Intervention de Bérangère Abba

Réunion du 13 avril 2021 à 14h30
Hydroélectricité transition énergétique et relance économique — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Bérangère Abba :

Nous avons un commun attachement à la continuité écologique et à la qualité des cours d’eau dans ce chemin vers la transition énergétique. Dans nos débats, il est encore trop souvent question – malheureusement – d’opposer ces enjeux environnementaux, qui freineraient le développement de l’hydroélectricité, et une politique de continuité écologique « destructrice » qui conduirait au démantèlement onéreux et contraint de nombreuses installations. Non, point de destruction d’ouvrages, notamment de moulins !

En responsabilité, nous ne devons pas laisser croire qu’il est question de détruire ce patrimoine. Il est simplement question d’aménagements pour restaurer des continuités écologiques, qui ne portent pas atteinte au bâti. Il est important de le redire.

Nous travaillons effectivement sur des enjeux prioritaires, ciblés, mais au cas par cas. Nous y reviendrons.

Un dialogue doit s’installer localement et prendre en compte les aspects environnementaux comme les apports au mix électrique éventuel de chaque projet, en fonction des contextes et des territoires.

Seuls 11 % des cours d’eau sont soumis à des obligations relatives au transport des sédiments et à la circulation des espèces. Cette continuité est évidemment un élément fondamental pour le bon fonctionnement des écosystèmes aquatiques. L’État a pris des engagements dans le cadre des directives européennes, qui se traduiront non par des transpositions, je le crains, mais simplement par une mise en œuvre opérationnelle de la conservation d’une bonne qualité des eaux et de la préservation de la biodiversité.

Aucun moulin, je le redis, n’a vocation à être détruit. Seuls les seuils doivent évoluer pour répondre à ces standards. Dans le cadre du plan pour la continuité, élaboré en concertation avec l’ensemble des partenaires – collectivités, associations de protection de la nature, propriétaires d’ouvrage –, nous avons mis en place en 2020 une stratégie de priorisation en inscrivant environ 1 600 seuils de moulin devant faire l’objet de projet d’aménagement ou d’effacement.

Depuis la loi du 24 février 2017, les moulins utilisés pour une activité de production hydraulique sont exemptés de cette obligation. Aussi, pour restaurer les continuités écologiques, nous disposons de plusieurs outils ou moyens : l’effacement des ouvrages, c’est-à-dire la suppression du seuil existant dans le cours d’eau, et non du bâtiment que constitue le moulin ; la mise en place de passes à poissons.

Grâce au génie écologique, d’autres solutions se dessinent. En 2019, les agences de l’eau ont participé à la restauration de 4 113 kilomètres de cours d’eau, ce qui représente tout de même environ cinq fois la longueur du Rhône. Dans le même temps, concernant la restauration de la continuité écologique, 353 ouvrages en liste 2 ont été aidés en 2019 pour les rendre franchissables. La création de ces passes à poissons représente environ les deux tiers des aides.

L’arasement de quelques ouvrages fortement dégradés ne menace en rien nos objectifs de développement des énergies renouvelables. Soyons clairs : il ne faut pas confondre l’apport épars de cette petite hydroélectricité au mix électrique et celui de projets plus ambitieux.

Les acteurs peuvent bénéficier d’aides importantes, en particulier des agences de l’eau, parfois des collectivités locales. Ces aides, cela a été dit, peuvent couvrir entre 30 et 80 % du coût des projets selon leur ambition et leur volume.

En 2020, ce sont 23 nouvelles centrales qui ont été autorisées en site vierge. Parmi celles-ci, 5 répondent à l’appel d’offres « petite hydro » pour un total de 19, 4 mégawatts, dont 10 mégawatts pour le seul appel d’offres. Cette légère baisse par rapport aux années précédentes s’explique sans doute par l’effet covid et les différents confinements que nous avons connus en 2020.

En outre, 50 augmentations de puissance sur des centrales existantes, des équipements d’ouvrages existants ou des remises en route de moulins ont été acceptées pour 11, 2 mégawatts, tandis que 143 remises en exploitation de moulins et de vieux droits sont en cours d’instruction.

Nous n’observons donc pas de blocage. Simplement, il convient d’analyser aussi finement que possible ces dossiers pour retrouver ces équilibres.

Cette politique de restauration de la continuité écologique donne d’ailleurs déjà des résultats probants puisqu’on observe une remontée rapide et forte de nombreuses espèces, en particulier le saumon dans l’Orne, la Touques et la Vire. De même, les rivières sont plus oxygénées. Les exemples sont nombreux.

Si tout n’est pas parfait, si nous devons effectivement entendre la nécessité d’expliquer les processus d’autorisation, qui sont complexes, d’améliorer l’identification des ouvrages – un sujet d’inquiétude pour les propriétaires –, ou encore les craintes d’ordre financier, il n’en reste pas moins que les dispositifs de soutien existants nous laissent entrevoir des solutions apaisées.

Des projets de nouvelles concessions hydroélectriques sur des installations de taille moyenne sont envisagés par le ministère pour exploiter ou réexploiter des potentiels existants.

Avec la filière, nous travaillons également à compléter les aides aux projets avec un dispositif de soutien à la rénovation d’équipements entre 1 et 4, 5 mégawatts. Celui-ci sera prochainement notifié à la Commission européenne pour approbation au titre des aides d’État.

Enfin, le Gouvernement a proposé à l’Assemblée nationale, qui l’a adopté à une très large majorité, un amendement au projet de loi Climat et résilience tendant à permettre à l’autorité administrative de lancer des appels d’offres pour rémunérer des capacités de stockage d’électricité, s’il en est besoin au regard des objectifs fixés dans la PPE.

La loi de programmation Énergie-climat, prévue pour 2023, permettra d’aborder la question des moyens de flexibilité qui sont nécessaires à moyen et long termes dans notre futur mix électrique. Le stockage en fera partie. Nous créons ainsi un cadre pour soutenir l’émergence de nouvelles installations de stockage, dont les stations de pompage hydroélectriques.

Il importe également de continuer à chercher un équilibre entre le développement de projets d’hydroélectricité, d’une part, et la préservation et la restauration des environnements naturels, d’autre part.

Il faut faciliter le dialogue autour de ces enjeux, créer ces espaces d’échanges pour mieux construire, pour mieux se comprendre. C’est tout l’objet, à l’article 23 du projet de loi Climat et résilience, de ces communautés énergétiques citoyennes.

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