Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, tout d’abord, je tiens à remercier les auteurs de cette proposition de loi, qui nous permettent aujourd’hui d’aborder la thématique de l’hydroélectricité et de sa place au cœur de la transition énergétique. Je salue tout particulièrement le travail de notre collègue Daniel Gremillet, qui a construit le présent texte après avoir mené de nombreuses auditions.
L’hydroélectricité, dont nous allons parler longuement, s’inscrit dans une perspective historique indéniable. En effet, les moulins à eau de nos territoires, utilisés pour la production alimentaire et la métallurgie depuis de nombreux siècles, servent également à la production d’électricité depuis le XIXe siècle.
L’hydroélectricité fut au cœur des grandes lois relatives à l’énergie, dont la loi de 1946 sur la nationalisation de l’électricité et du gaz, qui ont permis à notre pays de se reconstruire après des périodes sombres de notre histoire.
Aujourd’hui, la France est le deuxième producteur européen d’hydroélectricité, laquelle représente 13 % de notre production d’électricité totale. Ainsi, elle constitue notre première source d’énergie renouvelable.
Forte de 2 500 installations, la capacité installée de la production hydraulique s’élève à 25, 5 gigawatts, dont 2, 2 pour la petite hydroélectricité.
Enfin, avant d’aborder concrètement cette proposition de loi, il est nécessaire de rappeler que les émissions de CO2 dégagées par l’énergie hydraulique sont très limitées. Cette dernière a donc toute sa place dans une stratégie de décarbonation de notre bouquet énergétique.
De plus, par la variété de leurs usages et leur importance dans l’aménagement de nos territoires ruraux, les concessions hydroélectriques méritent d’être pleinement intégrées à la politique énergétique de notre pays.
Au cours des dernières années, la législation encadrant ces structures a été modifiée à de multiples reprises. En effet, de nombreuses dispositions ont été prises pour assouplir certaines normes et règles – je pense notamment à l’autorisation environnementale et à la continuité écologique. Il serait bon de ne pas oublier ces progrès lors de l’examen du présent texte.
De même, au sein des installations hydroélectriques, ne perdons pas de vue la distinction entre les grands barrages et la petite hydroélectricité, qui compte 2 270 installations à travers le pays. Les besoins et les enjeux ne sont logiquement et évidemment pas les mêmes.
Cette proposition de loi tend à inscrire l’hydroélectricité au cœur de la transition énergétique et de la relance économique en levant les trois principaux freins persistants à l’essor de l’hydroélectricité, tels que les ont identifiés les auteurs du présent texte : la faiblesse de son cadre stratégique, la complexité normative et administrative, et la trop forte pression fiscale.
Au sein du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, nous n’établissons pas le même constat et ne nous retrouvons pas dans cette grille de lecture d’inspiration libérale. Toutefois, nous rejoignons les auteurs de cette proposition de loi sur deux points principaux.
Premièrement, il est certain que l’hydroélectricité doit être davantage prise en compte dans notre politique énergétique, que ce soit dans la PPE, dans la loi quinquennale ou dans le code de l’énergie.
Deuxièmement, une meilleure information et association des élus locaux et des parlementaires est indispensable pour favoriser le développement des installations hydroélectriques et la définition d’objectifs ambitieux pour cette énergie.
Les maires et présidents d’EPCI doivent être, dès le stade de la conception et pour chaque modification, associés aux projets d’installations hydroélectriques et à leur mise en œuvre. J’ai déposé un amendement en ce sens, afin que les élus soient associés le plus en amont possible à chaque décision envisagée concernant l’organisation d’une concession hydraulique.
Toutefois, les différentes mesures présentées aux chapitres II et III nous imposent une vision bien moins nuancée : le développement économique de l’hydroélectricité serait bridé par des normes et des contraintes abusives imposées par l’État.
Alors que des améliorations concrètes ont été apportées ces dernières années, nous devons nous interroger sur cette volonté d’aller beaucoup plus loin dans la simplification administrative et normative.
En effet, les règles et normes imposées aux acteurs de ce secteur n’obéissent pas à une simple logique productiviste. Je pense, par exemple, aux contraintes de la continuité écologique des cours d’eau, ou encore aux dispositifs de sûreté et de sécurité pour les plus gros barrages.
Parce que les installations hydroélectriques interagissent directement avec notre espace naturel, il est logique de définir un cadre assorti d’objectifs environnementaux adaptés.
Cette proposition de loi fait l’impasse sur les multiples usages de l’eau que sont la consommation d’eau potable, l’irrigation, la navigation et le tourisme. Elle se focalise sur la seule production d’électricité. Nous devons avoir une vision plus large, en considérant l’eau comme un bien commun que l’on ne peut pas privatiser.
De plus, la présente proposition de loi met en place de nombreuses exonérations fiscales, qui se traduiront par un abaissement des recettes pour les budgets de l’État et des collectivités territoriales.
L’absence d’étude d’impact, induite par une proposition de loi, ne nous rassure pas sur les effets de telles mesures financières. Combien vont coûter concrètement ces exonérations ? Quels seront les préjudices pour l’État et les collectivités territoriales ?
Le contexte actuel du secteur de l’énergie, particulièrement animé et bouleversé, doit également être pris en compte pour permettre un réel essor de l’hydroélectricité. En effet, les grands groupes énergétiques français, majoritairement publics, sont en train d’être progressivement démantelés et privatisés.
L’État se défausse de cartes dont il aurait bien besoin, tant le soutien et la mobilisation de ces groupes est indispensable pour réussir notre transition énergétique et lutter contre les changements climatiques.
S’opposer à la cession des parts que l’État détient encore dans Engie, qui possède de nombreuses concessions à travers la Compagnie nationale du Rhône, la CNR, c’est prendre en compte les enjeux autour des multiples usages de l’eau, qui doivent appeler à une maîtrise publique.
S’opposer au démantèlement d’EDF et à la privatisation de sa future entité consacrée aux énergies renouvelables, prévue dans le projet Hercule, c’est se mobiliser concrètement pour inscrire l’hydroélectricité au cœur de notre transition énergétique.
Aussi, mes chers collègues, il faut aller plus loin, pour renforcer encore le droit à l’information et l’association des élus locaux et des parlementaires face à l’opacité des discussions qui ont lieu actuellement entre le Gouvernement et la Commission européenne. Nous en reparlerons certainement.
Toutefois, et comme le souligne l’auteur de la proposition de loi, de nombreuses dispositions ont déjà été prises ces dernières années pour assouplir certaines normes et règles, que ce soit en matière de continuité écologique, de simplification des procédures pour l’autorisation environnementale ou encore l’octroi de dérogations possibles aux objectifs de qualité et quantité des eaux fixés par les Sdage. Et en matière fiscale, le secteur a, là aussi, bénéficié d’allégements significatifs, comme l’exonération de la TFPB.
Faut-il aller encore plus loin ? Nous ne le pensons pas. Mais nous tenons à souligner les avancées de cette proposition de loi, ainsi que l’opportunité de débattre de l’hydroélectricité.
Pour cette raison, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s’abstiendra de manière positive et constructive lors du vote de la proposition de loi.