Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons est d’un très grand intérêt pour notre transition énergétique. Elle porte sur une source d’énergie trop souvent ignorée et parfois même dépréciée : l’hydroélectricité.
C’est une source d’énergie ancienne, nos grands ouvrages hydrauliques ayant été mis en place dans les années 1920, puis complétés dans les années 1950.
Avec 25, 5 gigawatts de capacité installée de production, l’hydroélectricité constitue actuellement notre première source d’énergie renouvelable.
Contrairement aux autres énergies renouvelables, comme le solaire ou le photovoltaïque, l’hydroélectricité n’est pas intermittente, ce qui signifie que nos barrages sont capables de fournir une production d’électricité constante.
Mieux, tout comme les stations de transfert d’énergie par pompage (STEP), nos barrages constituent une solution de stockage de l’électricité. Ce sont de véritables batteries hydrauliques dont l’utilisation est mieux établie et moins onéreuse que d’autres formes de stockage, comme les batteries électrochimiques ou à hydrogène.
La production et le stockage hydrauliques sont donc cruciaux pour garantir notre approvisionnement en électricité et, plus largement, l’équilibre entre la production et la demande, ainsi que la flexibilité et la sécurité des réseaux.
À mesure que la transition énergétique progressera, rendant notre système électrique plus intermittent et donc plus vulnérable, l’hydroélectricité sera d’autant plus nécessaire.
Dans son analyse de l’équilibre offre-demande publiée il y a quelques semaines, Réseau de transport d’électricité (RTE) a placé la France en situation de vigilance particulière jusqu’en 2024. En effet, selon notre transporteur d’électricité, « nos marges de production sont faibles en raison d’une disponibilité dégradée du parc nucléaire et des retards accumulés sur les nouveaux moyens de production renouvelables ».
Dans ce contexte, la promotion de l’hydroélectricité n’est pas seulement nécessaire, elle est devenue urgente. Au-delà de son intérêt énergétique et climatique, l’hydroélectricité est source de bénéfices économiques, environnementaux et culturels.
Générateurs d’activités et d’emplois non délocalisables dans nos territoires ruraux, notamment de montagne, les ouvrages hydrauliques constituent un levier de développement économique et d’aménagement du territoire. Dès lors qu’ils sont bien conçus et bien gérés, ces ouvrages permettent la préservation de la biodiversité mais aussi d’autres usages de l’eau, tels que l’irrigation des terres agricoles ou la navigation marchande et récréative.
Enfin, les installations hydrauliques sont des ouvrages d’art qui participent de notre patrimoine industriel et de notre mémoire collective : il en va notamment ainsi de nos 500 moulins à eau.
En dépit de son intérêt, l’hydroélectricité est confrontée à de multiples freins : une faiblesse stratégique, une complexité normative et la pression fiscale. Les vingt personnalités que j’ai entendues au cours de mes dix auditions me l’ont bien rappelé. Preuve de ces difficultés, le parc hydraulique est demeuré stable depuis les années 1980, avec une production avoisinant les 25, 5 gigawatts.
Dans ce contexte, la proposition de loi, qui contient dix-neuf articles réunis en trois chapitres, prévoit de mobiliser plusieurs leviers : la consolidation du cadre stratégique en faveur de la production et du stockage de l’énergie hydraulique, la simplification des normes qui leur sont applicables et le renforcement des incitations fiscales en vigueur.
La commission des affaires économiques souscrit pleinement aux objectifs fixés par le texte : ils sont conformes à la vision développée par notre commission en matière de transition énergétique depuis la loi Énergie-climat, celle d’une transition énergétique ambitieuse fondée sur des objectifs de diversification de notre mix énergétique, crédibles car réalistes, et réalistes car gradués.
C’est la vision d’une transition énergétique concrète, à rebours de la facilité et, ajouterai-je, de la vacuité des grands discours.
Car cette transition ne se décrète pas : elle se construit pas à pas dans les territoires par des projets économiques, associatifs ou familiaux largement décentralisés nécessitant pour éclore un État stratège et des services déconcentrés facilitateurs. C’est une écologie de la quotidienneté, à taille humaine, ancrée dans nos ruralités, dont nous avons tant besoin.
Cette vision est celle d’une transition énergétique compétitive. Car, face à l’urgence climatique, l’économie et l’écologie ne peuvent plus être pensées de manière distincte ou, pis, opposée.
L’État doit donner aux acteurs de terrain les souplesses administratives et les incitations fiscales ou budgétaires nécessaires au verdissement de notre économie. Il doit se défier de tout risque de perte de pouvoir d’achat pour les ménages, de distorsion de concurrence pour les entreprises ou de report de charges sur les collectivités territoriales.
La transition énergétique en laquelle nous croyons, c’est en définitive celle des actions, des territoires, loin de tout dogmatisme, de tout centralisme.
La proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui répond tout à fait à cette vision. La commission a adopté dix amendements tendant à consolider le texte dans le sens voulu par l’auteur. Ces amendements ont complété les objectifs et les outils proposés. Afin de renforcer les incitations économiques, ils ont ajusté certaines procédures dans un souci de simplification normative et de sécurité juridique.
En premier lieu, la proposition de loi intègre pleinement l’hydroélectricité à notre cadre programmatique, en l’espèce : aux objectifs fixés par le code de l’énergie, à la PPE, à la loi quinquennale ou encore au rapport sur l’impact environnemental du budget.
La commission souscrit sans réserve à ces évolutions. Elle a voulu aller plus loin en consacrant pour la première fois un objectif législatif d’au moins 1, 5 gigawatt de capacité installée en matière de STEP.
Dans le même esprit, la commission a entendu compléter la PPE par l’identification des installations hydrauliques existantes, et le rapport précité par un bilan des contrats d’achat et des compléments de rémunération, pour répondre aux besoins exprimés par les professionnels.
En deuxième lieu, la proposition de loi simplifie certaines procédures applicables aux installations hydrauliques en facilitant les augmentations de puissance, en encadrant les prescriptions des règlements d’eau ou en appliquant le principe « silence gardé par l’État vaut décision d’acceptation ».
Dans un contexte très incertain pour le devenir de nos barrages, la proposition de loi conforte l’information et l’association des élus locaux via un abaissement du seuil de création de droit des comités de suivi des concessions et une obligation d’information sans délai sur toute évolution dans leur organisation.
Pour les porteurs de projets, la proposition de loi apporte deux innovations.
La première consiste en une expérimentation de plusieurs souplesses administratives en faveur de la petite hydroélectricité, à savoir un référent unique à l’échelle du département, un certificat de projet étendu aux dispositifs de soutien budgétaires et fiscaux, un rescrit, soit une réponse formelle de l’administration à une question de droit, une médiation en cas de difficulté entre les professionnels et l’administration.
La seconde innovation prévoit l’institution d’un portail national de l’hydroélectricité, sur le modèle du portail national de l’urbanisme, constituant le point d’accès unique et dématérialisé à tous les documents nécessaires.
La commission a accueilli favorablement ces évolutions qui contribuent à rénover notre législation. Pour autant, elle a souhaité inscrire directement dans la loi un cadrage des règlements d’eau plutôt que de renvoyer leur détermination à un arrêté, afin d’éviter toute rigidification ou complexification de ceux-ci. Dans le même ordre d’idées, elle a ciblé le champ et allongé le délai du principe « silence vaut acceptation », de manière à en renforcer la sécurité juridique et l’application pratique.
Soucieuse de répondre aux besoins des acteurs de terrain, la commission a proposé de compléter l’expérimentation en l’appliquant explicitement aux installations existantes, ainsi que le portail en y intégrant les éléments d’information collectés par le Gouvernement dans le cadre de l’exercice budgétaire.
De même, sur l’initiative de notre collègue Laurent Duplomb, la commission a facilité l’autorisation des activités hydroélectriques accessoires.
En dernier lieu, la proposition de loi encadre les redevances pour prise d’eau et occupation du domaine fluvial perçues par l’État en leur appliquant un plafonnement identique à celui qui est prévu pour les collectivités territoriales. Cette disposition a été adoptée sans modification.
Voilà, en substance, ce qui résulte de l’examen de la proposition de loi par notre commission.