Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si nous sommes réunis dans cet hémicycle pour évoquer le CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement – accord économique et commercial global), ce n’est malheureusement pas sur l’initiative du Gouvernement. Non, chers collègues, c’est le groupe CRCE qui vous y invite, et ce pour la deuxième fois après le débat que nous avons organisé ici même, en novembre 2018, un an après la mise en application provisoire de cet accord !
Depuis trois ans, des parlementaires de presque tous les groupes qui composent cet hémicycle ont demandé au Gouvernement des précisions sur ce traité et sa date de ratification. Nous pensons que le Sénat a été assez patient. C’est la raison pour laquelle nous avons pris cette initiative.
Cela étant, je veux que chacun entende une chose : en tant que groupe minoritaire et d’opposition, nous n’avons que deux niches par an, c’est-à-dire l’équivalent de quatre textes. Vous avouerez que c’est peu, car, comme vous, mes chers collègues, nous fourmillons d’idées – pas les mêmes, j’en conviens. Pourtant, nous avons décidé de prendre nos responsabilités et de consacrer à ce texte un de nos rares espaces. Nous ne nous résignons pas comme vous à ce déni démocratique constaté et évident.
Puisque nous sommes empêchés de débattre par le Gouvernement, le groupe CRCE met son espace à votre disposition avec cette proposition de résolution invitant le Gouvernement à envisager la poursuite de la procédure de ratification du CETA. De nombreux collègues nous ont interpellés sur cette formulation quelque peu alambiquée. Je souhaite vous en expliquer les raisons en toute transparence.
Notre proposition a dû être remaniée trois fois avant que le Gouvernement, fort tatillon sur la manière dont nous osions nous adresser à lui, ne daigne l’accepter et en valider la mise à l’ordre du jour dans cette niche parlementaire. Certes, c’est au Gouvernement et non au Parlement que revient l’initiative de la procédure de ratification, et nous savons que le Parlement ne peut pas enjoindre le Gouvernement. Pourtant, avec cette proposition de résolution, nous cherchions non pas à empiéter sur ses pouvoirs, mais à faire respecter nos institutions, la Constitution, le processus démocratique et la compétence du Sénat, qui, je le rappelle, n’est ni optionnelle ni consultative.
Il est tout de même assez surprenant, monsieur le ministre, que le Gouvernement, qui bafoue le droit du Parlement, s’insurge lorsque celui-ci ose lui rappeler de respecter notre institution et la Constitution. En somme, non seulement nous ne sommes pas consultés, mais en plus rogne-t-on sur toute proposition que nous faisons.
Peut-être que ces trois refus visaient à nous faire abandonner. Raté ! C’était mal connaître notre volonté et notre détermination. Si cette proposition de résolution vous déplaisait tant, il eût été plus aisé et plus clair, plutôt que d’ergoter sur sa formulation, de donner directement au bureau du Sénat le calendrier de la procédure de ratification du CETA !
Je rappelle également, puisque cela semble nécessaire, l’article 53 de notre Constitution, qui dispose que ces traités « ne peuvent être approuvés ou ratifiés qu’en vertu d’une loi ». La ratification est de fait soumise au vote du Parlement ; un Parlement qui, en France, est bicaméral.
En agissant de la sorte, force est de constater que le Gouvernement donne l’impression de considérer que l’avis, les débats et le vote de la Haute Assemblée n’importent guère ; seule compterait donc pour lui l’Assemblée nationale sous la Ve République ?
Le Parlement est sans cesse contourné ou malmené. C’est le révélateur d’une crise plus profonde de nos institutions. Depuis 2017, date à laquelle je suis devenu parlementaire, je n’ai connu que la procédure accélérée. D’ailleurs, j’aurais bien du mal à expliquer la procédure normale à cette tribune, puisque je ne sais pas en quoi consiste la deuxième lecture, dont on m’a pourtant dit qu’elle était très utile pour bien rédiger la loi…