Intervention de Guy Benarroche

Réunion du 14 avril 2021 à 21h30
Expropriation de biens en état d'abandon manifeste — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Guy BenarrocheGuy Benarroche :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme cela a été dit, la procédure d’expropriation des biens en état d’abandon manifeste, prévue au sein du code général des collectivités territoriales, permet à la commune, à l’intercommunalité ou au conseil départemental de se saisir, sous réserve de l’inaction du propriétaire trois mois après mise en demeure, des biens qui ne sont manifestement plus entretenus.

La proposition de loi que nous étudions aujourd’hui cherche à étendre cette possibilité au périmètre global de la commune et à la simplifier, notamment au profit des EPCI.

Dans son article unique, le texte prévoit d’élargir la procédure d’expropriation des biens aux parcelles situées à l’extérieur du périmètre d’agglomération, ce qui nous semble positif pour nos communes. À l’instar du texte précédent, également présenté par nos collègues du groupe du RDSE, nous pensons qu’il s’agit ici de répondre à un problème concret qu’il faut s’efforcer de résoudre.

Toutefois, nous devons lancer une alerte.

Le droit limite les finalités d’utilisation des biens saisis par les collectivités soit aux opérations de reconstruction ou de réhabilitation aux fins d’habitat, soit à toute opération d’intérêt collectif relevant de la restauration, de l’aménagement ou de la rénovation.

Or la proposition de loi supprime cette limitation, notamment afin de faciliter les projets engagés pour la valorisation économique des territoires, en l’assortissant d’une procédure de droit commun régie par le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique dans tous ses cas de figure, comme la création d’espaces publics, la valorisation d’activités économiques ou la construction d’équipements collectifs.

Alors que l’Assemblée nationale débat d’une grande loi dite climat et résilience – elle est tout du moins annoncée comme telle –, cette réécriture de la loi ne permettrait-elle pas de faciliter l’expropriation de terrains en friche qui pourraient avoir une destination agricole ?

La procédure actuelle prend tout son sens au niveau de l’habitat. Mais demain, ne pourrions-nous pas craindre qu’une municipalité décide de procéder à l’expropriation d’une friche agricole au pourtour de son agglomération, peut-être pour y construire légitimement des logements, mais peut-être aussi pour y implanter des entrepôts ?

L’arrêt de l’artificialisation des sols, voire la désartificialisation, est un levier majeur de la lutte contre le réchauffement climatique. Il peut apparaître mal venu de multiplier les opportunités de faire reculer les zones agricoles.

Mes chers collègues, permettez-moi une réflexion. Vous défendez habituellement si ardemment, dans cet hémicycle, le droit de propriété, que nous devrions rester tout aussi prudents dans cette possibilité d’y déroger. Et ce d’autant plus que l’acte du procès-verbal d’abandon provisoire est réputé notifié par la publicité locale en mairie et dans les journaux, si la personne en cause ou son adresse n’est pas connue.

Je note que ce droit de propriété semble paraître beaucoup plus important à certains, lorsqu’il les incite à s’opposer à la réquisition de biens vides non occupés pour pourvoir à la pénurie de logements que lorsqu’il s’agit de la valorisation d’activités économiques.

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