Séance en hémicycle du 15 avril 2021 à 10h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • RSA
  • allocataire
  • bénéficiaire
  • d’épargne
  • expérimentation
  • livret
  • l’emploi
  • l’épargne
  • souverain

La séance

Source

La séance est ouverte à dix heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Mes chers collègues, j’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Michel Berson, qui fut sénateur de l’Essonne de 2011 à 2017.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Les Indépendants – République et Territoires, la discussion de la proposition de loi visant à orienter l’épargne des Français vers des fonds souverains régionaux, présentée par Mme Vanina Paoli-Gagin et plusieurs de ses collègues (proposition n° 385, résultat des travaux de la commission n° 502, rapport n° 501).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, auteur de la proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Vanina Paoli-Gagin

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le 30 juillet 1953, le Congrès des États-Unis adoptait le Small Business Act. Il s’agissait, pour l’administration Eisenhower nouvellement installée, d’affirmer une priorité politique forte : placer les petites et moyennes entreprises au cœur du modèle de développement économique et social. Cette initiative a surtout fait de la commande publique un levier d’action stratégique, au service de la souveraineté nationale.

Depuis, les États-Unis n’ont raté aucun virage technologique. Et pour cause : la loi-cadre de 1953 a déployé ses pleins effets sur le temps long. Encore aujourd’hui, l’avance américaine repose pour une large part sur la robustesse de son tissu de PME et d’ETI. Idem en Allemagne, où l’excellence industrielle tient bien plus aux savoir-faire techniques du Mittelstand qu’aux performances financières des grands groupes.

En France, la politique économique n’a jamais mis ce tissu d’entreprises au cœur de ses préoccupations. C’est pourquoi nous n’avons pas su développer sur le plan industriel, grâce à un financement à la juste hauteur, toutes les innovations que notre recherche fondamentale a su révéler sur le plan scientifique. Là se trouvent, me semble-t-il, nombre des raisons de notre décrochage. La crise sanitaire aura au moins eu le mérite de remiser – espérons-le ! – quelques idées fausses qui avaient la vie dure. Je pense ici à la lubie de la « France sans usines », répétée ad nauseam au cours des dernières décennies, une petite musique qui nous intimait que le pays serait plus fort dans la mondialisation s’il se privait de son appareil de production.

Que de temps perdu, que d’innovations manquées, que de virages technologiques ratés à cause de cette doxa ! Nos difficultés à produire des masques, puis notre incapacité à élaborer un vaccin nous ont définitivement convaincus du contraire. C’est heureux, d’une certaine manière, mais ce n’est pas suffisant.

La nécessité de réindustrialiser notre pays fait désormais consensus. Il y va de notre souveraineté nationale, et le Gouvernement a bien pris la mesure de ces enjeux.

Une part importante du plan de relance concourt d’ailleurs à cet objectif, avec notamment la baisse des impôts de production, à hauteur de 10 milliards d’euros par an. Le plan de sauvetage de l’économie, mis en œuvre en début de crise, visait déjà la préservation de notre tissu d’entreprises.

Le groupe Les Indépendants a soutenu cette approche. Sans entreprises, point de reprise ; c’était donc la bonne chose à faire. Mais, ce faisant, nous avons créé un paradoxe économique sans précédent, lequel, avec un peu de recul, apparaît flagrant.

D’une part, nos finances publiques n’ont jamais été aussi dégradées qu’en 2020, avec à la fois une augmentation massive des dépenses et une diminution massive des recettes. Résultat : une hausse spectaculaire de notre endettement public de 20 points de PIB en un an à peine.

D’autre part, l’épargne privée aura bondi de 200 milliards d’euros d’ici à la fin 2021. En cause : la conjonction des mesures de restrictions sanitaires et de soutien à l’économie, les premières ayant pesé sur la consommation des Français, les secondes ayant préservé leurs revenus.

Autrement dit, jamais la dette publique n’a été si élevée ; jamais l’épargne privée n’a été si élevée. Face à ce paradoxe historique, nous devons éviter de percuter deux écueils.

Le premier, c’est de faire nôtre la maxime d’Henri Queuille : « Il n’est pas de problème qu’une absence de solution ne finisse par résoudre… » De nombreuses raisons pourraient en effet nous inciter à ne rien faire : craindre que le risque de l’action ne soit finalement supérieur à celui de l’inaction ; continuer à croire que les acteurs déjà en place font très bien leur travail, et qu’il serait malvenu de remettre en question l’équilibre des choses ; espérer enfin que « la vie d’avant » finira par reprendre son cours, et que tout continuera d’aller pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Le second écueil, c’est de croire que toutes les solutions aux problèmes seront incubées au 139, rue de Bercy à Paris. Nous voulons tous, au Sénat, que nos politiques économiques soient conçues à destination, mais aussi à partir de nos territoires.

Mes chers collègues, j’ai cru utile d’en passer par cette longue introduction pour vous parler plus précisément de la proposition de loi que je soumets à votre examen.

Ce texte n’est pas un texte de circonstances. Il est le fruit d’une longue réflexion personnelle, nourrie d’expériences professionnelles en France, aux États-Unis et en Asie, et surtout d’échanges avec les vrais faiseurs du terrain. La crise actuelle nous oblige à repenser de façon plus holistique notre avenir économique. Face au défi climatique, les besoins d’investissement sont massifs pour accélérer la transition écologique, et le temps presse.

Car l’inaction climatique coûte plus cher que la prise de mesures fortes, comme l’ont encore récemment confirmé, dans une étude parue à la fin du mois de mars, 738 économistes de l’Institute for Policy Integrity de l’université de New York. Il nous faut redoubler d’efforts.

Je vous propose donc de mobiliser l’épargne des Français vers des fonds souverains régionaux, afin de stimuler à la fois la relance économique et la transition écologique, en mode décentralisé. Le dispositif comporte deux volets : d’une part, des ressources ; d’autre part, des dépenses.

Côté ressources, je vous propose d’instaurer un nouveau produit d’épargne réglementée, sur le modèle du livret A. Ce « livret de développement des territoires » doit permettre à tous les Français qui le peuvent et qui le souhaitent de savoir que leur argent contribue à financer la réindustrialisation en stimulant les écosystèmes locaux et les emplois y afférents.

Côté dépenses, je propose que ces fonds souverains constituent de nouvelles ressources d’investissement à la disposition de chaque région qui en ferait la demande, sur son territoire.

Le mécanisme s’appuie donc sur des savoir-faire existants : d’une part, la collecte de l’épargne par le réseau bancaire, qui pourra proposer un nouveau produit, déplafonné, et dont la rémunération dépendra de celle du livret A ; d’autre part, des élus locaux qui utiliseront la commande publique pour stimuler des écosystèmes d’innovation, faire émerger et consolider des « verticales industrielles », en développant des projets d’infrastructures et en déployant des solutions de transition écologique.

Mais cette solution se fonde surtout sur une vision dynamique de la dépense publique, qui stimule le cercle vertueux croissance-emploi. Cette vision s’oppose à une lecture trop comptable, qui ne perçoit l’investissement que comme une dépense.

Les débats en commission ont soulevé d’importantes questions techniques. Elles sont intéressantes et nous allons pouvoir en débattre aujourd’hui.

J’en profite pour remercier M. le rapporteur pour le temps qu’il a bien voulu consacrer à l’étude de ce texte. Je regrette simplement qu’il n’ait pas fait de propositions, arguant tantôt de vices de conception technique, tantôt du si fameux article 40 de la Constitution. En tout état de cause, si j’ai compris ce que vous ne vouliez pas, monsieur le rapporteur, je n’ai toujours pas compris ce que vous vouliez !

Mon collègue Emmanuel Capus vous présentera tout à l’heure plusieurs amendements qui devraient répondre à certaines de vos légitimes craintes en sécurisant le dispositif et en étendant son champ d’application.

Je reviendrai simplement sur le principal argument que vous avez opposé au mécanisme proposé, à savoir son présumé manque d’intérêt pour les collectivités. Les régions qui recourraient au dispositif pourraient emprunter à un taux garanti dans la limite du double du taux du livret A.

Dans le contexte actuel de taux bas, le Gouvernement a fait le choix de fixer le taux du livret A au-dessus du marché, à 0, 5 %. Dans le dispositif que je vous propose, les régions pourraient donc emprunter à des taux inférieurs à 1 %.

Or, nous dit-on, les régions se sont financées en 2020, pour leurs crédits à long terme, à un taux moyen de 0, 58 % sur les marchés, et les collectivités locales dans leur ensemble à 0, 56 %. Nous n’aurions donc nul besoin de solutions alternatives dans le contexte actuel, surtout pas à des taux garantis.

Mais souvent les taux varient, et « bien fol est qui s’y fie »… Selon votre propre source, monsieur le rapporteur – l’Observatoire de la dette des collectivités locales –, les taux étaient en 2018 de 1, 10 % et en 2014 de 2, 40 %. Le programme de stabilité, présenté hier par le ministre Olivier Dussopt, laisse entendre que Bercy envisage peut-être une remontée des taux.

En outre, la question n’est pas tant de savoir si les régions ont accès, pour financer leurs dépenses courantes, à de l’argent pas cher que de déterminer si, pour des projets innovants d’infrastructures, les acteurs institutionnels en présence proposent des financements abordables, de la dette à taux raisonnable pour rendre économiquement viables des projets gourmands en capitaux – je pense, par exemple, aux infrastructures de transport à l’hydrogène vert. C’est là que le bât blesse, pour les dépenses massives et/ou risquées qui préparent pourtant l’avenir de notre pays.

Je veux être claire : cette proposition de loi ne vise pas à apporter une solution conjoncturelle à un problème conjoncturel ; elle vise précisément à garantir aux collectivités une solution structurelle de financement. Je crois cet outil utile, notamment dans l’hypothèse d’une remontée des taux, dont nous voyons déjà les prémices sur les marchés.

John Fitzgerald Kennedy, le successeur à la Maison-Blanche d’Eisenhower, disait que « le meilleur temps pour réparer sa toiture, c’est lorsque le soleil brille ». Vous conviendrez avec moi, mes chers collègues, qu’il vaut mieux travailler à des solutions de financement lorsque les taux sont bas, plutôt que lorsqu’ils sont hauts.

C’est pourquoi je vous invite à adopter cette proposition de loi. Le Sénat aurait tort de la repousser au motif qu’elle ne fonctionnera pas, sans proposer d’alternative.

Debut de section - PermalienPhoto de Vanina Paoli-Gagin

Une part du surcroît d’épargne des Français doit financer les infrastructures. Nous devons relever le double défi de la dette publique et de la dette climatique.

Investissons dans la transition écologique afin d’inventer une croissance durable et renonçons à l’impasse de l’inaction, qui coûtera bien plus cher.

Applaudissements sur les travées du g roupe INDEP. – M. Bruno Belin applaudit également.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en préambule, je dois dire que je ne goûte guère les propos de Mme Paoli-Gagin.

En tant que rapporteur, mon rôle n’est pas de partir d’une page blanche et de vous livrer ma vision d’hypothétiques fonds souverains régionaux, d’autant que les articles 40 et 45 de la Constitution sont très contraignants. Si vous avez à cet instant des regrets quant à votre texte, ma chère collègue, je vous invite de nouveau à le repenser et à nous en présenter une nouvelle version.

Cela étant dit, la proposition de loi soumise à notre examen prend appui sur deux constats partagés.

Le premier constat tient à la forte croissance de l’épargne des Français sous l’effet des mesures de confinement. Rien que pour 2020, la Banque de France estime le surcroît d’épargne à 110 milliards d’euros, dont plus de 42 milliards sont venus gonfler l’encours du livret A et du livret de développement durable et solidaire.

Le second constat concerne le besoin de notre pays – État, collectivités locales et entreprises – d’investir massivement pour faire face aux enjeux du monde à venir.

À mon sens, nous devons toutefois garder en tête deux éléments.

D’une part, ce surplus d’épargne n’a pas vocation à être sanctuarisé : il faut souhaiter que la consommation reparte et que la relance soit au rendez-vous. Nous devrions donc constater une décollecte de cette épargne en sortie de crise.

D’autre part, les ressources collectées sur les livrets d’épargne réglementés ne « dorment » pas, mais sont déjà mobilisées pour soutenir des politiques publiques essentielles. Le livret A, comme vous le savez, permet de financer le logement social et d’accompagner le financement des investissements publics locaux.

À la lecture de son titre, cette proposition de loi m’a semblé une initiative intéressante à deux points de vue.

D’abord, l’objectif de permettre aux Français de donner du sens à leur épargne correspond à une aspiration forte de nos concitoyens, comme en témoigne le développement de nombreux labels d’investissement responsable.

Ensuite, le soutien aux fonds propres des entreprises constitue le principal cheval de bataille pour les accompagner dans la sortie de crise. Nous serons d’accord sur ce point : pour les PME en particulier, un appui au niveau régional est un élément de réponse utile, et je salue à cet égard les initiatives d’ores et déjà prises par plusieurs régions en ce sens, car des dispositifs existent déjà et sont utilisés par nos régions.

L’analyse du dispositif proposé a néanmoins sensiblement modifié mon appréciation initiale : le fonds souverain régional envisagé s’apparente, en réalité, à un simple mécanisme d’emprunt bancaire ouvert aux régions, tandis que la lisibilité de l’utilisation de l’épargne n’est pas plus évidente que pour l’actuel livret A.

Cette épargne serait collectée par le réseau bancaire, puis redistribuée sous forme de prêts, non pas en fonction des montants déposés sur ces livrets dans chacune de nos régions, mais en fonction d’une clé de répartition définie à partir du potentiel financier de chaque région.

Le dispositif s’articule autour de deux axes : la création d’un nouveau livret d’épargne réglementée en constitue la « partie haute » ; l’utilisation des encours collectés par les régions en forme la « partie basse ».

Sur la « partie haute », l’article 1er crée le « livret de développement des territoires », dont les caractéristiques reprennent en partie celles du livret A : une liquidité permanente pour les épargnants, une exonération fiscale et sociale des intérêts perçus et un fléchage de la ressource.

Cependant, deux différences significatives doivent être signalées : la rémunération est majorée au bout de cinq ans, tandis que la garantie de l’État n’est pas prévue. Il en résulte une majoration sensible du coût de la ressource, problématique lorsqu’il sera question d’envisager son utilisation.

Ensuite, 90 % des encours collectés devraient être prêtés aux régions volontaires, en fonction d’une clé de répartition fondée sur leur potentiel financier.

Le mécanisme appelle de ma part deux observations.

La première concerne son coût pour les finances publiques, qualifié de « prohibitif » par le Gouvernement. Deux effets se conjuguent : une exonération ponctuelle des retraits opérés en 2022 sur d’autres produits d’épargne pour abonder le nouveau livret et une dépense fiscale majorée en raison du taux bonifié par rapport au livret A. Pour un encours de 80 milliards d’euros, cela représente tout de même une centaine de millions d’euros par an.

La seconde observation concerne le fonctionnement du dispositif, qui n’est pas opérationnel en l’état. La promesse faite à l’épargnant en termes de liquidité permanente et de rémunération n’est guère compatible avec l’emploi imposé de la ressource. En dépit du fléchage de l’encours du livret de développement des territoires (LDT), aucune centralisation des fonds n’est prévue, ce qui aurait permis de mutualiser les risques et d’optimiser l’usage de la ressource, comme c’est le cas pour le livret A.

Malheureusement, les amendements déposés ne sont pas de nature à répondre à ces difficultés structurelles.

Sur la « partie basse », l’article 4 de la proposition de loi crée dans chaque région et collectivité à statut particulier un « fonds souverain régional », pour reprendre la terminologie employée.

Il convient à ce stade de lever une confusion pour assurer la clarté des débats : la proposition de loi n’institue pas, dans les régions, des fonds souverains au sens où on l’entend généralement, c’est-à-dire des structures ad hoc ayant pour objet principal d’investir dans des actifs.

En premier lieu, ces fonds souverains régionaux ne seraient pas dotés de la personnalité morale, ce qui les rendrait indistincts des régions du point de vue juridique et comptable.

En second lieu, plutôt que d’investir dans des actifs, ils auraient surtout pour fonction de financer les dépenses d’équipement des régions lorsque celles-ci sont compatibles avec les objectifs des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet).

Afin d’alimenter ces fonds, qui ne sont en réalité qu’une nouvelle ligne à leur budget, les régions pourraient mobiliser deux types de financement : d’abord, les ressources versées par les autres collectivités locales qui cofinancent les projets sur lesquels la région intervient ; ensuite, et principalement, une fraction de l’encours du LDT qui serait prêtée par les banques à un taux ne pouvant excéder le double de celui du livret A.

Dans la situation actuelle, le livret A servant un intérêt à 0, 5 %, la banque pourrait prêter aux régions jusqu’à un taux de 1 %. Toutefois, au regard du coût de la collecte et de la garantie en termes de liquidité, il est évident que les prêts servis aujourd’hui atteindraient ce niveau de 1 %.

En résumé, ce ne sont pas des fonds souverains qui sont ici créés, mais bien un nouveau mécanisme d’emprunt bancaire au profit des régions afin de financer leurs dépenses d’équipement. Il n’y a là rien de très nouveau…

Cela étant dit, le dispositif proposé me semble présenter trois difficultés.

Premièrement, il introduirait un nouveau produit d’emprunt bancaire pour les régions alors qu’elles n’en ont pas besoin. L’Association des régions de France (ARF), que j’ai auditionnée, assure que ces collectivités n’ont aucun problème d’accès au crédit.

Deuxièmement, compte tenu des conditions de rémunération du LDT, le taux d’emprunt servi aux régions serait proche de 1 %, alors même qu’elles s’endettent actuellement à 0, 58 % en moyenne. Je note même, pour l’exemple, que la région Île-de-France vient de lever un emprunt obligataire à taux négatif. Quel intérêt aurait-elle à se tourner vers le dispositif proposé ?

En conséquence, l’utilisation de ce dispositif coûterait cher aux régions, et il y a un risque évident qu’elles n’aient pas recours à cette ressource. Pour les banques, le risque serait ainsi de devoir rémunérer ces LDT sans trouver preneur. Comment un tel système pourrait-il fonctionner ?

Troisièmement, la nomenclature comptable ne permet pas actuellement de rendre compte des ressources et des emplois de ces fonds. Or, selon l’auteur de la proposition de loi, l’un des intérêts du LDT pour l’épargnant devrait être, notamment, de pouvoir constater concrètement l’impact de son placement sur le développement régional. Ce ne serait pas possible en l’état.

Si je n’ai pas été convaincu par le dispositif proposé, j’ai toutefois cherché, ma chère collègue, des pistes d’amélioration.

L’une d’elles aurait été, à mon sens, de constituer de véritables fonds souverains régionaux chargés de mobiliser l’encours du LDT localement, en octroyant des prêts ou en prenant des participations au capital des entreprises.

Outre le fait que les règles de recevabilité financière ne le permettaient pas, la faisabilité et l’opportunité d’un tel dispositif font aussi débat.

Concernant la faisabilité, il aurait fallu doter ces fonds souverains de capitaux propres leur permettant d’assumer leurs missions, ce qui coûterait 3 milliards d’euros aux régions.

Concernant l’opportunité, le droit permet déjà aux régions, en partenariat avec le secteur privé et dans le respect du droit de l’Union européenne, de constituer et de doter des fonds d’investissement ou de prendre des participations directes au capital de sociétés commerciales.

J’ai pu échanger avec les principaux acteurs concernés. Chaque fois, le même constat s’est imposé : le dispositif, tel qu’il est imaginé, ne fonctionne malheureusement pas et, surtout, l’objectif visé ne semble pas répondre aujourd’hui à une carence identifiée, notamment en termes d’accès des régions au crédit.

En conséquence, mes chers collègues, je vous propose de rejeter cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Olivia Grégoire

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la crise économique et sanitaire que nous traversons dessine incontestablement un paysage inédit, modifiant en profondeur les paramètres de notre économie, au premier rang desquels l’épargne des Français, qui, principalement faute de débouchés de consommation, a fait l’objet d’une importante accumulation depuis le premier confinement.

Cette épargne peut être mise au service de la relance de l’économie. Nous partageons tous ce point de vue, me semble-t-il.

Au cours des derniers mois, le Gouvernement a pu constater la pleine mobilisation des élus locaux et nationaux, désireux d’élaborer des solutions novatrices qui permettraient d’orienter ce supplément d’épargne vers nos entreprises pour leur permettre de rebondir plus facilement. Parallèlement, les budgets de l’État et des collectivités locales sont fortement sollicités et de nombreuses idées se font jour sur le thème d’un grand emprunt national.

Pour autant, la réflexion que nous devons porter sur l’épargne doit être menée au regard du contexte macroéconomique singulier dans lequel nous nous trouvons.

La crise que nous traversons n’est pas une crise financière ni même une crise bancaire : le contexte de taux d’intérêt très bas et d’offres de financement abondantes que nous connaissions avant la crise perdure, notamment grâce à l’action résolue de la Banque centrale européenne.

Je souhaite d’abord rappeler que les collectivités territoriales ont abordé cette crise dans une bien meilleure situation que celle qui prévalait au moment de la crise de 2008 et qu’elles bénéficient d’une offre de financement abondante, diversifiée et exceptionnellement peu onéreuse. Le taux moyen auquel les collectivités empruntent s’élevait ainsi en 2019 à 0, 71 % et a continué à baisser en 2020 pour s’établir à 0, 56 %. Cette tendance semble d’ailleurs se poursuivre sur l’année 2021, d’après les premiers chiffres dont nous disposons.

Dès lors, la très grande majorité des collectivités qui souhaitent, à juste titre, investir pour insuffler un nouveau dynamisme à leur territoire n’ont pas, à ce stade, de difficulté de financement par l’endettement qui les empêcherait d’y parvenir. Les collectivités qui veulent participer à la relance sont donc plus que bienvenues pour développer des projets d’investissement durables, en parallèle de ceux déjà menés par l’État !

Je n’ignore évidemment pas que certaines collectivités ont plus de difficultés que d’autres à se financer. Toutefois, l’épargne du livret A et du livret de développement durable et solidaire (LDDS), centralisée au sein du fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations, dans son rôle de financement des territoires, répond déjà aux carences du marché privé pour financer certains besoins très ciblés. Il s’agit notamment du financement de certains projets de très long terme dans les domaines de la rénovation énergétique et des infrastructures.

Au contraire, le mécanisme que cette proposition de loi instaurerait, si elle était adoptée, mettrait à la disposition des collectivités une ressource bien moins intéressante que celles qui sont aujourd’hui à leur disposition.

En effet, le livret envisagé offre à l’épargnant un support parfaitement liquide et dont le capital et la rémunération sont garantis. Ces caractéristiques font de cette ressource une ressource très chère pour les collectivités et assez peu adaptée à l’investissement productif.

Cette ressource est très chère, car il faut rémunérer l’épargnant, à qui un rendement d’au moins 0, 5 % est promis, mais aussi les réseaux de distribution et le fonctionnement du dispositif. En conséquence, elle devient bien plus chère qu’un prêt bancaire, par exemple, dont on a vu que les taux étaient historiquement bas.

Cette ressource est également peu adaptée à l’investissement productif, par ailleurs, car on ne peut pas financer les fonds propres des entreprises avec une ressource liquide et dont le capital est garanti. Si un fonds prend des parts dans une entreprise et que celle-ci perd de la valeur, il faudra rembourser l’épargnant, et cette dépense devra être assumée par la collectivité sur ses fonds propres.

Il me semble que nous sommes d’accord pour ne pas créer un tel risque pour les collectivités ni alourdir ainsi leurs charges.

C’est vrai, pendant la crise, les Français ont beaucoup épargné. La Banque de France relève que le taux d’épargne des ménages a dépassé 18 % en 2020, alors qu’il se situait plutôt autour de 14 % les années précédentes.

Une part de cette surépargne a vocation à être dépensée lorsque les possibilités de consommation seront pleinement rétablies.

C’est d’ailleurs sans doute pour cette raison que les Français ont privilégié des supports d’épargne liquide tels que les dépôts à vue ou le livret A. Ainsi, les livrets réglementés ont collecté près de trois fois plus de ressources depuis un an que l’année précédente. Toutefois, une part de cette surépargne ne sera pas résorbée par la consommation. La question se pose et se posera donc de savoir comment en orienter l’usage.

À cet égard, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite rectifier l’idée, souvent avancée, mais inexacte, selon laquelle cette épargne serait dormante, et qu’elle ne servirait pas l’économie. Ce n’est pas vrai, d’une part, parce que l’épargne déposée par les Français dans les banques contribue au financement de l’économie, et donc, des collectivités et des entreprises par l’intermédiaire du crédit bancaire et, d’autre part, parce que près de 60 % des livrets A et des LDDS sont centralisés au fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations qui finance déjà nombre de projets d’envergure dans les territoires, tels que le logement social, la politique de la ville et les projets d’investissement des collectivités.

En d’autres termes, le produit d’épargne consacré au financement des projets des territoires que la présente proposition de loi prévoit de créer existe déjà, et en quantité très abondante, puisqu’il s’agit du livret A.

Le Gouvernement partage toutefois votre souhait, qui est juste, d’orienter encore davantage l’épargne des Français vers les territoires. Il s’est mobilisé à cette fin dans le cadre de France Relance. Ainsi, Bruno Le Maire a demandé à la Caisse des dépôts et consignations de faire évoluer les conditions de mobilisation de la ressource du fonds d’épargne afin d’encourager le financement du secteur public local et de la transition écologique.

De plus, le lancement, le 19 octobre 2020, du label Relance a permis d’identifier les fonds d’investissement qui s’engagent à mobiliser rapidement des ressources nouvelles pour soutenir les fonds propres et quasi-fonds propres des entreprises françaises, cotées ou non. Via les supports d’épargne grand public, chaque épargnant peut donc contribuer au soutien de la reprise économique. En contrepartie du label, les fonds labellisés s’astreignent à effectuer un reportage semestriel dans lequel ils identifient la localisation territoriale de leurs investissements dans les PME et entreprises de taille intermédiaire non cotées.

Le premier trimestre d’existence de ce label a été un franc succès puisque, au 1er mars dernier, 147 fonds étaient déjà labellisés, dont une cinquantaine sont accessibles par les fonds d’assurance vie investis en unités de compte, pour un montant total de 13 milliards d’euros d’encours.

Enfin, l’action de l’État, coordonnée avec celle des régions, permettra d’apporter directement des financements en fonds propres aux entreprises. Avec l’appui de la Banque publique d’investissement, l’État abondera à hauteur de 250 millions d’euros des véhicules d’investissement privés, qui, aux côtés des régions, permettront de renforcer le capital des PME. L’abondement de l’État aura un effet de levier sur l’investissement privé, démultipliant l’impact de ces fonds suivant leur stratégie de gestion. Ces fonds privés pourront faire appel à l’épargne privée et être labellisés Relance.

Comme vous pouvez le constater, grâce à France Relance, nous allons plus loin pour affecter efficacement l’épargne des Français au bénéfice du dynamisme économique de nos territoires, ce qui démontre que, si les moyens employés diffèrent, nous partageons – et cela me paraît le plus important – la même ambition.

M. Didier Rambaud applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la crise sanitaire exacerbe les inégalités face à l’emploi, la santé ou encore au logement. Les inégalités financières sont particulièrement criantes et, de plus, elles entretiennent ces déséquilibres.

Selon la Banque de France, l’épargne des Français accusait une hausse de plus de 100 milliards d’euros à la fin de 2020, et celle-ci pourrait atteindre 200 milliards à la fin de 2021, soit le double du montant du plan de relance.

Il me paraît important de préciser que toutes et tous ne sont pas à égalité dans la constitution d’une telle épargne. Entre mars et août dernier, 70 % de l’épargne a été réalisée par les 20 % de ménages les plus aisés, alors que la situation des plus modestes s’est au contraire dégradée. Le Conseil d’analyse économique souligne ce double mouvement antagoniste : dans le même temps, les 10 % de ménages les plus modestes ont dû s’endetter pour assumer la diminution de leur rémunération ou, pour plus de 365 000 salariés, la perte de leur emploi.

La proposition de loi nos collègues a le mérite de proposer la mise à disposition de nouvelles ressources pour contribuer à la relance du pays, en permettant aux Français d’en être acteurs tout en donnant des pouvoirs aux élus locaux pour orienter les investissements.

Malgré tout, plusieurs interrogations nous en éloignent. La création d’un tel livret de développement des territoires serait une aubaine pour les plus fortunés qui disposent d’une épargne bien constituée et solide, et qui, de ce fait, sont en capacité de la placer à long terme et de maximiser leurs intérêts. Au vu des exonérations proposées, cette fructification de leur épargne favorise l’optimisation fiscale. À cet égard, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste regrette la défiscalisation des plus-values.

Nous défendons depuis longtemps une participation plus solidaire des plus aisés dans le système d’imposition. Nos nombreuses analyses ont d’ailleurs récemment trouvé un écho au sein du Fonds monétaire international (FMI), qui recommande la mise en place d’une fiscalité provisoire sur les revenus les plus élevés pour répondre aux besoins par la mobilisation de recettes fiscales supplémentaires.

Si nous devons réfléchir à l’utilisation de l’épargne des Français, nous devons aussi envisager la taxation de l’épargne des plus riches sous la forme d’une imposition renforcée des tranches les plus élevées de l’impôt sur le revenu ou d’une contribution exceptionnelle sur la fortune et le patrimoine.

Nous regrettons l’approche régionaliste sous-entendue par les termes de « fonds souverains ». Pourquoi les départements et les communes seraient-ils relégués ? La question se pose d’autant plus que ce mécanisme d’emprunt bancaire présente peu d’intérêt pour les régions – cela a été souligné à juste titre – le taux d’emprunt moyen actuel s’élevant à 0, 58 %. En effet, il n’est pas question d’argent frais, …

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

… puisque ces emprunts s’ajouteront à l’endettement des collectivités.

D’autres fonds régionaux existent déjà et permettraient d’orienter le comportement des banques – ce qui, à notre avis, est la véritable difficulté – pour permettre que l’épargne soutienne localement l’emploi et la création de richesses. Cela implique des critères et des conditionnalités précises – qui ne sont pas mis en exergue dans ce texte –, une transparence démocratique sur les investissements réalisés et leurs conséquences économiques, sociales et environnementales.

La proposition formulée par les sénateurs et les sénatrices du groupe communiste républicain citoyen et écologiste de création de fonds régionaux pour l’emploi et la formation s’inscrit dans cette ligne. Les financements bancaires de projets créant ou consolidant des emplois seraient ainsi bonifiés et garantis par les régions.

Le texte que nous examinons nous paraît manquer de clarté quant à son application et à son périmètre. Il laisse une grande liberté aux banques en se superposant maladroitement à l’activité de la Banque des territoires et aux ressources de la Caisse des dépôts, et cela sans centralisation. Il constitue aussi un risque pour le financement du logement social, puisque la création d’un nouveau livret pourrait favoriser une décollecte d’autres livrets qui abondent notamment ce secteur. Je sais qu’un amendement visant à remédier à cette difficulté a été déposé.

Oui, il nous faut mettre à contribution le capital des plus riches dans un impératif de solidarité et de redistribution. Oui, les élus locaux doivent être intégrés à la relance et soutenus financièrement. Toutefois, nous craignons que cette proposition ne permette pas d’atteindre pleinement ces objectifs, et c’est pourquoi nous préférons nous abstenir.

Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet.

M. Michel Canevet applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Vermeillet

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, 424 milliards d’euros : tel est le chiffre avancé avant-hier dans un quotidien national par Olivier Dussopt pour évaluer la facture globale de la crise sanitaire que nous vivons.

Du sauvetage de l’économie du printemps 2020 au plan de relance qui se déploiera jusqu’en 2022, la puissance publique a mobilisé d’importants moyens financiers pour faire face à la crise du coronavirus.

À l’effet de ces mesures de soutien à l’économie s’est ajouté celui de la récession sur l’encaissement des recettes fiscales. Résultat : la France a quasiment doublé en 2020 le niveau de son déficit et dégradé de près de vingt points le ratio de sa dette publique rapportée à la richesse produite. Dans le même temps, sous l’effet des mesures de restriction et des incertitudes quant à l’évolution de l’épidémie, les Français ont très fortement épargné.

Forte de ce constat paradoxal et animée par le souci de mobiliser davantage de moyens dans cette crise au service de nos territoires, de nos entreprises et de leurs emplois, notre collègue Vanina Paoli-Gagin nous saisit de cette proposition de loi visant à réorienter l’épargne des Français vers l’économie dite réelle.

Je partage pleinement l’idée et l’intention que sous-tend le livret de développement des territoires introduit à l’article 1er de cette proposition de loi, que j’ai d’ailleurs cosignée avec six de mes collègues du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Vermeillet

Environ 165 milliards d’euros : telle est l’estimation retenue par le gouverneur de la Banque de France de la somme qui serait finalement épargnée par les ménages entre le printemps 2020 et la fin de l’année 2021. D’épargne forcée au sortir du premier confinement de mars 2020, elle est devenue épargne de précaution sanctuarisée dans l’incertitude de 2021. Drainée vers l’investissement productif, elle offre une formidable possibilité de relance.

La capter en intéressant les épargnants par la création de livrets attractifs, puis la mobiliser via la création de fonds souverains régionaux comme le propose notre collègue permettrait d’aller plus loin dans la capacité d’investissement des collectivités locales tout en faisant des Français des acteurs directement associés à l’effort de relance. Autrement dit, ce serait une stratégie « gagnant-gagnant ».

Le groupe Union Centriste partage évidemment les objectifs et l’intention parfaitement louables affichés par notre collègue du groupe Les Indépendants – République et Territoires. Malheureusement, comme l’a rappelé Philippe Dallier dans son rapport, le dispositif tel qu’il est proposé ne conduit pas à créer, au sens où on l’entend habituellement, de véritables fonds souverains régionaux chargés de mobiliser l’épargne en direction du tissu économique local.

Par ailleurs, d’importantes difficultés pratiques ont été mises en évidence par la commission des finances. Compte tenu des conditions de rémunération du nouveau produit d’épargne proposé, les régions se trouveraient exposées à des taux d’emprunt supérieurs à ceux qui leur sont proposés par le marché, ce qui, hélas, réduit considérablement l’intérêt du mécanisme tel qu’il a été conçu.

Une piste d’amélioration fort justement relevée par notre rapporteur serait de constituer d’authentiques fonds souverains régionaux qui permettraient localement aux collectivités d’octroyer des prêts ou de prendre des participations au capital des entreprises. Cela permettrait de financer l’investissement de manière plus pertinente que ce que permettent déjà aujourd’hui plusieurs types de fonds d’investissement régionaux existants. L’obstacle principal à la faisabilité de ce dispositif, outre sa recevabilité financière par voie d’amendement, serait alors la dotation en fonds propres, nécessaire pour que ces fonds d’investissement puissent assumer leurs missions. Mais encore une fois, le ticket d’entrée s’avérerait trop élevé pour bon nombre de collectivités.

Sur ce point, notre collègue Michel Canevet, dont je tiens à saluer la constante sagacité, avait développé, dans trois amendements déclarés irrecevables, une réflexion visant à accroître les ressources potentielles de ces fonds au moyen du mécénat. L’idée mérite réflexion.

Quoi qu’il en soit, les membres du groupe Union Centriste se réjouissent aujourd’hui d’avoir l’occasion de débattre d’un dispositif, qui, bien que non abouti, soulève des réflexions qui méritent de retenir toute notre attention. Le lien entre placement financier, besoin conjoncturel de financement des collectivités et utilisation locale de la ressource doit pouvoir, sur le fond, recueillir l’assentiment de notre Haute Assemblée.

En conclusion, le groupe Union Centriste s’abstiendra sur cette proposition de loi, mais il s’agit d’une abstention bienveillante qui appelle notre collègue à faire preuve de persévérance et le Sénat à retravailler collectivement à un nouveau texte résolument opérationnel.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Joly

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi présentée par Mme Vanina Paoli-Gagin visant à orienter une partie de l’épargne des Français vers des fonds souverains régionaux met en exergue deux constats.

Le premier est que la crise sanitaire que traverse malheureusement notre pays s’est traduite par une hausse historique du taux d’épargne des ménages, liée à la fois à la diminution des possibilités de consommation – c’est ce qu’on appelle parfois l’épargne forcée – et à la montée des incertitudes économiques qui conduit à une épargne de précaution.

La Banque de France estime ainsi à 130 milliards d’euros le surplus d’épargne accumulée par rapport à un scénario sans crise sanitaire. Elle prévoit, d’ici à la fin de 2021, la constitution d’une surépargne de 200 milliards d’euros, soit près de 8 % du PIB. Il s’agit d’une épargne de court terme, déposée sur des comptes courants et les livrets d’épargne réglementée, alors que des supports à échéance plus longue seraient plus adaptés aux besoins de financement de notre pays.

En effet, les fonds propres ou quasi-fonds propres des entreprises constituent le meilleur moyen pour soutenir les entreprises et les accompagner dans la sortie de crise. À cet égard, un appui à l’échelon régional peut constituer un élément de réponse utile, en particulier pour les petites et moyennes entreprises.

Le second constat concerne les besoins de notre pays et la nécessité pour l’État, nos collectivités locales et nos entreprises, d’investir massivement pour faire face aux enjeux du monde à venir.

Je partage donc le souhait de créer un fonds qui puisse coordonner les interventions financières des collectivités publiques situées dans le ressort territorial de la région en lien avec tous les acteurs locaux, en particulier les collectivités territoriales, afin d’assurer le financement des investissements en faveur de la redynamisation et de l’attractivité de nos territoires, de la réindustrialisation au désenclavement des territoires ruraux, de leur adaptation au changement climatique au développement des mobilités, des infrastructures aux usages numériques. Cette liste – vous en conviendrez – n’est en rien exhaustive.

Toutefois, si nous partageons ces constats et ces aspirations au développement des territoires, nous nous interrogeons quant à l’outil utilisé : le livret de développement des territoires.

En effet, les ressources collectées sur les livrets d’épargne réglementée sont déjà mobilisées pour soutenir des politiques publiques essentielles. Ainsi, comme vous le savez, le livret A finance le logement social.

Dans un contexte de grande tension sur le marché du logement et de paupérisation d’une grande partie de nos concitoyens, on peut donc légitimement s’inquiéter que le LDT proposé concurrence le livret A et risque d’affecter la dynamique de production de logements sociaux.

Par ailleurs, on sait que cette surépargne concerne principalement les ménages aisés. En effet, le Conseil d’analyse économique indique que les 20 % des ménages aux revenus les plus élevés ont réalisé 70 % de l’épargne supplémentaire. L’outil proposé ne répond donc pas au problème majeur de notre société qu’est l’accroissement des inégalités, creuset de la désagrégation sociale et du délitement de la promesse républicaine. Nous devons y remédier, car c’est l’un des grands enjeux actuels.

Le groupe socialiste a d’ailleurs récemment fait des propositions en ce sens. Pourquoi ne pas mobiliser la solidarité des ménages les plus aisés pour cofinancer l’effort exceptionnel de l’État pour lutter contre les conséquences de l’épidémie de covid-19, en instaurant un impôt sur le capital et en supprimant la taxe forfaitaire sur les dividendes ?

La réponse doit être simple et directe, à savoir une taxation exceptionnelle des revenus ayant bénéficié aux foyers les plus riches et aux entreprises dont les profits ont explosé. Cela permettrait de cofinancer les mesures de soutien aux ménages, aux entreprises et aux mouvements associatifs fragilisés par cette crise et de les accompagner dans leur transition vers des pratiques plus durables.

Par ailleurs, on constate dans les territoires, en particulier ruraux, un niveau d’encours de dette très nettement inférieur au montant de l’épargne des acteurs locaux. Il en résulte que, de manière paradoxale, les territoires qui ont un fort besoin d’investissement financent des territoires qui ont un fort niveau d’investissement, de développement et de moyens.

Il y a donc lieu aujourd’hui, en vue de favoriser la cohésion territoriale, de mettre en place des circuits courts en matière de financement. C’est aussi cela, le développement durable.

Dès lors, il pourrait être envisagé d’obliger les banques à investir sur les territoires une part importante des sommes collectées sur ces mêmes territoires. Nous pourrions à cet égard nous inspirer de la loi sur le financement communautaire, qui est un dispositif législatif américain portant sur les relations entre les banques et d’autres grands organismes financiers et les territoires. Cette loi revêt par certains aspects un caractère unique dans la mesure où elle contraint les banques à rendre compte de la politique qu’elles mènent sur les territoires et les incite à prêter aux habitants et aux entreprises les plus fragiles. Elle nous apporte un éclairage sur le potentiel que constitue l’engagement volontariste des banques pour le développement économique et social des territoires en panne de croissance.

À titre d’exemple, en trente-cinq ans, le dispositif a mobilisé plus de 1 400 milliards de dollars de crédits et de services bancaires au bénéfice de territoires et de populations fragiles pour promouvoir le développement local sans impact négatif mesurable sur le bilan des banques.

Vous l’aurez compris, nous sommes tout à fait favorables au renforcement des moyens consacrés aux territoires par la mobilisation de l’épargne locale. Malheureusement, si ce texte pose de bonnes questions, il n’apporte pas de bonne réponse, et nous sommes prêts à y travailler, mais pour l’heure, nous nous abstiendrons.

Applaudissements sur des travées du groupe SER.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à la mi-février, notre commission des finances débattait de la mobilisation de l’épargne en faveur de l’économie. Début mars, Bruno Le Maire indiquait que le Gouvernement travaillait à des incitations qui permettraient aux Français de dépenser leur épargne dans l’économie, et donc de participer à la relance économique. Fin mars, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes annonçait le lancement d’un fonds souverain régional pour investir dans des entreprises qui pourraient même collecter l’épargne des Français sous réserve d’un agrément par l’Autorité des marchés financiers (AMF).

Parlementaires, ministres et élus locaux s’accordent sur la nécessité de mobiliser l’épargne des Français en faveur de la relance. C’est un consensus politique frappé au coin du bon sens. Ce matin, chacun des orateurs qui sont intervenus a partagé ce constat.

Pourtant, on nous dit aujourd’hui que le moment n’est pas bien choisi…

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

… et que le dispositif n’est pas tout à fait bien ficelé. Vous avouerez qu’il y a un décalage entre, d’un côté, des discours très volontaires et, de l’autre, des attitudes très prudentes.

Chers collègues, parlons peu, mais parlons bien. Quels sont les problèmes ? J’en distingue quatre, et nous pouvons les résoudre.

Le premier est relatif à l’intérêt que présente cette proposition pour les collectivités. Le rapporteur a indiqué que le mécanisme financier ne donne pas aujourd’hui accès à des prêts bon marché. C’est peut-être vrai, mais seulement dans le contexte de taux bas que nous connaissons actuellement. Personne ici ne peut garantir que les taux d’intérêt ne remonteront pas à court terme. C’est pourquoi ce dispositif, qui est structurel et non conjoncturel, peut parfaitement s’avérer utile.

Le deuxième problème est relatif au type d’investissements visé. Le rapporteur a indiqué que, si les régions n’ont pas besoin de nouveaux moyens pour financer les infrastructures, prendre des participations dans des entreprises pourrait les intéresser. Sylvie Vermeillet a également évoqué ce point. Dont acte.

Nous proposons donc un amendement tendant à permettre d’abonder des fonds souverains existants ou à créer.

Le troisième problème est la liquidité du livret. On nous indique qu’on ne finance pas des prêts à long terme avec une épargne liquide. Très bien. Mais dans ce cas, pourquoi ne pas bloquer les dépôts effectués sur les livrets de développement des territoires afin de sécuriser le dispositif ?

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

Nous proposerons donc un amendement visant à stabiliser le mécanisme sur le plan financier.

Le quatrième problème n’a pas été évoqué directement par le rapporteur, mais certains sénateurs, notamment à gauche, s’en sont chargés pour lui : il a trait au financement du logement social, le mécanisme que nous proposons risquant, nous dit-on, de concurrencer le livret A. Soit.

Soyons très clairs : l’objectif de ce texte n’est pas de remettre en question le financement du logement social. Il est de permettre aux Français qui le veulent et qui le peuvent de participer au financement de la relance autrement qu’en créant de la dette qu’ils finiront par payer de leur impôt, et de le financer au plus proche de chez eux sur leur territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

M. Emmanuel Capus. Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en présentant cette proposition de loi, nous avons pris la responsabilité de proposer une solution concrète plutôt que d’ouvrir un simple débat. Nous faisons confiance au débat parlementaire pour muscler le dispositif. J’espère que vous y participerez.

Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Taillé-Polian

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la crise sanitaire met à mal notre idéal d’égalité. Cela se reflète tout particulièrement dans la répartition de l’épargne dont il est question dans cette proposition de loi.

Une partie de la population dont la vie professionnelle ne tenait qu’à un fil a subi de plein fouet et sans filtre les conséquences économiques du confinement : les petits indépendants et autoentrepreneurs, les intermittents de l’emploi et les chômeurs déjà privés d’emploi avant la crise.

De l’autre côté, les stables, les détenteurs de capitaux économiques qui ont la chance d’être bien installés ont largement surépargné et constitué par la même occasion un patrimoine financier supplémentaire.

D’après une étude du Conseil d’analyse économique qui a déjà été largement citée, 20 % des ménages aux revenus les plus faibles ont vu leur épargne diminuer, alors que la moitié du surcroît d’épargne a été réalisée par 10 % des ménages les plus aisés. Les inégalités salariales se doublent aujourd’hui de profondes inégalités patrimoniales supplémentaires. Nous estimons qu’il y a donc un enjeu majeur de réforme fiscale. Dans ce contexte, la défiscalisation proposée dans ce texte ne nous paraît pas aller dans le bon sens.

Cependant, la réorientation de l’épargne ou son orientation de manière volontariste, dans la justice, pour préparer l’avenir, nous semble une piste intéressante. De plus, le dispositif proposé a le mérite de doter les territoires de moyens alors qu’ils en manquent cruellement, mais – disons-le – c’est une goutte d’eau si on le rapporte aux baisses des dotations que les collectivités ont subies depuis de nombreuses années.

Pour éviter les écueils qui nous ont menés à la situation que nous connaissons aujourd’hui, il faudrait que ce dispositif favorise le développement d’une société durable et résiliente, non pas seulement au travers des régions, mais de toutes les collectivités.

Si nous notons avec intérêt l’envie de préparer l’avenir, y compris en termes de transition écologique, il nous semble que des garanties devraient être apportées pour que ces crédits soient fléchés vers l’économie sociale et solidaire, sujet qui intéressera sans doute Mme la secrétaire d’État.

Cette proposition de loi est intéressante. De nombreux éléments ont déjà été relevés par mes collègues, notamment les doutes quant à la façon dont ces fonds seraient gérés, le fait qu’ils ne concernent que les régions et le risque éventuel de capter une partie de l’épargne qui est déjà fléchée vers les territoires ou vers le logement social. Malgré son intérêt, ce texte a donc un goût d’inachevé.

En l’absence de garanties relatives au fléchage de ces fonds régionaux vers la transition écologique et la résilience de nos territoires, cette proposition de loi risquerait d’être un simple palliatif à la baisse des dotations des collectivités. De plus, sa mise en œuvre aboutirait finalement à augmenter leur endettement, alors qu’elles auraient besoin d’une augmentation non pas de leurs fonds propres, mais de leurs fonds sans endettement.

Pour autant, la piste proposée par le Gouvernement, qui consiste à attendre que cette épargne permette d’abonder la consommation des plus aisés, ne nous semble pas opportune. Cela constituerait une fuite en avant dans la société de consommation, alors que nous devrions rechercher la sobriété et que les plus aisés sont ceux dont l’empreinte carbone est la plus importante.

Il conviendrait au contraire de réorienter cette épargne par une dynamique fiscale pour permettre la réduction des inégalités. De ce point de vue, la proposition lancée par le Gouvernement de dons intergénérationnels exonérés d’impôts nous paraît aller dans le sens inverse de ce qu’il faut faire.

En revanche, cette proposition de loi contribue utilement à un débat important, et c’est pourquoi nous nous abstiendrons.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Rambaud

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous le dis d’emblée, si les objectifs du texte sont tout à fait louables, et partagés par nombre d’entre nous dans cet hémicycle, je crois néanmoins que le dispositif prévu n’est pas adapté.

Les deux axes qui servent d’architecture à la proposition de loi ont le mérite d’être intéressants. Il s’agit, d’une part, de créer un nouveau livret d’épargne, d’autre part, d’utiliser la ressource collectée par les régions.

Pour ce qui est, tout d’abord, du nouveau livret d’épargne, la proposition de loi suggère la création d’un livret de développement des territoires qui permettrait de financer des fonds souverains. Celui-ci concurrencerait donc le livret A et, compte tenu du dispositif prévu, la concurrence serait rude.

Les modalités du livret sont en effet très claires, qu’il s’agisse de l’absence de plafonnement de l’encours du livret, de la pluridétention qui est autorisée, ou bien encore de l’exonération totale de prélèvements fiscaux et sociaux pour les sommes versées en 2022. À bien observer ces quelques éléments, chacun peut présager que le livret de développement des territoires sera beaucoup plus attractif que le livret A.

Or cette attractivité risque de diminuer fortement les encours sur le livret A, alors qu’ils servent au financement de la dette de l’État et de l’économie. De plus, avons-nous besoin d’affaiblir le livret A, auquel les Français sont attachés ? Les nombreuses inquiétudes que suscite le livret de développement des territoires sont à mon avis justifiées.

Ensuite, la création de fonds souverains régionaux me paraît également une idée judicieuse. Cependant, encore une fois, le dispositif prévu dans le texte soulève des interrogations, surtout si l’on anticipe ses conséquences.

Le rapporteur, Philippe Dallier, a rappelé à juste titre que, contrairement à ce que l’on pourrait penser, le texte ne crée pas des fonds souverains, mais un nouveau mécanisme d’emprunt bancaire au profit des régions pour financer leurs dépenses d’équipement. Or les régions n’ont pas de difficulté pour accéder au crédit.

Rappelons aussi que le droit en vigueur permet déjà aux régions de doter des fonds d’investissement. Des dispositifs existent, dans lesquels les régions interviennent dans un cadre précis, avec des partenaires privés et selon des règles fixées par le droit de l’Union européenne.

Enfin, les régions peuvent déjà prendre des participations au sein des sociétés commerciales et accorder des prêts ou des avances remboursables.

Votre amendement n° 5 rectifié bis, madame Paoli-Gagin, vise à ouvrir aux fonds souverains régionaux la possibilité d’investir en fonds propres dans les entreprises. Je partage votre préoccupation, mais le dispositif que vous proposez vient concurrencer celui que le Gouvernement a mis en place pour soutenir les fonds propres des entreprises.

Par ailleurs, le grand rendez-vous de l’investissement productif mené par Amélie de Montchalin, …

Debut de section - Permalien
Olivia Grégoire

Et Gilles Legendre !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Rambaud

… puis, à la suite de ces travaux, le projet de sociétés d’investissement à capital variable (Sicav) régionales défendu par Olivier Véran, en 2018, lorsqu’il était député de l’Isère, pour flécher l’épargne vers le tissu des TPE-PME du territoire, ont été des outils précurseurs très utiles. Ils font figure de premières pierres de l’édifice qu’il nous reste encore à bâtir.

Par conséquent, ce que le texte présente comme des fonds régionaux n’a qu’une réalité factice. Ces fonds n’ont pas d’autre intérêt que de récolter les fonds du livret de développement des territoires. Ils ajoutent une nouvelle strate administrative chargée de piloter les investissements publics sans justifier réellement son existence. Autrement dit, ils complexifient l’organisation des régions sans renforcer leur capacité réelle d’investissement.

Force est de constater que la proposition de loi n’atteint pas les objectifs que ses auteurs s’étaient fixés. Une autre conséquence encore plus problématique du texte tient à ce qu’il crée un risque important pour le fonctionnement des investissements régionaux et pour l’équilibre des finances publiques.

En toute cohérence, le groupe RDPI votera contre la proposition de loi.

M. Martin Lévrier applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bilhac

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la bonne utilisation de l’épargne constituée par les Français depuis un an de restrictions liées à la pandémie est un vrai défi. La proposition de loi présentée par notre collègue Vanina Paoli-Gagin tente légitimement d’y répondre.

En dehors de ce contexte exceptionnel, l’orientation de l’épargne par le marché ou par la puissance publique est toujours un objet de débat. En témoigne le cas de l’assurance vie, dont le niveau d’encours approche les trois quarts du PIB, à plus de 1 700 milliards d’euros, et au sujet duquel se pose de manière récurrente la question des contrats en déshérence, même si des progrès ont été réalisés sur ce point, au cours des dernières années.

Par ailleurs, les épargnants sont souvent soucieux de donner du sens à leurs placements, au-delà d’objectifs de pure sécurité ou de rentabilité financière. Les particuliers se voient ainsi proposer des produits dotés de labels d’investissement responsable ou de développement durable.

Les restrictions liées à la lutte contre l’épidémie de covid-19 ont fortement fait chuter la consommation des ménages depuis un an, ce qui a entraîné, pour un certain nombre d’entre eux, une surépargne. Estimée entre 100 milliards et 120 milliards d’euros en 2020, celle-ci pourrait atteindre 200 milliards d’euros à la fin de 2021. La question se pose donc de trouver les meilleurs moyens de placer et d’utiliser cette épargne supplémentaire.

Je citerai, à titre d’exemple, la proposition de loi déposée l’an dernier par mon collègue Éric Gold, qui prévoyait l’institution d’un grand emprunt national de 50 milliards d’euros pour le financement du système de santé et des autres politiques publiques. Cet emprunt aurait été ouvert à la souscription des particuliers.

La proposition de loi que nous examinons tend à créer un nouvel instrument de financement des politiques régionales, par le biais de fonds souverains régionaux, qui seraient principalement financés par la collecte d’un nouveau produit d’épargne appelé « livret de développement des territoires ».

Ces nouvelles lignes budgétaires serviraient, en particulier, à financer des projets d’infrastructures et à mettre en place un plan de relance décentralisé, complément territorial de l’actuel plan de relance gouvernemental voté en loi de finances.

La commission des finances, qui a examiné le texte il y a deux semaines, s’est montrée particulièrement sévère. En effet, si le dispositif mérite sans doute d’être amélioré, il convient néanmoins de saluer cette initiative, alors qu’il est nécessaire de mobiliser les énergies et les bonnes volontés pour faire face aux conséquences de la crise sanitaire, dont nous ne sommes pas encore sortis – faut-il le rappeler ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bilhac

Le nouveau livret de développement territorial aura pour principale caractéristique d’offrir une rémunération de plus en plus intéressante au fil du temps, afin d’inciter les particuliers à y placer leur épargne dans une logique de long terme.

J’ai néanmoins déposé un amendement visant à préserver l’encours du livret A, qui sert à financer le logement social et le renouvellement urbain dans notre pays. Il s’agit, en effet, d’éviter un risque d’éviction vers le livret de développement territorial. Ne pourraient ainsi être retirées d’un livret A que les sommes excédant la moitié du plafond de ce dernier. Il me semble que cette condition est importante pour mettre en place le LDT sans fragiliser le livret A.

En ce qui concerne le périmètre du dispositif, je suis favorable à la possibilité de l’étendre au-delà des régions, afin que les départements, les communes et les intercommunalités puissent en profiter, en bénéficiant de fonds territoriaux au lieu de fonds régionaux.

En conclusion, compte tenu de ces différentes remarques, les membres du RDSE se partageront entre un vote favorable et quelques abstentions.

Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous avons à débattre part d’un double constat sur lequel tout le monde s’accorde, à savoir un surcroît d’épargne qui s’élève à plus de 100 milliards d’euros, et la nécessité de soutenir l’activité économique de nos entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

Malheureusement, un certain nombre d’écueils et de difficultés font que nous ne pourrons pas, en responsabilité, voter ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

Tout d’abord, il ne me semble pas que les régions souffrent, aujourd’hui, d’un manque de liquidités pour venir appuyer les entreprises. L’exemple de la région Île-de-France en témoigne, puisque, avant même la crise économique, celle-ci avait créé un fond de régional de garantie. Elle a, depuis lors, également mis en place des prêts rebonds et un fonds de résilience. À ce jour, plus de 10 000 entreprises ont ainsi pu être soutenues, parmi lesquelles figurent surtout des TPE, des PME, des associations, ou encore des acteurs de l’économie sociale et solidaire.

Un autre exemple est celui de la région Normandie, où une multitude d’initiatives ont été prises en faveur des entreprises, parmi lesquelles un prêt de trésorerie covid-19, le dispositif « Prêt impulsion relance plus », un prêt rebond, un fonds d’investissement « Normandie Rebond », une aide aux entreprises qui ont contracté un prêt garanti par l’État (PGE), un fonds régional de garantie, mais aussi de l’investissement direct pour soutenir le tissu économique local.

La question reste de savoir – et c’est celle que posent les auteurs de cette proposition de loi – comment flécher l’épargne des ménages, non pas l’épargne de précaution, mais la surépargne, vers l’économie réelle, c’est-à-dire vers les entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

L’idée n’est pas nouvelle puisque, depuis 2004, il existe notamment le dispositif du plan d’épargne en actions PEA-PME…

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

Celui-ci propose une fiscalité avantageuse, en contrepartie d’un risque associé au capital investi.

Dans le cadre de la loi Pacte, le Gouvernement, a essayé de dynamiser ce dispositif en l’assouplissant. Or le groupe Les Républicains n’avait pas attendu pour proposer, notamment lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2021, un certain nombre d’initiatives visant à flécher l’épargne des ménages vers les entreprises. Il s’agissait, et je tiens à le rappeler, de renforcer le dispositif de l’IR-PME, de créer un IFI-PME, d’ouvrir le PEA-PME aux actions des sociétés de capital-risque et de le rendre accessible aux jeunes majeurs, de prévoir la possibilité de transférer des jours déposés sur un compte épargne-temps (CET) vers un plan d’épargne en actions (PEA). Malheureusement, toutes ces mesures ont été supprimées à l’Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

Mme Christine Lavarde. En conclusion, je voudrais dire à notre collègue de ne pas se désespérer. En effet, le groupe Les Républicains, lors de l’examen du deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2020, avait proposé de favoriser les donations entre générations. La mesure, votée par le Sénat, a été retirée à l’Assemblée nationale. Or je relève, avec malice, que la presse laisse désormais entendre que le Gouvernement pourrait la reprendre.

Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

Madame la sénatrice, votre idée mérite d’être creusée. Elle reste encore trop perfectible pour que nous puissions la voter.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Babary

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, pendant cette période de crise de covid-19, une surépargne de près de 200 milliards d’euros a été constituée par les ménages.

En effet, à la fin du mois de mars dernier, la Banque de France estimait qu’en plus des 110 milliards d’euros en 2020, on pouvait déjà évaluer à 65 milliards d’euros l’épargne supplémentaire accumulée durant le début de l’année 2021.

Ces sommes restent souvent sur les comptes courants des Français, mais ces derniers les placent aussi parfois sur des livrets d’épargne divers et sur des assurances vie. Au cours des deux dernières années, 800 000 plans d’épargne en actions (PEA) ont ainsi été ouverts.

Forts de ce constat, les auteurs de la proposition de loi ambitionnent de mobiliser cette épargne via des fonds souverains régionaux, dont l’objet serait d’investir dans la modernisation des infrastructures des territoires, afin d’accélérer la transition écologique et le développement économique.

Posons-nous les bonnes questions : quel est le besoin des entreprises et comment le satisfaire ?

À la fin de cette crise sanitaire, la trésorerie des entreprises sera, ou aura été utilisée pour éponger la dette covid. Les PME et les ETI n’auront plus de trésorerie pour investir et relancer l’économie, alors qu’il s’agit bien là d’entreprises régionales.

Il est à noter que, depuis le début de la crise, 30 % des ETI ont déjà été approchées par des fonds spéculatifs. Il est urgent de renforcer leurs fonds propres pour les préparer à la reprise.

Le choix a été fait, d’une part, d’encourager la relance de la consommation des ménages, d’autre part, de relancer l’investissement en entreprise via les prêts participatifs et l’actionnariat des salariés, tout en influant sur la répartition de l’épargne vers le financement des entreprises grâce au label « Relance ».

À la fin du mois de mars dernier, 156 fonds avaient reçu ce label pour un encours d’environ 14 milliards d’euros. Près de 15 nouveaux fonds de ce type se créent chaque mois.

Cependant, la difficulté à mobiliser cette épargne de précaution est liée au rétablissement de la confiance. Les Français craignent pour leur emploi, leur santé et leur retraite. Il faut donc leur proposer un placement garanti, très liquide, peu taxé, et qui offre une rémunération supérieure à l’épargne classique.

Pour répondre à cette crise de confiance et aux besoins des entreprises, les fonds souverains régionaux doivent garantir une traçabilité vers l’emploi et les entreprises régionales. Proximité et transparence sont les deux mots d’ordre !

À cet égard, la région Auvergne-Rhône-Alpes peut être citée en exemple. Toutefois, selon Bpifrance, il existe désormais des projets dans chacune de nos régions. L’autorisation accordée par l’AMF permettra d’y inclure le recours à l’épargne publique locale.

Concernant la proposition de loi que nous examinons, outre son coût élevé pour les finances publiques et les doutes quant à son caractère opérationnel, le modèle proposé n’a pas pour vocation de renforcer les capitaux propres des PME et des ETI régionales dont la trésorerie est asséchée. Il ne bénéficiera qu’à certaines d’entre elles, et de manière indirecte via des marchés régionaux de travaux.

De plus, légiférer dès à présent, c’est prendre le risque d’imposer un cadre restrictif et de limiter les initiatives qui semblent nombreuses à se développer.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Babary

Attendons donc les premiers retours des régions qui ont mis en place des fonds souverains régionaux, sur le modèle de ce qui existe déjà dans d’autres régions européennes.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe Les Républicains ne votera pas ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Cyril Pellevat

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous débattons de la proposition de loi, présentée par Vanina Paoli-Gagin, qui vise à créer des fonds souverains régionaux, afin d’orienter l’épargne des Français vers des projets locaux. En effet, une hausse record de cette épargne a été enregistrée ces derniers mois, en raison de la crise sanitaire.

L’intention est louable, et le dispositif proposé semble à première vue séduisant. En tant que conseiller régional, j’ai forcément été intéressé par des mesures dont l’objet est d’offrir de nouvelles possibilités de financement aux régions, d’autant plus qu’elles permettraient de faire participer les Français à la relance, et de financer des projets locaux.

Cependant, à regarder plus en détail le dispositif et la manière dont les régions financent leurs projets, il apparaît que le mécanisme présente des lacunes qui ne me semblent pas pouvoir être rattrapées, et que le besoin de financement des régions est à relativiser.

En effet, comme la commission des finances l’a souligné dans son rapport, le dispositif proposé ne consiste pas à mettre en place de réels fonds souverains régionaux, à l’image de ce qu’a fait la région Auvergne-Rhône-Alpes, et il ne fait que créer un nouveau produit d’emprunt bancaire.

De plus, s’il est vrai que les régions sont intéressées par des dispositifs d’épargne territorialisés ainsi que par le fléchage des ressources disponibles vers les fonds propres des entreprises, le livret de développement des territoires ne permet en réalité ni l’un ni l’autre.

D’une part, le LDT est réparti au niveau national selon une clé liée au potentiel financier des régions. Il n’y a donc pas réellement de territorialisation. D’autre part, le fonds a principalement vocation à financer des dépenses d’équipement, pour lesquelles les régions n’ont pas de mal à trouver des financements.

Le besoin que nous constatons n’a, en effet, pas trait aux équipements, mais au soutien aux entreprises. Il faudrait donc plutôt renforcer les moyens dont les régions disposent pour orienter les ressources disponibles vers les fonds propres des entreprises. La proposition de loi ne le permet pas, malgré les amendements déposés par son auteure pour remédier à cette lacune.

Le texte ne permet pas non plus d’offrir aux régions des moyens de financement plus intéressants que ceux dont elles disposent déjà. En effet, les régions s’endettent à un taux d’intérêt évalué, en moyenne, à 0, 58 %. Or les conditions de rémunération du LDT conduiraient les banques à proposer des taux d’environ 1 %, et donc moins intéressants.

En outre, il faut noter que les régions ne constatent pas plus que les établissements bancaires de carences d’accès à des financements, qui auraient pu justifier qu’elles s’endettent à des taux plus élevés.

Enfin, le dispositif aurait des effets négatifs non seulement sur les finances publiques, en raison des risques d’optimisation fiscale et de la possibilité de cumuler les LDT, mais aussi sur les finances régionales, puisque le volume du prêt consenti aux régions ne serait pas négociable, ce qui pourrait conduire celles-ci à s’endetter plus que de besoin.

Comme vous l’aurez compris, je ne suis pas favorable à l’adoption de ce texte. En revanche, il me semble qu’il serait opportun d’effectuer un bilan des moyens dont les régions disposent pour participer au capital d’entreprises. En identifiant leurs lacunes, on pourrait ensuite proposer des améliorations.

L’examen de cette proposition de loi aura eu le mérite d’attirer notre attention sur un sujet important, et de nous permettre d’engager une réflexion sur la manière dont nous pourrions renforcer les dispositifs existants.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La discussion générale est close.

La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.

Après la section 1 du chapitre Ier du titre II du livre II du code monétaire et financier, est insérée une section 1 bis ainsi rédigée :

« Section 1 bis

« Le livret de développement des territoires

« Art. L. 221 -9. – Un livret de développement des territoires peut être ouvert par les personnes mentionnées au premier alinéa de l’article L. 221-3 auprès de tout établissement de crédit habilité à recevoir du public des fonds à vue et qui s’engage à cet effet par convention avec l’État.

« Art. L. 221 -10. – Chaque établissement distribue au minimum 90 % des ressources qu’il collecte chaque année sur les livrets de développement des territoires entre les fonds souverains régionaux mentionnés à l’article L. 4332-2 du code général des collectivités territoriales relevant des collectivités qui ont fait part de leur souhait de bénéficier de ces ressources dans les conditions prévues à l’avant-dernier alinéa du même article L. 4332-2.

« Chacun de ces fonds est attributaire d’un pourcentage des ressources à distribuer fixé chaque année par arrêté conjoint du ministre chargé de l’économie et du ministre chargé des collectivités territoriales. Ce pourcentage est calculé en fonction d’un indice synthétique constitué du rapport entre, d’une part, le potentiel financier net moyen par habitant de l’ensemble des collectivités mentionnées au premier alinéa dudit article L. 4332-2 et, d’autre part, le potentiel financier net moyen par habitant de chacune de ces collectivités.

« Les ressources qui ne sont pas distribuées aux fonds mentionnés au deuxième alinéa du présent article sont consacrées par l’établissement à des prêts destinés à financer des opérations d’investissement réalisées par des collectivités territoriales ou des groupements de collectivités territoriales. Afin de permettre la vérification du respect de cette obligation d’emploi, les établissements distribuant le livret de développement des territoires fournissent, une fois par an, aux ministres chargés de l’économie et des collectivités territoriales une information écrite, dont la forme et le contenu sont fixés par arrêté conjoint de ces ministres, sur les concours financiers accordés à l’aide des ressources qui ne sont pas distribuées en application du même deuxième alinéa.

« Art. L. 221 -11. – Tout versement sur un livret de développement des territoires donne lieu à une rémunération par l’établissement gestionnaire. Jusqu’à l’expiration de la cinquième année civile suivant celle au cours de laquelle il a été effectué, cette rémunération est calculée selon le taux et les modalités applicables à la rémunération du livret A. Ce taux est ensuite majoré :

« – de 25 % à compter de la sixième année ;

« – de 50 % à compter de la dixième année.

« Par dérogation à l’article L. 221-35, les établissements gestionnaires de livrets de développement des territoires peuvent verser une rémunération supérieure à celle prévue par le présent article.

« Les sommes figurant sur un livret de développement des territoires peuvent être retirées à tout moment. Les intérêts versés sont exonérés de tous prélèvements fiscaux et sociaux.

« Art. L. 221 -12. – Les fonds souverains régionaux, les collectivités territoriales et leurs groupements procèdent au remboursement des sommes qui leur sont attribuées en application de l’article L. 221-10 à un taux fixé, par accord avec les établissements concernés, en proportion du taux applicable à la rémunération du livret A dans la limite du double de ce taux.

« Art. L. 221 -12 -1. – Les opérations relatives au livret de développement des territoires sont soumises au contrôle sur pièces et sur place de l’inspection générale des finances.

« Art. L. 221 -12 -2. – Les conditions d’application de la présente section sont fixées par décret en Conseil d’État. »

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 8 rectifié bis, présenté par MM. Bilhac, Requier et Guérini, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Après la référence :

L. 221-3

insérer les mots :

, sous réserve que leur livret A soit abondé au minimum à 50 % du montant du plafond mentionné à l’article L. 221-4,

La parole est à M. Christian Bilhac.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bilhac

Comme je l’ai déjà dit dans la discussion générale, l’objectif de cet amendement est de préserver la source de financement du logement social que représente le livret A.

En effet, compte tenu du taux actuellement pratiqué pour ce dernier, à hauteur de 0, 5 % depuis le 1er février 2021, de ceux envisagés pour le nouveau livret de développement des territoires, ainsi que des facilités fiscales de retrait des fonds, il existe un risque d’éviction de l’épargne du livret A vers le livret de développement des territoires. C’est là, me semble-t-il, l’une des principales faiblesses du dispositif, et même si je comprends l’objectif des auteurs de la proposition de loi, mieux vaut ne pas donner prise aux conséquences qu’une telle mesure pourrait avoir.

Je propose donc de réserver le placement du LDT à des fonds prélevés sur la part du livret A excédant la moitié du plafond de ce dernier. Autrement dit, un particulier ne pourrait déposer des fonds sur un livret de développement des territoires qu’à la condition que son livret A soit garni à hauteur de 50 % du plafond, ce qui représente actuellement 11 475 euros pour les particuliers. On ne pourrait donc pas vider totalement le livret A, mais il faudrait y laisser 50 % du plafond.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Je remercie notre collègue d’avoir entendu l’argument selon lequel le livret A risquerait de subir une forte décollecte, avec les problèmes qui s’ensuivraient pour le financement du logement social.

Cependant, si nous adoptions cet amendement, nous exclurions 35 millions de Français de la possibilité d’ouvrir un livret de développement territorial. La moitié de nos concitoyens n’y aurait pas accès, si nous imposions la condition de détenir un livret A rempli à hauteur de 50 %.

En outre, cela poserait un risque constitutionnel, parce que l’on réserverait ce livret de développement territorial, au taux plus rémunérateur que le livret A, à une catégorie de Français, et que l’on en exclurait une autre.

Je vous remercie d’avoir contribué à mettre en évidence un risque de décollecte pour le livret A, en présentant cet amendement. La commission a toutefois émis un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Olivia Grégoire

Au-delà des raisons que le rapporteur vient d’exposer, le Gouvernement souhaite préserver le livret A tel qu’il existe aujourd’hui.

En outre, la mise en œuvre de cette mesure serait particulièrement complexe, d’un point de vue opérationnel. Sans entrer dans les détails, les établissements de crédit risquent de ne pas être en mesure d’y procéder.

Enfin, le dispositif ne précise pas ce que deviendrait le livret de développement des territoires, dans le cas où l’argent placé sur le livret A passerait sous le seuil de 50 %, en cours de vie du livret.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 4 rectifié bis, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. A. Marc, Chasseing, Guerriau, Menonville, Wattebled, Médevielle et Decool, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Verzelen, Burgoa, Canevet et Hingray, Mme F. Gerbaud, M. Haye et Mme N. Delattre, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Remplacer le taux :

par le taux :

La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.

Debut de section - PermalienPhoto de Vanina Paoli-Gagin

Cet amendement vise à répondre à une partie des critiques émises par M. le rapporteur, quant à la stabilité financière du dispositif proposé.

Ce dernier a pointé, à juste titre, le risque que présentait, pour le dispositif, l’articulation entre, d’une part, la liquidité de son volet concernant les ressources, d’autre part, la rigidité de celui portant sur les dépenses – bref, l’opposition du court terme au long terme.

Le dispositif prévoit, toutefois, un mécanisme de sécurité qui limite ce risque, en permettant aux banques de conserver jusqu’à 10 % de l’encours déposé sur le livret de développement des territoires. Cet amendement a pour objet de porter ce « matelas de sécurité » à 20 %, en vue de renforcer cette protection.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Sur ce point particulier, nous nous heurtons, là encore, à un problème d’interprétation du texte qui nous est soumis. Cela résume tout l’objet du débat, tout au moins des arguments qui nous opposent l’un à l’autre, ma chère collègue.

En effet, le texte prévoit que les 10 % des prêts qui ne sont pas destinés aux régions doivent être consacrés aux autres collectivités territoriales. Cet amendement n’y changerait rien. Même si nous l’adoptions, il ne réglerait pas le problème de liquidité qui se pose à l’épargnant. Il en résulterait seulement que 80 % des prêts seront destinés aux régions, tandis que 20 % iront aux autres collectivités territoriales.

Or les régions et les autres collectivités territoriales empruntent sur quinze ou vingt ans, et parfois sur des durées plus longues, en fonction des investissements qu’elles ont à réaliser. Le fait de ramener de 90 % à 80 % la part réservée à ce fonds souverain régional, qui n’en est pas un, ne change strictement rien au problème soulevé.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Olivia Grégoire

Pour les mêmes raisons, sans vouloir être redondante, j’émets un avis défavorable.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 10 rectifié, présenté par MM. Bilhac, Requier et Guérini, est ainsi libellé :

Alinéas 5 et 13

Après le mot :

régionaux

insérer les mots :

ou territoriaux

La parole est à M. Christian Bilhac.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bilhac

Cet amendement vise tout simplement à ajouter les mots « ou territoriaux » après le mot « régionaux », par coordination avec celui que je présenterai à l’article 4, pour ouvrir le bénéfice du livret de développement des territoires non pas seulement à la région, mais aussi à toutes les collectivités territoriales et intercommunalités.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

N’étant pas favorable à la création des fonds souverains pour les régions, tels que le texte les prévoit, je ne peux pas donner un avis favorable à un amendement qui vise à étendre le dispositif à l’ensemble des collectivités territoriales.

En outre, la mise en œuvre d’une telle mesure me paraît difficile, car il faut disposer d’une certaine surface financière et de certaines capacités pour mener des politiques avec des outils de ce type, si tant est que le texte prévoie véritablement un fonds souverain, ce dont je doute.

Avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Olivia Grégoire

Sur le fond, comme plusieurs d’entre vous l’ont mentionné dans la discussion générale, la ressource émanant du livret de développement territorial est moins compétitive que les ressources bancaires pour financer les collectivités territoriales.

Par ailleurs, sur le plan technique, comme l’a dit le rapporteur, un tel mécanisme devrait être organisé afin que les droits de tirage donnés à l’ensemble des collectivités locales soient bien coordonnés. Cette organisation reviendrait, en réalité, à recréer en quelque sorte une banque des territoires qui organiserait et instruirait les prêts consentis à chacune des collectivités territoriales.

Or la banque des territoires existe déjà. Elle assure les besoins de financement des collectivités qui ne sont pas couverts par les financements bancaires de marché.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a émis un avis défavorable.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 6 rectifié bis, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Burgoa, Canevet et Hingray, Mme F. Gerbaud, MM. Guerriau, Chasseing et A. Marc, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Menonville, Haye et Decool et Mme N. Delattre, est ainsi libellé :

Alinéa 12, seconde phrase

Compléter cette phrase par les mots :

lorsque le retrait intervient sur un dépôt effectué depuis au moins trois ans

La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.

Debut de section - PermalienPhoto de Vanina Paoli-Gagin

Cet amendement a pour objet de soumettre aux prélèvements sociaux et à l’impôt sur le revenu les intérêts produits par un livret de développement des territoires en cas de retrait de sommes d’argent intervenu moins de trois ans après leur dépôt sur un compte. Il vise à sécuriser le dispositif, puisqu’il incite les épargnants à ne pas privilégier la liquidité.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La commission est défavorable à l’amendement, non pas tant en raison de son objet que parce que nous sommes contre la création des fonds souverains régionaux.

Par cohérence, la commission émettra également un avis défavorable sur les amendements à venir.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Avant de vous céder la parole, madame la secrétaire d’État, je vous signale, mes chers collègues, et ce afin que vous vous y prépariez, que je suis saisi d’une demande de scrutin public par le groupe Les Républicains sur l’article 1er.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

Debut de section - Permalien
Olivia Grégoire

Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Je mets aux voix l’article 1er.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 114 :

Le Sénat n’a pas adopté.

La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, auteur de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Vanina Paoli-Gagin

Monsieur le président, au vu de l’heure, mais surtout parce que le rejet de l’article 1er a pour effet de vider l’ensemble du texte de sa substance, je demande naturellement le retrait de cette proposition de loi de l’ordre du jour de notre assemblée.

Je veux néanmoins remercier les membres de la commission des finances, M. le rapporteur, Mme la secrétaire d’État, ainsi que l’ensemble des collègues présents d’avoir « salué » cette initiative qui, je l’ai compris, ne leur convient pas techniquement.

Nous allons bien sûr remettre l’ouvrage sur le métier et tenter d’apporter certaines précisions d’ordre sémantique, puisque la subtile confusion entre les diverses acceptions du mot « fonds », avec ou sans majuscule, qui désigne à la fois des ressources et des véhicules d’investissement, n’a pas été totalement dissipée.

J’espère que nous pourrons travailler ensemble à proposer, au moment de l’examen du projet de loi de finances ou de tout autre texte, un nouveau dispositif qui pourra séduire le plus grand nombre, à la fois techniquement et politiquement.

Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Olivia Grégoire

Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous remercier pour la qualité de nos échanges, malgré nos divergences sur les moyens à mettre en œuvre. Je souhaiterais également saluer le travail de Mme Paoli-Gagin, ainsi que l’esprit de responsabilité dont elle vient de faire preuve en prenant la parole à l’instant.

Je veux lui confirmer l’engagement du Gouvernement, ainsi que sa disponibilité, faut-il le rappeler, pour poursuivre le dialogue en vue d’orienter l’épargne des Français de manière productive. Nous divergeons certes – je viens de le dire – sur les moyens, mais nous ne divergeons absolument pas sur cette ambition.

En tant que secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, je tiens à vous assurer de l’engagement de Bercy pour atteindre cet objectif que nous partageons.

Je salue enfin l’esprit de responsabilité collective qui a prévalu ce matin.

Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Mes chers collègues, je vous rappelle les termes de l’article 26 du règlement du Sénat : « L’auteur d’une proposition de loi ou de résolution peut toujours la retirer, même quand la discussion est ouverte. »

La proposition de loi visant à orienter l’épargne des Français vers des fonds souverains régionaux est donc retirée.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à douze heures huit, est reprise à douze heures dix.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Les Indépendants – République et Territoires, la discussion de la proposition de loi d’expérimentation visant à favoriser le retour à l’emploi des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), présentée par M. Claude Malhuret et plusieurs de ses collègues (proposition n° 34 rectifié, texte de la commission n° 518, rapport n° 517).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Claude Malhuret, auteur de la proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la pauvreté est un enchaînement de privations matérielles et financières, de mécanismes d’exclusion accidentels ou conjoncturels, qui conduisent beaucoup de nos concitoyens à vivre sur le fil du rasoir avec seulement quelques heures de travail ou, parfois, sans travail du tout.

La crise sanitaire à laquelle nous sommes confrontés depuis plus d’un an maintenant rend plus critiques encore toutes les inégalités : inégalités en termes de santé, de logement, d’alimentation et de travail. Nous constatons quotidiennement la précarisation d’une partie des Français.

À cette précarité, il n’existe pas d’antidote, et aucun vaccin ne pourra mettre un terme. Mais, chaque jour, des initiatives sont prises par des collectivités locales, des entreprises, des associations à la recherche de solutions et d’idées nouvelles pour permettre aux millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté de retrouver le chemin de l’espoir.

Cet espoir, pour beaucoup, se résume en trois mots : retrouver du travail.

La situation financière d’un quart des Français s’est dégradée : environ 2 millions de personnes sont désormais allocataires du RSA. Plus que jamais, la société et les acteurs qui la composent proposent des solutions pragmatiques pour aider des milliers de personnes à retrouver rapidement un travail.

Le texte que je vous propose s’inscrit dans cet état d’esprit. Il résulte d’une initiative du département de l’Allier, qui souhaite mettre en œuvre ce dispositif, et est soutenu par plusieurs conseils départementaux. Une enquête réalisée auprès des entreprises de l’Allier par les services du département a suscité un grand nombre de réponses positives de chefs d’entreprise favorables à son expérimentation.

La situation que nous vivons est paradoxale : d’un côté, nous observons une hausse du nombre de bénéficiaires du RSA ; de l’autre, les entreprises locales ont de grandes difficultés à recruter. Nous souhaitons favoriser les rencontres entre les mondes économique et social, en privilégiant l’insertion par le travail, notamment dans le réseau existant des TPE et PME.

Cette approche n’est en aucun cas opposée à celle des dispositifs d’insertion par l’activité économique au sein d’entreprises sociales et solidaires, adaptées aux personnes les plus éloignées de l’emploi. Elle est au contraire tout à fait complémentaire.

Actuellement, une personne sans emploi qui arrive en fin de droits et perd son allocation chômage perçoit le RSA. Elle bénéficie aussi des aides personnalisées au logement (APL) et d’un ensemble de droits connexes, tels que la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C), l’accès à des tarifs sociaux pour l’électricité, la cantine scolaire ou les transports. Lorsque cette même personne retrouve un travail, elle perd très rapidement une grande partie, voire la totalité du RSA au profit de son nouveau salaire et de la prime d’activité, soit 200 euros par mois en moyenne.

La perte des minima sociaux et des droits connexes n’est compensée qu’en partie, notamment pour les contrats à temps partiel, par la prime d’activité. Avec le dispositif que je vous propose, cette même personne pourra conserver son RSA la première année au cours de laquelle elle reprendra une activité dans la limite d’un plafond fixé par décret, afin que le gain lié au travail soit sans ambiguïté.

Prolonger le versement du RSA permettra également à son bénéficiaire de continuer à disposer d’un accompagnement social et de possibilités de formation. À la sortie du dispositif, après un an de reprise à temps partiel, celui-ci pourra poursuivre son parcours d’insertion avec un contrat à temps plein dans le cadre d’un parcours emploi compétences (PEC), notamment en percevant la prime d’activité versée par l’État.

L’Allemagne, le Portugal, le Luxembourg ont fait le choix de réviser annuellement les droits aux minima sociaux. Dans le paysage européen, seules l’Estonie et la Lituanie, au côté de la France, actualisent ces droits tous les trois mois. Ce que nous proposons est donc déjà mis en place dans de nombreux pays européens et semble faire la preuve de son efficacité.

On n’enlève pas une béquille à une personne longtemps immobilisée qui vient tout juste de se remettre à marcher. Mieux vaut lui laisser la possibilité de s’en servir jusqu’à ce que sa démarche plus assurée lui permette de se mouvoir librement, sans cette aide. Le principe de cette expérimentation est le même.

Le dispositif proposé a le mérite d’être simple et lisible : il encourage sans ambiguïté la reprise d’activité à temps partiel de travailleurs demeurés longtemps sans emploi.

J’ai bien conscience que de nombreuses initiatives ont été menées en matière d’insertion, et je ne prétends pas avoir la science infuse ou détenir le remède miracle. C’est la raison pour laquelle je ne vous propose pas une solution clé en main, applicable d’emblée à l’ensemble de notre pays, mais une expérimentation locale qui fera l’objet d’un bilan rigoureux. Nous pourrons ainsi décider, en toute objectivité, s’il convient de généraliser cette expérimentation ou de chercher d’autres solutions.

Aux côtés des services de l’État et des associations, les départements et les entreprises sont des acteurs essentiels de la lutte contre l’exclusion. Grâce aux efforts conjugués de chacun, nous pouvons aider des milliers de personnes vivant bien en deçà du seuil de pauvreté à retrouver un travail, à acquérir de nouveaux savoir-faire et savoir-être, et à bâtir pour elles-mêmes et pour leurs familles un nouvel avenir.

Pour faciliter les initiatives des départements volontaires et, surtout, dans l’intérêt des personnes qui pourraient en bénéficier et voir leurs conditions de vie s’améliorer de manière durable, leur dignité retrouvée par le travail, je vous invite à voter cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Pierre Louault applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi déposée par le président Claude Malhuret vise à mettre en œuvre, à titre expérimental, un dispositif d’incitation au retour à l’emploi ciblé sur les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), afin de favoriser leur insertion sur le marché du travail.

Inspirée d’une initiative du département de l’Allier, ce texte part du constat que, d’un côté, les entreprises peinent à recruter quand, de l’autre, de nombreux chômeurs ne trouvent pas d’emploi, en particulier les bénéficiaires de minima sociaux, qui ne parviennent pas à reprendre une activité en raison d’un ensemble de freins monétaires et non monétaires. Pour ces personnes, qui ont parfois été sans activité pendant de nombreuses années, la reprise d’un emploi à temps plein peut se révéler très problématique.

Depuis une quinzaine d’années, des efforts importants ont pourtant été réalisés pour « activer » le système français des prestations sociales, de manière à éliminer les « désincitations » à l’emploi. Je pense à la création du RSA au 1er juin 2009, à celle de la prime d’activité en 2016 et à sa revalorisation en 2019.

Toutefois, l’objectif incitatif de ces réformes n’a pas été totalement atteint. Les bénéficiaires du RSA sont très majoritairement sans emploi. De plus, 76 % d’entre eux ont plus d’un an d’ancienneté en tant qu’allocataires, et une grande majorité le restent d’une année sur l’autre. Plus leur ancienneté comme bénéficiaires de minima sociaux est importante, moins ils ont de chances d’en sortir. Les passages du RSA à la prime d’activité restent de fait très minoritaires.

Dans la période de crise qui s’est ouverte, cette population d’allocataires de longue durée risque de s’accroître, et son éloignement de l’emploi de s’aggraver.

Dans ce contexte, le dispositif expérimental proposé vise à mieux soutenir la transition des allocataires du RSA vers l’emploi, afin de leur donner les moyens de franchir la distance qui les sépare de l’emploi durable.

L’article 1er prévoit la mise en place pour une durée de quatre ans, dans des départements volontaires, d’une expérimentation permettant à des allocataires du RSA d’être embauchés par des entreprises, tout en conservant le bénéfice de leur allocation pendant une durée d’un an, dans la limite d’un plafond fixé par décret. Le texte déposé prévoyait que le maintien en tout ou partie du RSA pourrait se cumuler avec la prime d’activité.

Le coût du dispositif pour le département ferait l’objet d’une compensation financière par l’État dans les conditions applicables au financement du RSA. En effet, la loi permet déjà à un département de décider de conditions et de montants plus favorables que le droit commun ; il doit alors en assumer les conséquences financières.

En réponse aux observations exprimées la semaine dernière en commission, l’un des principaux apports de la proposition de loi est bien d’étendre à cette expérimentation le principe de la compensation financière versée par l’État via la dotation globale de fonctionnement (DGF).

L’expérimentation ferait l’objet d’une évaluation, au plus tard un an avant son terme, sur le fondement de bilans établis par les départements expérimentateurs.

Comme la commission l’a relevé, cette nouvelle expérimentation s’inscrirait dans un paysage de dispositifs déjà dense, incluant les structures d’insertion par l’activité économique (SIAE), les parcours emploi compétences (PEC), ou encore l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ».

Il s’agit d’un dispositif complémentaire à la palette des outils existants, qui ne s’adresse du reste pas à tous les publics, mais à des personnes capables d’occuper un emploi dans une entreprise, tout en faisant face à des freins périphériques.

Cette expérimentation s’inscrit dans l’esprit des solutions du type « travail pour tous », fondées sur une activité liée au travail, un accompagnement personnalisé et un complément de revenu transitoire, que soutient l’Assemblée des départements de France (ADF).

Elle présente l’intérêt de permettre à des allocataires souhaitant s’engager dans une démarche de retour à l’activité de bénéficier, au-delà d’un soutien monétaire, de l’accompagnement dû aux allocataires du RSA. Le département de l’Allier prévoit ainsi un accompagnement spécifique de trois mois au démarrage, renouvelable une fois, qui permettra de sécuriser à la fois le salarié et l’employeur et d’éviter les abandons.

L’expérimentation vise tout autant à responsabiliser les entreprises en les incitant, sans leur imposer de contraintes excessives, à être les acteurs de cette démarche d’insertion. De nombreux employeurs du département de l’Allier ont témoigné de leur soutien à ce projet.

La commission des affaires sociales a donc adopté la proposition de loi. Elle l’a cependant modifiée, afin d’en renforcer le dispositif et de lui permettre d’atteindre sa cible et ses objectifs.

La commission a d’abord introduit, en lieu et place de la condition de privation d’emploi, une condition d’ancienneté minimale d’un an en tant qu’allocataire du RSA. Les bénéficiaires devraient en outre être inscrits sur la liste des demandeurs d’emploi, afin de garantir leur suivi par le service public de l’emploi.

Sur mon initiative, la commission a également prévu la possibilité de déroger à la durée hebdomadaire minimale de travail de droit commun pour un contrat à temps partiel. Cette durée minimale est fixée à vingt-quatre heures par la loi en l’absence de dispositions conventionnelles prévoyant une durée différente.

Conformément au projet initial des promoteurs de l’expérimentation, les bénéficiaires pourraient ainsi être embauchés pendant la première année du contrat pour une durée de quinze heures hebdomadaires au minimum, ce qui peut permettre à des personnes durablement éloignées de l’emploi de se réadapter au monde de l’entreprise.

Cette durée dérogatoire a fait l’objet d’un débat au sein de la commission. Pourtant, une durée de vingt-quatre heures hebdomadaires peut être, dans un premier temps, une marche trop difficile à franchir pour une personne qui n’a pas travaillé depuis plusieurs années. Il est d’ailleurs déjà possible, dans le cadre des contrats d’insertion, de déroger à cette durée.

De plus, afin de limiter les éventuelles distorsions introduites par le dispositif, la commission a prévu que ses bénéficiaires ne pourraient pas percevoir la prime d’activité pendant la période où le RSA continuerait de leur être versé. Ainsi, ils percevraient toujours des ressources plus élevées que s’ils se voyaient appliquer les règles de droit commun, mais l’écart resterait assez important par rapport aux revenus de personnes travaillant à temps plein et percevant la prime d’activité.

Bien entendu, il ne s’agit pas là de permettre à l’État de faire des économies au détriment des départements, puisque le coût du dispositif serait compensé. La commission a également prévu que le maintien du RSA serait garanti par le biais de la non-prise en compte des revenus professionnels perçus dans le cadre d’un CDD d’un an ou d’un CDI, jusqu’à un seuil fixé par décret.

À titre indicatif, ce seuil pourrait être fixé à 800 euros par mois, ce qui correspond approximativement à vingt-trois heures par semaine rémunérées au SMIC. Au-delà, le montant du RSA diminuerait à concurrence de la part de la rémunération dépassant le plafond.

Par ailleurs, la commission a veillé à encadrer le contenu des rapports d’évaluation qui devront être établis, d’une part, par les départements expérimentateurs et, d’autre part, par le Gouvernement, en vue de dresser un bilan de l’expérimentation au regard de ses objectifs initiaux et d’envisager les conditions d’une éventuelle généralisation. La démarche expérimentale n’est en effet pertinente qu’à condition de s’accompagner d’évaluations rigoureuses.

Enfin, la commission a précisé les conditions d’application du dispositif. Elle a fait débuter la période prévue pour l’expérimentation à la date de parution du décret d’application. Elle a par ailleurs confié au ministre chargé de l’action sociale la responsabilité d’établir la liste des départements retenus pour la mener à bien. Plusieurs départements ayant manifesté leur intérêt, il serait d’ailleurs souhaitable que cette liste découle de critères concertés avec les territoires qui en ont pris l’initiative.

Les éléments clés du dispositif, tel qu’il a été amendé par la commission, sont donc la possibilité pour les bénéficiaires de travailler quinze heures par semaine, la non-prise en compte pour le calcul du RSA des revenus perçus dans ce cadre, qui permet le maintien de l’allocation, et la suspension concomitante de la prime d’activité.

Chacun de ces éléments combinés pendant une durée d’un an contribue autant à inciter les bénéficiaires et les employeurs qu’à limiter les distorsions.

Il paraît toutefois possible, comme un amendement de notre collègue Pascale Gruny tend à le prévoir, de limiter à neuf mois la durée du dispositif, car on peut espérer qu’au bout de cette durée les bénéficiaires seront en mesure de travailler au moins vingt-quatre heures par semaine, et de percevoir un revenu plus élevé grâce à la prime d’activité.

Il en va de même d’un amendement de notre collègue René-Paul Savary, adopté par notre commission, qui vise à ce que les allocataires du RSA, sans condition d’ancienneté, puissent profiter de cette expérimentation.

Ce dispositif s’inscrirait ainsi dans la logique du paysage actuel des minima sociaux. Dans le droit actuel, un allocataire reprenant une activité professionnelle cumule intégralement le montant du RSA et une rémunération professionnelle pendant les trois premiers mois, mais ne perçoit pas encore la prime d’activité. Les trois mois suivants, le montant du RSA est réduit à concurrence du niveau de la rémunération de son bénéficiaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

En revanche, il perçoit la prime d’activité qui vient compenser une partie de la baisse du RSA.

L’expérimentation décale cette articulation entre le RSA et la prime d’activité dans le temps, afin de prolonger l’accompagnement du bénéficiaire vers l’emploi. C’est pourquoi elle ne peut fonctionner qu’à la condition que cet accompagnement personnalisé soit une réalité.

Il serait intéressant qu’elle puisse fonctionner avec le binôme formé par le travailleur social…

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

… et le conseiller pour l’emploi, qui a été mis en place dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et d’action contre la pauvreté, comme l’a indiqué Olivier Henno.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. Le débat va se poursuivre tout à l’heure, monsieur le rapporteur !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

M. Daniel Chasseing, rapporteur. Tel est le pari de cette proposition de loi que la commission a amendée et que je vous propose aujourd’hui d’adopter.

Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Brigitte Bourguignon

Monsieur le président, monsieur le vice-président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi dont nous allons débattre porte sur le retour à l’emploi de bénéficiaires du RSA. C’est un sujet majeur, bien sûr, d’autant plus dans le contexte social et économique que nous connaissons.

Nous partageons évidemment la préoccupation des auteurs de ce texte, et je connais la mobilisation des élus en la matière. Je suis, pour ma part, depuis toujours très engagée dans l’insertion sociale et professionnelle, créatrice et fondatrice de trois structures d’insertion – sensible, mais, donc, aussi active.

Monsieur le rapporteur, votre intention est louable, et je la salue. Pour autant, l’expérimentation que vous proposez ne me paraît pas être la réponse adaptée.

Debut de section - Permalien
Brigitte Bourguignon

J’en suis désolée !

D’une part, en effet, la valeur ajoutée de ce texte en matière de cumul RSA-revenu d’activité est limitée – j’y reviendrai – ; d’autre part, cette expérimentation, si elle venait à être pérennisée, conduirait à affaiblir la cohérence du dispositif actuel, qui se fonde sur l’articulation entre le RSA et la prime d’activité. Elle pourrait même avoir des effets contre-productifs pour les bénéficiaires.

Comme vous le savez, les départements ont d’ores et déjà la possibilité de mettre en œuvre des dispositifs permettant le cumul du RSA avec un revenu d’activité. C’est tout l’objet, d’ailleurs, des dispositions prévues par le code de l’action sociale et des familles qui, je le rappelle, permettent au département de définir les conditions de versement du RSA et de fixation de son montant plus avantageuses que celles qui sont fixées par la loi et de créer une prestation sociale supplémentaire pouvant être définie par rapport au RSA.

Plusieurs départements ont ainsi mis en place de tels dispositifs avant la crise sanitaire, et cette tendance s’est renforcée avec celle-ci. C’est le cas, notamment, de la Gironde, de la Dordogne ou encore du Loir-et-Cher, qui ont permis le cumul du RSA et de revenus d’activité, principalement dans le secteur agricole, afin de faire face, par exemple, à la pénurie de main-d’œuvre saisonnière.

Vous le comprendrez, la souplesse qu’accorde le cadre juridique actuel permet la mise en place de mesures qui tiennent compte des réalités, des besoins, des enjeux locaux.

L’expérimentation que vous proposez d’inscrire dans la loi a donc une valeur ajoutée plus limitée, en permettant seulement le financement du cumul par l’État.

Or nous proposons une expérimentation plus ambitieuse dans le cadre du projet de loi 4D, qui sera examiné par le Sénat au mois de juillet, puisqu’elle vise à recentraliser le financement du RSA afin de dégager des marges de manœuvre en matière d’orientation et de recentralisation aux départements expérimentateurs.

Vous proposez en outre qu’il soit possible de déroger à la durée légale minimale de travail pour un contrat à temps partiel, avec le risque de favoriser ce type de contrat précaire sans motif valable.

Au-delà de ces réserves sur ces points, l’effet d’une expérimentation serait, quoi qu’il en soit, éloigné de l’importance qui s’attache à ce sujet. Au contraire, pérennisée, elle pourrait nuire à l’efficacité des dispositifs actuels et avoir des effets contre-productifs.

Comme vous le savez, l’articulation du RSA et de la prime d’activité est pensée afin de garantir un dispositif lisible, incitatif à la reprise de l’activité. Chaque reprise est ainsi synonyme de gain pour les intéressés.

En suspendant l’octroi de la prime d’activité, ce dispositif créerait nécessairement des effets de seuil qui nuiraient à sa cohérence. Les intéressés pourraient n’avoir aucun intérêt financier à augmenter leur volume d’activité, voire perdre à l’issue de l’année.

Enfin, même si cela ne guide pas l’action publique, il ne faut pas négliger le fait que cette expérimentation se traduirait par un accroissement considérable des charges administratives et des coûts de gestion pour les services départementaux, déjà surchargés.

Mesdames, messieurs les sénateurs, sans attendre bien sûr la crise sanitaire, nous avons pris des mesures pour favoriser la reprise d’activité et pour accompagner les plus fragiles vers l’emploi, en lien étroit avec les départements. L’emploi reste le moyen le plus efficace pour prévenir le basculement dans la pauvreté et le meilleur moyen de s’en sortir. C’est le sens de notre engagement en matière d’insertion.

C’est pour cela que nous avons fait le choix de contractualiser avec les départements autour de l’accompagnement des bénéficiaires du RSA, et c’est pour cela que nous avons créé le service public de l’insertion et de l’emploi (SPIE), qui se déploie depuis le 1er janvier sous l’égide de Brigitte Klinkert.

L’État consacrera aussi 80 millions d’euros à la construction de ce service public. Nous soutenons les territoires qui renforcent la coordination des acteurs de l’insertion et de l’emploi : trente nouveaux territoires expérimentateurs viennent d’être retenus et nous ouvrirons ce soutien à trente-cinq territoires supplémentaires d’ici à 2022.

C’est aussi pour cela que nous avons mis sur la table un plan de relance d’une ampleur historique pour retrouver le rythme des créations d’emplois qui prévalait avant la crise : le renforcement des structures d’insertion par l’activité économique, les parcours emploi compétences ou les « territoires zéro chômeur de longue durée » sont autant de chantiers en cours.

Par ailleurs, laissez-moi rappeler que nous avons revalorisé de 90 euros la prime d’activité, ce qui a eu pour effet d’élargir le public éligible, mais aussi d’améliorer le taux de recours à cette prestation. C’est considérable.

Comme nous n’ignorons pas que notre système de soutien monétaire aux plus précaires souffre de certains défauts, nous avons engagé des travaux ambitieux sur la création d’un revenu universel d’activité (RUA), conformément à l’engagement du Président de la République.

Ces travaux, qui ont été suspendus du fait de la crise sanitaire, seront finalisés avant la remise d’un rapport public d’ici à la fin de l’année. Je ne doute pas que nous aurons encore l’occasion d’en débattre.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’aurez compris, le Gouvernement s’est engagé pour développer des parcours susceptibles de jouer pleinement le rôle de tremplin et de transition durable vers l’emploi, pour les plus précaires notamment. Il sait pouvoir compter sur les départements dans cette tâche. Le défi est grand, nous sommes prêts à le relever, et nous devons le relever.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Henno

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je veux d’abord saluer l’auteur de cette proposition de loi, Claude Malhuret, qui, comme toujours, a trouvé les mots justes pour évoquer le drame de la pauvreté et la question du RSA.

Je salue également le président du conseil départemental de l’Allier, Claude Riboulet, qui a pris l’initiative de cette expérimentation, ainsi que le rapporteur, Daniel Chasseing, toujours à l’écoute de ses collègues, qui a produit un travail méthodique, approfondi et pédagogique.

Je le dis sans détour : notre groupe votera cette proposition de loi qui a le mérite d’aborder plusieurs questions fondamentales pour l’équilibre de notre société.

C’est une petite loi en nombre d’articles, mais c’est une grande loi pour tous les sujets qu’elle met sur la table : le retour à l’emploi des allocataires du RSA, les freins et incitations au retour à l’emploi, l’accompagnement des allocataires, appelé aussi coaching, l’implication des départements et, bien sûr, le reste à charge qui pèse sur eux, la valeur travail et, enfin, l’indispensable coconstruction de cette politique par les régions et les départements.

En tant qu’ancien vice-président du conseil départemental du Nord chargé de l’insertion, je suis particulièrement sensible à ce sujet. Depuis 2015, la majorité départementale fait du retour à l’emploi des allocataires du RSA son principal cheval de bataille. Les résultats sont là : nous avons diminué de près de 20 % le nombre d’allocataires en cinq ans – de 120 000 allocataires, nous sommes passés à 103 000 foyers allocataires, ce qui reste malheureusement considérable.

Notre stratégie est simple : elle s’appuie sur des leviers similaires à ceux qui sont proposés par les auteurs de ce texte, à savoir un accompagnement renforcé des publics ; la création d’un lien étroit avec le monde de l’entreprise et les acteurs de la formation professionnelle, notamment la région.

La présente proposition de loi s’inspire d’une initiative du département de l’Allier. Je salue le fait que le Sénat sache promouvoir au niveau national des initiatives de nos collectivités territoriales.

Le conseil départemental de l’Allier a relevé un paradoxe souvent répété : d’un côté, des entreprises qui peinent à trouver les compétences qu’elles recherchent ; de l’autre, de nombreux chômeurs qui ne trouvent pas d’emploi.

Je connais le président Claude Riboulet, c’est un homme engagé et novateur, et je pense qu’avec ce dispositif il a ouvert une brèche qu’il nous revient d’élargir à l’ensemble des départements. Tel est le sens de cette expérimentation.

D’ailleurs, cette initiative, saluée par de nombreuses entreprises locales, permet de répondre aux difficultés de recrutement et au caractère désincitatif de certaines aides sociales.

Déjà, lors de la discussion parlementaire du texte transformant le RMI en RSA, le législateur avait clairement en ligne de mire les désincitations à l’emploi et voulait faire en sorte que le travail paie plus et mieux. Cette question demeure très prégnante dans notre société.

Cette proposition de loi tend à renforcer cette logique, que nous partageons encore aujourd’hui. Le travail participe de manière importante à l’intégration de l’individu dans la société et je crois profondément à la valeur travail. Notre rôle, en tant qu’élus, est donc de mettre en place tous les dispositifs possibles pour inciter le citoyen à travailler et l’entreprise à embaucher. C’est l’objet de cette proposition de loi, qui permettra à des chômeurs de longue durée souhaitant s’engager dans une démarche de retour à l’activité de bénéficier, au-delà d’un soutien monétaire, de l’accompagnement dont disposent les allocataires du RSA. Cela facilitera donc leur intégration progressive au monde de l’entreprise.

L’ouverture de ce dispositif dès quinze heures travaillées est une bonne chose. Cela permettra à nos concitoyens les plus fragiles de remettre le pied à l’étrier. Introduire de la souplesse dans le temps de travail me semble essentiel.

Évidemment, cette proposition de loi ne peut pas tout, mais elle représente un pas supplémentaire vers une meilleure insertion des allocataires du RSA. Je pense qu’elle devra être renforcée à l’avenir par une complémentarité plus étroite entre régions et départements, notamment en matière de formation professionnelle.

Sans doute y a-t-il là une autre clé indispensable en faveur du retour à l’emploi des allocataires du RSA. Une coconstruction encore plus forte de cette politique de retour à l’emploi des allocataires du RSA entre départements et régions, qui exercent les compétences développement économique, emploi et formation professionnelle, est indispensable. C’est ce que font le département du Nord et la région des Hauts-de-France, présidée par Xavier Bertrand.

Bien sûr, beaucoup reste à faire pour permettre un accompagnement personnalisé et offrir à chaque allocataire la formation dont il a besoin pour trouver un emploi.

Aujourd’hui, la loi permet à un département de décider de conditions plus favorables que le droit commun, à condition qu’il en assume les conséquences financières.

Un autre apport de cette proposition de loi – une nouvelle brèche ! – est l’extension à cette expérimentation du principe de la compensation financière de l’État via la dotation globale de fonctionnement. Cela répond à de nombreuses questions des départements qui souhaitent s’engager dans ce dispositif.

Pour toutes ces nobles raisons, notre groupe votera ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Lubin

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, toutes les initiatives pour soutenir les bénéficiaires des minima sociaux dans leurs démarches pour revenir vers l’emploi sont bienvenues.

Ces personnes rencontrent en effet de nombreux obstacles dans leurs parcours de réinsertion. Les freins identifiés relèvent de difficultés d’adaptation à l’entreprise, de repérage sur le marché du travail et de gestion administrative.

Mais ils peuvent également traduire des difficultés non professionnelles qui sont aussi bien relatives à la santé physique ou psychologique qu’au logement, difficultés mises en avant par près de 50 % des conseillers de Pôle emploi selon une étude de 2017.

Les transports jouent aussi leur rôle, ainsi que la difficile maîtrise du numérique.

Les difficultés sont aussi d’ordre financier, comme le constatent 75 % des conseillers de Pôle emploi.

Enfin, la question de la garde des enfants, notamment pour les familles monoparentales, et singulièrement pour les femmes qui les élèvent seules, qui sont nombreuses parmi les bénéficiaires du RSA, est une question prégnante.

Ces freins expliquent pourquoi les bénéficiaires du RSA sont très majoritairement sans emploi. Selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), seuls 11 % d’entre eux déclaraient exercer un emploi salarié à la fin de décembre 2016.

Enfin, ayant interrogé, ici même, en mars dernier, le directeur de l’Unédic pour savoir si, conformément à ce que j’entends ici et là, des études démontreraient que certaines personnes resteraient volontairement au chômage, je veux rappeler la réponse très claire que j’ai reçue : rien dans la littérature économique ne permet de conclure en ce sens.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain du Sénat soutient donc et développe depuis longtemps des dispositifs pertinents pour aider les bénéficiaires de minima sociaux dans leur démarche de retour ou d’accès à l’emploi.

C’est le cas pour la proposition de loi débattue dans cet hémicycle en octobre dernier, permettant d’étendre l’expérimentation de l’initiative « territoires zéro chômeur de longue durée », initialement soutenue par l’association ATD Quart Monde, et en faveur de laquelle nous nous sommes positionnés.

En janvier dernier, nous avons par ailleurs défendu une proposition de loi visant à étendre le bénéfice du RSA aux jeunes de 18 ans à 24 ans. Inscrite dans la lignée de notre contre-budget proposé dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2021, elle a été rejetée par la majorité sénatoriale. Sa nécessité tend pourtant à s’imposer dans le débat public.

Pour mémoire, enfin, c’est sous François Hollande qu’ont été mises en place la prime d’activité ainsi que la garantie jeunes, plébiscitée par les acteurs de l’insertion.

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Lubin

Nous saluons donc l’intention de la présente proposition de loi de promouvoir une expérimentation destinée à favoriser le retour à l’emploi des bénéficiaires du RSA.

Nous ne sommes cependant pas convaincus par le dispositif proposé, qui nous semble passer à côté de l’objectif affiché. Si nous devons soutenir les bénéficiaires de minima sociaux dans leur démarche d’insertion professionnelle, cela ne peut se faire à n’importe quel prix.

Concernant la durée hebdomadaire de quinze heures mentionnée dans le texte, un effet d’aubaine est, par exemple, à craindre : il sera facile pour certains employeurs, dans certains domaines, de ne plus proposer que des contrats de très courte durée. Et nous ne voulons pas voir l’avènement d’un sous-contrat de travail destiné à des sous-salariés.

La durée minimale d’un contrat de travail à durée déterminée d’une durée d’un an pour le déclenchement du dispositif pose également problème. Être bénéficiaire du RSA, c’est être de toute façon éloigné de l’emploi depuis un long moment déjà : l’obtention d’un contrat de travail d’une durée d’un an est un objectif très ambitieux.

L’alternative de l’obtention d’un CDI pour bénéficier du dispositif me semble encore plus chimérique : accéder à un CDI, c’est être déjà inséré. Il n’y a aucune raison, dans ces conditions, de continuer à bénéficier du RSA.

Les réserves que nous exprimons sont d’autant plus conséquentes que des initiatives au service de l’objectif recherché ici existent déjà sur les territoires.

Les départements qui mènent des expérimentations en ce sens sont en effet nombreux. Dans les Landes, par exemple, nous donnons la possibilité aux bénéficiaires du RSA de « cumuler » ce minimum social avec des emplois saisonniers ainsi qu’avec des emplois d’aide à domicile.

Il s’agit de favoriser le retour à l’emploi, même ponctuel, des allocataires du RSA ; de leur permettre de se saisir d’une opportunité d’emploi saisonnier ou de remplacement sans voir leurs finances, déjà précaires, se déséquilibrer ; de trouver une opportunité d’insertion professionnelle favorisant l’inclusion sociale et le retour à l’emploi.

Le choix d’engager une démarche pérenne d’investissement social et professionnel s’impose dans de nombreux autres territoires.

Le « RSA saisonnier » existe ainsi également en Dordogne, en Gironde, en Meurthe-et-Moselle comme en Charente-Maritime. Dans la Marne, ce dispositif existe depuis dix ans au profit de près de 340 allocataires. Cela fait également dix ans que le Rhône mène une expérimentation en ce sens, pour favoriser notamment les activités saisonnières de vendange et de cueillette. On compte une centaine de bénéficiaires.

La crise sanitaire a amplifié cette dynamique. En avril 2020, le Lot-et-Garonne a ainsi mis en place une expérimentation de cumul avec un emploi « essentiel à la Nation » dans les secteurs de l’agriculture ou de l’agroalimentaire. Il en est de même dans l’Hérault ou encore dans l’Aude pour les vendanges.

Nous nous interrogeons donc : la présente proposition de loi prévoit-elle que les départements cités ici inscrivent également leur démarche dans l’expérimentation qu’elle tend à mettre en place ? Si tel est le cas, cela risque d’être particulièrement contraignant, voire contre-productif, au regard des spécificités du dispositif qui posent problème.

Nous craignons par ailleurs que l’efficacité de ce texte ne soit encore amoindrie, voire qu’il devienne contre-productif, au gré des amendements adoptés en séance.

C’est la raison pour laquelle nous attendons la suite des débats pour déterminer notre vote final, qui d’une intention d’abstention, pourrait glisser vers un vote contre.

Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Esther Benbassa applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Mes chers collègues, je vous propose que nous poursuivions la discussion générale jusqu’à son terme, soit jusque vers treize heures vingt. Nous entamerions alors l’examen des amendements à la reprise de la séance cet après-midi.

Il n’y a pas d’opposition ?…

Il en est ainsi décidé.

La parole est à M. Laurent Burgoa.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Burgoa

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en préambule, je tiens à remercier la présidente de la commission des affaires sociales, Catherine Deroche, ainsi que l’ensemble des membres de la commission, de la qualité de nos débats sur cette proposition de loi.

Après la loi Territoires zéro chômeur de longue durée, ce texte traite d’un défi important et qui le sera malheureusement de plus en plus : celui du retour à l’emploi. À travers lui, il s’agit bien sûr de l’émancipation de nos concitoyens.

Lorsqu’on évoque le marché de l’emploi, c’est souvent sous son aspect économique, et, trop souvent, on oublie de rappeler qu’il permet à chacun de trouver sa place dans notre société et de s’y épanouir.

Aujourd’hui, avec la remise en cause du salariat, nous parlons de plus en plus d’« uberisation » et les carrières au sein d’une seule et même entreprise sont de plus en plus rares, tant les parcours professionnels sont décousus. Il nous faut donc lutter contre ce que certains appellent les « trappes à inactivité ».

Nous le savons, plus une personne reste longtemps inactive, plus il est difficile pour elle de retrouver un travail.

Les chiffres communiqués par notre rapporteur sont explicites : à la fin de 2019, nous indique la Drees, 61 % des bénéficiaires du RSA étaient allocataires depuis au moins deux ans, 37 % depuis au moins cinq ans et 16 % depuis au moins dix ans.

Après l’adoption de différents amendements et de longs débats en commission, ce dispositif, proposé à titre expérimental dans les départements volontaires, permet aux allocataires du RSA de cumuler les revenus d’une activité salariée et le RSA pour une durée de neuf mois, dans la limite d’un plafond fixé par décret.

J’apprécie l’esprit de cette proposition, car elle n’est pas dans la verticalité. Elle se fonde sur le principe du volontariat et, surtout, elle nous vient d’une demande du terrain. Je tiens, pour cela, à remercier notre collègue Claude Malhuret.

Le coût du dispositif, pour les départements, ferait l’objet d’une compensation financière par l’État dans les conditions applicables au financement du RSA.

Madame la ministre, alors que l’État est loin de respecter un principe cher au Sénat, à savoir « qui décide paye », il est peu probable que Bercy accepte de faire droit à ce vœu qui serait, pourtant, un bel exemple de différenciation dans l’attente de l’examen de la loi 4D.

Nous avions des doutes, mais ces derniers ont été levés par notre rapporteur, Daniel Chasseing, non sans pédagogie et avec une grande sagesse.

Aujourd’hui, nous avons donc la garantie que le bénéficiaire sera bel et bien inscrit à Pôle emploi comme demandeur d’emploi. Cela nous assure qu’il pourra être accompagné par le service public, mais aussi que ce dispositif aura bien une vocation d’intermédiaire.

Également, afin d’accompagner ces personnes, un tuteur sera désigné en entreprise.

Afin de permettre plus de flexibilité – et d’espérer plus d’offres d’emploi –, nous ouvrons la possibilité de déroger au temps de travail minimal pour les contrats à temps partiel, passant ainsi de vingt-quatre à quinze heures hebdomadaires. En effet, ce dispositif vise à permettre aux bénéficiaires de remettre un pied à l’étrier ; un maximum d’offres sont les bienvenues.

Et puis, nous nous assurons – c’est un point important à mes yeux – que le travail reste évidemment plus avantageux, et donc que le bénéficiaire ne pourra pas percevoir la prime d’activité pendant cette période de maintien du RSA. Cette modification a aussi le mérite – et pas des moindres – d’entraîner une économie pour l’État puisqu’il finance la prime d’activité.

C’est donc assuré de toutes ces garanties que je voterai, avec mon groupe, en faveur de ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Colette Mélot et M. Olivier Henno applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Poncet Monge

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les collectivités départementales, compétentes en matière d’insertion sociale et professionnelle des allocataires du RSA, ont multiplié les initiatives et expérimentations.

Notons tout d’abord que la baisse du taux de couverture par l’État de cette prestation de solidarité, malgré son caractère dynamique dont témoigne la hausse de 9 % des allocataires en 2020, contraint la part des budgets départementaux consacrée à l’accompagnement et à l’expérimentation. Je prends note, madame la ministre, qu’il est proposé de desserrer ces contraintes à l’avenir.

Notons aussi que les nombreuses expérimentations souffrent d’une quasi-absence d’évaluation sérieuse et la multiplication des initiatives sans réelle analyse de leurs impacts sociaux à moyen terme ne permet pas d’en tirer des enseignements.

Dans ce contexte, le texte que nous examinons aujourd’hui, même si l’on ne peut contester son objectif, s’appuie cependant sur des diagnostics biaisés, relevés par beaucoup de chercheurs et d’associations entendus en audition.

Le premier est l’analyse des freins principaux à la reprise d’une activité des allocataires.

Ceux-ci nous paraissent relever principalement non pas de la désincitation financière à une reprise d’emploi, sinon pour une extrême minorité, mais du cumul des difficultés objectives – santé, mobilité, qualification, logement –, obstacles auxquels s’ajoute un minimum monétaire trop bas qui maintient en situation de pauvreté, voire d’extrême pauvreté. Dès lors, un cercle vicieux s’installe, qui voit l’énergie de l’allocataire se concentrer non sur la sortie du dispositif, mais sur sa propre survie. La pauvreté monétaire : voilà la véritable trappe à la reprise de l’activité !

Garantir un revenu décent ouvre sur l’emploi, comme l’ont établi Esther Duflo et, depuis longtemps, les associations travaillant au plus près de ce public.

Ce que nous devrions expérimenter, c’est l’intensification d’un accompagnement global et personnalisé, levant les freins dits « périphériques », dès l’inscription, tout comme un revenu minimal qui garantirait les besoins fondamentaux pour retrouver la capacité à se projeter dans une activité.

Une majorité d’allocataires veulent retrouver leur place dans la société, au-delà du froid calcul financier que suppose cette proposition de loi, d’autant qu’un mécanisme de gain au travail existe déjà dans le dispositif de la prime d’activité, revalorisée dernièrement à la suite du mouvement des « gilets jaunes ». D’ailleurs, plus de 10 % des bénéficiaires de la prime d’activité sont au RSA.

Le deuxième biais est du côté de l’offre de travail. Cette proposition de loi s’appuie sur le projet consistant à faire correspondre des emplois vacants avec des allocataires remobilisés par un cumul prétendument plus incitatif que la prime d’activité.

Le problème est double : les emplois vacants souffrent souvent d’un problème structurel d’attractivité, puisqu’ils ne trouvent pas preneurs, y compris auprès des personnes sans difficultés particulières ; le dispositif les rend ainsi artificiellement et temporairement attractifs, en proposant de relever le taux horaire d’un temps partiel par ailleurs contraint par le SMIC, et risque de créer des distorsions avec les travailleurs en place. Au bout d’un an, le retour au droit commun renouera avec la situation d’emplois « inattractifs » de par leurs conditions globales.

L’effet d’aubaine pour les employeurs n’est pas à négliger et le dispositif ne garantit pas des emplois durables non précaires.

À des emplois vacants, nous préférons une démarche d’adaptation des emplois à ce public, voire des créations d’emplois aidants répondant aux besoins non couverts au plus près des territoires.

Faute d’expérimenter d’autres voies, comme un revenu garanti décent, des mesures concrètes à la levée des freins, des emplois utiles et adaptés, ce texte ne vaut que par son intention. Le groupe écologiste votera contre.

Applaudissements sur les travées des groupes GEST et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Martin Lévrier

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi du groupe Les Indépendants – République et Territoires, s’inspirant d’une initiative du département de l’Allier, vise, au travers de ses deux articles, à mettre en place une expérimentation pour quatre ans.

Il s’agirait de permettre, dans les départements volontaires, « aux allocataires du RSA de cumuler les revenus d’une activité salariée et le RSA pour une durée d’un an, afin de favoriser les démarches de retour à l’emploi et de les sécuriser ».

En octobre 2020, quelque 2, 07 millions de foyers étaient bénéficiaires du RSA et 4, 49 millions de foyers étaient éligibles à la prime d’activité. Près des deux tiers des bénéficiaires du RSA l’étaient depuis plus de deux ans.

La hausse des dépenses de RSA entre 2019 et 2020 se chiffre à 9, 2 %. De plus, à la fin de septembre 2020, le nombre de bénéficiaires de l’allocation de solidarité spécifique (ASS) s’élevait à 380 400 personnes, en hausse de 10, 7 % en cinq mois.

Ces quelques chiffres permettent de mieux cerner les publics ciblés par le présent texte.

L’intention – créer un dispositif venant compléter la palette d’outils existants – est louable. En outre, la commission a étoffé cette proposition de loi en dérogeant à la durée de travail hebdomadaire minimal et en suspendant le bénéfice de la prime d’activité. Toutefois, quel serait l’impact réel de ce texte pour les Français concernés ? Les membres de notre groupe s’interrogent pour quatre raisons.

Premièrement, le cumul entre RSA et salaire des saisonniers est déjà expérimenté dans de nombreux départements. Il permet aux bénéficiaires du RSA de continuer à percevoir l’allocation tout en ayant un salaire, pour une durée allant de deux à six mois selon les cas.

Ce cumul des revenus d’activité et du RSA s’est développé, tout particulièrement dans le contexte de pandémie de coronavirus. À cet égard, les départements utilisent leur droit à expérimenter afin d’atteindre un double objectif : assurer que l’accès à un emploi saisonnier ne mette pas en difficulté le salarié a posteriori et permettre aux secteurs en tension de trouver des personnes intéressées pour y travailler.

Deuxièmement, au sein de l’entreprise, une telle expérimentation crée un risque d’iniquité de taux horaire entre une personne employée via le dispositif, cumulant ainsi un salaire lié au contrat de 15 heures avec le RSA, et un autre employé dont le salaire est calculé uniquement sur la base de 35 heures. Cette situation, qui peut être source de tensions au sein des entreprises, doit être prise en compte.

Troisièmement, ce texte ne prévoit pas de suivi particulier pour les personnes visées par le dispositif, hormis celui imaginé à la genèse du RSA et renforcé sous ce quinquennat. Or, si le but est de favoriser le retour dans l’emploi des bénéficiaires du RSA, il aurait semblé pertinent d’assurer le maintien de ces derniers dans l’emploi.

En outre, la proposition de loi ne prévoit pas de mécanisme transitoire assurant la poursuite de l’emploi pour les bénéficiaires. Très concrètement, si, dans le cas du CDD d’un an, le dispositif se termine en même temps que le contrat, aucun outil n’est prévu pour s’assurer que le salarié ne perd pas les bénéfices de l’expérimentation en s’éloignant de l’emploi.

Quatrièmement et enfin, d’autres mesures ayant le même but sont déjà mises en œuvre. Je pense notamment au dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée », dont nous avons voté l’extension il y a quelques mois dans cet hémicycle, conformément aux vœux de notre groupe ; au service public de l’insertion et de l’emploi (SPIE) ; aux 150 000 parcours emploi compétences (PEC) que l’État envisage de déployer en 2021 ; ou encore à l’insertion par l’activité économique (IAE).

Notre groupe a toujours été très favorable aux initiatives locales, car elles se révèlent souvent pertinentes ; mais les raisons que je viens d’énumérer, couplées à l’affaiblissement de l’articulation entre le RSA et la prime d’activité et à une politique difficile à chiffrer, nous conduiront, pour la plupart d’entre nous, à nous abstenir !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Fialaire

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi revient aux sources de la création du RSA en 2008 et notamment à son objectif initial : promouvoir les « solidarités actives ».

Différentes mesures ont visé à éliminer les désincitations à l’emploi et à faire en sorte que le travail paie davantage que l’inactivité. Mais, si l’articulation de la prime d’activité avec le RSA est vertueuse – elle permet d’éliminer l’essentiel des « trappes à inactivité » –, la logique incitative n’a pas été atteinte.

Les bénéficiaires du RSA, majoritairement sans emploi, ont pour la plupart plus d’un an d’ancienneté en tant qu’allocataires. Or, plus cette ancienneté s’allonge, moins ils ont de chances de s’en sortir.

Au préalable, ce dispositif s’inspire d’une initiative menée par le département de l’Allier. Nous ne pouvons que nous réjouir de la vitalité de nos territoires, qui agissent comme force de proposition : toutes les expérimentations venant du terrain sont intéressantes et méritent que l’on s’y attarde, en particulier en matière d’insertion professionnelle. Il s’agit là d’un parfait exemple de la différenciation promise dans le futur projet de loi 4D, qui se fait décidément attendre.

Pour ce qui concerne la proposition de loi en elle-même, le constat dressé par M. le rapporteur fait consensus : la peur de perdre les aides, notamment le RSA, compromet le retour à l’emploi.

Ce texte permet ainsi de mieux soutenir la transition des allocataires du RSA vers l’emploi : ces derniers pourraient être embauchés par des entreprises tout en conservant le bénéfice de leur allocation pendant une durée d’un an.

Le coût du dispositif serait compensé par l’État, sans reste à charge des départements, qui, en majorité, sont asphyxiés financièrement.

Ce dispositif viendrait compléter les mécanismes existants – je pense notamment à l’initiative « territoires zéro chômeur de longue durée », sur laquelle nous avons récemment eu l’occasion de nous prononcer – et favoriserait la démarche d’insertion des bénéficiaires.

Cette proposition de loi a également bénéficié des apports de la commission des affaires sociales, qui a notamment remplacé la condition de privation d’emploi par une condition d’ancienneté minimale d’un an dans le RSA pour cibler un public réellement en difficulté.

De même, la suspension du bénéfice de la prime d’activité pendant la période de maintien du RSA permettra de limiter les éventuelles distorsions introduites par le dispositif.

Je salue donc ce texte, qui contient plusieurs avancées. Si François Mitterrand disait, en son temps, que « contre le chômage on a tout essayé », cette proposition de loi est bien la preuve que nous pouvons encore agir pour favoriser l’insertion dans l’emploi des chômeurs de longue durée.

Après le revenu minimal d’insertion (RMI) de Michel Rocard, à l’origine, puis le RSA de Martin Hirsch, cette expérimentation est un pas de plus dans cette démarche solidariste qui puise son inspiration chez Léon Bourgeois, dans l’esprit d’un « quasi-contrat ». Tout ce qui encouragera la contribution volontaire des bénéficiaires du RSA pour reprendre un rôle plus actif dans la société leur permettra de retrouver une dignité de citoyen engagé !

Avec un certain nombre de mes collègues du groupe du RDSE, je voterai donc pour cette proposition de loi quand d’autres s’abstiendront, en attendant que le Gouvernement reprenne le dispositif !

Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Cathy Apourceau-Poly

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi du groupe Les Indépendants – République et Territoires vise à expérimenter un mécanisme d’incitation au retour à l’emploi des bénéficiaires du revenu de solidarité active. Elle s’inspire d’une expérimentation menée dans le département de l’Allier, où les bénéficiaires du RSA peuvent travailler 15 heures par semaine sans perte des allocations du RSA.

Cette proposition de loi nous pose trois problèmes principaux.

Premièrement, elle repose sur un postulat biaisé : les bénéficiaires du RSA n’effectueraient pas les démarches pour retrouver un emploi alors qu’il leur suffirait de « traverser la rue »…

En comparant le nombre d’offres d’emploi et le nombre de bénéficiaires du RSA, la proposition de loi reprend le mythe d’un vivier d’emplois disponibles. En réalité, les intentions d’embauche ne sont pas les postes actuellement vacants. Selon la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), seulement 185 000 emplois étaient vacants au quatrième trimestre 2020.

De surcroît, un poste vacant n’est pas forcément pourvu par un chômeur. Selon les chiffres de Pôle emploi, la moitié des offres concernées sont retirées faute de besoins et 25 % des emplois proposés sont attribués en interne : en réalité, seulement 25 % des offres ne trouvent pas de candidat, soit 46 000 postes disponibles pour 2 millions de bénéficiaires du RSA en décembre 2020.

Deuxièmement, cette proposition de loi ne permet pas de faire sortir les bénéficiaires du RSA de la précarité. Avec un CDD de 15 heures de travail par semaine, il leur sera toujours impossible d’obtenir un prêt bancaire ou un logement.

En permettant de déroger à la durée hebdomadaire minimale de travail de 24 heures, vous aggravez les inégalités sociales et particulièrement les conditions de travail des femmes. En effet, ce sont elles qui subissent majoritairement les contrats courts dans le secteur des métiers du lien social.

Troisièmement et enfin, cette proposition de loi n’apporte aucune solution d’accompagnement et de formation pour les bénéficiaires du RSA éloignés de l’emploi. Pourtant, ce chantier devrait être la priorité.

Alors que la France dénombre actuellement 6 millions de chômeurs, l’État doit mobiliser les moyens humains et financiers nécessaires pour permettre à Pôle emploi de remplir sa mission de formation et de réinsertion. Plutôt que de réformer l’assurance chômage en réduisant les droits des chômeurs, le Gouvernement devrait s’attaquer au non-recours au RSA, dont le taux est estimé à 36 %. Ce phénomène représente plus de 3, 6 milliards d’euros de prestations non versées.

En reprenant le vieux refrain cher à la droite – « les pauvres sont responsables de leur situation » –, vous stigmatisez les personnes qui survivent avec les minima sociaux. N’oublions pas que l’on parle de 565, 34 euros par mois pour une personne. Qui peut vivre dignement avec une telle somme ? Qui ?

Plutôt que de culpabiliser les bénéficiaires du RSA pour les faire travailler 15 heures par semaine, aidons-les concrètement à se former et à retrouver de la mobilité.

Dans son rapport sur l’état de la pauvreté en 2020, le Secours catholique défend l’idée d’un revenu minimum garanti équivalant à 50 % du revenu médian, soit 893 euros par mois.

Cette proposition de loi va à l’encontre des attentes des bénéficiaires du RSA qui ont basculé dans l’extrême pauvreté depuis des années, alors même que leur nombre se multiplie ces derniers temps. Ils demandent un filet de sécurité qui les protège réellement et des solutions d’accompagnement individualisées pour retrouver un emploi durable.

Nous voterons contre cette proposition de loi !

Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi du président Claude Malhuret traduit, avant tout, une initiative locale.

Proposé par le département de l’Allier avec le soutien de plus de soixante entreprises, ce dispositif pourrait bénéficier à de nombreux départements volontaires, qui, du fait de la crise sanitaire, connaissent une hausse importante du nombre d’allocataires du RSA. Il s’appuie sur l’ingéniosité, l’expérience et le savoir-faire des acteurs locaux, confrontés quotidiennement aux difficultés de retour à l’emploi d’un grand nombre de bénéficiaires du RSA.

L’objectif est simple : faciliter la rencontre entre les entreprises locales qui ont des difficultés à recruter et les allocataires du RSA volontaires, qui s’engagent dans une démarche de retour vers l’emploi durable.

En la matière, il n’y a ni science exacte ni remède miracle. De nombreux dispositifs d’insertion existent, applicables selon le degré d’éloignement de l’emploi.

D’un côté, il y a le dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée », fruit d’une initiative d’ATD Quart Monde, ainsi que l’IAE au sein d’entreprises d’insertion, d’ateliers, de chantiers ou d’associations dédiés. Ces dispositifs s’adressent aux personnes très éloignées de l’emploi, qui ont besoin d’une période d’adaptation dans des structures à caractère social avant une éventuelle insertion dans les entreprises existantes.

De l’autre côté, la prime d’activité versée par l’État offre un complément de salaire progressif et pérenne aux personnes les moins éloignées de l’emploi qui retrouvent un travail, ainsi qu’à l’ensemble des salariés à faibles revenus.

En revanche, dans le droit actuel, nous n’avons pas de dispositif incitatif pour les personnes au RSA depuis au moins un an, éloignées de l’emploi et pour qui, sans être inatteignable, le retour vers l’emploi est plein d’ambiguïté. Les intéressés vont certes retrouver un travail ; mais ils vont rapidement perdre une grande partie de leurs allocations et des tarifs sociaux dont ils bénéficiaient. Cette situation s’observe en particulier dans le cadre des contrats à temps partiel, qui ont pourtant l’intérêt de permettre une reprise progressive du travail.

Aussi, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à sécuriser financièrement les reprises d’activité au sein des entreprises locales pour ces personnes, en leur permettant de conserver leur allocation pendant la première année de retour à l’emploi.

Pour limiter les distorsions, nous proposons de plafonner ce cumul à un certain montant, qui pourra être défini par décret.

De plus, pour éviter les effets d’aubaine, nous prévoyons de restreindre l’accès du dispositif aux volontaires qui sont au RSA depuis au moins un an.

Au cours de cette année de cumul, le bénéficiaire continuera à percevoir le montant du RSA ainsi que les droits connexes ouverts par l’allocation, notamment un certain nombre d’aides attribuées par les collectivités territoriales, comme les tarifs préférentiels pour emprunter les transports en commun et les tarifs sociaux de cantine scolaire.

L’intérêt du dispositif est d’offrir une stabilité financière au futur salarié pour lui permettre d’organiser le plus sereinement possible son retour à la vie active. À l’issue de cette première année, il pourra bénéficier d’un parcours emploi compétences et de la prime d’activité, complément de revenus modeste, mais pérenne et progressif. Il s’agit d’articuler la prolongation temporaire du versement du RSA avec la prime d’activité afin de lisser dans le temps la sortie du RSA en limitant les distorsions.

Le financement du dispositif sera assuré conjointement par l’État et par les départements volontaires.

La force de cette expérimentation réside dans sa simplicité et dans sa lisibilité. Plus nous ajouterons de contraintes, pour le bénéficiaire comme pour l’entreprise, plus le dispositif sera complexe et moins il aura de chances d’aboutir.

Mes chers collègues, je vous invite à voter cette proposition de loi adoptée par la commission des affaires sociales.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Segouin

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, près de quinze ans après sa création, le RSA fait toujours autant parler de lui.

En 2007, lorsqu’il a été pérennisé par la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi TEPA, le RSA a fait l’objet de lourdes critiques venues des bancs de la gauche, accusant la droite d’enfermer les Français les plus défavorisés dans la précarité. Or, quatorze ans plus tard, cette même gauche accapare le RSA pour l’ériger en totem inviolable ne pouvant ni recevoir de critiques ni faire l’objet d’améliorations : on l’a encore constaté ce matin.

Madame le ministre, souvenez-vous de la polémique que nous avons connue lorsqu’Édouard Philippe, alors Premier ministre, a repris l’idée d’une contrepartie au RSA. Cette idée avait déjà été formulée par Laurent Wauquiez en 2011 et elle lui avait également valu un flot de critiques.

Chers collègues du groupe Les Indépendants, c’est donc avec un certain courage – il faut le reconnaître – que vous nous présentez cette proposition de loi ! Sur le principe, je soutiens votre démarche, même si, à mon sens, vous auriez pu aller encore plus loin. Permettez-moi aussi de suggérer quelques pistes d’amélioration du RSA, que j’estime aujourd’hui dépassé.

Le RSA a pour but de maintenir les Français les plus pauvres dans la dignité : il n’a pas vocation à enfermer une partie de nos concitoyens dans la précarité.

J’ajoute que, même si elle passe par un revenu minimum, la dignité n’a pas l’argent pour seul gage. Les bénéficiaires du RSA eux-mêmes me le disent : l’argent, c’est bien, mais la reconnaissance aide aussi beaucoup au retour vers l’emploi. Or qu’est-ce qui apporte plus de reconnaissance et d’épanouissement que le travail et l’activité ?

Le RSA doit être une rampe vers l’emploi. Il doit impliquer une activité, y compris bénévole. Celle-ci sera toujours formatrice et épanouissante pour le bénéficiaire. En outre, elle lui permettra d’avoir des contacts au quotidien et, par voie de conséquence, une vie sociale.

La contrepartie d’activité au RSA est aussi une question de justice et de mérite. Si le dicton nous rappelle que « tout travail mérite salaire », le bon sens nous rappelle également que tout salaire ou revenu implique travail !

Alors même que le budget de notre pays est mis à mal, il faut le dire et le répéter : il est plus que temps de revoir la redistribution de l’argent public, qui n’est autre que l’argent du contribuable.

J’y insiste, la logique est non seulement financière, mais aussi et surtout humaine, et j’en suis intimement persuadé : il y va de la dignité des bénéficiaires. Il faut des contreparties obligatoires au RSA, comme quelques heures d’action civique ou d’œuvres d’intérêt général par semaine. Elles permettent de garder une activité, une sociabilité, d’acquérir de nouvelles compétences ou appétences. Elles évitent aux allocataires de sombrer dans le cercle infernal de la précarité pécuniaire et morale.

Mes chers collègues, nous devons en prendre conscience : percevoir un minimum social sans contrepartie, c’est comme recevoir l’obole. §Certains s’en satisfont, mais la grande majorité trouve cela dégradant et méprisant.

C’est bien à force de subir le mépris que les Français les plus défavorisés sont allés sur les ronds-points pour montrer qu’ils existent, pendant la crise des « gilets jaunes ». Voilà ce que nous devons voir, voilà ce qu’il faut changer.

Je voterai ce texte, mais je le considère comme le point de départ d’une réflexion plus profonde sur l’aide sociale dans notre pays. Cette dernière doit être à la fois financière et humaine : elle doit assister les Français les plus précaires tout en les encourageant à sortir de la pauvreté au lieu de les y enfermer !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La discussion générale est close.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures cinquante.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à treize heures vingt, est reprise à quatorze heures cinquante, sous la présidence de M. Georges Patient.