Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous ne pouvons qu’approuver l’objectif de cette proposition de loi : renforcer la place de l’hydroélectricité dans le mix énergétique français.
L’hydroélectricité constitue un levier important de notre transition énergétique ; nous sommes toutes et tous d’accord sur ce point. Si nous voulons atteindre l’objectif de réduction d’au moins 55 % de nos émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, tout en réduisant la part du nucléaire, nous devons nous en donner les moyens.
À ce titre, l’hydroélectricité fait partie des énergies renouvelables (EnR) qui présentent un certain nombre d’atouts : elle figure déjà parmi les sources d’énergie les plus décarbonées.
L’hydroélectricité est la source d’énergie la moins consommatrice de matières premières. Elle constitue ainsi une source d’énergie modulable et stockable, contribuant à sécuriser notre approvisionnement électrique.
Pour ce qui concerne la petite hydroélectricité, sur laquelle cette proposition de loi se concentre essentiellement, l’installation de nouvelles petites unités peut effectivement se révéler judicieuse. Toutefois, il faut analyser ces projets au cas par cas afin d’identifier la solution adaptée à chaque situation, en lien avec les élus locaux, l’autorité administrative et les acteurs concernés. C’est ainsi que l’on trouvera un équilibre entre les différents enjeux : développement de l’hydroélectricité, protection de ce patrimoine que constituent les moulins, préservation des ressources halieutiques et, bien sûr, respect de la biodiversité et de la qualité des eaux.
Cet équilibre est parfois exigeant et nous estimons que la ligne adoptée par la commission du développement durable au sujet de l’article 5 ne le garantit aucunement.
Cet article renforce la dérogation aux règles de continuité écologique pour les moulins. En outre, en vertu d’un amendement de Mme la rapporteure, il exclut la possibilité de supprimer des moulins à eau en application des obligations de restauration de la continuité écologique dans les cours d’eau classés en liste 2.
L’article 5 laisse finalement la possibilité d’installer des turbines un peu partout sans aucune étude d’impact : il va donc totalement à l’encontre du droit de l’environnement et constitue une régression grave pour la protection de la biodiversité. C’est pourquoi nous défendrons un amendement tendant à le supprimer. Il s’agit, pour nous, du principal point d’achoppement de ce texte, les conséquences de cet article étant potentiellement dangereuses.
D’autres dispositions lèvent un certain nombre de contraintes fiscales et administratives. Nous serons ouverts à certains assouplissements, mais soucieux de ne pas tomber dans une déréglementation excessive.
Nous défendrons des amendements visant à conditionner les objectifs de développement de l’hydroélectricité à des impératifs territoriaux et de maintien de la biodiversité. Nous proposerons également d’évaluer l’efficacité de toutes les dispositions fiscales de ce texte au regard de l’objectif, louable, de développement de l’hydroélectricité et de la protection de l’environnement.
Rappelons-le : la petite hydroélectricité représente 2, 2 gigawatts de capacité installée en production sur le total de 25 gigawatts que représente, dans son ensemble, le parc hydroélectrique français. C’est pourquoi, pour tous les sujets urgents de l’énergie, notamment la réussite de la transition écologique, la petite hydroélectricité n’est pas négligeable ; mais le cœur du débat n’est pas là.
En la matière, la problématique majeure est plutôt la mise en concurrence de la gestion de 150 barrages hydroélectriques dont la concession d’EDF arrive à terme.
Cette obligation de mise en concurrence, qui découle de la loi Sapin de 1993, est lourde de conséquences. Sans surprise, elle sera tout à fait délétère pour la maintenance des installations et la gestion de l’eau. En effet, les barrages stockent 75 % des réserves de surface d’eau douce du pays.
À rebours de cette politique nocive de privatisation, nous défendons la création d’un établissement public de l’hydroélectricité, le renforcement des liens avec les services de l’État pour un meilleur accompagnement des porteurs de projet et une politique de planification, notamment pour l’entretien des barrages et la maintenance des installations.
Il est indispensable d’investir massivement dans de nouvelles stations de transfert d’énergie par pompage, ainsi que dans leur puissance ajoutée lors des rénovations. Ces STEP restent le moyen le moins cher et le moins polluant de stocker de l’énergie. Elles permettent de reconstituer rapidement des réserves à grande échelle pour faire face à un pic de demande.
Enfin, avant de construire des unités supplémentaires, il est nécessaire de privilégier la rénovation des sites existants, avec un pilotage 100 % public. Seule une gestion publique de ces infrastructures peut satisfaire l’intérêt général dans un contexte de raréfaction de l’eau, ce précieux bien commun.
Mes chers collègues, la continuité écologique n’empêche pas un développement complémentaire de la petite hydroélectricité. Mais nous considérons que tout seuil, aménagé ou non, doit démontrer qu’il ne menace pas la continuité écologique : c’est un impératif environnemental auquel nous ne pouvons déroger en 2021.
C’est pourquoi les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires opteront, au sujet de ce texte, pour une abstention vigilante, avec les fortes réserves que ce choix induit !