Intervention de Brigitte Bourguignon

Réunion du 15 avril 2021 à 10h30
Retour à l'emploi des bénéficiaires du rsa — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Brigitte Bourguignon :

J’en suis désolée !

D’une part, en effet, la valeur ajoutée de ce texte en matière de cumul RSA-revenu d’activité est limitée – j’y reviendrai – ; d’autre part, cette expérimentation, si elle venait à être pérennisée, conduirait à affaiblir la cohérence du dispositif actuel, qui se fonde sur l’articulation entre le RSA et la prime d’activité. Elle pourrait même avoir des effets contre-productifs pour les bénéficiaires.

Comme vous le savez, les départements ont d’ores et déjà la possibilité de mettre en œuvre des dispositifs permettant le cumul du RSA avec un revenu d’activité. C’est tout l’objet, d’ailleurs, des dispositions prévues par le code de l’action sociale et des familles qui, je le rappelle, permettent au département de définir les conditions de versement du RSA et de fixation de son montant plus avantageuses que celles qui sont fixées par la loi et de créer une prestation sociale supplémentaire pouvant être définie par rapport au RSA.

Plusieurs départements ont ainsi mis en place de tels dispositifs avant la crise sanitaire, et cette tendance s’est renforcée avec celle-ci. C’est le cas, notamment, de la Gironde, de la Dordogne ou encore du Loir-et-Cher, qui ont permis le cumul du RSA et de revenus d’activité, principalement dans le secteur agricole, afin de faire face, par exemple, à la pénurie de main-d’œuvre saisonnière.

Vous le comprendrez, la souplesse qu’accorde le cadre juridique actuel permet la mise en place de mesures qui tiennent compte des réalités, des besoins, des enjeux locaux.

L’expérimentation que vous proposez d’inscrire dans la loi a donc une valeur ajoutée plus limitée, en permettant seulement le financement du cumul par l’État.

Or nous proposons une expérimentation plus ambitieuse dans le cadre du projet de loi 4D, qui sera examiné par le Sénat au mois de juillet, puisqu’elle vise à recentraliser le financement du RSA afin de dégager des marges de manœuvre en matière d’orientation et de recentralisation aux départements expérimentateurs.

Vous proposez en outre qu’il soit possible de déroger à la durée légale minimale de travail pour un contrat à temps partiel, avec le risque de favoriser ce type de contrat précaire sans motif valable.

Au-delà de ces réserves sur ces points, l’effet d’une expérimentation serait, quoi qu’il en soit, éloigné de l’importance qui s’attache à ce sujet. Au contraire, pérennisée, elle pourrait nuire à l’efficacité des dispositifs actuels et avoir des effets contre-productifs.

Comme vous le savez, l’articulation du RSA et de la prime d’activité est pensée afin de garantir un dispositif lisible, incitatif à la reprise de l’activité. Chaque reprise est ainsi synonyme de gain pour les intéressés.

En suspendant l’octroi de la prime d’activité, ce dispositif créerait nécessairement des effets de seuil qui nuiraient à sa cohérence. Les intéressés pourraient n’avoir aucun intérêt financier à augmenter leur volume d’activité, voire perdre à l’issue de l’année.

Enfin, même si cela ne guide pas l’action publique, il ne faut pas négliger le fait que cette expérimentation se traduirait par un accroissement considérable des charges administratives et des coûts de gestion pour les services départementaux, déjà surchargés.

Mesdames, messieurs les sénateurs, sans attendre bien sûr la crise sanitaire, nous avons pris des mesures pour favoriser la reprise d’activité et pour accompagner les plus fragiles vers l’emploi, en lien étroit avec les départements. L’emploi reste le moyen le plus efficace pour prévenir le basculement dans la pauvreté et le meilleur moyen de s’en sortir. C’est le sens de notre engagement en matière d’insertion.

C’est pour cela que nous avons fait le choix de contractualiser avec les départements autour de l’accompagnement des bénéficiaires du RSA, et c’est pour cela que nous avons créé le service public de l’insertion et de l’emploi (SPIE), qui se déploie depuis le 1er janvier sous l’égide de Brigitte Klinkert.

L’État consacrera aussi 80 millions d’euros à la construction de ce service public. Nous soutenons les territoires qui renforcent la coordination des acteurs de l’insertion et de l’emploi : trente nouveaux territoires expérimentateurs viennent d’être retenus et nous ouvrirons ce soutien à trente-cinq territoires supplémentaires d’ici à 2022.

C’est aussi pour cela que nous avons mis sur la table un plan de relance d’une ampleur historique pour retrouver le rythme des créations d’emplois qui prévalait avant la crise : le renforcement des structures d’insertion par l’activité économique, les parcours emploi compétences ou les « territoires zéro chômeur de longue durée » sont autant de chantiers en cours.

Par ailleurs, laissez-moi rappeler que nous avons revalorisé de 90 euros la prime d’activité, ce qui a eu pour effet d’élargir le public éligible, mais aussi d’améliorer le taux de recours à cette prestation. C’est considérable.

Comme nous n’ignorons pas que notre système de soutien monétaire aux plus précaires souffre de certains défauts, nous avons engagé des travaux ambitieux sur la création d’un revenu universel d’activité (RUA), conformément à l’engagement du Président de la République.

Ces travaux, qui ont été suspendus du fait de la crise sanitaire, seront finalisés avant la remise d’un rapport public d’ici à la fin de l’année. Je ne doute pas que nous aurons encore l’occasion d’en débattre.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’aurez compris, le Gouvernement s’est engagé pour développer des parcours susceptibles de jouer pleinement le rôle de tremplin et de transition durable vers l’emploi, pour les plus précaires notamment. Il sait pouvoir compter sur les départements dans cette tâche. Le défi est grand, nous sommes prêts à le relever, et nous devons le relever.

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