Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les collectivités départementales, compétentes en matière d’insertion sociale et professionnelle des allocataires du RSA, ont multiplié les initiatives et expérimentations.
Notons tout d’abord que la baisse du taux de couverture par l’État de cette prestation de solidarité, malgré son caractère dynamique dont témoigne la hausse de 9 % des allocataires en 2020, contraint la part des budgets départementaux consacrée à l’accompagnement et à l’expérimentation. Je prends note, madame la ministre, qu’il est proposé de desserrer ces contraintes à l’avenir.
Notons aussi que les nombreuses expérimentations souffrent d’une quasi-absence d’évaluation sérieuse et la multiplication des initiatives sans réelle analyse de leurs impacts sociaux à moyen terme ne permet pas d’en tirer des enseignements.
Dans ce contexte, le texte que nous examinons aujourd’hui, même si l’on ne peut contester son objectif, s’appuie cependant sur des diagnostics biaisés, relevés par beaucoup de chercheurs et d’associations entendus en audition.
Le premier est l’analyse des freins principaux à la reprise d’une activité des allocataires.
Ceux-ci nous paraissent relever principalement non pas de la désincitation financière à une reprise d’emploi, sinon pour une extrême minorité, mais du cumul des difficultés objectives – santé, mobilité, qualification, logement –, obstacles auxquels s’ajoute un minimum monétaire trop bas qui maintient en situation de pauvreté, voire d’extrême pauvreté. Dès lors, un cercle vicieux s’installe, qui voit l’énergie de l’allocataire se concentrer non sur la sortie du dispositif, mais sur sa propre survie. La pauvreté monétaire : voilà la véritable trappe à la reprise de l’activité !
Garantir un revenu décent ouvre sur l’emploi, comme l’ont établi Esther Duflo et, depuis longtemps, les associations travaillant au plus près de ce public.
Ce que nous devrions expérimenter, c’est l’intensification d’un accompagnement global et personnalisé, levant les freins dits « périphériques », dès l’inscription, tout comme un revenu minimal qui garantirait les besoins fondamentaux pour retrouver la capacité à se projeter dans une activité.
Une majorité d’allocataires veulent retrouver leur place dans la société, au-delà du froid calcul financier que suppose cette proposition de loi, d’autant qu’un mécanisme de gain au travail existe déjà dans le dispositif de la prime d’activité, revalorisée dernièrement à la suite du mouvement des « gilets jaunes ». D’ailleurs, plus de 10 % des bénéficiaires de la prime d’activité sont au RSA.
Le deuxième biais est du côté de l’offre de travail. Cette proposition de loi s’appuie sur le projet consistant à faire correspondre des emplois vacants avec des allocataires remobilisés par un cumul prétendument plus incitatif que la prime d’activité.
Le problème est double : les emplois vacants souffrent souvent d’un problème structurel d’attractivité, puisqu’ils ne trouvent pas preneurs, y compris auprès des personnes sans difficultés particulières ; le dispositif les rend ainsi artificiellement et temporairement attractifs, en proposant de relever le taux horaire d’un temps partiel par ailleurs contraint par le SMIC, et risque de créer des distorsions avec les travailleurs en place. Au bout d’un an, le retour au droit commun renouera avec la situation d’emplois « inattractifs » de par leurs conditions globales.
L’effet d’aubaine pour les employeurs n’est pas à négliger et le dispositif ne garantit pas des emplois durables non précaires.
À des emplois vacants, nous préférons une démarche d’adaptation des emplois à ce public, voire des créations d’emplois aidants répondant aux besoins non couverts au plus près des territoires.
Faute d’expérimenter d’autres voies, comme un revenu garanti décent, des mesures concrètes à la levée des freins, des emplois utiles et adaptés, ce texte ne vaut que par son intention. Le groupe écologiste votera contre.