Intervention de Claude Malhuret

Réunion du 15 avril 2021 à 10h30
Retour à l'emploi des bénéficiaires du rsa — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Claude MalhuretClaude Malhuret :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la pauvreté est un enchaînement de privations matérielles et financières, de mécanismes d’exclusion accidentels ou conjoncturels, qui conduisent beaucoup de nos concitoyens à vivre sur le fil du rasoir avec seulement quelques heures de travail ou, parfois, sans travail du tout.

La crise sanitaire à laquelle nous sommes confrontés depuis plus d’un an maintenant rend plus critiques encore toutes les inégalités : inégalités en termes de santé, de logement, d’alimentation et de travail. Nous constatons quotidiennement la précarisation d’une partie des Français.

À cette précarité, il n’existe pas d’antidote, et aucun vaccin ne pourra mettre un terme. Mais, chaque jour, des initiatives sont prises par des collectivités locales, des entreprises, des associations à la recherche de solutions et d’idées nouvelles pour permettre aux millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté de retrouver le chemin de l’espoir.

Cet espoir, pour beaucoup, se résume en trois mots : retrouver du travail.

La situation financière d’un quart des Français s’est dégradée : environ 2 millions de personnes sont désormais allocataires du RSA. Plus que jamais, la société et les acteurs qui la composent proposent des solutions pragmatiques pour aider des milliers de personnes à retrouver rapidement un travail.

Le texte que je vous propose s’inscrit dans cet état d’esprit. Il résulte d’une initiative du département de l’Allier, qui souhaite mettre en œuvre ce dispositif, et est soutenu par plusieurs conseils départementaux. Une enquête réalisée auprès des entreprises de l’Allier par les services du département a suscité un grand nombre de réponses positives de chefs d’entreprise favorables à son expérimentation.

La situation que nous vivons est paradoxale : d’un côté, nous observons une hausse du nombre de bénéficiaires du RSA ; de l’autre, les entreprises locales ont de grandes difficultés à recruter. Nous souhaitons favoriser les rencontres entre les mondes économique et social, en privilégiant l’insertion par le travail, notamment dans le réseau existant des TPE et PME.

Cette approche n’est en aucun cas opposée à celle des dispositifs d’insertion par l’activité économique au sein d’entreprises sociales et solidaires, adaptées aux personnes les plus éloignées de l’emploi. Elle est au contraire tout à fait complémentaire.

Actuellement, une personne sans emploi qui arrive en fin de droits et perd son allocation chômage perçoit le RSA. Elle bénéficie aussi des aides personnalisées au logement (APL) et d’un ensemble de droits connexes, tels que la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C), l’accès à des tarifs sociaux pour l’électricité, la cantine scolaire ou les transports. Lorsque cette même personne retrouve un travail, elle perd très rapidement une grande partie, voire la totalité du RSA au profit de son nouveau salaire et de la prime d’activité, soit 200 euros par mois en moyenne.

La perte des minima sociaux et des droits connexes n’est compensée qu’en partie, notamment pour les contrats à temps partiel, par la prime d’activité. Avec le dispositif que je vous propose, cette même personne pourra conserver son RSA la première année au cours de laquelle elle reprendra une activité dans la limite d’un plafond fixé par décret, afin que le gain lié au travail soit sans ambiguïté.

Prolonger le versement du RSA permettra également à son bénéficiaire de continuer à disposer d’un accompagnement social et de possibilités de formation. À la sortie du dispositif, après un an de reprise à temps partiel, celui-ci pourra poursuivre son parcours d’insertion avec un contrat à temps plein dans le cadre d’un parcours emploi compétences (PEC), notamment en percevant la prime d’activité versée par l’État.

L’Allemagne, le Portugal, le Luxembourg ont fait le choix de réviser annuellement les droits aux minima sociaux. Dans le paysage européen, seules l’Estonie et la Lituanie, au côté de la France, actualisent ces droits tous les trois mois. Ce que nous proposons est donc déjà mis en place dans de nombreux pays européens et semble faire la preuve de son efficacité.

On n’enlève pas une béquille à une personne longtemps immobilisée qui vient tout juste de se remettre à marcher. Mieux vaut lui laisser la possibilité de s’en servir jusqu’à ce que sa démarche plus assurée lui permette de se mouvoir librement, sans cette aide. Le principe de cette expérimentation est le même.

Le dispositif proposé a le mérite d’être simple et lisible : il encourage sans ambiguïté la reprise d’activité à temps partiel de travailleurs demeurés longtemps sans emploi.

J’ai bien conscience que de nombreuses initiatives ont été menées en matière d’insertion, et je ne prétends pas avoir la science infuse ou détenir le remède miracle. C’est la raison pour laquelle je ne vous propose pas une solution clé en main, applicable d’emblée à l’ensemble de notre pays, mais une expérimentation locale qui fera l’objet d’un bilan rigoureux. Nous pourrons ainsi décider, en toute objectivité, s’il convient de généraliser cette expérimentation ou de chercher d’autres solutions.

Aux côtés des services de l’État et des associations, les départements et les entreprises sont des acteurs essentiels de la lutte contre l’exclusion. Grâce aux efforts conjugués de chacun, nous pouvons aider des milliers de personnes vivant bien en deçà du seuil de pauvreté à retrouver un travail, à acquérir de nouveaux savoir-faire et savoir-être, et à bâtir pour elles-mêmes et pour leurs familles un nouvel avenir.

Pour faciliter les initiatives des départements volontaires et, surtout, dans l’intérêt des personnes qui pourraient en bénéficier et voir leurs conditions de vie s’améliorer de manière durable, leur dignité retrouvée par le travail, je vous invite à voter cette proposition de loi.

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