’intermodalité, représente une opportunité considérable pour le Gard.
À terme, en desservant dix gares entre Pont-Saint-Esprit et Nîmes, cette ligne traversera un bassin de vie de 700 000 habitants et de 300 000 emplois. Devant ces chiffres, vous imaginez aisément l’attente légitime que cette réouverture suscite au sein de la population.
Porté et financé par la région Occitanie, ce projet devait initialement aboutir à une mise en service en décembre 2021. Cela avait été acté lors des différents échanges entre la région et SNCF Réseau.
Malheureusement, ce calendrier est aujourd’hui largement remis en cause par le positionnement de l’Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF). En effet, avant de délivrer une autorisation de mise en service, cet organisme placé sous la tutelle du ministère des transports requiert que soit engagé tout un arsenal de procédures, ce qui ne permettrait pas d’envisager une réouverture de la ligne aux passagers avant 2023.
Ces procédures complémentaires sont pertinentes et logiquement prévues dans le cadre d’une ouverture de ligne. Pour autant, au moment où je parle, la ligne de la rive droite du Rhône voit déjà circuler quotidiennement des trains de fret et même occasionnellement des TGV, qui l’utilisent comme itinéraire de substitution.
Face à cette situation, les administrés et les élus locaux, déjà impatients, ressentent encore de l’incompréhension et du mécontentement.
Madame la secrétaire d’État, à l’heure où la relance économique est au cœur de nos préoccupations et de nos réponses à la crise, à l’heure où la transition énergétique est à la fois un impératif et une urgence, pouvons-nous nous permettre de retarder un tel projet ?
Aussi, compte tenu de ces éléments, le Gouvernement compte-t-il intervenir afin de lever les obstacles qui s’opposent encore à une réouverture rapide de la ligne de la rive droite du Rhône aux passagers ?
Monsieur le sénateur Bouad, vous nous interrogez à propos de la ligne ferroviaire dite « de la rive droite du Rhône ».
Cette ligne, qui reliait initialement Givors à Nîmes, n’est plus desservie par des trains de voyageurs depuis 1973. Cependant, des TER circulent sur la section Avignon-Nîmes, sans arrêts intermédiaires ; la voie sert également d’itinéraire de détournement pour la ligne de la rive gauche. Elle reste parcourue par environ vingt trains de fret par jour et fait partie d’un corridor européen.
La région Occitanie porte un projet de reprise des TER entre Nîmes et Pont-Saint-Esprit ; on desservirait ainsi dix gares, dont huit doivent être remises en exploitation, pour huit allers-retours quotidiens. La mise en service complète de cette desserte était prévue pour le service annuel 2026, mais la région a souhaité prévoir une première phase dès la fin de l’année 2021.
Cette échéance avancée est néanmoins apparue difficile à tenir, compte tenu d’un certain nombre de règles de sécurité ferroviaire dont personne ne souhaite, à l’évidence, s’affranchir trop rapidement ; il convient de les respecter dès qu’il y a renouvellement ou réaménagement d’une ligne. La sécurité des passages à niveau fait notamment l’objet d’une forte attention.
L’ampleur du projet et le nombre de passages à niveau ont conduit l’Établissement public de sécurité ferroviaire à demander en décembre 2020, comme vous l’avez rappelé, la production d’un certain nombre d’études nécessaires pour délivrer les autorisations réglementaires. Il s’agit de procédures habituelles, connues de tous les porteurs de projets.
Pour éviter un décalage majeur des délais, le ministre délégué chargé des transports a demandé à ses services d’évaluer toutes les possibilités avec SNCF Réseau et l’EPSF, sans toutefois remettre en cause le processus garantissant la sécurité du projet.
Nous sommes aujourd’hui en mesure de vous assurer que toutes les pistes d’optimisation, notamment en matière de délais, sont étudiées par SNCF Réseau, en lien avec l’EPSF, l’État et la région Occitanie, dont je tiens à souligner le partenariat exemplaire et le volontarisme. Les réflexions se poursuivent pour rapprocher au maximum la mise en service de cette desserte de l’objectif souhaité par la région.
Comme vous pouvez le constater, monsieur le sénateur, l’engagement de l’État est très concret ; nous menons une évaluation complète. Nous sommes, comme vous, très attachés à ce que la ligne de la rive droite du Rhône retrouve rapidement toute sa vitalité.
Madame la secrétaire d’État, le seul passage à niveau qui pose problème est celui de Pont-Saint-Esprit, qui est en bout de ligne. Ce n’est donc pas un problème majeur. En revanche, nous avons la certitude, dans notre territoire gardois, que la route nationale est tous les jours largement saturée, avec toutes les problématiques qui en découlent.
La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ, auteur de la question n° 1627, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports.
Madame la secrétaire d’État, je souhaite interroger le Gouvernement, une nouvelle fois, sur l’impact des nuisances provoquées par les infrastructures ferroviaires des lignes à grande vitesse (LGV) et sur les solutions à envisager pour les riverains.
Je tiens à remercier M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué chargé des transports, pour le courrier qu’il nous a adressé tout récemment, au sein duquel il nous donne des précisions sur les arrêtés qu’il lui incombe de prendre aux termes des dispositions introduites dans le code de l’environnement par la loi d’orientation des mobilités (LOM) sur la prise en compte des pics événementiels et des vibrations dans le calcul des nuisances.
Cela dit, vous comprendrez, madame la secrétaire d’État, que les échéances que vous envisagez, à savoir la fin de 2022, suscitent chez nous des interrogations quant à leur acceptabilité pour le vécu des riverains.
Par ailleurs, de nombreux points sur lesquels il me semble particulièrement important de revenir restent en suspens aujourd’hui, alors qu’ils mériteraient d’être précisés, comme l’expose clairement le courrier que nous vous avons adressé avec plusieurs collègues parlementaires.
Nous avons notamment des appréciations divergentes quant au temps de transport additionnel qu’entraînerait une diminution de la vitesse des trains ; notre expert le quantifie à sept minutes pour le trajet Le Mans-Rennes, ce qui est loin des vingt minutes que vous annoncez.
Nous avons également une appréciation différente de la manière dont vous envisagez la mise en œuvre concrète de la séquence dite « ERC » – éviter, réduire, compenser –, qui est au cœur du processus d’évaluation environnementale de tout projet, depuis sa conception et pendant toute sa durée de vie. Les mesures compensatoires ne sont actuellement pas garanties, alors qu’elles font l’objet d’une obligation de résultat dont les maîtres d’ouvrage sont débiteurs.
Pour toutes ces raisons, je regrette les atermoiements récurrents autour de ce dossier que nous portons auprès du Gouvernement depuis 2018. À ce titre, je réitère ma volonté d’être reçu, ainsi que mes collègues parlementaires cosignataires de ce courrier, par M. Djebbari ou ses services.
Des solutions existent, notamment en matière de protection phonique. Nous nous devons de les faire émerger le plus rapidement possible pour l’ensemble des riverains de ces lignes, qui sont quotidiennement confrontés à des nuisances sonores.
Monsieur le sénateur de Nicolaÿ, vous nous interrogez sur l’évaluation des nuisances sonores des transports ferroviaires.
Je tiens à vous réaffirmer que le Gouvernement a pleinement conscience des impacts relatifs à ces nuisances sonores pour les riverains ; nous nous employons à répondre à leurs attentes et à les réduire activement.
Ces problématiques sont souvent évoquées pour les LGV Bretagne-Pays de la Loire et Sud Europe Atlantique, qui ont été mises en service en juillet 2017 et dont je crois qu’elles vous sont chères.
Le Gouvernement agit avec détermination, d’abord en réalisant des travaux qui permettront de réduire ces nuisances aux abords des deux LGV. Ces travaux sont en cours. Pour la LGV Bretagne-Pays de la Loire, 11 millions d’euros sont déjà prévus. Pour la LGV Sud Europe Atlantique, une réflexion est menée ; une convergence doit être trouvée avec les conseils régionaux de Nouvelle-Aquitaine et Centre-Val de Loire.
Ensuite, nous travaillons sur les normes et la qualification du bruit. Quand ces nuisances sont avérées, en dépit du respect global de la réglementation, elles seraient liées non pas à un niveau de bruit régulier, mais à des pics de bruit élevé lors du passage des trains.
Sur ce deuxième point, les travaux se poursuivent, en lien notamment avec l’arrêté du 8 novembre 1999 relatif au bruit des infrastructures ferroviaires et sur la base des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Grâce à la loi d’orientation des mobilités, deux avancées vont permettre de mieux prendre en compte ces pics de bruit, au travers de l’arrêté prévu à l’article 90 de cette loi, et de mieux intégrer également les vibrations des infrastructures de transport ferroviaire, au travers de l’arrêté prévu à son article 91.
Ces arrêtés devraient être pris courant 2022. Vous souhaiteriez, comme nous, qu’ils soient pris plus rapidement ; néanmoins, malgré tout l’intérêt de cette entreprise, les indicateurs et les méthodes doivent être affinés.
Toutes les solutions existantes doivent également être étudiées. Plusieurs consultations obligatoires, dont celle de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), doivent être menées et un consensus final doit être recherché. Ces travaux permettront d’enrichir les connaissances et d’améliorer les pratiques en matière d’évitement, de réduction et de compensation des impacts, la fameuse séquence ERC que vous avez évoquée à juste titre et à laquelle je suis également très attachée.
Enfin, si la réduction de vitesse a bien été envisagée, des études rigoureuses ont été menées à ce sujet et nous pouvons, me semble-t-il, retenir les conclusions du rapport du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) sur ce point : cette approche ne paraît pas pertinente.
Soyez donc assuré, monsieur le sénateur, que nous sommes pleinement mobilisés aux côtés des riverains.
Merci pour vos réponses, madame la secrétaire d’État, mais je ne suis pas sûr que les riverains considèrent que vous et vos collègues êtes pleinement mobilisés !
Il y a trois choses importantes pour nous.
Premièrement, nous voulons que les parlementaires soient quand même reçus par M. Djebbari ou ses services, afin de lui expliquer notre position.
Deuxièmement, nous demandons au Gouvernement l’accélération de l’élaboration de ces arrêtés et des rapports demandés à l’Anses et au Conseil national du bruit.
Troisièmement, il faut que des murs de protection phonique, environnementaux ou photovoltaïques, soient mis en place par Eiffage, par la SNCF, ou par l’État, afin de déterminer si ces impacts acoustiques ne peuvent pas être réduits de la sorte.
La parole est à M. Daniel Chasseing, auteur de la question n° 1549, transmise à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement.
Madame la secrétaire d’État, l’Association des familles victimes du saturnisme nous a alertés sur le risque d’intoxication par le plomb des enfants vivant dans des logements anciens et dégradés.
Les lacunes de la réglementation actuelle relative au constat de risque d’exposition au plomb (CREP) sont nombreuses.
Tout d’abord, cette réglementation ne s’applique qu’aux logements construits avant 1949 ; or les peintures au plomb ont été commercialisées jusqu’en 1993. Une étude menée entre 2008 et 2014 a mis en évidence la présence de plomb dans la moitié des logements construits avant 1949 et dans 22 % des logements construits entre 1949 et 1974. Aussi, le CREP devrait être étendu au moins aux logements construits jusqu’en 1974.
Par ailleurs, l’intoxication au plomb par l’eau du robinet est l’une des premières sources d’exposition au plomb dans certaines villes de France. Aussi, le CREP devrait comprendre la recherche de plomb dans les canalisations. Il conviendrait aussi de veiller à la transmission des résultats de ces recherches à l’ensemble des locataires, et non uniquement à ceux qui ont signé un bail après août 2008 pour un logement construit avant 1949. Les renouvellements de baux devraient également être intégrés.
Il faudrait également contrôler le taux de plomb dans certains sols autrefois affectés à l’épandage d’eaux polluées, mais aujourd’hui potentiellement cultivés, ou affectés à des aires de jeux.
Enfin, les crèches et les écoles ne sont pas soumises à l’obligation de délivrance d’un CREP, étant donné que ce dernier ne concerne que les bâtiments destinés à un usage d’habitation.
Aussi, nous devons veiller à étendre le dispositif de prévention. Le saturnisme est une maladie qui touche surtout les enfants des quartiers défavorisés et ceux qui vivent dans des logements en mauvais état. Il comporte des risques graves pour les jeunes enfants et peut causer une atteinte irréversible des facultés cognitives. Les cas de saturnisme sont encore trop nombreux en France et les dépistages restent insuffisants.
Madame la secrétaire d’État, au regard de ces différents éléments, une mise à jour de la réglementation relative à la prévention du risque d’intoxication au plomb semble nécessaire. Quelle suite entendez-vous donner à cette demande ?
Monsieur le sénateur Chasseing, la lutte contre le saturnisme infantile est une préoccupation constante du ministère de la transition écologique.
Nous cherchons à identifier les situations les plus à risque pour certains enfants et, plus largement, à diminuer l’exposition au plomb de la population générale.
De fait, selon les résultats de l’étude de santé sur l’environnement, la biosurveillance, l’activité physique et la nutrition (Esteban), menée entre 2015 et 2018 par Santé publique France, relatifs à l’imprégnation de la population française par le plomb, la diminution des niveaux de plombémie déjà observée lors d’enquêtes précédentes se poursuit. C’est heureux !
Conformément aux recommandations de 2014 du Haut Conseil de la santé publique, les situations individuelles les plus susceptibles d’entraîner une imprégnation des enfants doivent entraîner la réalisation d’une plombémie de dépistage.
Ces recommandations prennent particulièrement en compte les risques liés à la fréquentation par un enfant d’un logement ou d’un bâtiment – notamment une crèche ou une école – construit avant 1975, et non avant 1949, et dont les peintures seraient écaillées. Cela concerne également les logements qui comportent des canalisations en plomb.
S’agissant de la réglementation actuelle concernant les constats de risque d’exposition au plomb, l’arrêté du 19 août 2011 s’inscrit dans une logique de prévention primaire du risque saturnin : il s’agit bien d’identifier les logements à risque pour que la réalisation de travaux supprime toute accessibilité du plomb.
Cette obligation concerne les logements construits avant 1949, année de l’interdiction des peintures contenant de la céruse à très forte concentration en plomb. Les bâtiments non destinés à un usage d’habitation, tels que les crèches ou les écoles, ne sont pas soumis à cette obligation. Pour ce qui concerne ces établissements, l’instruction du 21 septembre 2016 contient une incitation à la réalisation de CREP pour la recherche de sources d’intoxications dans le cadre des enquêtes environnementales autour de cas de saturnisme infantile.
Par ailleurs, le risque saturnin est pris en compte dans les polices administratives spéciales de lutte contre l’habitat indigne. Ce dispositif est détaillé dans l’ordonnance n° 2020-1144 du 16 septembre 2020 relative à l’harmonisation et à la simplification des polices des immeubles, locaux et installations.
Au regard des mesures de santé publique mises en œuvre et de tous ces éléments, nous prenons bien évidemment en considération vos propositions visant à faire évoluer cette réglementation. Elles seront étudiées en lien avec le ministère chargé du logement.
Merci, madame la secrétaire d’État ; j’espère que vos réponses permettront la mise en place d’une réglementation plus efficace pour la prévention et la lutte contre le saturnisme.
La parole est à M. Thierry Cozic, auteur de la question n° 1532, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Madame la ministre, en ces temps de crise sanitaire, il est une autre crise qui me préoccupe. Bien plus prévisible et antérieure à la covid-19, elle met en tension les services de soin du territoire sarthois.
En effet, la désertification médicale dans nos territoires tend à exacerber l’explosion des maladies professionnelles et générales dans les classes populaires. Ces inégalités sociales et de santé sont directement liées à la désertification rurale, entraînant de fait une exposition plus sévère au virus des populations les plus fragiles.
En 2019, un homme de milieu rural vit en moyenne 2, 2 années de moins qu’un hyperurbain. L’écart est de 6 ans entre un ouvrier et un cadre. C’est pourquoi la revitalisation de services publics hospitaliers performants dans nos territoires est un enjeu tant de santé publique que de justice sociale.
À ce titre, j’attire votre attention sur le centre hospitalier de Montval-sur-Loir, dans la Sarthe. Ce centre hospitalier compte parmi les sept établissements hospitaliers du département sarthois, lequel est déjà durement touché par la pénurie de personnel médical et paramédical depuis des années.
Ainsi, en 2015, un arrêté ministériel a classé comme « isolé » ce service des urgences. Depuis la mi-2019, le service des urgences a connu des fermetures temporaires régulières, faute de personnel. La situation du service des urgences a inévitablement des conséquences sur le service d’hospitalisation complète de médecine, car la quasi-totalité des séjours de médecine se fait par les urgences.
Alors que les pathologies psychiques explosent en ces temps de confinement, cet hôpital accueille un centre médico-psychologique ainsi que les consultations de pédopsychiatrie.
L’hôpital se situe dans un département où la démographie médicale constitue un enjeu majeur. Plus de 40 000 Sarthois sont sans médecin traitant et l’érosion du nombre de praticiens devrait encore s’accentuer dans les prochaines années.
Madame la ministre, je tiens à porter à votre attention le fait que cet établissement périclitera tant que les autorités publiques de santé ne mettront pas d’importants moyens pour en assurer la pérennité. La crise sanitaire que notre pays traverse nous rappelle l’impérieux besoin d’investissements matériaux et humains dont l’hôpital public a tant besoin. Ce qui n’était pas envisageable avant la covid-19 devient impératif aujourd’hui.
Face au défi majeur que pose cette pandémie sur notre système de santé, quelles sont les mesures concrètes que le Gouvernement envisage de mettre en place afin de maintenir l’activité de cet établissement hospitalier dont tout un département a besoin ?
M. Louis-Jean de Nicolaÿ applaudit.
Monsieur le sénateur Cozic, je vous remercie de votre question, qui me permet d’évoquer la lutte incessante que nous menons tous ensemble, au fil des différentes mandatures, contre la désertification médicale.
La situation du centre hospitalier de Montval-sur-Loir et de son service des urgences est suivie avec la plus grande attention. Ce service d’urgence accueille un peu plus de 8 000 patients à l’année et connaît depuis plusieurs mois, comme vous le soulignez, de très fortes tensions de professionnels de santé, notamment de médecins urgentistes.
Les départs de médecins de ce service et les difficultés récurrentes de recrutement expliquent les fermetures temporaires mais régulières du service des urgences et le tableau de gardes incomplet par moment. Une équipe paramédicale d’urgence, réponse innovante et sûre, placée sous la responsabilité du centre 15, soutenue par l’agence régionale de santé (ARS) et les services centraux du ministère de la santé, devrait voir le jour avant la fin du mois d’avril et permettre une prise en charge optimale des urgences vitales, dans l’attente de la structure mobile d’urgence et de réanimation (SMUR) du Mans.
Depuis plusieurs mois, un comité de pilotage territorial de soutien aux urgences, réunissant les élus locaux, les professionnels de santé libéraux, la gouvernance de l’hôpital et l’ARS, a été mis en place et est placé sous l’égide du comité territorial des élus du groupement hospitalier de territoire (GHT).
Est également mené avec l’université d’Angers un travail visant à orienter des médecins juniors vers le service d’urgence du Mans pour soutenir Montval-sur-Loir. La recherche de médecins est très active, y compris au sein des établissements publics du département et de la région.
Par ailleurs, cet établissement bénéficiera, en 2021, du label « hôpital de proximité », donc d’un soutien et d’un accompagnement financier constants via l’ARS Pays de la Loire. Près de 350 000 euros ont été accordés pour rénover le plateau des consultations et acquérir un échographe. L’ARS accompagnera aussi, en investissement d’amorce, la rénovation du service de soins de suite et de réadaptation, à hauteur de 350 000 euros supplémentaires pour améliorer la qualité et l’attractivité professionnelle territoriale.
Monsieur le sénateur, le 25 février dernier, avec le soutien du ministère, le directeur de l’ARS et la présidente du conseil régional se sont rendus sur site pour réaffirmer l’importance de cet établissement de proximité que nous suivons avec grande attention.
La parole est à M. Gilbert Roger, auteur de la question n° 1575, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Madame la ministre, la décision de la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Seine-Saint-Denis de fermer trois points d’accueil dans le département, à Pantin, Bondy et aux Lilas, sans aucune explication ni concertation avec les partenaires du territoire est inacceptable.
Le portail du site de Pantin étant fermé depuis le premier confinement, les assurés sociaux doivent, pour assurer leur démarche, se rendre aux centres CPAM de Noisy-le-Sec, du Raincy ou de Drancy-Bobigny, qui sont déjà surchargés.
Tout le monde sait et dit que le maintien de points d’accueil physique est indispensable dans un département durement touché par la crise et par la pandémie de covid-19.
Dans ce contexte difficile, des personnes âgées, des malades modestes, des précaires ou des handicapés ne peuvent plus faire leurs démarches, sans compter une éventuelle absence d’accès internet à leur domicile.
Vous pouvez hocher de la tête, madame la ministre, c’est une situation bien compliquée pour faire ces démarches.
Sans doute me direz-vous que tout est normal dans ce merveilleux monde…
Par conséquent, nous vous demandons d’obtenir une réouverture immédiate de ces trois centres, leur fermeture devant certainement entraîner celles d’autres centres dans les années à venir.
Monsieur le sénateur Gilbert Roger, sachez que, quand on hoche la tête, ce n’est pas forcément en réaction à ce que vous êtes en train de dire : il peut se passer des choses ailleurs.
Je partage votre souci de maintenir le lien, surtout dans le contexte que nous connaissons, entre les assurés et l’assurance maladie. C’est l’expression de la solidarité nationale, que je partage avec vous.
À cette fin, la caisse nationale d’assurance maladie doit évidemment mobiliser tous les moyens disponibles pour être en phase avec les besoins de l’ensemble de ses publics et s’adapter. À cet égard, l’accueil physique demeure un canal de contact privilégié, notamment pour les assurés en situation de précarité financière.
C’est pourquoi l’assurance maladie déploie, dans le département de la Seine-Saint-Denis, un réseau particulièrement dense de quatorze agences. Elle procède à des recrutements supplémentaires d’une trentaine d’agents pour assurer l’accueil des usagers et fait évoluer son tissu d’accueil pour l’adapter.
Néanmoins, certains sites anciens, devenus inadaptés aux besoins, sont relocalisés dans des surfaces plus grandes et plus accessibles au regard de l’offre de transports. À titre d’exemple, la CPAM a annoncé l’ouverture prochaine de nouvelles agences à Aubervilliers et Clichy-Sous-Bois, tout en capitalisant sur le déploiement du réseau France Services pour assurer un service supplémentaire de proximité pour les usagers d’autres communes.
Pour s’assurer que la reconfiguration des sites d’accueil sur le département s’effectue sans rupture de l’accueil des usagers, le processus a fait et continuera de faire l’objet de concertations avec les collectivités concernées. Des permanences continuent d’ailleurs d’être effectuées, notamment dans les locaux de la maison de services publics de Bondy.
Venant d’un département où la situation sociale – que je connais – est également très fragile, je suis particulièrement sensible à l’enjeu que vous soulevez de continuité des soins, d’accueil physique, d’orientation des assurés et, plus généralement, d’accès aux droits et de l’« aller vers ». Ce sont autant de défis que nous devons relever ensemble en nous appuyant sur le partenariat local.
Le Gouvernement sera évidemment vigilant pour que la continuité territoriale soit assurée et l’accessibilité garantie dans cette restructuration. Je vous remercie de m’avoir posé cette question qui me permet de le rappeler.
Madame la ministre, être vigilant serait essayer de mettre en œuvre des faits concrets. Or je crains fort que, l’année prochaine, je n’aie à reposer la même question pour de nouvelles fermetures de centres.
Pour essayer de résoudre les problèmes, on a l’impression que l’éloignement du citoyen du contact humain et d’humanité est inexorable. Bien évidemment, ce sont toutes les collectivités locales – vous avez cité l’exemple de Bondy – qui tentent de pallier les insuffisances de la CPAM. C’est inadmissible !
La parole est à M. Olivier Paccaud, auteur de la question n° 1630, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Madame la ministre, le 31 mars dernier, le Président de la République a annoncé la création de nouveaux lits de réanimation, afin de mieux faire face à la pandémie de covid-19.
Permettez-moi donc d’évoquer le cas de l’hôpital de Beaumont-sur-Oise. En effet, dans le cadre d’un schéma régional de restructuration de l’offre de soins piloté par l’ARS d’Île-de-France, cet établissement a vu, au 1er septembre 2019, le démantèlement de tout ou partie des services de néonatalogie, de réanimation, de chirurgie conventionnelle et de pédiatrie. Cela représente plus de 200 lits et 200 postes de travail, dont 8 lits de réanimation et 4 lits de soins continus.
Inutile de dire que ces lits se seraient avérés plus que précieux au cœur de la crise sanitaire dramatique que notre pays traverse.
Inutile de dire aussi qu’ils auraient pu éviter des opérations fatigantes et coûteuses de transferts de malades.
Inutile de dire, enfin, que la densité du maillage médical est l’une des clés indispensables à une prise en charge optimale de la santé d’une population. Le triste feuilleton sans fin du covid-19 l’a démontré, s’il en était besoin.
Heureusement, une erreur peut toujours être corrigée. Ainsi, la réimplantation d’un service de réanimation à Beaumont-sur-Oise est à la fois possible, souhaitable et souhaitée. Ce réaménagement ne pose, par ailleurs, aucun problème technique, le plateau ainsi que le réseau de fluides étant toujours présents. Le périmètre couvert par cet établissement représentant plus de 180 000 habitants du nord du Val-d’Oise et du sud de l’Oise, il s’agit là d’un enjeu de santé majeur.
Aussi, j’espère très sincèrement que la situation du centre hospitalier de Beaumont sera réexaminée avec pragmatisme, objectivité et avec pour seule priorité la protection médicale de la population.
De très nombreux élus – je pense notamment à ceux de Méru et Chambly – et habitants de ce territoire, n’ayant pas compris et refusant cette décision unilatérale de l’ARS Île-de-France, sont toujours mobilisés et en attente de ce « réarmement médical ».
Madame la ministre, personne ne comprendrait, après les annonces du Président Macron, et alors qu’une solution rapidement opérationnelle s’offre aux pouvoirs publics, que les lits de réanimation de Beaumont-sur-Oise ne soient pas rouverts.
Monsieur le sénateur Olivier Paccaud, l’ouverture des lits en réanimation est un enjeu évidemment essentiel en cette période où le système hospitalier est soumis à une pression extrêmement forte. C’est un enjeu de court terme, auquel nous répondons, comme de long terme, pour lequel nous développons des solutions historiques, au moyen du plan d’investissement prévu par le Ségur de la santé.
Néanmoins, vous le soulignez, à situation exceptionnelle, nous apportons une réponse exceptionnelle. Les résultats sont là. L’an dernier, face à la crise, les établissements de santé publics et privés ont montré leur formidable capacité à s’adapter très rapidement, avec l’appui des agences régionales de santé, pour faire face à l’épidémie et accueillir en réanimation tous les patients qui devaient l’être.
En Île-de-France, se déploient progressivement 2 200 lits de réanimation covid pour faire face à l’évolution de l’épidémie, soit le double des capacités habituelles. Le pilotage de ce déploiement s’effectue au niveau régional, de manière à assurer une équité entre tous les établissements.
S’agissant du centre hospitalier de Beaumont-sur-Oise, il a été décidé, en 2019, de rassembler sur le site de Pontoise les 18 lits de réanimation du centre hospitalier de Pontoise et les 8 lits du centre hospitalier de Beaumont-sur-Oise, soit 26 au total. Ce regroupement a permis de mieux utiliser les capacités de réanimation de cette partie du Val-d’Oise. Aujourd’hui, le centre hospitalier a déjà ouvert 4 lits de réanimation supplémentaires et soigne donc 30 patients covid en réanimation. Grâce à ses équipes, l’établissement peut aller encore au-delà si nécessaire.
Les soins de réanimation restent des soins très lourds pour des cas graves de covid, dont malheureusement certaines personnes ne réchappent pas. Tout doit être fait pour enrayer la propagation du virus et prévenir les cas de forme grave. Dans le même temps, nous faisons tout pour que l’ensemble de ceux dont l’état de santé le nécessite bénéficient des soins de réanimation dans les conditions de prise en charge habituelles.
L’ARS et sa délégation départementale évaluent toutes les options disponibles, en connaissance du territoire, pour capitaliser sur les choix de réorganisation de 2019 avec Pontoise, tout en évaluant les perspectives offertes depuis Beaumont-sur-Oise.
Cette situation continue donc d’être étudiée et je vous remercie, monsieur le sénateur, pour cette question.
Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. J’ai bien noté que des réflexions étaient encore en cours. Cela étant, la vraie problématique, évoquée également par d’autres collègues, réside dans le maillage territorial hospitalier : vouloir créer des centres de grande taille, c’est bien, mais il ne faut pas oublier les hôpitaux de proximité.
La parole est à Mme Sonia de La Provôté, en remplacement de Mme Catherine Morin-Desailly, auteure de la question n° 1347, adressée à Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion.
Monsieur le secrétaire d’État, alertée par ma collègue Catherine Morin-Desailly, sénatrice de la Seine-Maritime et conseillère régionale de Normandie, que je remplace aujourd’hui, je souhaite appeler votre attention et celle de la ministre du travail sur les conséquences du plan de relance de l’apprentissage sur l’offre de formation.
L’apprentissage connaît un succès grandissant dans notre pays. En témoigne la hausse de 16 % en 2019, par rapport à 2018 : la France compte désormais 491 000 apprentis. Cette dynamique positive permet aux jeunes de développer des compétences et une expertise fortement valorisées sur le marché de l’emploi.
Depuis les annonces gouvernementales de l’été 2020 sur le soutien à l’apprentissage – pour rappel, une aide au recrutement en faveur des entreprises est de 5 000 euros pour un apprenti de moins de 18 ans, et de 8 000 euros pour un apprenti majeur – certains centres de formation d’apprentis (CFA) sont saturés, comme dans le Calvados ou en Seine-Maritime.
Le plan de relance gouvernemental, bien qu’il ait eu un effet attractif positif, a créé un engorgement des CFA. En outre, le rallongement de trois à six mois du délai pour trouver un contrat d’apprentissage, qui permet aux jeunes de rester plus longtemps en CFA, a eu pour conséquence que les formateurs ne trouvent plus de place pour leurs apprentis.
Nombreux sont les témoignages, comme celui de cet artisan boulanger-pâtissier de Seine-Maritime, lauréat du prix européen du meilleur maître d’apprentissage, qui, en raison du déficit d’offre dans les CFA, rencontre aujourd’hui des difficultés à recruter des apprentis.
Dès lors, monsieur le secrétaire d’État, quelles sont les intentions du Gouvernement pour trouver un substitut aux CFA, qui permettrait aux recruteurs de continuer à former les jeunes aux métiers de l’artisanat, première entreprise de France, qui manifeste toute son importance par les temps que nous traversons ?
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Madame la sénatrice, comme vous le soulignez, l’apprentissage est une voie de formation initiale qui concourt à l’effort éducatif de la Nation.
Je commencerai en rappelant le cadre législatif en vigueur.
La loi de 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, que j’avais personnellement contribué à porter en tant que député, ainsi que le plan de relance ont eu des effets positifs. Malgré la crise que connaît notre pays, plus de 500 000 contrats d’apprentissage ont été signés en 2020, soit un nombre encore supérieur à celui que vous avez cité : la situation évolue dans le bon sens, et nous pouvons nous en féliciter.
Le dispositif offrant aux jeunes la possibilité de commencer une formation en CFA pendant au maximum six mois, dans l’attente de signer un contrat d’apprentissage, a permis à plus de 19 000 d’entre eux de signer un contrat avec un employeur. Ces jeunes sont devenus ainsi des apprentis à part entière. Vous avez raison, madame la sénatrice : cette mesure a bien contribué à augmenter le nombre d’apprentis dans notre pays.
L’aide exceptionnelle à l’embauche d’apprentis a été prolongée, après concertation des partenaires sociaux. C’est un indicateur très fort qu’envoie le Gouvernement, vis-à-vis tant des artisans, dont vous avez souligné l’importance vitale pour notre tissu économique, que des jeunes qui souhaitent s’intégrer dans notre société.
La libéralisation de l’offre de formation en apprentissage a permis aussi l’augmentation des CFA. S’il existait 950 CFA avant la loi de 2018, 2 400 sont désormais déployés sur tout le territoire. Cette loi a créé une large ouverture au niveau des CFA, donc plus de réponses, renforçant par là même le nombre d’apprentis.
Madame la sénatrice, soyez assurées, vous et votre collègue auteure de cette question, de la volonté du Gouvernement de poursuivre son engagement très fort en faveur de notre jeunesse, de la formation et de l’apprentissage, au travers de l’ensemble des outils que je viens de décrire.
Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État. Comme vous l’avez souligné, l’apprentissage constitue véritablement une voie de formation majeure. Voilà plusieurs années qu’un certain nombre d’entre nous en sont convaincus et considèrent que l’apprentissage a autant d’importance que d’autres voies, telles que la filière générale, dans la formation de la jeunesse de notre pays.
La période que nous traversons a montré, s’il en était besoin, à quel point les métiers issus de l’apprentissage sont essentiels pour faire fonctionner notre société. Les personnes exerçant ces métiers sont tellement indispensables que, s’ils n’existaient pas, personne ne saurait les remplacer.
Les filières d’apprentissage sont des filières d’excellence.
Si l’on peut reconnaître les efforts accomplis par le Gouvernement, les régions et les filières, il est nécessaire de démultiplier davantage l’apprentissage : il est essentiel de pouvoir accompagner les jeunes, car nous en avons besoin lorsqu’ils deviennent adultes.
Je vous rappelle qu’il vous faut impérativement respecter le temps de parole qui vous est imparti.
La parole est à Mme Christine Herzog, auteure de la question n° 1531, adressée à Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion.
Ma question, qui s’adresse à madame la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, est relative à la situation des travailleurs frontaliers en Moselle. Ils sont 20 000 à se rendre quotidiennement en Allemagne.
La Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil de l’Europe ont décidé de réformer le versement des allocations chômage, estimant qu’il revenait non plus au pays de résidence de verser les indemnités, mais au pays employeur.
La part des indemnités de chômage totales versées par la France à ses travailleurs frontaliers n’est que de 600 millions d’euros annuels, alors que les salaires rapportent plus de 7 milliards d’euros – c’est tout à fait marginal.
Un bras de fer est donc engagé parallèlement à la pandémie de covid-19, à la suite de la mise en place du chômage partiel par les gouvernements allemand et français.
Les syndicats des travailleurs frontaliers estiment que la réforme va créer des inégalités : les travailleurs frontaliers n’auront pas les mêmes chances de retrouver un travail. La réforme sera discriminatoire en ce qu’elle constituera une entrave à la libre circulation des travailleurs. C’est un renoncement aux fondements mêmes de l’Union européenne !
La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 12 juillet 2001, avait clairement précisé, sans rien remettre en cause, que, « lorsque les garanties du pays de résidence sont supérieures aux garanties du pays d’emploi, le pays de résidence doit prendre en charge le complément ».
Les travailleurs mosellans frontaliers subissent plusieurs aléas : difficile maîtrise de la langue allemande ; accès au point d’accueil du Pôle emploi allemand le plus proche, situé à plus de 300 kilomètres ; durées d’indemnisation et durée d’emploi pour la retraite différentes ; sans oublier, nouvel élément, la double fiscalité sur les indemnités de chômage, désormais imposables en Allemagne, ce qui contraint les travailleurs à être imposés deux fois, malgré les accords franco-allemands de 2016.
Les accords de 2018, qui reconnaissent aux travailleurs frontaliers le principe du libre choix, avaient pourtant fait l’unanimité.
C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d’État, je vous demande quel est l’état d’avancement des négociations avec la France, et peut-être avec l’Union européenne, en ce qui concerne les travailleurs frontaliers, visant à garantir plusieurs points des accords de 2016 et de 2018 : durées d’indemnisation, fin des tests antigéniques à renouveler toutes les quarante-huit heures et double imposition du chômage partiel avec l’Allemagne.
Mme Sonia de La Provôté applaudit.
Vous m’avez posé une question extrêmement technique, madame la sénatrice Herzog, qui appelle une réponse du même tenant.
L’État de résidence, qui est au cœur de votre question, est aujourd’hui compétent pour le financement des allocations chômage des travailleurs frontaliers. Cette règle de compétence est à l’origine d’un important déséquilibre financier entre les États membres de l’Union européenne.
Le nouveau système proposé par la Commission européenne respecte le principe général selon lequel les travailleurs sont affiliés au régime d’assurance chômage de l’État membre dans lequel ils exercent une activité professionnelle.
Ainsi, aux termes du projet de révision de la Commission, qui n’a pas encore abouti, l’État d’activité serait désormais compétent pour prendre en charge les prestations chômage d’un demandeur d’emploi frontalier, au-delà d’une certaine durée d’activité. Cette mesure permettrait une répartition plus équitable de la charge financière entre les États membres.
J’entends bien les inquiétudes dont vous avez fait part, notamment celles des travailleurs frontaliers s’agissant des déplacements et des communications qu’imposerait un tel projet.
Le Gouvernement, tout particulièrement Élisabeth Borne, porte une attention significative à la qualité des conditions de suivi de ces publics.
La France est en faveur d’une réforme conciliant la recherche de l’équité financière et des mesures d’accompagnement favorables pour les travailleurs frontaliers.
Vous aurez certainement noté que la proposition de la Commission européenne offre aux travailleurs frontaliers la possibilité de s’inscrire en supplément auprès des services de l’État de résidence, ou d’exporter leurs prestations chômage vers leur pays de résidence.
Enfin, nous sommes très attentifs à la question de la double charge fiscale, que vous avez évoquée et qui pèse sur les travailleurs transfrontaliers en raison du mode de calcul de l’indemnité de chômage partiel allemand. À ce sujet, nous sommes engagés dans des discussions avec les autorités allemandes. Je ne peux aujourd’hui vous en donner le résultat, mais soyez assurée, madame la sénatrice, que, lorsque nous serons arrivés au terme de ces échanges, nous en communiquerons le contenu.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de ces précisions. Malheureusement, les problèmes se cumulent entre les travailleurs frontaliers de France et d’Allemagne. J’ai bien compris la volonté de Mme la ministre pour régler ces difficultés.
J’espère réellement de grandes avancées.
La parole est à Mme Annick Billon, auteure de la question n° 1537, adressée à Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion.
Monsieur le secrétaire d’État, les annonces relatives au confinement que nous subissons aujourd’hui ont fait l’objet d’atermoiements concernant la garde des enfants.
Il aura fallu quarante-huit heures pour annoncer finalement que les parents peuvent confier leurs enfants à une assistante maternelle pendant ce confinement. Ces professionnelles de la petite enfance seront ainsi en mesure de travailler. Elles pourront percevoir un salaire, sauf – et tel est l’objet de ma question – si persistent les dysfonctionnements récurrents de Pajemploi, plateforme visant à simplifier les formalités administratives pour les parents employeurs qui confient la garde de leurs enfants à une assistante maternelle agréée.
Dans la réalité, il est plus question de complications, tant pour l’employeur que pour le salarié. Ainsi les assistantes maternelles dénoncent-elles de nombreuses anomalies techniques et administratives, des piratages du site en ligne, des retards de paiement de salaire ou du versement du complément de libre choix du mode de garde par l’employeur.
Il arrive également que des bulletins de salaire soient intervertis entre des salariés de toute la France, ce qui s’accompagne de la divulgation de données personnelles sur le site Pajemploi.
Du côté des employeurs, des décalages entre les perceptions d’aides et les prélèvements de charges entraînent des conséquences graves pour les finances de nombreux ménages.
Ces situations inacceptables le sont d’autant plus qu’elles ne sont pas récentes. Les nombreuses questions posées à ce sujet par mes collègues sénateurs et députés, depuis plus d’un an, auraient dû vous interpeller.
Tout comme les assistantes maternelles et les parents employeurs, nous attendons aujourd’hui des réponses. Aussi, monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous dire ce que fait le Gouvernement pour améliorer le fonctionnement du site Pajemploi ?
Je vous remercie, madame la sénatrice Billon, d’avoir souligné en introduction de votre question la réactivité dont a fait montre le Gouvernement pour permettre à nos concitoyens de trouver des solutions de garde pendant cette crise sanitaire, et d’avoir rappelé les mesures de freinage mises en œuvre récemment.
Vous appelez mon attention sur les anomalies techniques affectant Pajemploi. Ce dispositif simplifié permet, au travers d’une simple déclaration, de procéder à toutes les formalités liées à l’embauche d’une personne en charge de la garde d’un enfant.
Les anomalies que vous évoquez résultent de la mise en œuvre, depuis juin 2019, d’une réforme du versement du complément de libre choix du mode de garde, ayant accéléré le circuit de versement des allocations Pajemploi pour 850 000 familles.
Il s’agit là d’une démarche de simplification : le dispositif dispense en effet les familles de toute avance de frais. Ce nouveau service « tout en un », il est vrai, a rencontré des problèmes, notamment lors de sa mise en œuvre. Ainsi, 30 000 familles ont été affectées, soit un peu plus de 3 % de l’ensemble des utilisateurs – je ne dis pas que ce n’est pas significatif, mais je tiens néanmoins à ramener les choses à leur juste proportion.
Dès les premiers signalements, des procédures exceptionnelles de versement des prestations par les caisses d’allocations familiales et des caisses de mutualité sociale agricole ont permis de corriger ces anomalies. Les différents correctifs déployés depuis 2019 permettent un fonctionnement normal.
Madame la sénatrice, vous demandez où nous en sommes aujourd’hui. À peine plus d’une déclaration sur mille génère des anomalies, lesquelles sont évidemment corrigées systématiquement ; d’ailleurs, aucune ne remet en cause les fondements du dispositif.
Par ailleurs, le site a connu un piratage. Comme vous l’avez souligné, des cyberattaques massives ont été détectées au début du mois de novembre 2020. Elles ont fait l’objet d’un blocage informatique pour prémunir les employeurs et les salariés de tout préjudice.
Madame la sénatrice, que fait le Gouvernement, demandiez-vous. Voilà, je crois, des réponses très concrètes à même de vous rassurer. Comme vous pouvez le constater, même si nous déplorons ces dysfonctionnements et que nous avons agi avec les administrations concernées pour les résoudre, la plupart d’entre eux découlent en fait d’un processus continu de modernisation d’un dispositif au service des parents, qui, finalement, simplifie la garde des enfants.
Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie d’avoir tenté de nous rassurer.
À vous entendre, ce n’est pas un problème majeur. Toutefois, lorsque cela touche des familles qui ont de faibles capacités de financement, c’en est un !
La réforme date de 2019, nous sommes en 2021. Si le Gouvernement a été en mesure de consulter tous les maires de France en quelques heures, il pourrait faire montre de la même réactivité quand il met en place des réformes nouvelles. Je souhaite vivement que plus une seule famille ne se retrouve confrontée à des difficultés de cette nature. Ce système est une avancée, à condition que ce le soit pour tout le monde !
La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz, auteur de la question n° 1534, adressée à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Monsieur le secrétaire d’État, ma question concerne la situation de M. Tuna Altinel, maître de conférences en mathématiques à l’université Claude-Bernard, située sur le campus de Villeurbanne.
Depuis très exactement deux ans, ce professeur reste bloqué en Turquie, son pays natal, où il est parti en vacances au printemps 2019.
Disposant d’un titre de séjour en France, Tuna Altinel œuvre, depuis son arrivée dans notre pays en 1996, à d’importants travaux internationaux en algèbre et au développement de la coopération scientifique entre la France et la Turquie.
Il est particulièrement investi dans le réseau Universitaires pour la Paix, collectif qui promeut une résolution pacifique du conflit entre l’État turc et les Kurdes. C’est bien cet engagement pacifiste qui lui a valu d’être privé de son passeport à son arrivée en Turquie au printemps 2019. Ses vacances se sont alors transformées en un véritable cauchemar.
Accusé d’appartenir à une organisation terroriste, il fut emprisonné pendant quatre-vingt-un jours. Libéré à l’issue de la première audience, il a été définitivement acquitté au mois de septembre 2020.
Pour autant, les autorités administratives du pays ont obstinément refusé de lui rendre son passeport. J’utilise le passé, car, depuis dix jours, une nouvelle étape vient d’être franchie. Le 2 avril dernier, en effet, Tuna Altinel a été informé d’une décision du tribunal administratif en sa faveur. Une décision pourtant prise dès le 25 janvier dernier !
Aussi, vous en conviendrez, monsieur le secrétaire d’État, il est difficile de se réjouir et de considérer que la fin du cauchemar est proche tant l’État turc s’emploie depuis deux ans à empêcher la libération de ce militant pacifiste.
Ma question est donc simple : au vu des derniers éléments, comment la diplomatie française peut-elle favoriser le retour de M. Tuna Altinel ?
Monsieur le sénateur Devinaz, vous appelez mon attention sur la situation de Tuna Altinel. Je tiens à vous assurer de la mobilisation continue, hier, aujourd’hui et demain – pour un temps que je souhaite le plus court possible –, et du soutien des autorités françaises sur cette affaire dont nous espérons une issue rapide.
Son arrestation a suscité une forte mobilisation de la part de la communauté universitaire. M. Altinel vivait et enseignait en France depuis une vingtaine d’années et, lors d’un séjour en Turquie au mois d’avril 2019, son passeport turc a été confisqué par la police : il est passé par ces moments très difficiles de détention préventive, par quatre-vingt-un jours de prison et un acquittement au mois de janvier 2020 confirmé au mois de septembre de la même année.
Au cours de cette période, nous sommes demeurés mobilisés à ses côtés, nos services s’entretenant à plusieurs reprises avec lui, restant en contact étroit avec son avocate et assistant aux audiences de son procès, ce qui est un geste fort.
C’est avec un grand soulagement que nous avons appris la nouvelle de son acquittement, le 24 janvier 2020, et les derniers développements que vous avez mentionnés.
Nous ne cesserons de suivre l’évolution de cette situation avec la plus grande attention et maintenons le dialogue avec nos homologues turcs. Les décisions de justice doivent en effet sans délai être traduites dans les faits. À cet égard, le maintien de restrictions à sa liberté de circulation n’est pas acceptable. C’est tout simplement incompatible avec l’acquittement dont a bénéficié M. Tuna Altinel. D’ailleurs, la dernière décision rendue voilà une dizaine de jours le confirme.
La conviction de la France est très claire : la liberté d’expression ainsi que la liberté académique et universitaire constituent la pierre angulaire de l’État de droit. La France a rappelé son attachement à la libération de l’ensemble des Universitaires pour la Paix, car ils sont plusieurs à être visés par des poursuites judiciaires en Turquie. La France continue d’appeler la Turquie à respecter ses engagements internationaux en faveur des libertés fondamentales et du droit de chacun à la libre expression. Elle le fera jusqu’à ce que son passeport soit restitué à M. Altinel, afin qu’il puisse retourner en France, y reprendre sa vie et ses activités académiques.
C’est donc un dialogue exigeant que nous maintiendrons avec les autorités turques.
Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de cette réponse.
Le 22 février dernier, la ville de Villeurbanne, qui accueille le campus scientifique de La Doua où exerce M. Tuna Altinel, a accordé à ce dernier la citoyenneté d’honneur. Cette même ville vient d’être désignée par votre collègue ministre de la culture première capitale française de la culture.
Aussi le retour de Tuna Altinel serait-il un symbole fort de cette vision émancipatrice des arts, des sciences et de la culture que notre pays cultive et défend.
Monsieur le secrétaire d’État, nous comptons sur le Gouvernement !
La parole est à M. Richard Yung, auteur de la question n° 1456, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le secrétaire d’État, ma question porte sur la légalisation diplomatique ou consulaire des actes publics étrangers.
Le 10 novembre dernier, le Gouvernement a publié un décret aux termes duquel « tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France […] doit être légalisé », à moins qu’un engagement international n’en dispose autrement. Il peut s’agir d’une convention bilatérale ou de la convention dite apostille en langage diplomatique.
Je me réjouis de la réaffirmation, en droit positif, du principe de légalisation ainsi que de la volonté du Gouvernement de pallier les risques d’insécurité juridique résultant de l’abrogation par mégarde de l’ordonnance royale du mois d’août 1681. Cependant, je constate avec inquiétude que la légalisation par l’ambassadeur ou le chef de poste consulaire de l’État ayant émis les actes publics ne peut désormais être effectuée qu’à titre exceptionnel.
L’obligation de s’adresser à l’ambassadeur ou au chef de poste consulaire français en résidence dans l’État ayant émis les actes publics risque, selon moi, de complexifier les démarches des ressortissants étrangers établis en France.
Je crains également que cette obligation n’alourdisse la charge de travail des postes diplomatiques et consulaires français situés dans les pays avec lesquels la France n’est pas liée par un instrument international prévoyant une dispense de légalisation. Il est par ailleurs à craindre que certains États n’appliquent pas le principe de réciprocité.
Au regard de ces craintes, monsieur le secrétaire d’État, je souhaite connaître les raisons ayant conduit le Gouvernement à restreindre la possibilité d’effectuer les démarches de légalisation auprès de l’ambassadeur ou du chef de poste consulaire en résidence en France.
Monsieur le sénateur Richard Yung, la modernisation de l’action publique est un axe structurant de l’attraction consulaire, notamment auprès des Français établis hors de France. C’était d’ailleurs à l’ordre du jour du conseil des ministres voilà quinze jours où il a été question du registre d’état civil électronique, du vote par internet qui sera mis en œuvre dans le cadre des élections consulaires du mois de mai prochain et de la plateforme France consulaire, qui rendra un service public vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept.
Au rang des chantiers de modernisation figure la légalisation diplomatique ou consulaire des actes publics étrangers. Vous avez à juste titre fait référence au décret du 10 novembre 2020. L’exigence de légalisation est résiduelle, puisque de très nombreux États ont ratifié la convention de La Haye sur l’apostille ou ont conclu des conventions bilatérales avec la France. En outre, les règlements européens suppriment toutes les formalités d’authentification des actes publics entre États membres.
Quand la légalisation est requise, l’acte public étranger est d’abord légalisé par l’autorité compétente de l’État émetteur, dont la signature et la qualité sont ensuite certifiées par l’autorité française. Ce sont en effet les autorités présentes dans le pays où l’acte a été établi qui sont les plus à même de pouvoir attester son authenticité.
La légalisation par des consulats étrangers en résidence en France ne serait pas plus rapide : ils ne peuvent détenir tous les spécimens de signature de leurs propres autorités et doivent donc interroger les autorités locales à chaque demande de légalisation, ce qui est source de lenteur.
Sur les risques de rétorsion, je comprendrais vos craintes si la pratique de la surlégalisation était isolée et nouvelle, mais ce n’est pas le cas.
C’est pourquoi les modalités exigées par le décret du 10 novembre 2020 correspondent à une pratique consacrée à l’échelon international. Nous veillerons à ce que ces pratiques se déroulent au mieux. Si vos expériences de terrain révélaient que tel n’était pas le cas, notamment en matière d’exécution, n’hésitez pas à nous le faire savoir. En effet, toute réforme doit être évaluée régulièrement afin que nous ayons l’assurance qu’elle se met en œuvre dans les meilleures conditions.
Je sais votre vigilance à cet égard, monsieur le sénateur.
La parole est à M. Philippe Bas, auteur de la question n° 1544, adressée à M. le Premier ministre.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez beaucoup de mérite à répondre au nom du Gouvernement à tant de questions qui ne sont pas toujours proches ni du tourisme, ni des Français de l’étranger, ni de la francophonie. Il faut vous en remercier.
Ma question a trait à la recherche historique. Les chercheurs en histoire contemporaine sont aujourd’hui dans une grande émotion, parce que la loi de 2008 relative aux archives, codifiée au code du patrimoine, dispose qu’après cinquante années l’accès aux archives est de plein droit, y compris quand celles-ci étaient à l’origine couvertes par le secret de la défense.
Pour appliquer le code du patrimoine, l’instruction générale interministérielle n° 1300 du 13 novembre 2020, qui n’est pas une instruction comme les autres, puisqu’elle est approuvée par arrêté – il s’agit donc d’un acte réglementaire –, précise que, pour appliquer ces dispositions, l’apposition d’un timbre de déclassification est nécessaire. C’est donc une procédure qui s’ajoute au droit créé par la loi.
Les historiens redoutent de voir leurs recherches entravées par cette procédure qui s’ajoute à la législation. De leur point de vue d’ailleurs, cette instruction est de ce fait illégale ; elle est d’ailleurs contestée.
Pour toutes ces raisons, il me semble indispensable que cette disposition de l’instruction n° 1300 soit retirée dans les plus brefs délais pour maintenir le droit d’accès aux archives publiques. Celui-ci est garanti par l’article XV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, dont c’est l’une des nombreuses implications.
Monsieur Philippe Bas, oui, c’est une complexe équation que doit intégrer l’État entre la nécessaire protection du secret de la défense nationale et l’indispensable devoir de transparence en matière historique.
Toutefois, je tiens à vous rassurer : l’instruction du Premier ministre n’a pas vocation à remettre en cause les dispositions du code du patrimoine et ne doit pas représenter une rupture dans l’accès aux archives. Reste qu’il convient de bien articuler, afin de les rendre compatibles, les dispositions du code du patrimoine qui rendent caduque la mesure de classification d’un document à l’issue d’un délai de cinquante ans et les articles 413-9 et suivants du code pénal qui interdisent qu’un document classifié soit manipulé en dehors du cercle des personnes habilitées ou ayant qualité pour connaître son contenu. C’est cette disposition qui impose cette déclassification formelle ; à défaut, le délit de compromission pourrait être constitué.
C’est bien parce que le Gouvernement estime réel le risque pénal découlant de cette situation que l’instruction générale ministérielle prescrit tant dans sa version actuelle, publiée en 2011, que dans celle qui doit entrer en vigueur au 1er juillet prochain une opération formelle de déclassification avant toute communication.
Cette position n’est pas nouvelle. Elle n’a pas varié. L’instruction n° 1300 du 13 novembre 2020 ne fait que l’expliciter.
Je comprends le souci que la déclassification préalable n’entraîne pas de délais importants ou de retards significatifs. C’est pourquoi il a été décidé de permettre aux services d’archives, partout où c’est possible, de procéder à la déclassification des documents couverts par le secret de la défense nationale selon le procédé dit de démarquage au carton jusqu’au dossier de l’année 1970 incluse. La mise en œuvre de cette décision doit conduire à écourter sensiblement les délais d’attente liés à la procédure de déclassification.
Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments que je souhaitais porter à votre attention. Par ailleurs, il ne faut pas exclure que la représentation nationale puisse se pencher sur cette bonne articulation et apporter les corrections législatives en ce sens.
Monsieur le secrétaire d’État, toute disposition pratique permettant d’accélérer l’accès aux archives historiques est évidemment la bienvenue. Cela ne vide pas le débat juridique ; il est d’ailleurs en cours.
J’ai bien noté les arguments du Gouvernement et les examinerai plus à fond. Nous aurons certainement l’occasion d’en rediscuter.
La parole est à M. Henri Cabanel, auteur de la question n° 1503, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Madame la secrétaire d’État, par décret du 27 juin 2017, le Gouvernement a élargi le champ des dérogations à l’organisation de la semaine scolaire dans les écoles maternelles et élémentaires.
Le directeur académique des services de l’éducation nationale, ou Dasen, peut ainsi autoriser des dérogations permettant de répartir les enseignements sur huit demi-journées par semaine, alors que, réglementairement, la semaine scolaire comporte vingt heures d’enseignement réparties sur neuf demi-journées.
Cependant, selon l’article D. 521-12 du code de l’éducation, ces dérogations ne peuvent pas porter sur une durée supérieure à trois ans. À l’issue de cette période, elles peuvent être renouvelées après un nouvel examen en respectant la même procédure, quand bien même la décision a été prise à la suite d’une consultation des parents.
Au cours des dernières années, plusieurs réformes des rythmes scolaires ont touché les collectivités locales. Les équilibres locaux, comprenant parents et enfants, ont besoin de stabilité. De plus, la crise sanitaire complique la réunion des parties prenantes.
Madame la secrétaire d’État, dans la mesure où cette dérogation a été prise à la suite d’une consultation des parents, enseignants et élus, seriez-vous favorable à ce qu’elle perdure sans limitation de temps ? Le maire déclencherait de nouveau une consultation si seulement l’une des parties prenantes la réclamait à la suite des trois ans.
Monsieur le sénateur Cabanel, la stabilisation des organisations de la semaine scolaire des écoles répond à des enjeux qui appellent toute notre attention.
Le décret du 27 juin 2017 a élargi le champ des dérogations à l’organisation du temps scolaire (OTS) en permettant la mise en œuvre de la semaine scolaire de quatre jours. À cet égard, je rappelle que l’étape que nous avons franchie en 2017, conformément aux engagements du Président de la République, a permis de donner davantage de souplesse aux acteurs locaux dans la définition de l’organisation du temps scolaire, afin que cette dernière réponde aux singularités de chaque territoire, dans le souci constant de l’intérêt des élèves.
À la rentrée scolaire de 2020, près de 90 % des écoles ont une organisation dérogatoire sur quatre jours, ce qui correspond à environ 85 % des élèves. Conformément à la réglementation en vigueur en matière d’organisation du temps scolaire, les Dasen arrêtent les OTS des écoles du département dont ils ont la charge. Ils ont aussi pu largement autoriser, sur proposition conjointe des communes ou établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et des conseils d’école concernés, des dérogations à l’organisation de la semaine scolaire.
Qu’il s’agisse du cadre général ou du cadre dérogatoire, la décision d’organisation de la semaine scolaire ne peut porter sur une durée supérieure à trois ans. À l’issue de cette période, elle doit de nouveau être arrêtée après un nouvel examen en respectant la même procédure.
À titre exceptionnel, et parce que la crise sanitaire liée à la covid-19 a rendu plus difficile la réunion des différents acteurs, nous avons permis, par un décret du 25 mai 2020, la prolongation d’un an des autorisations de dérogation à l’organisation de la semaine scolaire arrivant à échéance au terme de l’année 2019-2020.
Par ailleurs, les ordonnances du 1er avril 2020 et du 2 décembre 2020 ont simplifié les modalités de réunion à distance des organes délibérants des collectivités territoriales.
Toutefois, monsieur le sénateur, j’appelle votre attention sur l’importance de ces consultations régulières dans la définition des rythmes scolaires, en particulier dans le cadre des OTS dérogatoires.
Pour les acteurs locaux, ces concertations constituent une opportunité de réévaluer périodiquement les décisions prises sur les rythmes scolaires en fonction du contexte local, et ce dans l’intérêt des élèves.
Monsieur le sénateur, vous comprendrez qu’au regard de ces éléments je ne puisse donner une suite favorable à votre proposition.
Madame la secrétaire d’État, vous l’avez rappelé dans votre réponse : 90 % des communes ont choisi la semaine de quatre jours. Or, dans la mesure où il s’agit d’une dérogation, il leur faut organiser tous les trois ans une nouvelle délibération. Je n’en vois pas l’intérêt !
La meilleure des solutions consisterait à modifier le décret pour permettre à une commune qui souhaiterait revenir à la semaine de quatre jours et demi de demander l’organisation d’une nouvelle consultation. Comme c’est la semaine de quatre jours qui a été retenue dans la majeure partie des cas, maintenir le dispositif actuel est source de complexification. Or les maires ont besoin de simplification !
La parole est à Mme Valérie Boyer, auteure de la question n° 1507, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Madame la secrétaire d’État, le 2 avril dernier, nous participions partout en France à la Journée mondiale de la sensibilisation à l’autisme 2021. Ces troubles envahissants toucheraient plus de 1 % de la population, soit près de 700 000 personnes en France.
Les victimes de l’autisme, ce ne sont pas seulement les enfants qui en souffrent, c’est aussi tout leur entourage ! Je me suis fortement impliquée à Marseille et au Parlement dans la construction de structures capables d’accompagner l’ensemble des familles. C’est à ce titre qu’est né le projet de l’école Esperanza.
Ce projet ne date pas d’hier et me tient particulièrement à cœur, tout comme la construction d’une structure spécialisée pour autistes à l’école Lacordaire, toujours à Marseille, avec la méthode ABA – Applied Behaviour Analysis.
Je rappelle que le projet Esperanza a été soutenu par les élus locaux, notamment le maire de Marseille de l’époque, Jean-Claude Gaudin, qu’il s’est fait en conformité avec tous les textes, qu’il a été soutenu par Roselyne Bachelot – à qui je souhaite un prompt rétablissement – grâce à sa réserve ministérielle lorsqu’elle faisait partie du gouvernement Fillon sous la présidence Sarkozy.
Pourtant, l’inspection académique aurait décidé de fermer les quatre classes de l’école sous prétexte qu’elles n’étaient plus en conformité avec la loi de 2005 sur l’école inclusive.
Pourtant, parmi les objectifs 2018-2022 du Gouvernement, on trouve la scolarisation des enfants autistes.
Bien sûr, je ne suis pas contre l’inclusion des élèves à la seule condition que les moyens humains et techniques soient assurés. Or, vous le savez, madame la secrétaire d’État, dans la réalité, il n’en est rien : c’est le parcours du combattant pour les parents qui se retrouvent souvent dans l’obligation d’arrêter leur travail pour se consacrer avec énergie et amour à leur enfant.
Des dispositifs comme Esperanza, à mi-chemin entre l’institut médico-éducatif (IME) et l’école inclusive, sont pourtant performants et appréciés des enfants comme des parents.
Madame la secrétaire d’État, interpellée par mon collègue député Julien Ravier, vous avez répondu qu’il n’était pas question de fermer les établissements de ce type. Aussi, pouvez-vous nous garantir qu’aucune classe ne fermera ? Dans le cas contraire, quelles sont vos motivations pour désespérer et faire ainsi souffrir les familles et le personnel ?
Madame la sénatrice Valérie Boyer, nous partageons avec vous la volonté d’accueillir tous nos enfants dans l’école de la République et, tout comme vous, nous souhaitons que celle-ci soit la plus inclusive possible.
Je vous répondrai en deux temps. Je rappellerai d’abord des dispositions générales, puis apporterai des éléments d’information très précis sur l’école Esperanza.
Dans le cadre de la stratégie nationale pour l’autisme au sein des troubles du neuro-développement 2018-2022, le ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports s’est engagé sur plusieurs points.
Il s’agit d’abord de faciliter la scolarisation à l’école maternelle ordinaire, en faisant intervenir en classe des équipes médico-sociales ou libérales, en soutien aux équipes pédagogiques.
Il s’agit ensuite de tripler le nombre d’unités d’enseignement en maternelle autisme (UEMA) afin de scolariser tous les enfants à 3 ans, y compris ceux qui présentent des troubles plus sévères. La création de 180 UEMA supplémentaires et de 45 unités d’enseignement en élémentaire autisme (UEEA) est ainsi prévue à l’horizon de 2022.
Il s’agit aussi de poursuivre l’implantation des unités localisées pour l’inclusion scolaire (ULIS) dans les écoles et dans les établissements scolaires.
Il s’agit enfin de recruter 100 enseignants spécialisés sur l’autisme pour renforcer les équipes ressources départementales. Ces professeurs spécialisés sont d’ores et déjà en poste.
Pour ce qui concerne l’école Esperanza, madame la sénatrice, je tiens à vous rassurer : l’intégralité des moyens qui sont alloués à cette école seront préservés pour cette rentrée.
Par ailleurs, dans le département des Bouches-du-Rhône, la rentrée 2021 sera marquée par un effort substantiel en faveur des élèves porteurs d’un handicap, notamment en faveur de la prise en charge des troubles autistiques.
Ainsi, dans le premier degré, 6 nouvelles ULIS seront créées, dont 3 spécialisées dans la prise en charge des troubles du spectre autistique (TSA), deux d’entre elles étant situées à Marseille. Le même effort sera réalisé pour les collèges, avec la création de 6 ULIS, dont une ULIS autisme. Enfin, la rentrée 2021 verra dans ce département la création d’une UEMA.
Vous le voyez, madame la sénatrice, la rentrée 2021 dans le département des Bouches-du-Rhône, au-delà de la conservation des moyens dévolus à l’école Esperanza, verra une mobilisation significative de moyens supplémentaires en faveur des élèves porteurs d’un handicap.
Madame la secrétaire d’État, ma question était simple : pouvez-vous me garantir qu’aucune des quatre classes d’Esperanza ne fermera ? Je n’ai pas du tout du tout été rassurée par votre réponse !
Édouard Philippe, lorsqu’il était Premier ministre a déclaré : « Agir pour les personnes autistes, c’est conduire un combat pour une vie plus juste, c’est un combat républicain. »
Aujourd’hui, votre réponse ne me rassure pas : je veux vraiment savoir si ces quatre classes seront fermées ou non.
Vous m’avez garanti les moyens, mais vous ne m’avez pas garanti le maintien de ces classes. J’entends votre plan, mais je sais que les moyens ne sont toujours pas au rendez-vous pour les parents. Ces quatre classes d’Esperanza répondent aux attentes des familles.
Cet établissement est adossé à l’hôpital Valvert. Il présente donc toutes les garanties de sérieux et répond surtout aux attentes des parents.
La parole est à M. Patrice Joly, auteur de la question n° 1513, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Aujourd’hui, notre système de santé scolaire vidé de ses moyens est à bout de souffle et n’est pas en mesure d’assurer à nos élèves des soins suffisants et satisfaisants.
Pourtant, nous savons qu’un repérage précoce des éventuels troubles de santé est essentiel pour la réussite du parcours scolaire des jeunes enfants. La loi pour une école de la confiance a d’ailleurs prévu, dès la rentrée scolaire 2020, un parcours de santé pour tous les enfants de leur naissance à 6 ans. Sur le terrain, avec la baisse continue des effectifs de médecins et d’infirmiers, ces objectifs ne sont pas atteints.
Selon le Syndicat national des médecins scolaires et universitaires, un médecin scolaire s’occupe en moyenne de 10 500 élèves, ce qui correspond à un taux d’encadrement très éloigné de la moyenne recommandée – un médecin pour 5 000 élèves –, dont la pertinence n’est pas contestable.
La situation est plus grave dans certains départements. Ainsi, dans la Nièvre, département que je représente, sur sept postes de médecins seulement deux sont pourvus. Il manque donc cinq médecins, notamment le médecin conseiller technique auprès de la directrice académique des services de l’éducation nationale.
Ce manque a des conséquences lourdes non seulement sur la santé des agents, confrontés à des tâches qu’ils n’assument qu’au prix d’un travail au-delà de leurs capacités, mais surtout sur le suivi médical des élèves. Actuellement, seuls 17 % des enfants de 3 à 4 ans bénéficient d’un examen pour dépister d’éventuels troubles de la vision, de l’audition ou des apprentissages.
Les médecins de ville, qui sont déjà en sous-effectifs et surchargés dans bien des territoires, se retrouvent malgré eux à devoir pallier ce manque.
Plus largement, l’absence d’une médecine scolaire compromet le nécessaire travail de prévention sur la drogue, les maladies sexuellement transmissibles, la contraception, la nutrition ou encore le harcèlement. En effet, le médecin scolaire est souvent avec l’infirmière le seul contact des enfants avec le monde médical et ce sont nos élèves, plus spécifiquement les élèves issus de milieux défavorisés, qui ont déjà des difficultés à consulter des médecins de ville, qui paient aujourd’hui le prix de ce manque.
Aussi, une politique volontariste doit être mise en œuvre rapidement pour renforcer la médecine scolaire de façon uniforme sur l’ensemble du territoire.
Dans ces conditions, madame la secrétaire d’État, pourriez-vous me fournir un état des lieux chiffré de la médecine scolaire, à l’échelle nationale et départementale, m’indiquer les mesures envisagées pour doter l’éducation nationale des capacités et des personnels en nombre suffisant ainsi que les délais de mise en place de ces mesures ?
Monsieur le sénateur, nous sommes conscients des difficultés rencontrées et pleinement mobilisés pour développer l’attractivité de la médecine scolaire et de la profession de médecin scolaire. Différentes mesures ont été prises en ce sens.
Soulignons tout d’abord la création de la formation spécialisée transversale de médecine scolaire. Cette surspécialité médicale pour les pédiatres, les généralistes et les médecins de santé publique donne aux étudiants une meilleure connaissance de la profession de médecin scolaire et devrait à terme favoriser le recrutement. Dans la même perspective, des stages de formation de six mois à destination des internes leur sont proposés.
Des efforts ont également été réalisés pour doter les médecins scolaires d’outils professionnels numériques plus performants : le déploiement depuis deux ans de l’application professionnelle Esculape, le dossier médical numérique de l’élève, illustre les évolutions des pratiques professionnelles.
La rémunération des médecins de l’éducation nationale, qui est une question essentielle, car elle a bien sûr, nous le savons, un effet non négligeable sur l’attractivité de la profession, fait l’objet de travaux dans le cadre de l’agenda social et, plus généralement, dans la perspective de la revalorisation des métiers de l’éducation nationale.
J’en viens aux moyens consacrés à la santé scolaire. Aujourd’hui, il existe 1 370 postes de médecins à l’échelon national, seuls 67 % d’entre eux étant pourvus. Les mesures que j’ai évoquées permettront, à n’en pas douter, d’en pourvoir davantage dans les prochaines années. Pour les personnels infirmiers, à l’échelon national, 7 776 postes sont implantés en académie, 99, 6 % d’entre eux étant pourvus, ce qui permet de couvrir l’ensemble des établissements scolaires.
Il est urgent d’agir, à la fois pour les élèves, bien sûr, pour les personnels médicaux, évidemment, mais aussi pour préserver l’équilibre financier de la sécurité sociale, une politique de prévention étant le meilleur investissement pour l’avenir. Une telle politique permettrait en outre de réaliser des économies en termes de soins médicaux ensuite.
La parole est à M. Olivier Rietmann, auteur de la question n° 1551, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Ma question porte sur l’avenir des établissements publics locaux des savoirs fondamentaux, communément appelés « écoles du socle ».
Pour mémoire, et parce que c’est toujours un plaisir pour moi de faire référence à son action, mon prédécesseur Michel Raison a déjà sollicité l’analyse du ministère de l’éducation nationale sur ce dossier en octobre 2019. Vos services, madame la secrétaire d’État, lui ont alors répondu qu’il était prématuré, après une seule année de fonctionnement, de tirer les enseignements de l’expérimentation menée à Jussey.
Cette réponse pleine de sagesse était toutefois emplie d’un optimisme communicatif. Elle reconnaissait en effet explicitement l’intérêt du dispositif pour les élèves en milieu rural et l’optimisation de leurs chances de réussite dans ce cadre singulier. Elle soulignait également les efforts déployés par le corps enseignant pour améliorer la continuité des parcours des élèves et des apprentissages.
Fort de ces signes positifs, et alors que ce type d’établissement répond à un besoin clairement identifié par certaines collectivités, ma question est somme toute prévisible et logique : quand et comment prévoyez-vous de consacrer les écoles dites du socle ?
Monsieur le sénateur, l’école du socle expérimentée localement sur le territoire de Jussey entre dans sa troisième année. L’organisation pédagogique choisie, qui vise à réunir sur un même site, dans un pôle scolaire unique, des élèves de la petite section de maternelle à la classe de troisième, est soutenue par les autorités du département et suivie par les services départementaux de l’éducation nationale. Une attention est portée sur les effets de cette organisation sur la réussite et le parcours scolaires des élèves.
Le rapprochement effectif de l’école de la commune de Jussey et du collège au sein d’une même structure bâtimentaire est en cours, et l’ouverture est bien prévue pour la rentrée scolaire de septembre 2021. Plusieurs temps d’échanges entre les collectivités territoriales compétentes pour chaque niveau scolaire et les équipes pédagogiques concernées ont permis d’aboutir à une réflexion partagée sur les conditions d’accueil à réunir et les choix à effectuer, notamment en matière architecturale, afin d’améliorer la qualité de vie et les conditions d’apprentissage des élèves.
Comme vous le savez, la crise sanitaire de la covid-19 et le respect du protocole sanitaire ont eu pour conséquence la suspension de certaines modalités d’organisation et l’impossibilité d’objectiver les effets du projet sur la scolarité des élèves en 2019-2020 et pour le début de l’année 2020-2021.
On constate toutefois, par l’analyse des résultats aux évaluations nationales de sixième, des points d’amélioration : le taux d’élèves ayant une maîtrise insuffisante ou fragile des acquis diminue, tant en français qu’en mathématiques, ce qui est plutôt une bonne nouvelle. De plus, on note que la prise en charge de la difficulté scolaire tout au long du parcours des élèves est bien installée dans l’établissement et qu’une amélioration des résultats au diplôme national du brevet (DNB) est perceptible depuis trois ans. En outre, les élèves semblent mieux comprendre et vivre les transitions inhérentes au parcours scolaire.
Enfin, la création par voie réglementaire ou législative d’établissements publics locaux des savoirs fondamentaux, constitués de classes du premier degré et du premier cycle du second degré, n’est pas à l’ordre du jour des travaux en cours au sein du ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d’État.
Je connais très bien ce dossier, car j’étais maire de Jussey et président du syndicat scolaire du secteur lorsque cette école du socle a été installée. Il ne faut donc pas confondre le projet immobilier, qui permettra un rapprochement des élèves du premier degré et de ceux du collège, du projet éducatif.
Les travaux ont commencé. En septembre 2022, et non en septembre 2021, madame la secrétaire d’État, les élèves du premier degré rejoindront le collège et seront ainsi dans le même établissement.
Vous l’avez dit, les résultats au bout de trois années d’expérimentation, même un peu contrariées du fait de la situation sanitaire, sont probants. Les résultats aux évaluations d’entrée en sixième des élèves sont significatifs, pour ne pas dire réellement positifs. Je peux vous assurer en outre qu’il y a une plus grande volonté de la part des enseignants du premier et du second degré de travailler ensemble. Il faut savoir que, depuis trois ans, tous les élèves de CM1 et de CM2 se rendent chaque jour au collège pour y suivre leur dernière heure de cours et travailler avec des élèves et des professeurs du collège.
Les seuls éléments qui n’ont pas encore été évalués, ce sont les résultats au DNB.
Je trouve réellement dommage que rien ne soit encore inscrit dans la loi. Il y a pourtant une forte attente dans les territoires dans ce domaine, à la fois des enseignants et des élus.
La parole est à Mme Else Joseph, auteure de la question n° 1497, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée des sports.
Madame la secrétaire d’État, ma question porte sur les difficultés à mobiliser nos territoires pour les jeux Olympiques et Paralympiques prévus à Paris en 2024.
L’organisation de ces jeux, qui honorent notre pays, doit être l’occasion de mobiliser de nombreux acteurs de nos territoires. En effet, ces jeux constituent une occasion précieuse de redynamisation de l’économie et de l’image de nos territoires.
Or, actuellement, une certaine déception se fait sentir, compte tenu notamment d’une communication et d’une implication insuffisantes. Les bonnes volontés sont ainsi découragées, alors qu’elles ne manquent pas, et pas seulement au sein des CDOS.
On constate ainsi un manque de déclinaison locale de certaines démarches, comme le label « Terre de Jeux 2024 » ou l’absence de conférences animées par des personnalités du monde du sport, même si on comprend que la crise sanitaire ne permette pas les rassemblements habituels. Le label ne semble pas avoir été très attractif pour les collectivités territoriales, et l’on ne peut que déplorer le manque de moyens de communication des structures locales, qui ne peuvent développer leur intérêt dans cette démarche.
De même, on constate une véritable difficulté à communiquer auprès des entreprises et à les mobiliser alors qu’elles peuvent constituer des viviers dans les solutions locales dans le cadre d’« Entreprises 2024 ».
Nous avons constaté tout cela dans les Ardennes, même si nous comptons treize sites labellisés.
De nombreuses collectivités locales et entreprises aimeraient pourtant participer à cet effort, qui doit permettre une organisation optimale des jeux Olympiques et leur rayonnement. Tous ces acteurs regrettent une information insuffisante de la part des pouvoirs publics.
Qu’envisage le Gouvernement, en lien avec Paris 2024, pour que ces démarches permettent de mobiliser efficacement les différents acteurs de nos territoires désireux de s’impliquer pleinement et sous quelle forme ? Nous avons besoin de retombées locales et du dynamisme de nos territoires.
Madame la sénatrice, nous partageons l’objectif de rayonnement des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.
Dans cette perspective, un programme de mesures ambitieux porté par l’État visant à ce que ces jeux laissent dans notre pays un héritage en termes de développement des pratiques sportives pour tous et partout, notamment dans les territoires carencés en équipements sportifs, a été annoncé par le Premier ministre le 4 novembre 2019. Ce programme est en cours de déploiement.
De son côté, comme vous le soulignez, le comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (COJO) a lancé son label « Terre de Jeux 2024 » voilà un an et demi. Aujourd’hui, plus de 1 400 collectivités de tous niveaux – communes, EPCI, départements et régions – ont adhéré à ce programme.
Afin d’animer cette communauté, le premier forum « Terre de Jeux 2024 » a été organisé le 22 octobre 2020 et a rassemblé 855 labellisés référents et élus.
Dans son prolongement, des webinaires ou réunions virtuelles thématiques sont organisés régulièrement afin de permettre un échange direct avec les labellisés « Terre de Jeux 2024 ». À titre d’exemple, les deux premiers ont été dédiés aux Centres de préparation aux jeux (CPJ) et à la Semaine Olympique et Paralympique 2021. Je rappelle que les labellisés peuvent retrouver l’ensemble de ces informations sur les sites ou dans une newsletter mensuelle.
Parallèlement, le COJO a également lancé en juin 2019 l’appel à projets sur les Centres de préparation aux jeux ayant vocation à accueillir des délégations étrangères de sportifs de haut niveau en stage de préparation pour les jeux de Paris, entre l’automne 2021 et l’été 2024.
Après la clôture des candidatures à la labellisation CPJ, les dossiers ont été instruits par le COJO, avec le concours des services déconcentrés du ministère chargé des sports au premier semestre de 2020. Le 5 octobre 2020, le COJO a annoncé la labellisation de 620 CPJ à travers toute la France. Dans chaque département où au moins une candidature avait été présentée, au moins un centre a été labellisé. Le département des Ardennes, quant à lui, en compte cinq : Bogny-sur-Meuse, la salle Reine Bestel à Charleville-Mézières, la maison départementale des sports, le site des Vieilles Forges et le complexe sportif du Bois du Han.
De plus, l’État consacrera 20 millions d’euros sur deux ans – en 2021 et en 2022 – au financement de travaux ou d’achats de matériel pour aider les CPJ qui en auraient besoin.
Enfin, avant la fin du premier semestre de 2021, une communication institutionnelle sera réalisée auprès de l’ensemble des collectivités concernées.
J’ai bien écouté votre réponse, madame la secrétaire d’État, qui ne prête pas à polémique.
Certes, des réunions sont aujourd’hui organisées par le CDOS, les collectivités et différentes fédérations sportives, une lettre institutionnelle a été créée, mais on s’interroge : comment faire adhérer encore plus nos territoires et avec quels moyens ? Les attentes des territoires sont fortes, chacun d’entre eux, en particulier les territoires ruraux, pouvant apporter des réponses efficaces.
La parole est à Mme Éliane Assassi, auteure de la question n° 1506, adressée à Mme la secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées.
Madame la secrétaire d’État, depuis quinze ans sont créés dans le département de la Seine-Saint-Denis des postes d’enseignants référents à la scolarisation des élèves en situation de handicap et des postes de conseillers d’aide à la scolarisation des élèves en situation de handicap. Ces derniers sont uniques en France et sont occupés par des enseignants spécialisés qui interviennent au plus près des élèves.
Ce faisant, le nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés a presque doublé, et nous nous en félicitons. Pour autant, cette augmentation ne s’est pas accompagnée d’une hausse proportionnelle du nombre de postes de personnels spécialisés.
Lors de la réunion du groupe de travail du 21 janvier 2021, le directeur académique a fait part de son souhait de fermer les 33, 5 postes de conseillers et de les transformer en postes d’enseignants référents. Cette suppression signifie la fin des interventions pédagogiques au sein des établissements scolaires : interventions dans les classes auprès des élèves, conseils aux enseignants, formation, prises de poste et accompagnement des AESH, participation aux réunions des directions d’écoles, aide à la constitution des dossiers auprès des MDPH, lesquels nécessitent de nombreux entretiens avec les familles. Cette décision a pu être annulée après une forte mobilisation des personnels, des enseignants, des syndicats et des élus du département.
Il n’en demeure pas moins que l’accueil et le suivi des élèves à besoins particuliers restent problématiques : les personnels sont insuffisants au sein des établissements, les accompagnants ne sont pas assez nombreux et sont mal formés, les postes d’enseignants référents sont en nombre trop faible pour accompagner la hausse du nombre d’élèves scolarisés. Cet état de fait va à l’encontre des politiques ministérielles et à rebours des besoins en Seine-Saint-Denis.
Madame la secrétaire d’État, nous aurons l’occasion d’en discuter ensemble, mais quel bilan faites-vous de l’application des directives gouvernementales en matière d’inclusion scolaire ? Allez-vous vous engager pour que les besoins particuliers de certains des élèves de la Seine-Saint-Denis soient respectés ?
Madame la sénatrice, je vous prie d’excuser l’absence de Sophie Cluzel, qui n’a pu se rendre disponible ce matin et qui m’a demandé de répondre à votre question.
Vous nous interrogez sur les moyens mis en œuvre pour permettre la scolarisation des enfants en situation de handicap en Seine-Saint-Denis.
Tout d’abord, les postes de conseillers d’aide à la scolarisation, vous le savez, n’ont pas été supprimés ni transformés en postes d’enseignants référents.
Sur le terrain, les autorités académiques structurent un réseau de professionnels pour accompagner les équipes et les élèves. Il est constitué de coordonnateurs, au nombre de 66 en Seine-Saint-Denis ; de conseillers pédagogiques ; de conseillers d’aide à la scolarisation correspondant à 33, 5 équivalents temps plein, soit un par circonscription ; d’enseignants référents à hauteur de 36 équivalents temps plein ; d’AESH référents.
Au regard du nombre croissant d’élèves en situation de handicap que vous soulignez, quatre nouveaux secteurs d’enseignement référent ont été créés pour la rentrée scolaire de 2021. Le nombre de conseillers d’aide à la scolarisation reste inchangé.
Par ailleurs, des AESH référents sont en cours de recrutement pour être des pairs experts dans l’accompagnement de la professionnalisation des AESH, à raison d’un par district, soit huit pour la Seine-Saint-Denis.
Enfin, pour renforcer sur le terrain la coopération entre tous les acteurs autour du parcours des enfants, la politique de l’école inclusive est portée par un service départemental organisé pour répondre aux besoins de tous les professionnels et usagers.
Le Comité départemental de suivi de l’école inclusive réunit les partenaires – l’ARS, la MDPH, la Fédération des usagers, les services de l’État – pour présenter et étudier de façon partenariale des objectifs partagés.
La parole est à Mme Marie-Laure Phinera-Horth, auteure de la question n° 1511, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Ma question, qui s’adresse au garde des sceaux, porte sur la nécessité de créer une juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) en Guyane.
Il existe actuellement huit JIRS, lesquelles ont été créées par une loi de 2004. Ces juridictions regroupent des magistrats du parquet et de l’instruction qui disposent d’une compétence et d’une expérience particulières en matière de lutte contre la criminalité organisée et de délinquance financière. Leurs moyens techniques renforcés leur permettent ainsi de mener à bien leurs enquêtes, notamment en matière de trafic de stupéfiants et d’infraction commise en bande organisée.
Actuellement, la JIRS de Fort-de-France est compétente pour les Antilles et la Guyane. Or, outre que le territoire guyanais se trouve dans le bassin amazonien, dont les spécificités sont totalement différentes de celles du bassin caribéen, la Guyane est désormais confrontée à un trafic exponentiel de stupéfiants en provenance des pays voisins, en particulier du Suriname, et à une montée de la délinquance et de la criminalité liée à ce narcotrafic.
La création d’une JIRS amazonienne en Guyane apparaît de plus en plus nécessaire ; celle-ci aurait pour mission de lutter sur le terrain et à l’échelle transfrontalière contre le trafic de stupéfiants, qui détruit la société guyanaise et dont les effets s’exportent vers l’Hexagone, la Guyane étant devenue l’une des grandes portes d’entrée de la cocaïne en Europe. Une telle structure permettrait d’être très efficace sur le terrain, car on déploierait des moyens qui doivent être proportionnels aux défis transfrontaliers qui se posent à notre État au niveau sud-américain.
La situation n’est plus la même qu’en 2004. Le rattachement de la Guyane à la JIRS de Fort-de-France est donc désormais totalement inadapté au regard des mutations survenues dans la grande région amazonienne en termes de trafics transfrontaliers.
Le ministère de la justice sait s’adapter en fonction des évolutions. Il l’a prouvé, par exemple en recréant une cour d’appel de plein exercice à Cayenne en janvier 2012. Je souhaite donc connaître les intentions du Gouvernement sur la possibilité de créer une JIRS en Guyane et sur les moyens judiciaires qui seront mis en œuvre pour lutter contre les narcotrafics.
Madame la sénatrice, comme vous l’avez parfaitement rappelé, la Guyane, département frontalier du Brésil et du Suriname, est située dans le ressort de la juridiction interrégionale spécialisée de Fort-de-France, compétente pour connaître d’affaires de criminalité organisée et financière de grande complexité, tant dans les Caraïbes qu’en Guyane. Cette organisation se traduit par une prise en charge effective de la délinquance organisée guyanaise, notamment le narcotrafic, dont vous dénoncez à juste titre les ravages.
La lutte contre ces trafics illégaux est une priorité de la politique pénale du ministère de la justice. Le garde des sceaux, au nom de qui je m’exprime ce matin, partage vos légitimes préoccupations.
Très concrètement, vous avez raison : le nombre d’affaires de Guyane suivies par la JIRS de Fort-de-France a nettement augmenté depuis 2004.
Le nombre total de dossiers guyanais traités ou en cours de traitement par cette juridiction depuis 2004 s’élève au nombre de vingt-sept – dix-huit dossiers de criminalité organisée et neuf dossiers économiques et financiers –, soit 14 % de son portefeuille. Les dossiers guyanais en cours représentent aujourd’hui 21 % de l’ensemble du portefeuille de cette juridiction, soit quinze dossiers : huit dossiers de criminalité organisée et sept dossiers économiques et financiers. Le nombre de dossiers en provenance de la Guyane donnant lieu à saisine de la juridiction est passé d’une moyenne de 1, 25 entre 2004 et 2017 à une moyenne de 4, 3 au cours de la période 2018-2020.
Cette évolution de la délinquance apparaît toutefois correctement prise en charge à ce stade par la juridiction interrégionale spécialisée de Fort-de-France, qui a su s’adapter aux défis que connaît la Guyane en matière de criminalité organisée. En effet, la Guyane bénéficie de l’expertise spécifique et des moyens, renforcés depuis 2019, de la JIRS de Fort-de-France – affectation supplémentaire d’un magistrat du parquet, d’un juge d’instruction et d’un assistant spécialisé douanier –, laquelle définit sa politique pénale en prenant précisément en compte les spécificités de la criminalité organisée guyanaise et en s’attachant à renforcer la coopération internationale sur la zone, grâce, notamment, à l’appui du magistrat de liaison basé au Brésil, compétent sur le Suriname.
Enfin, le périmètre de compétence d’une juridiction interrégionale spécialisée s’inscrit, par construction, sur un espace interrégional. Une création se limitant au seul département de la Guyane serait donc contradictoire avec l’objet même de cette organisation judiciaire, qui vise à mutualiser les moyens en donnant une taille critique au ressort de chaque juridiction afin d’en améliorer l’efficacité.
Pour toutes ces raisons, il n’est pas, à ce stade, envisagé de créer une telle juridiction spécifique en Guyane, qui viendrait amoindrir la juridiction interrégionale spécialisée de Fort-de-France, laquelle est compétente en Guyane et dans les Antilles françaises. Toutefois, vous le savez, le ministère de la justice reste vigilant à toutes les évolutions de la délinquance qui nécessiteraient une adaptation de son organisation judiciaire dans les territoires, en outre-mer comme en métropole.
Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, mais j’estime qu’une réflexion doit être menée : nous ne sommes pas sur le même continent. Quand les Guyanais vont-ils donc obtenir une certaine autonomie afin de lutter contre ce narcotrafic ?
La parole est à Mme Françoise Dumont, auteure de la question n° 1444, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.
Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur les conséquences que la pandémie de la covid-19 a pu avoir sur les finances des communes touristiques, en particulier sur celles des communes du golfe de Saint-Tropez, dans le Var. En effet, les douze communes qui le composent ont la particularité d’être des localités à fort potentiel touristique. Cette donnée est donc un facteur prédominant dans le calcul des recettes desdites communes.
La crise sanitaire a eu et a encore un effet ciseau pour ces collectivités : une forte baisse des recettes touristiques et une augmentation des dépenses, notamment liées au soutien à l’économie locale. Or les communes doivent adopter des budgets en équilibre réel. Elles sont donc contraintes de réaliser des coupes dans leurs budgets d’investissement. Des projets et des investissements souvent majeurs ont dû être repoussés, les travaux étant étendus sur un plus grand nombre d’exercices.
Rallonger la durée des travaux ou en réduire le nombre est particulièrement dommageable pour le tissu économique local et français dans son ensemble, notamment pour les entreprises du BTP, qui ont besoin de la commande publique. Cela est tout particulièrement préjudiciable pour des communes qui se battent au quotidien pour rester attractives sur les marchés nationaux et internationaux. Il serait donc opportun de prévoir une exception comptable afin que les communes puissent étaler les dépenses liées à la crise sanitaire sans avoir à rogner sur des dépenses de fonctionnement et d’investissement.
Aussi, madame la ministre, pourriez-vous nous préciser quelles mesures le Gouvernement entend mettre en œuvre pour permettre aux collectivités territoriales, en particulier aux communes touristiques comme celles du golfe de Saint-Tropez, de lisser, peut-être sur plusieurs années, leurs dépenses liées à la covid-19 et ne pas mettre en péril leurs investissements, si essentiels pour l’attractivité de leurs territoires et de la France en général ?
Madame la sénatrice Dumont, votre question porte sur les difficultés financières rencontrées par les communes touristiques, en particulier par celles du golfe de Saint-Tropez, dans le Var, dans le contexte de la présente crise sanitaire.
Je tiens tout d’abord à rappeler les engagements pris par le Gouvernement pour faire face, grâce à de multiples dispositifs de soutien, aux conséquences de cette crise, tant pour les acteurs de la sphère privée que pour ceux de la sphère publique.
Ainsi, en collaboration avec la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, le ministère de l’économie, des finances et de la relance s’est tout particulièrement mobilisé, depuis le printemps 2020, pour accompagner les collectivités locales dans la gestion de cette crise sanitaire sans précédent.
Au-delà du nécessaire assouplissement du calendrier de reddition des comptes de l’exercice 2019, les conditions de l’équilibre des budgets des collectivités locales ont été, comme vous le soulignez à juste titre, au cœur des préoccupations du Gouvernement, tout au long de l’année 2020, et le sont encore, naturellement, en 2021.
Cette mobilisation s’est tout d’abord traduite par la mise en œuvre de dispositifs visant à garantir, sous certaines conditions, le niveau des ressources allouées aux collectivités locales. Les pertes liées à l’activité touristique font ainsi l’objet d’une attention particulière dans le dispositif de garantie des recettes communales prévu à l’article 21 de la loi du 30 juillet 2020 de finances rectificatives pour 2020. En effet, les pertes liées à la baisse des recettes de taxe de séjour sont prises en compte, et dans des conditions plus favorables que les autres taxes figurant dans le panier de recettes, car la perte de taxe de séjour est estimée par rapport aux recettes de la seule année 2019 et non par rapport à la moyenne des recettes des années 2017, 2018 et 2019. Cette garantie a été reconduite en 2021, comme vous le savez, par l’article 74 de la loi de finances pour 2021, avec la même référence à l’année 2019.
Par ailleurs, le traitement budgétaire et comptable des dépenses liées à la gestion de la crise sanitaire du covid-19 a fait l’objet d’une attention toute particulière. Ainsi, la circulaire interministérielle du 24 août 2020 a prévu des mesures spécifiques d’adaptation du cadre budgétaire et comptable des collectivités territoriales et de leurs établissements publics. Cette circulaire vise à préserver les équilibres budgétaires tout en assurant la traçabilité des dépenses mobilisées pour faire face à la crise.
À cet égard, et pour répondre à votre demande et à celle des collectivités locales, les dépenses engagées par les collectivités locales peuvent être étalées sur une durée maximale de cinq ans.
Parmi les dépenses concernées, on peut citer les dépenses directement liées à la gestion de la crise sanitaire, le soutien au tissu économique, dès lors que les règles de compétence et de marchés publics sont respectées, ou encore les subventions d’équilibre aux budgets annexes, ainsi que les subventions, contributions ou participations à différentes structures résultant des effets de la crise sanitaire.
Ces mesures budgétaires et comptables dérogatoires ont été étendues par circulaire interministérielle du 15 février 2021 aux dépenses engagées au cours du premier semestre de 2021.
Enfin, je tiens à souligner que la mise en œuvre de ces mesures s’est inscrite dans le cadre d’une étroite concertation avec les représentants des associations d’élus.
Vous pouvez compter sur le Gouvernement pour continuer de suivre de très près cette situation.
Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Reste que près de la moitié des communes françaises ont subi le double effet d’une diminution de recettes liée à la crise sanitaire et de la baisse de leurs dotations.
Sans préjuger l’avenir, je vous invite à la plus grande vigilance sur le montant des dotations allouées aux collectivités et sur celui des pénalités pour carences qui pourraient leur être infligées, comme celles que prévoit la loi SRU, un dispositif particulièrement complexe à mettre en place dans des zones touristiques comme le littoral varois.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte, auteur de la question n° 1516, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.
Je souhaite interroger le Gouvernement sur la présence de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger sur la liste des organismes divers d’administration centrale, dits ODAC, ayant interdiction de contracter auprès d’un établissement de crédit un emprunt dont le terme est supérieur à douze mois.
L’inscription de l’AEFE sur cette liste l’empêche d’accompagner la croissance du réseau des établissements d’enseignement français à l’étranger, alors que celui-ci prévoit de doubler le nombre des élèves qu’il scolarise d’ici à 2030.
De nombreux établissements scolaires en gestion directe sont bloqués dans leurs projets immobiliers, faute pour l’AEFE d’une capacité d’emprunt. Pourtant, ces EGD sont largement financés par les frais de scolarité payés par les familles ; les emprunts qui pourraient être contractés seraient donc remboursés grâce à l’augmentation des recettes engendrée par les investissements qu’ils auront rendus possibles.
Rendre à l’AEFE sa capacité d’emprunt permettrait aussi de mieux étaler dans le temps les augmentations de frais de scolarité des EGD provoquées par les investissements immobiliers, celles-ci étant aujourd’hui brutales puisque l’investissement doit être très vite remboursé.
L’attribution de cette capacité d’emprunt a été demandée par le directeur de l’AEFE lors d’un comité interministériel en janvier 2021. Elle faisait aussi partie des principales recommandations du rapport conjoint des inspections des affaires étrangères et de l’éducation nationale remis au Gouvernement au printemps 2019. Ce rapport rappelait d’ailleurs que plusieurs établissements publics avaient été radiés de la liste des ODAC, comme Mines ParisTech, le CNED ou l’IGN.
Il convient aussi de constater que la subvention publique est de plus en plus minoritaire dans les recettes de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger. En effet, ses ressources propres, qui proviennent, d’une part, des frais de scolarité payés par les familles dans les établissements en gestion directe et, d’autre part, de la facturation des personnels et des services rendus aux établissements conventionnés, sont en constante augmentation depuis plusieurs années.
Le Gouvernement envisage-t-il vraiment de donner à l’AEFE la capacité de participer à la croissance du réseau de l’enseignement français à l’étranger ?
Monsieur le sénateur Leconte, vous m’interrogez sur l’inscription de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger sur la liste des organismes divers d’administration centrale, les fameux ODAC, qui ne l’autorise pas à s’endetter auprès d’un établissement de crédit sur une durée supérieure à douze mois ou d’émettre un titre de créance dont le terme excéderait cette durée. Cette interdiction, décidée par le législateur, vise à mieux maîtriser la dette publique et les dépenses associées à sa charge et à mieux maîtriser la dissémination de l’endettement public entre les différents organismes.
La qualification en ODAC est établie tous les ans par l’Insee de manière indépendante à la suite d’une étude approfondie de chaque entité. Cela ne se décrète donc pas. Plusieurs critères sont pris en compte lors de cette étude, tels que le poids de l’État dans la gouvernance et les modalités de financement de l’organisme, en particulier sa part respective des ressources propres et des financements publics.
Ces éléments sont pris en compte de manière globale. Une seule variation ne conduit pas à remettre en question cette classification. Le ministère chargé des comptes publics adopte un arrêté qui ne fait que reprendre, en pratique, les classifications opérées par le comptable national. C’est une question de crédibilité, notamment à l’endroit de nos financeurs.
Toutefois, l’attention de l’Insee pourra être attirée sur une éventuelle révision de la qualification de l’AEFE, décidée chaque année. Toute évolution ne pourra résulter que de changements significatifs et objectifs dans le modèle économique de l’AEFE par rapport à la situation antérieure qui avait conduit à sa qualification en ODAC.
Indépendamment d’une éventuelle requalification, des solutions substitutives à l’endettement, qui reposeraient en particulier sur la trésorerie abondante de l’AEFE, peuvent être mises en œuvre pour répondre à l’objectif, parfaitement légitime, de lui donner les moyens de son développement. Cette trésorerie atteint, en 2020, environ 300 millions d’euros, dont environ 150 millions d’euros pour les établissements en gestion directe. Mis en commun, ces montants permettraient d’absorber largement les besoins d’investissement immobilier du réseau de ces établissements en gestion directe.
Le nouveau contrat d’objectifs et de moyens, en cours d’élaboration, doit être l’occasion de normaliser les modalités de financement de l’immobilier des établissements en gestion directe en mettant fin aux avances dérogatoires de l’Agence France Trésor et en actant une évolution dans le sens d’une mise en commun de la trésorerie de ces établissements.
Il est totalement inexact de dire que l’AEFE a aujourd’hui les moyens de financer les investissements immobiliers des établissements en gestion directe. Des investissements sont bloqués, des projets sont arrêtés, faute de financement.
En outre, depuis une dizaine d’années, l’Agence voit progressivement la part de ses ressources propres augmenter structurellement et dépasser largement les 50 %.
Si une baisse a pu être constatée en 2020, elle est conjoncturelle, liée à la crise sanitaire mondiale. L’évolution depuis dix ou quinze ans va dans le sens d’une autonomisation progressive et d’une baisse de la part de l’État, qui atteint maintenant largement moins de 50 % de ces recettes.
La parole est à Mme Elsa Schalck, auteure de la question n° 1577, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.
Je voudrais relayer au Sénat le cri de désespoir des salons de thé-pâtisseries-boulangeries, qui se trouvent dans une situation dramatique depuis le début de la crise de la covid-19. Depuis le décret du 29 octobre 2020, leurs espaces de salon de thé sont à nouveau fermés, au même titre que les restaurants, ce qui représente une perte de plus de 70 % de leur chiffre d’affaires. Or ces entreprises ne perçoivent aucune aide sur la partie salon de thé.
Par une question écrite en décembre dernier, puis par un courrier en date du 25 janvier, resté malheureusement sans réponse à ce jour, j’avais déjà alerté le Gouvernement sur cette situation. J’associe à cette question orale mon collègue du Haut-Rhin, le sénateur Christian Klinger, qui a, lui aussi, été interpellé à ce sujet dans son département.
En Alsace, les salons de thé-pâtisseries font partie de notre tradition. Nous y sommes fortement attachés. À l’heure actuelle, leurs pertes financières s’élèveraient à 170 000 euros ; qui plus est, disposer d’un espace de salon de thé en plus de la surface de vente conduit à payer un loyer et des charges plus importants. Des pâtisseries-salons de thé craignent de devoir licencier ou fermer. Je me fais ici l’écho du président de la chambre de métiers d’Alsace : « Si l’on ne fait rien, ces entreprises, symbole de notre art de vivre alsacien, vont tout simplement disparaître. »
Depuis un an, les salons de thé-pâtisseries demandent à bénéficier des mêmes aides que les restaurateurs. Certes, des aides économiques existent, mais ces dispositifs ne tiennent pas compte de l’activité de salon de thé. J’ai notamment pu échanger avec les gérants d’une pâtisserie strasbourgeoise, qui m’ont indiqué perdre de l’argent à chaque fois qu’ils ouvraient leur commerce.
Il est urgent de les entendre et de répondre à cette forte inquiétude, relayée par toute une profession, et d’apporter une lueur d’espoir, dans ce contexte ô combien compliqué, aux 400 professionnels alsaciens qui correspondent à ce cas de figure.
Madame la ministre, comment comptez-vous prendre en compte cette situation particulière – ô combien importante ! – des salons de thé-pâtisseries-boulangeries ?
Madame la sénatrice Schalck, vous appelez mon attention sur la situation des entreprises multi-activités, notamment sur celle des pâtisseries-salons de thé, qui réalisent 75 % de leur chiffre d’affaires grâce au salon de thé.
Au titre de l’aide du mois de février 2021, toutes les entreprises, quels que soient leur chiffre d’affaires et leur secteur d’activité, sont susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité.
Aujourd’hui, l’activité principale détermine le régime d’aide dont peut bénéficier une entreprise ayant plusieurs activités, définie comme celle qui contribue le plus au chiffre d’affaires de référence, indépendamment du code NAF de l’entreprise. Pour calculer le montant de l’aide, la perte de chiffre d’affaires est déterminée à partir du chiffre d’affaires de référence, toutes activités confondues.
Prenons le cas d’une pâtisserie-salon de thé : si l’activité de salon de thé est celle qui génère le plus de chiffre d’affaires, alors que l’accueil du public est interdit, l’entreprise peut directement bénéficier du régime d’aide pour les entreprises fermées administrativement. L’aide pour ces entreprises peut aller jusqu’à 200 000 euros. En revanche, si le principal chiffre d’affaires est réalisé par l’activité de pâtisserie, qui continue de fonctionner, l’entreprise pourra néanmoins bénéficier du régime d’aide des entreprises des secteurs dits S1 bis dont la pâtisserie fait partie, conformément à l’annexe 2 du décret relatif au fonds de solidarité.
Toutefois, si les conditions d’accès au fonds de solidarité sont différentes pour ces deux régimes d’aide – les entreprises des secteurs S1 bis doivent subir une perte de plus de 50 % de leur chiffre d’affaires, ainsi qu’une perte de 10 % sur l’année 2020 –, les niveaux d’aide pour ces deux régimes sont désormais quasiment alignés. Là encore, les pâtisseries-salons de thé pourront bénéficier d’un appui si elles font valoir qu’elles ont perdu plus de 50 % de chiffre d’affaires au cours du mois.
Vous pouvez compter sur la mobilisation totale du Gouvernement et d’Alain Griset, ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises, pour soutenir et accompagner l’ensemble des entreprises tout au long de cette crise.
Je vous remercie de cette réponse, madame la ministre. Il existe en effet un certain nombre d’éléments, mais il y a indéniablement des trous dans la raquette ; je vous demande d’entendre le cri de désespoir des salons de thé-pâtisseries.
La parole est à Mme Michelle Gréaume, auteure de la question n° 1584, transmise à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.
Madame la ministre, ma question concerne l’égalité d’accès aux emprunts bancaires pour les personnes en situation de handicap.
Si aucune disposition législative ne permet d’établir une distinction entre les personnes valides et celles qui présentent un handicap ou une invalidité pour l’accès aux prêts et aux crédits bancaires, nous savons que, dans les faits, la situation est tout autre. En tant qu’élue de terrain, je suis de plus en plus régulièrement interpellée à ce sujet, comme nombre de mes collègues.
Les exemples se multiplient, démontrant que, si le handicap ne peut constituer un motif de refus de crédit, en réalité, les personnes en situation de handicap, plus encore celles qui bénéficient de l’AAH (allocation aux adultes handicapés), ont toutes les peines du monde à obtenir des prêts. Les difficultés sont principalement de deux ordres.
Les banques ou organismes de crédit prêtent sur la base de l’examen des ressources et des revenus et ne considèrent pas l’AAH comme un revenu. Certains justifient même leur refus par l’interdiction qui leur est faite de prêter à quelqu’un d’insolvable. Or l’AAH étant, en principe, insaisissable, la personne qui la perçoit est considérée comme telle.
Lorsque les revenus ne sont pas un obstacle, c’est le questionnaire médical qui discrimine, par le biais de l’impossibilité de trouver une assurance emprunteur. La convention Aeras – s’assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé – peut constituer un substitut, mais pas au-delà de certains plafonds, et elle n’est pas entièrement satisfaisante. J’ai ainsi eu connaissance d’une situation dans laquelle les mensualités d’assurance proposées à une jeune femme en situation de handicap pour un prêt immobilier supérieur à 320 000 euros avaient été fixées à 1 500 euros par mois !
Ces difficultés conduisent bien souvent les personnes en situation de handicap à s’orienter vers des solutions spécifiques et à portée limitée – CAF, courtiers ou organismes spécialisés, prêts entre particuliers – ou, tout simplement, à renoncer au crédit.
Il s’agit d’une discrimination masquée qui ne dit pas son nom, mais qui est bien réelle. D’ailleurs, lorsque celle-ci peut être prouvée, les actions en justice donnent systématiquement raison aux personnes discriminées, sans que cela leur ouvre droit à un emprunt pour autant.
Le problème reste donc entier et doit nous conduire à examiner de nouvelles pistes et à mettre en œuvre de nouveaux moyens d’action afin de garantir une égalité réelle d’accès au crédit. Tel est l’objet de ma question.
Madame la sénatrice Gréaume, je tiens avant tout à vous assurer du plein engagement du Gouvernement pour assurer aux personnes en situation de handicap un accès équitable au crédit bancaire.
Toute discrimination des personnes en situation de handicap qui les priverait, sur le seul fondement de leur handicap, d’un accès au crédit bancaire serait inacceptable. Une telle discrimination est par ailleurs punie pénalement, et j’encourage toute personne qui en serait victime à déposer plainte.
Toutefois, au regard des remontées dont nous disposons et au-delà de quelques cas regrettables qui peuvent survenir et contre lesquels nous devons agir fermement, nous ne constatons pas de blocage généralisé pour l’accès au crédit bancaire des personnes en situation de handicap.
Par ailleurs, comme vous le rappelez, des mécanismes existent, tels que la convention Aeras – s’assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé –, qui permet aux publics concernés de bénéficier d’un examen spécifique de la demande d’assurance et d’un plafonnement des cotisations d’assurance emprunteur. Cette convention, qui permet de limiter la charge d’assurance et donc de faciliter l’accès au crédit, fonctionne de manière satisfaisante et a été renouvelée en 2020.
L’ensemble de ces dispositions a pour objectif d’assurer un meilleur accès au crédit pour les personnes avec un risque de santé aggravé.
Le Gouvernement continuera à suivre attentivement ce sujet.
Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre.
Depuis le début de la crise sanitaire, les conditions d’accès au crédit sont de plus en plus drastiques pour beaucoup de nos concitoyens. La situation est pire encore pour les personnes en situation de handicap, alors que nombre d’enquêtes montrent que celles-ci sont déjà particulièrement impactées par la situation économique et sociale. Il y a urgence à agir contre ceux qui n’autorisent pas les emprunts.
Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.
Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Laurence Rossignol.