Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi du groupe Les Indépendants – République et Territoires, s’inspirant d’une initiative du département de l’Allier, vise, au travers de ses deux articles, à mettre en place une expérimentation pour quatre ans.
Il s’agirait de permettre, dans les départements volontaires, « aux allocataires du RSA de cumuler les revenus d’une activité salariée et le RSA pour une durée d’un an, afin de favoriser les démarches de retour à l’emploi et de les sécuriser ».
En octobre 2020, quelque 2, 07 millions de foyers étaient bénéficiaires du RSA et 4, 49 millions de foyers étaient éligibles à la prime d’activité. Près des deux tiers des bénéficiaires du RSA l’étaient depuis plus de deux ans.
La hausse des dépenses de RSA entre 2019 et 2020 se chiffre à 9, 2 %. De plus, à la fin de septembre 2020, le nombre de bénéficiaires de l’allocation de solidarité spécifique (ASS) s’élevait à 380 400 personnes, en hausse de 10, 7 % en cinq mois.
Ces quelques chiffres permettent de mieux cerner les publics ciblés par le présent texte.
L’intention – créer un dispositif venant compléter la palette d’outils existants – est louable. En outre, la commission a étoffé cette proposition de loi en dérogeant à la durée de travail hebdomadaire minimal et en suspendant le bénéfice de la prime d’activité. Toutefois, quel serait l’impact réel de ce texte pour les Français concernés ? Les membres de notre groupe s’interrogent pour quatre raisons.
Premièrement, le cumul entre RSA et salaire des saisonniers est déjà expérimenté dans de nombreux départements. Il permet aux bénéficiaires du RSA de continuer à percevoir l’allocation tout en ayant un salaire, pour une durée allant de deux à six mois selon les cas.
Ce cumul des revenus d’activité et du RSA s’est développé, tout particulièrement dans le contexte de pandémie de coronavirus. À cet égard, les départements utilisent leur droit à expérimenter afin d’atteindre un double objectif : assurer que l’accès à un emploi saisonnier ne mette pas en difficulté le salarié a posteriori et permettre aux secteurs en tension de trouver des personnes intéressées pour y travailler.
Deuxièmement, au sein de l’entreprise, une telle expérimentation crée un risque d’iniquité de taux horaire entre une personne employée via le dispositif, cumulant ainsi un salaire lié au contrat de 15 heures avec le RSA, et un autre employé dont le salaire est calculé uniquement sur la base de 35 heures. Cette situation, qui peut être source de tensions au sein des entreprises, doit être prise en compte.
Troisièmement, ce texte ne prévoit pas de suivi particulier pour les personnes visées par le dispositif, hormis celui imaginé à la genèse du RSA et renforcé sous ce quinquennat. Or, si le but est de favoriser le retour dans l’emploi des bénéficiaires du RSA, il aurait semblé pertinent d’assurer le maintien de ces derniers dans l’emploi.
En outre, la proposition de loi ne prévoit pas de mécanisme transitoire assurant la poursuite de l’emploi pour les bénéficiaires. Très concrètement, si, dans le cas du CDD d’un an, le dispositif se termine en même temps que le contrat, aucun outil n’est prévu pour s’assurer que le salarié ne perd pas les bénéfices de l’expérimentation en s’éloignant de l’emploi.
Quatrièmement et enfin, d’autres mesures ayant le même but sont déjà mises en œuvre. Je pense notamment au dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée », dont nous avons voté l’extension il y a quelques mois dans cet hémicycle, conformément aux vœux de notre groupe ; au service public de l’insertion et de l’emploi (SPIE) ; aux 150 000 parcours emploi compétences (PEC) que l’État envisage de déployer en 2021 ; ou encore à l’insertion par l’activité économique (IAE).
Notre groupe a toujours été très favorable aux initiatives locales, car elles se révèlent souvent pertinentes ; mais les raisons que je viens d’énumérer, couplées à l’affaiblissement de l’articulation entre le RSA et la prime d’activité et à une politique difficile à chiffrer, nous conduiront, pour la plupart d’entre nous, à nous abstenir !