Notre délégation s'intéresse particulièrement à la question de l'inflation normative depuis sept ans maintenant, à la demande du président Larcher, et nous échangeons régulièrement avec Alain Lambert. Se posent à la fois une question de stock - certes, il faudra des dizaines d'années pour le résorber convenablement... - et une question de flux - sur ce sujet, nous devons travailler au quotidien.
Il est clair que les responsabilités de cette inflation sont partagées entre le législateur et la haute administration et que deux éléments s'ajoutent à la difficulté : un phénomène de société et l'application du principe de précaution.
Parmi les indicateurs de suivi de l'action normative présentés par le SGG, il en est un qui porte sur le nombre total de circulaires mises en ligne par année. Or, ce nombre serait passé de 1809 en 2012 à 151 en 2020. L'image d'une réussite exceptionnelle se dessine... Est-ce une véritable baisse ou y a-t-il un biais statistique ? Est-ce que certaines normes ne se seraient pas déportées sur d'autres supports ? Ce moindre nombre s'explique-t-il par une plus grande longueur pour les circulaires restantes ? Comment justifier un nombre dix fois plus élevé auparavant ? Qu'est-ce qui a permis cette chute ?
De manière plus générale, nos voisins ont produit de considérables efforts pour encadrer la production normative. Nous avons notamment examiné les cas allemand et britannique. Globalement, l'exemple des pays européens montre que l'organe central de simplification comporte souvent un secrétariat de haut niveau et étoffé. C'est le cas du Normenkontrollrat allemand, dont le secrétariat compte seize hauts fonctionnaires qui lui sont exclusivement attachés. En comparaison, notre Conseil national d'évaluation des normes (CNEN), quelle que soit la qualité de son président et de ses membres, fait pâle figure avec des personnels très réduits et relevant en fait de l'une des administrations les plus pourvoyeuses de textes, la direction générale des collectivités locales (DGCL).
J'estime que la situation française est loin d'être satisfaisante et qu'il nous faut un CNEN avec de véritables moyens et disposant d'une autonomie vis-à-vis de l'administration. Le minimum à mes yeux serait qu'il soit rattaché au Parlement, tout spécialement au Sénat en tant que chambre représentant, selon la Constitution, les collectivités territoriales. L'idéal serait qu'il constitue ainsi le noyau d'une huitième commission spécialement chargée de l'évaluation des lois et des normes, voire des études d'impact.
Toujours sur les normes applicables aux collectivités territoriales, je voudrais savoir si vous imaginez des progrès pour mieux associer les destinataires de la norme, c'est-à-dire les collectivités, en ce qui concerne la mise en oeuvre des politiques publiques partagées ou transférées. Très souvent, les administrations centrales continuent de réglementer comme au temps de la tutelle et du pouvoir hiérarchique. Il faut donc inventer un mode coopératif et partenarial sur ce sujet. Il faudrait que le CNEN puisse, notamment pour le domaine réglementaire, obliger à une plus grande traçabilité du débat, afin de connaître les motifs de refus opposés à des aménagements proposés. Je note qu'en février 2020 le président du Sénat avait souhaité, devant le Conseil d'État, que des avancées soient réalisées en la matière.
Sur un sujet qui me tient à coeur, les surtranspositions des textes européens, la circulaire du Premier ministre du 26 juillet 2017 relative à la maîtrise du flux des textes réglementaires avait annoncé le lancement d'une mission d'inspection chargée de faire l'inventaire des surtranspositions. Une fois identifiées, ces surtranspositions devaient faire l'objet d'un « réalignement ». C'était l'objet du projet de loi portant suppression de surtranspositions de directives européennes en droit français déposé au Sénat le 3 octobre 2018 et adopté par lui le 7 novembre 2018. Malheureusement, ce texte n'a jamais été examiné par l'Assemblée nationale. En connaissez-vous les raisons ? Quelles sont les perspectives en la matière ?
Sur la culture de la simplification, le Conseil d'État avait proposé en 2016 la constitution d'un réseau interministériel d'appui à la simplification, dont le SGG serait le chef de file, qui s'inscrivait dans l'idée de professionnaliser les acteurs de la simplification et de la qualité du droit. Qu'en est-il ? A-t-il été créé ? Si c'est le cas, avec quel impact ?
Enfin, ne pensez-vous pas que la politique de simplification gagnerait à être plus transparente et présentée de manière plus large aux acteurs de la société ? Je voudrais prendre exemple sur l'Agence de simplification administrative belge qui non seulement est l'acteur central clairement identifié de la simplification dans tous ses aspects, mais, surtout, publie ses référentiels d'évaluation, ses méthodes d'évaluations et ses analyses.