Environ 165 milliards d’euros : telle est l’estimation retenue par le gouverneur de la Banque de France de la somme qui serait finalement épargnée par les ménages entre le printemps 2020 et la fin de l’année 2021. D’épargne forcée au sortir du premier confinement de mars 2020, elle est devenue épargne de précaution sanctuarisée dans l’incertitude de 2021. Drainée vers l’investissement productif, elle offre une formidable possibilité de relance.
La capter en intéressant les épargnants par la création de livrets attractifs, puis la mobiliser via la création de fonds souverains régionaux comme le propose notre collègue permettrait d’aller plus loin dans la capacité d’investissement des collectivités locales tout en faisant des Français des acteurs directement associés à l’effort de relance. Autrement dit, ce serait une stratégie « gagnant-gagnant ».
Le groupe Union Centriste partage évidemment les objectifs et l’intention parfaitement louables affichés par notre collègue du groupe Les Indépendants – République et Territoires. Malheureusement, comme l’a rappelé Philippe Dallier dans son rapport, le dispositif tel qu’il est proposé ne conduit pas à créer, au sens où on l’entend habituellement, de véritables fonds souverains régionaux chargés de mobiliser l’épargne en direction du tissu économique local.
Par ailleurs, d’importantes difficultés pratiques ont été mises en évidence par la commission des finances. Compte tenu des conditions de rémunération du nouveau produit d’épargne proposé, les régions se trouveraient exposées à des taux d’emprunt supérieurs à ceux qui leur sont proposés par le marché, ce qui, hélas, réduit considérablement l’intérêt du mécanisme tel qu’il a été conçu.
Une piste d’amélioration fort justement relevée par notre rapporteur serait de constituer d’authentiques fonds souverains régionaux qui permettraient localement aux collectivités d’octroyer des prêts ou de prendre des participations au capital des entreprises. Cela permettrait de financer l’investissement de manière plus pertinente que ce que permettent déjà aujourd’hui plusieurs types de fonds d’investissement régionaux existants. L’obstacle principal à la faisabilité de ce dispositif, outre sa recevabilité financière par voie d’amendement, serait alors la dotation en fonds propres, nécessaire pour que ces fonds d’investissement puissent assumer leurs missions. Mais encore une fois, le ticket d’entrée s’avérerait trop élevé pour bon nombre de collectivités.
Sur ce point, notre collègue Michel Canevet, dont je tiens à saluer la constante sagacité, avait développé, dans trois amendements déclarés irrecevables, une réflexion visant à accroître les ressources potentielles de ces fonds au moyen du mécénat. L’idée mérite réflexion.
Quoi qu’il en soit, les membres du groupe Union Centriste se réjouissent aujourd’hui d’avoir l’occasion de débattre d’un dispositif, qui, bien que non abouti, soulève des réflexions qui méritent de retenir toute notre attention. Le lien entre placement financier, besoin conjoncturel de financement des collectivités et utilisation locale de la ressource doit pouvoir, sur le fond, recueillir l’assentiment de notre Haute Assemblée.
En conclusion, le groupe Union Centriste s’abstiendra sur cette proposition de loi, mais il s’agit d’une abstention bienveillante qui appelle notre collègue à faire preuve de persévérance et le Sénat à retravailler collectivement à un nouveau texte résolument opérationnel.