Intervention de Jean Bacci

Réunion du 13 avril 2021 à 14h30
Hydroélectricité transition énergétique et relance économique — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Jean BacciJean Bacci :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la crise sanitaire inédite que nous vivons au quotidien nous rappelle que la souveraineté nationale n’est pas un vain mot, mais qu’elle est l’apanage des grandes nations. Alimentation, filières industrielles et pharmaceutiques… la covid nous a obligés à prendre conscience de nos failles, et le réveil est brutal.

Cette souveraineté passe aussi par l’indépendance énergétique.

Le président Macron s’est finalement décidé, à la fin 2020, à définir une ligne nette sur le nucléaire, qui est l’« avenir énergétique et écologique » de la France et la « pierre angulaire de notre autonomie stratégique ». Or nous savons, pour en avoir maintes fois débattu dans cet hémicycle, que la France risque à court terme le blackout énergétique, faute d’une puissance nucléaire suffisante.

Pour avoir une chance de l’éviter, nous devons renforcer les autres filières, essentiellement celles des énergies renouvelables, pour respecter les accords de Paris.

La France a des atouts dans le déploiement de l’hydroélectricité. Deuxième producteur européen, dixième mondial, notre pays produit plus de 10 % de son électricité totale via l’hydraulique. C’est d’ores et déjà une source d’énergie de premier plan, mais la marge de progression est grande, et ce même à court terme.

La proposition de loi de notre collègue Daniel Gremillet, une fois votée, permettra de lever les verrous majeurs en matière de complexité normative et administrative, de pression fiscale, mais surtout d’absence de lisibilité stratégique.

Je regrette par exemple que, dans le plan de relance, très peu soit fait pour l’hydraulique. Sur 110 milliards d’euros, 11 milliards sont destinés à l’énergie, 36 milliards sont consacrés à l’écologie et seulement 35 millions d’euros sont fléchés vers l’hydroélectricité, et ce pour une seule mission : adapter nos barrages. Avouez que 0, 32 % du plan de relance pour un secteur aussi stratégique, c’est plus que léger !

Il est temps de faire preuve de pragmatisme et d’audace et de lever les obstacles, notamment la multiplicité des acteurs décisionnaires ayant des doctrines différentes.

À l’échelon national, au sein du ministère de la transition écologique, ce sont deux directions différentes qui traitent les dossiers d’installations hydroélectriques.

À l’échelon territorial, la répartition des missions se complexifie encore : DDT, Dreal, OFB, architectes des bâtiments de France (ABF), services des impôts des entreprises (SIE), sans parler des collectivités, des partenaires réseaux EDF et Enedis… Avoir autant d’interlocuteurs crée, de fait, une inégalité territoriale.

Une réglementation stable s’impose. Ce peut être un référent unique placé auprès du préfet, la mise à disposition d’un certificat de projet ou encore l’établissement d’un rescrit arrêtant la position formelle de l’administration.

Par ailleurs, la présente proposition de loi prend aussi en compte la promotion des moulins à eau. Ces derniers façonnent nos paysages et appartiennent à notre patrimoine culturel. Outre la préservation de la ressource, l’amortissement des crues, la préservation de milieux aquatiques ou la dénitrification des eaux, ils représentent le plus important potentiel de petite hydroélectricité, équivalent à la consommation électrique annuelle d’un million de foyers hors chauffage.

Il faut que les propriétaires de ces moulins soient accompagnés par l’État dans la mise en conformité avec les règles de préservation de la biodiversité et de restauration de la continuité écologique. Car, outre le bénéfice en énergie, c’est le bénéfice environnemental qui est en jeu. Les études menées ces dernières années dans plusieurs cours d’eau montrent en effet un lien entre la destruction des moulins à eau et la baisse des poissons migrateurs.

Enfin, le déploiement de l’hydroélectricité nécessite d’optimiser les installations et les ressources existantes en utilisant la recherche et l’innovation.

L’éolien et le solaire produisent de l’électricité en fonction de facteurs indépendants et aléatoires que sont le vent et l’ensoleillement. Le stockage de cette énergie étant encore loin d’être optimal, je milite pour une utilisation raisonnée de cette électricité. Dans des périodes creuses, elle ne doit pas être totalement réinjectée dans le réseau de distribution ; elle doit aller en partie vers les installations de barrage pour permettre l’inversion des turbines.

En constituant ainsi mécaniquement des réserves, la production d’une électricité décarbonée se fera au moment voulu par un lâcher d’eau. Techniquement, cette synergie est exploitable. Le centre du Commissariat à l’énergie atomique (CEA) de Cadarache est d’ailleurs en train de modéliser le schéma.

Toute la complexité est, une fois encore, normative et administrative, car on multiplie les opérateurs de production, de distribution, les prix d’achat d’électricité.

La CRE doit prendre ce dossier à bras-le-corps, mettre autour de la table les acteurs et favoriser les synergies. J’appelle de mes vœux cette prochaine étape, une fois que la proposition de loi sera votée.

La France a un potentiel majeur de production d’hydroélectricité. Nous devons faire sauter tous les verrous. Mes chers collègues, cette proposition de loi ouvre le champ des possibles !

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