Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, avec cette proposition de loi, vous nous donnez l’occasion de débattre d’un sujet qui est au cœur des préoccupations de tous les territoires, particulièrement les territoires ruraux.
Nous sommes, toutes et tous, particulièrement attachés à dynamiser et développer nos territoires – pour avoir été maire pendant vingt-sept ans, je peux en témoigner.
Les élus locaux ne ménagent pas leurs efforts pour que leurs villes et leurs centres-bourgs soient attractifs. La qualité du cadre de vie est un facteur essentiel de succès et d’attractivité. Cet engagement est, au fond, l’une des premières marques d’attachement à notre patrimoine et à ses habitants.
Or chacun d’entre nous a en tête, dans son cœur de ville et de village, un bien abandonné – souvent plusieurs, d’ailleurs – qui se dégrade. Ce sont des verrues – il n’y a pas d’autres mots –, qui peuvent parfois mettre en péril tous nos efforts pour rénover un centre-ville. Je tiens à préciser que ces phénomènes ne se situent pas que dans les centralités.
L’entretien de ces biens et, le cas échéant, leur récupération pour conduire les opérations de réaménagement constituent souvent un facteur clé d’une stratégie de redynamisation des centres-villes et des centres-bourgs. Le dispositif relatif aux biens en état d’abandon manifeste du code de l’urbanisme le permet, bien souvent avec succès.
Pour autant, le nombre important de biens qui semblent abandonnés doit nous interpeller sur ce dispositif pour l’améliorer. Il s’agit d’un sujet d’actualité, alors que l’Assemblée nationale examine en ce moment même le titre IV du projet de loi dit climat et résilience, dédié à l’artificialisation des sols.
En effet, nous devons freiner l’étalement urbain, dont nous mesurons chaque jour les conséquences non seulement écologiques, avec la disparition des terres, lesquelles stockent tout de même 10 % de nos gaz à effet de serre, et la perte de biodiversité, mais aussi économiques et sociales du fait de l’éloignement de l’habitat des lieux d’activités et de services et de l’autosolisme contraint, de plus en plus coûteux pour beaucoup de nos concitoyens, généralement les plus modestes. Ce phénomène n’est pas pour rien dans la dévitalisation de nos centres-villes et centres-bourgs.
Nous ne pouvons y parvenir qu’en modifiant durablement la manière dont nous aménageons le territoire, ce qui nécessite d’intervenir sur deux sujets essentiels. Recycler les zones déjà urbanisées doit devenir plus facile que de faire de l’étalement urbain. C’est l’un des objets de cette proposition de loi qui vise à faciliter la récupération des biens en état d’abandon manifeste. Il nous faut aussi rendre nos zones urbaines désirables, agréables à vivre. C’est indispensable, car habiter en périphérie des villes – à proximité, mais pas trop près quand même –, est une préférence partagée par la majorité des Français. Nous ne réussirons qu’en donnant des perspectives positives sur nos zones urbaines et rurales. C’est aussi l’objet de ce texte, qui tend à traiter la question des verrues qui défigurent nos villes et nos villages.
Le Gouvernement est mobilisé depuis quatre ans dans l’objectif de revitaliser nos territoires, nos petites villes et nos villes moyennes. Il s’agissait d’ailleurs de l’un des principaux engagements de Jacques Mézard, qui avait donné le coup d’envoi avec Action cœur de ville : 222 villes, 5 milliards d’euros et de nombreux outils pour redynamiser et rénover en profondeur nos centres-villes. Les résultats sont là : plus de 2 milliards d’euros déjà engagés et près de 50 000 logements rénovés. Que Jacques Mézard soit l’auteur de cette proposition de loi n’aura donc surpris personne !
Nous poursuivons cet effort avec Jacqueline Gourault et, grâce à l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), à travers le programme Petites villes de demain que nous avons lancé en octobre dernier à Barentin, près de 1 624 centralités vont être accompagnées, dont près de la moitié compte moins de 3 500 habitants.
En parallèle, nous accompagnons la redynamisation économique grâce au programme Territoires d’industrie et aux sites clés en main pour faciliter la réinstallation d’entreprises sur des friches urbaines.
Nous accompagnons également la transition numérique grâce au plan France Très haut débit, qui permettra de couvrir l’ensemble du territoire dès l’année prochaine.
Enfin, nous remettons des services publics, grâce à France Services. Il nous faut en effet mobiliser tous les leviers pour que la redynamisation des territoires, qui profite en ce moment d’une dynamique favorable du fait de la crise sanitaire, soit véritablement une tendance de long terme.
Le projet de loi dit 4D, qui sera présenté ici même au mois de juillet prochain, entend poursuivre cet effort. Nous allons notamment favoriser l’accès au dispositif clé pour l’attractivité des territoires : l’opération de revitalisation des territoires (ORT).
Nous avons également prévu de traiter la question des biens abandonnés en réformant la procédure des biens sans maître : ces derniers pourront être récupérés sous dix ans et non plus trente, comme le prévoit le droit actuel.
Nous entendons aussi moderniser les procédures liées aux biens en état d’abandon manifeste. Le texte issu des travaux de la commission est d’ailleurs très proche de celui que nous envisageons. À ce titre, j’y suis favorable : cette procédure doit pouvoir être mobilisée pour constituer des réserves foncières – c’est un préalable pour conduire les opérations de réaménagement de nos centres-villes et centres-bourgs. Elle doit aussi pouvoir s’appliquer sur l’ensemble de la commune – si de nombreux biens sont en centre-ville, il en existe aussi en périphérie. Tous les biens « récupérables » doivent pouvoir faire l’objet de cette procédure, où qu’ils se trouvent : leur recyclage ou leur rénovation permettra d’éviter autant de constructions sur nos terres agricoles.
Toutefois, certains points nécessitent encore des clarifications, notamment pour mettre en œuvre le droit de préemption urbain. C’est d’ailleurs le sens de l’amendement technique que vous avez déposé, monsieur le rapporteur, et auquel je suis favorable. Le Gouvernement soutiendra, sans réserve, l’adoption du texte ainsi complété.